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Eclipse de Lundwing



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Informations

» Auteur : Lundwing - Voir le profil
» Créé le 27/10/2016 à 01:33
» Dernière mise à jour le 30/10/2016 à 22:42

» Mots-clés :   Drame   Slice of life

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Les graines de lumière
C’est comme ça depuis qu’il était arrivé ici. La pluie, encore et toujours. D’après les émissions locales, une forte tempête était en approche de l’archipel d’Alola. Des entrées maritimes arrivaient de temps à autre, une magnifique alternance de froides averses et de chaudes journées qui eurent tôt fait de lui donner un bon rhume. Qu’est-ce qu’il aurait donné pour être bien au chaud au fond de son lit avec un bon café de Mauricio au lieu de se retrouver dehors à une heure tardive ! Autant lorsqu’il travaillait à Safrania, c’était plutôt tranquille, autant là, il n’aurait jamais imaginé que le passe-temps favori des insulaires serait le meurtre. A Alola, c’était vraiment rare de tomber sur un cas d’homicide. Et pour avoir eu accès aux archives de la ville, c’était bien la première fois qu’un tel cas se produisait par ici.

Lorsque Jack vit le corps de la jeune femme, il ne put s’empêcher de faire une grimace. Ce n’était pas qu’il n’aimait pas son boulot de flic mais parfois, il espérait secrètement que les gens du monde entier pourraient, le temps d’une unique heure, arrêter d’en vouloir à autrui afin de pouvoir faire la sieste. Les personnes vivant par ici ont plutôt tendance à adopter la philosophie de la procrastination : remettre à demain ce que l’on peut faire le jour même. Pour un Kantoien tel que lui, c’était déroutant au début de ne plus subir le rouleau compresseur du travail. Et puis, on finit par s’y faire et à oublier que l’humain peut parfois être froid et cruel.

Heureusement que ce n’était pas le cas de Fiona. Elle avait toujours le mot pour vous faire rire au moment inopportun mais ce n’est qu’une façade. Jack l’appréciait beaucoup - certainement plus que ce qu’un collègue de travail pourrait éprouver pour elle. Cela ne faisait pas longtemps qu’elle était entrée dans la police nationale. Un soir, alors qu’ils discutaient tard dans la nuit, Jack appris qu’elle était motivée par l’idée de mettre sous les barreaux le groupe d’activiste connu sous le nom de Team Skull : une bande de dégénérés qui essayent désespérément d’imposer leur loi en terrorisant et parfois en agressant physiquement les habitants de l’archipel. Il n’a pas demandé pourquoi eux en particulier mais il se doutait qu’elle devait avoir une histoire pas très jolie avec eux pour en parler avec autant de véhémence et de hargne. Après tout, elle pouvait bien avoir ses secrets.

Pourtant, Fiona affichait une mine sombre. Cette personne, elle la connaissait. Tout le monde se connaissait ici de toute façon. D’ailleurs, elle ne m’a même pas salué avec son habituel « Alola ! » et a enchaîné direct avec son rapport préliminaire.

« Diane De la Rochère. 33 ans, originaire de Kalos. Veuve depuis quelques années, sans enfants. Le médecin légiste estime l’heure de sa mort vers 20h-20h30 aujourd’hui. Tuée par balle, certainement un petit calibre. Pas de marques de contusions ou de strangulations. Elle était propriétaire du musée Kalili. Et notre plus grande pourvoyeuse de plaintes de tout l’archipel, c’est qu’on va avoir moins de boulot après ça… »

Le musée Kalili avait depuis quelques temps attiré bon nombre de touristes pour ses collections privées de tout horizon. Malheur à celui ou celle qui détenait une œuvre d’art qu’elle n’avait pas ! Lorsqu’elle jetait son dévolu sur une future pièce de sa collection privée, elle pouvait se montrer si persuasive et piquante dans ses propos que certaines personnes de l’archipel arrivaient directement dans son bureau pour leur faire part d’harcèlement à leur égard. Pour Jack ce n’était pas un hasard si tôt ou tard, elle finirait par avoir des problèmes bien qu’il n’aurait souhaité que cela ne se termine comme ça. Un corps noyé sous cette pluie torrentielle, face contre terre, son tailleur blanc ensanglanté imbibé d’eau. Un triste spectacle.

« Et lui, qui c’est ? »

Derrière les bandes jaunes et noires délimitant la scène de crime se trouvait un homme d’un âge avancé au visage livide. Il s’agissait de Bart Miellers, celui qui avait trouvé le corps de la collectionneuse d’œuvres d’arts. D’après Fiona, il semblerait que cet homme avait un rendez-vous d’affaire prévu ce soir pour discuter du prix de vente d’un vieil écu qui intéressait fortement Diane. Les tueurs sont toujours les premiers présents sur les lieux du crime. Coïncidence ? Cet homme était visiblement très bouleversé, à tel point qu’il fallut l’évacuer, ne supportant pas la vue d’un cadavre. Jack en profita pour lui emboîter le pas. Après tout, peut-être avait-il vu quelque chose ?

« Je vais aller interroger cet homme. Fiona, peux-tu coordonner le reste de la recherche d’indices ? »

La nuit s’annonçait longue.


***

Comme tous les matins, Madame Cranbell se levait au son des Goélise qui cancanaient dans le ciel. Les premiers rayons solaires, affreusement chaud et lumineux, eurent tôt fait de la chasser du lit avec énergie non sans récolter quelques remarques bien senties. Mais, ce n’était pas de l’avis de ce cher Miaouss, endormi en boule sur le lit, s’étirant pour reprendre ses aises avant de se rendormir. Il avait toute la vie devant lui alors à quoi bon s’énerver ? Oui mais Madame Cranbell avait beaucoup de choses à faire aujourd’hui. Comme tous les autres jours d’ailleurs.

Elle ne passa pas beaucoup de temps dans la salle de bain. Après tout, quel était l’intérêt pour une dame aussi âgée qu’elle d’aller se faire belle pour les vieux croulants de l’île ? Ça ne vaut pas un clou tous ces machos sans cervelle qui semblent tellement stones quand elle leur parlait - un Ramoloss paraissait beaucoup plus énergique à côté. Toujours à remettre les choses à plus tard hein ? Madame Cranbell ne l’entendait pas de cet avis. La vie était une course contre le temps. Son visage ridé et ses traits creusés ne reflétaient pas ce volcan en éruption brûlantcontinuellement en elle. Ce n’était pas le genre de femme à se laisser abattre dès qu’un problème se manifestait, au contraire : c’était le problème qui avait tendance à prendre la tangente ! Elle brossa ses longs cheveux argentés avant de faire habilement un chignon et sortit de la salle d’eau dans les secondes qui suivaient. Elle en profita pour chasser le Miaouss de son lit, ouvrit grand les fenêtres de sa chambre et respira à fond.

C’était surtout le fait que cela grouillait de vie qui l’avait séduite. Les scientifiques s’accordent à dire que la vie ici est beaucoup plus riche et prospère que nulle part ailleurs dans le monde et ça c’était vrai. Elle qui avait l’habitude de la vie citadine, il lui semblait que l’île était plus vivante que sa bonne vieille Illumis et sa tour de fer. Elle n’était pas nostalgique du tout de cette période de sa vie, au contraire. C’était bien mieux ici. La vie pulsait et elle le ressentait au plus profond de ses vieux os. Elle acceptait cette énergie sauvage, indomptable, qui l’animait et lui donnait la force de se lever jour après jour.

Elle remarqua alors que tout le monde était anormalement agité aujourd’hui. Le vieux Sam était lui aussi en train de se diriger vers l’attraction principale de la ville : le café de Mauricio. Un cancan des plus croustillants à se mettre sous la dent, quoi de mieux pour animer ses journées ? Une minute plus tard, une petite dame légèrement voûtée trottinait à une vitesse inconcevable et drapée d’une aura insatiable de curiosité malsaine.

Madame Cranbell devait être arrivée avant ses copines. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelait le centre d’informations.
Si vous y voyiez de l’ironie c’est normal. C’est flatteur en fait. C’est surtout nécessaire.

***

Comme à son habitude, Mauricio allait chercher ses fèves de cacao dans son jardin. Bien que récemment des anomalies atmosphériques aient rendu les récoltes plus hasardeuses que fructueuses, la qualité était au rendez-vous et son bar ne désemplissait guère. Il fallait dire que son café, préparé avec un savant mélange de fèves bleues, rouges et vertes donnaient un tel goût que les enfants et même les pokémons appréciaient le breuvage, faisant fi de l’amertume pour laisser place aux arômes délicats explosant en bouche. Il y avait même un gérant d’un restaurant étoilé d’Illumis qui l’avait contacté pour proposer un partenariat, c’est dire ! Pour autant, il ne se sentait pas l’âme d’un business man, au contraire. Cette recette était transmise de père en fils et cette petite bicoque qu’il avait à Ekaeka suffisait bien. Il n’avait pas besoin d’argent plus que cela et si les métropolitains voulaient boire de son café, ils n’avaient qu’à venir jusqu’ici au lieu de tout réquisitionner. Cela ferait vivre l’économie locale.

« Allez Koko, sors de là ! »

Dans un flash lumineux bleuté sortit une créature si grande qu’elle semblait percer le ciel. Certains scientifiques du coin disaient que l’environnement particulier des îles constituant l’archipel avait provoqué des mutations dans le génome des pokémons. L’exemple le plus frappant était Noadkoko. Ce pokémon était à l’origine confronté à un problème de taille : comment arriver à attraper les fruits qui se trouvent en haut des palmiers sans recourir aux forces psychiques qui l’épuisent plus qu’ils ne peuvent l’aider ? Il a donc agrandi sa taille pour accéder à la nourriture dont il a besoin. Ses pouvoirs psy devenant inutiles, ils l’ont quitté naturellement. C’est ainsi que la nature a toujours œuvré et œuvrera toujours. Et c’est très bien comme ça. Pokémons et humains, main dans la main avec comme unique arbitre et juge de paix, l’équilibre de la nature.

Ramasser les fèves n’était pas un travail des plus aisés à vrai dire, cela demandait quand même un certain savoir-faire. Le plus important était de sélectionner les plus mûres et donc les plus parfumées bien que parfois, pour équilibrer parfaitement l’arôme, il y incorporait des fèves moins avancées dans le temps. Certaines variétés poussaient lors d’une saison très précise, du coup, il fallait aussi faire attention à comment les cueillir pour pouvoir ensuite les conserver le plus longtemps possible. Il est clair qu’avant, sans son pokémon, ce travail était tout sauf agréable car grimper tout en haut des arbres pouvait parfois amener des situations cocasses. La meilleure en date ? C’était la dernière où il s’était retrouvé coincé en haut d’un arbre car l’échelle qui l’avait amené à la cime était tombée. Bien qu’il jura que quelqu’un avait essayé de saboter, Mauricio s’accorda le bénéfice du doute et usa des ressources de l’île pour un plan B connu sous le nom de Koko. Il gagnait aussi pas mal de temps : avant plusieurs heures étaient nécessaires avant de réunir ce dont il avait besoin mais à présent, cela ne mettait au bas mot environ qu'une petite demi-heure. Un temps précieux pour aménager sa petite boutique avant que les premiers clients n’arrivent.

Il n’était pas tard mais quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il vit un petit attroupement déjà présent autour de sa boutique. Plusieurs personnes de l’île se parlaient vivement avec des gestes éloquents. De loin, cela semblait être une dispute. Mais quand il vit son plus fidèle client, à savoir l’inspecteur Jack Howkins, être au centre de cette mêlée humaine, son sang ne fit qu’un tour.
Quelque chose de grave venait certainement de se passer.

***

Je le voyais encore.

Une ombre furtive, galopant à travers la falaise, empreinte d’une fougue sauvage et irradiant d’une fierté pleine de bonté. Il bondissait avec une grâce inégalée. Sa rapidité n’avait d’égale qu’un fou d’amour cherchant à retrouver au plus vite sa bien-aimée. Au plus haut sommet, je l’entendis hurler dans un râle profond et puissant à quel point sa tendre moitié lui manquait. Il n’y avait pas de mots, juste des sentiments forts et destructeurs. Je continuais d’hanter dans une symphonie impossible son cœur en fusion jour après jour et je ne cessai de déchirer en mille lambeaux les espoirs fous et insensés qu’on puisse se rencontrer. Se toucher. S’aimer. Les rayons du soleil qui s’échappaient de son corps félin ne purent que se laisser mourir dans ce ciel bleu, sans nuage, avec un horizon rempli de vide.

Oh que son cœur lui faisait mal… Son esprit n’était que l’âpre reflet d’un champ de bataille où les forces du bien s’entrechoquaient avec les forces de la raison. Il avait essayé de se soustraire à cette attraction bestiale, presque mystique. Pour lui rien n’était impossible mais… Est-ce qu’un jour il pourrait me voir ? Je sais que j’apparais dans ses songes, dans tous ses songes. Il est lié à moi et moi je veux m’abandonner à lui. Que nous reste-t-il sinon nos vœux pieux ?

C’était encore une journée épouvantable qui s’annonçait. Dès que je voulais apparaître, il disparaissait. Dès qu’il voulait apparaître, je prenais peur. Nous essayions d’user de ruses et d’astuces mais nous étions impuissants. Inlassablement, je continuerai à essayer de le voir. Inlassablement, je me battrai pour qu’un jour la nature puisse permettre de nous rencontrer. Quand ce moment arrivera, ce sera le plus beau jour de notre vie et le monde connaîtra une quiétude telle que Zygarde pourra pour la première fois de sa vie prendre du repos.

Une fois encore, je me laisse aller à mes pleurs et mes mensonges.