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Eclipse de Lundwing



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Informations

» Auteur : Lundwing - Voir le profil
» Créé le 27/10/2016 à 01:49
» Dernière mise à jour le 30/10/2016 à 22:58

» Mots-clés :   Drame   Slice of life

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Les racines de l'ombre
Si on lui avait dit quelques mois auparavant qu’il ne fait pas bon vivre à Alola, Jack aurait certainement rigolé au nez de la personne avant de faire un comparatif de vols pour trouver le billet le moins cher possible. Effectivement, la police nationale vous accordait votre mutation dans un archipel paradisiaque dont la réputation n’était plus à faire. Mais encore fallait-il se montrer respectueux et ne pas abuser de leur soudaine bienveillance en prenant un vol de luxe. Déjà cela pourrait agacer les plus hauts gradés que vous mais aussi les collègues qui lorgnent tellement sur votre changement d’affectation que certaines personnes au demeurant amicales le deviennent subitement beaucoup moins. La nature humaine est ce qu’elle est après tout, un rien peut la faire changer. Jack estimait que dans son cas, il restait plutôt ancré dans son principal leitmotiv : ne pas juger la personne. Cela lui procurait une certaine tranquillité d’esprit et généralement, les gens, face à ce manque de combativité, lâchaient prise.

A Alola, il pensait au départ être bien tombé. Beaucoup de personnes ont adopté cette philosophie comme mode de vie et cela lui convenait tout à fait. Mais c’était sans compter qu’il allait vivre sur une île. Le gros désavantage d’un tel lieu est que le nombre de personnes à rencontrer est relativement bas. Si l’on prend en plus en compte les remarques formulées précédemment, il ne restait pas beaucoup de personnes avec qui discuter. Et c’est ce sentiment de solitude, d’abord nouveau puis devenant de plus en plus familier, qui continuait de le ronger petit à petit, comme un acide corrodant inéluctablement avec une infinie patience tout espoir de nouer un quelconque nouveau lien avec qui que ce soit. Les insulaires n’aiment pas que les métropolitains s’installent chez eux. Et c’est bien compréhensible : la période de colonisation n’était pas si éloignée que cela, à peine une centaine d’années. Un projet d’annexation du territoire par la force qui n’avait eu absolument aucun bénéfice sur le court et le long terme, que ce soit pour un camp ou l’autre.

Était-ce le mobile du meurtre du colonel Goodwin, l’autre personne tué il y a cela six mois ? Même si les atrocités commises lors de l’occupation continuent de nourrir la rancœur des habitants de l’archipel, il avait vécu assez de temps pour savoir que les aloliens ne s’inscrivaient pas dans une logique de vendetta. Ce n’était pas dans leur culture. Malheureusement, leur mépris était tel qu’ils refusaient ostensiblement de coopérer avec la police locale et il était encore plus facile de rendre énergique un Parecool que de leur soutirer la moindre information aussi viable et valable qu’elle soit. Alors, pour Jack, faire son métier dans des conditions pareilles lui demandait un effort supplémentaire important, en plus des autres soucis personnels qu’il avait à gérer. Fiona lui avait conseillé il y a quelques temps que cela d’essayer d’adopter un pokémon, n’importe lequel. Après tout, il y en avait tellement qu’un de moins ne provoquerait pas un déséquilibre important de l’écosystème. Les pokémons n’ont jamais été trop son truc, en particulier, ceux qui crachaient des flammes. Il y avait des souvenirs qu’il valait mieux enfouir au plus profond de soi auquel cas la plus chaude et ensoleillée des journées aurait eu tôt fait de devenir sinistre et insipide. Non, il avait un autre genre d’aide. Du coin de l’œil, il vit ses psychotropes et se demandait si un jour, il pourrait s’en séparer ou pas. Il lui faudrait du temps lui avait dit le médecin de l’île. Le malaise ne faisait que s’amplifier jour après jour.

Mais bon, tout n’était pas si noir car le désespoir n’a de raison d’être que si l’espoir nait. Il y avait au moins un endroit où Jack aimait se rendre : au café de Mauricio. C’était un chic type, qui eut tôt fait de le prendre sous son aile et d’essayer de l’intégrer à la communauté de l’île. Et le café était de loin le meilleur qu’il n’avait jamais goûté. Lorsqu’il poussa les battants de bois servant de porte d’entrée à son enseigne, une douce mélopée faite de ukulélé et rythmée au son du pahu emplit ses oreilles et lui donnait vraiment l’impression qu’il pouvait laisser à la porte d’entrée tous ses soucis et tracas. Il était la bienvenue dans ce café et ses traits, plutôt fermés, se détendirent tout de suite.

« Alola Mauricio.
- Alola Jack. Comme d’habitude ?
- Très bien, merci. »

Il ressortit et s’installa à la terrasse du café. A une table à côté se trouvait une femme toute de blanc vêtue, qui semblait autant prendre du plaisir qu’elle à admirer le remous des vagues. Elle avait des cheveux légèrement ondulés, dont la rousseur se reflétait harmonieusement avec son collier qu’elle portait autour du cou. Elle portait des lunettes de soleil et semblait particulièrement fascinée par les allées et venues des gardiens du littoral partis chasser le Denticrisse. Ces créatures avaient depuis peu envahi les côtes et provoquaient un tel trouble de l’écosystème qu’il fallait absolument agir. Visiblement, on enjoignait même les dresseurs en herbe à aider à la tâche, promettant récompense contre aide à la capture de ces nuisances. Et qui finançait tout cela ? La fondation Aether, bien évidemment.

Jack n’avait jamais aimé toutes ces ONG qui se prenaient pour des bons samaritains. Son expérience du métier lui montrait qu’à chaque fois c’était pour camoufler l’accumulation honteuse de pots-de-vins toujours plus grossiers et importants jusqu’à ce que les comptes en banque craquent de tous les côtés et déversent à la cour des comptes un tas d’immondices financiers. Le commissaire était persuadé que pour eux aussi, cela devait être pareil. N’empêche, ce serait bête que cette femme travaille pour cette organisation, elle avait un si joli minois qu’il serait dommage de le retrouver derrière les barreaux. Cette femme exerçait en lui une attirance telle que Jack sursauta presque lorsque sa tasse de café lui fut servie. Mauricio, ayant compris ce qui s’était passé, ne put s’empêcher de lui faire un petit clin d’œil malicieux avant de prendre une chaise et de s’asseoir devant lui, la mine amusée.

« Sale crapule. Je n’ai pas besoin de toi pour boire mon café, laisse-moi.
- Bois-le, j’ai besoin de savoir si mon café est encore assez bon pour faire chavirer ton cœur.
- Je me demande si ton oncle aurait aimé dire ça à Leane. »

A la sortie de cette phrase au combien innocente, le visage de Mauricio se durcit. Visiblement ses paroles anodines venaient de faire mouche, si bien qu’il allait partir quand la main de Jack l’agrippa par le bras. Ses prunelles noirâtres toisent à présent avec une gravité nouvelle le gérant du café repenant rapidement contenance avant de s’asseoir à nouveau, à côté de lui cette fois-ci. La jolie inconnue était à nouveau en vue et ne sembla pas avoir cillé suite à cette petite altercation. Parfait.

« J’en sais un peu plus et comme tu es un ami, j’ai pensé que je te devais au moins cela. Je pense que ton oncle ne s’est pas suicidé, comme le rapport d’autopsie le laissait entendre. Je crois qu’il a été tué et je pense savoir pourquoi.
- Je t’écoute. »

La voix de Jack était blanche bien qu’en lui bouillonnait l’excitation de coller un à un les morceaux du puzzle. Cela faisait plusieurs fois qu’il enquêtait sur cet homme et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il aimait les cachettes et tout ce qui avait trait aux secrets. En fait, tout s’était accéléré lorsque la maison du commandant Goodman a été vidée. Derrière une toile de maître se trouvait, sous un faux mur, une cavité secrète qui contenait un coffre-fort. Il aura fallu plusieurs semaines pour craquer le code. Et ce qu’il y trouva était rien de moins qu’une lettre d’amour à l’encontre d’une certaine Leane.

« Je crois que ton oncle était éperdument amoureux de cette Leane. D’après le contenu de la lettre, ils projetaient de partir ensemble pour une région éloignée loin de toute civilisation. La lettre date de deux jours avant qu’il finisse pendu dans son cabinet de travail. Ce qui montre qu’il avait des projets et non des tendances suicidaires.»

Et comme projet, il en avait un particulièrement abject. En effet, outre l’idée de fuir le pays, il était bien stipulé dans cette missive qu’il avait encore quelque chose à faire avant. Une autre partie de son enquête avait aussi mis en lumière des dérives concernant les agissements du colonel. De nombreuses plaintes signalaient la disparition de bijoux anciens de grande valeur durant cette période de colonialisme. Petit à petit, des délits de ce genre ont été mis en lumière mais de nombreuses personnes ont réussi à effacer les traces de ces enrichissements crapuleux. Le colonel Goodman devait en faire parti et les bijoux devaient être présents dans le coffre-fort. Bien entendu, il n’y avait rien, le meurtrier devait avoir tout pris. Mais sur ce point, Jack avait une autre hypothèse.

« Ce qui est intéressant à souligner est que cette lettre était destinée à Leane. Or, elle s’est retrouvée dans le coffre-fort du destinataire. Quelqu’un l’a donc volontairement placée ici pour nous faire dire que ce n’est certainement pas un suicide. Je pense que ton oncle a été tué certainement parce qu’il était en possession d’une très grosse quantité d’argent. De toute façon, quelqu’un sait quelque chose sur cette île et je vais avoir besoin de toi pour que tu me dises qui c’est. Tu sais bien, personne ne veut me parler ici et…
- Arrête Jack, ARRÊTE ! »

Le commissaire se stoppa net. Durant toute sa litanie, il n’avait pas fait attention que tout balancer d’un bloc pouvait se révéler désastreux. Le visage de Mauricio était devenu sombre et cela se voyait qu’il dut se faire violence pour ne pas exploser devant lui. Mais pourquoi prendre des gants, surtout avec un ami ? Il espérait que le gérant de café aurait ce bout de pensée dans son esprit et qu’il comprendrait pourquoi il avait tenu à tout lui dire. C’était un ami après tout. Devant ce silence devenu gênant, il finit son café, laissa un billet de vingt pokédollars et partit sans un mot.

Mieux valait faire profil bas à présent. Il s’en voulait de ne pas avoir remarqué la souffrance de Mauricio au fur et à mesure qu’il débitait son histoire. Mais c’était pour observer quelqu’un. La femme en terrasse avait tout entendu et il aurait juré qu’elle frémissait lorsqu’il avait fait mention de l’énorme pactole. Car s’il y avait bien une chose pour lequel Jack était fort, c’était son sens de l’observation. Cette femme était apparue peu de temps après que Goodman était mort. Et elle faisait partie de la fondation Aether.

Tous des pourris.

***

Madame Cranbell n’était plus la même. Détrônée de son trône de reine de l’information ? Que nenni, elle savait toujours plus de choses que tous ces vieux radotant sur l’île. Elle savait bien trop de choses. Lorsqu’elle sut pour le décès de cette chère Diane, la panique commença à s’insinuer en elle et à la mordre par à-coups. Elle se maudissait d’être une fouineuse hors pair et d’en déduire des secrets qui ne devaient pas être découverts. Si Diane était morte alors elle était nécessairement la prochaine sur la liste car elle savait. Et ce secret était si brûlant qu’elle n’osait pas le révéler à qui que ce soit, pas même à ses copines les plus proches. Au lieu de cela, elle commença à préparer une valise. Elle devait disparaître de la circulation.

Mais si Madame Cranbell n’avait pas spécialement attiré l’attention sur elle, c’était parce qu’elle était une femme très prudente. Si elle voulait s'enfuir, cela devait se faire de manière logique et progressiste. Elle se forgeait une réputation qui lui permettait de manipuler l’information à sa guise, c’était pratique pour tromper d’éventuelles oreilles indiscrètes. Toutefois, certains faits sont si violents et inattendus qu’elle se retrouvait parfois impuissante. Le coup fatal qui lui fut lancé était cette photo sur le journal du lendemain, où l’on y présentait un certain Bart Miellers. Elle hurla d’horreur avant de s’évanouir sur la place du marché, inconsciente.

Elle ne s’était jamais inquiétée de son âge à présent avancé. Mais depuis qu’elle s’était réveillée dans une petite maison de repos un peu plus au Nord de l’île, cette question ne cessait de lui tarauder l’esprit. Devait-elle s’enfuir ? Le temps qu’il lui restait était-il valable pour risquer de provoquer une confrontation à l’issue fatale ? Souvent dans ses rêves, le visage de cet homme arborait une expression d’une dureté telle qu’elle avait l’impression que son simple regard suffisait à la tuer sur place. Ou bien était-ce son sourire qui lui glaçait le sang ? Toujours est-il que voir le visage d’un homme qui est censé être mort n’augurait rien de bon, encore plus lorsque la place du mort ait été prise par cette chère Diane. Mais que pouvait-elle faire ? Elle n'était officiellement qu'une madame je-sais-tout.

Soudain, à ses pieds une fleur se mit à pousser comme par magie. C’était une fleur de baie Alga. Elle l’a toujours trouvé magnifique, peut-être en raison de son étonnante fragilité sous cette tige robuste. Mais il n’y avait aucun doute. C’était un message de la part de son ange gardien qui avait certainement senti sa profonde détresse. Cela ne la rassura pas, bien au contraire. Si l’on se montrait logique, la présence de ce Bart Miellers n’indiquait qu’une chose : quelqu’un lui serait envoyé tôt ou tard.

Des forces puissantes étaient en jeu et elle était l’incarnation du fou qui s’avançait droit sur les pions ennemis. Combien de temps cela durerait-il avant qu’elle se fasse piéger ?


***

Les images noires d’une autre vie
Et ces souvenirs d’un blanc infini
N’ont de cesse que de se perdre
Dans ces désirs fous et perfides.

Je suis la plume et tu es le livre
L’amour est l’encre qui nous unit.
Et de cette union féroce
Naîtra une engeance atroce.

Comment pouvons-nous lutter ?
Pourquoi continuer à espérer ?
La Nature nous l’a pourtant interdit :
Lune et Soleil ne peuvent être réunis.

Oh mon amour, je t'en prie, ne pleure plus. Nous ne le méritons pas.

A toi, ma chère et tendre.