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Cinhol, le Royaume Perdu de Malak



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Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 03/01/2014 à 09:20
» Dernière mise à jour le 26/07/2018 à 23:19

» Mots-clés :   Aventure   Fantastique   Médiéval   Présence de Pokémon inventés   Région inventée

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Chapitre 24 : Hasteria
Notre bonheur perdurait, nos victoires se succédaient, mais dans le même temps, je sentais comme un malaise enfler dans notre royaume. Je n'en saisissais pas la cause, mais quelque chose ou quelqu'un était en train de nous empoisonner l'âme. La haine remplaça nos idéaux de paix. Nous ne voulions plus qu'une chose : anéantir la République. Moi aussi, et ça me faisait peur.



*****



La fête d'Isgon pour célébrer la naissance de son fils tint toutes ses promesses. Quand Rushon se réveilla le lendemain, il avait l'impression que son crâne abritait toute une armée de forgerons. Mais cette fois, pas de jolie fille à ses cotés. Bah... il devait être tellement bourré qu'il était tombé endormi sans prendre le temps d'en chercher une. Dommage, ça avait été une occasion de manquée avec Elya, qui n'avait pas été en reste question quantité de bière du Rimerlot, la meilleure de toute !

Mais Isgon le surpris. D'après ses dires, il avait retrouvé Elya dans le lit de nul autre que le jeune frère de Rushon, Astarias. Rushon trouva cela presque irréel. Son frère, toujours timide et très cérémonial, avec la belle Elya, si enjouée de tout et qui n'avait pas la langue dans sa poche ?! Rushon ne savait pas s'il devait éclater de rire ou partir à la recherche de son cadet pour l'assommer. C'était très rare quand Astarias prenait Rushon de vitesse pour posséder quelque chose. D'ordinaire, il acceptait très bien le droit d'ainesse et ne disputait jamais rien à son frère qui en avait bien plus que lui. Mais là, il n'avait pas hésité, le bougre, même en connaissant les sentiments de Rushon pour Elya !

Rushon décida de ne pas lui en tenir rigueur. De plus, il semblerait que ce soit Elya elle-même qui ait porté son choix sur le jeune prince. Selon ce qu'Isgon avait apprit de sa protégée, ils se fréquentaient secrètement depuis un certain temps maintenant, et Astarias avait pour projet d'officialiser tout ça en demandant au roi son autorisation pour qu'ils se fiancent. Au bout de trois mois, Rushon ne pouvait plus parler à son frère seul à seul sans voir Elya accrochée à sa main. Isgon, qui était le chevalier lige d'Elya, trouva lui aussi cette situation quelque peu agaçante.

- L'amour rend les gens timbrés, mon ami, dit-il un jour à Rushon. Pour sûr que c'est ça, par Arceus ! Finalement, je remercierai presque mon père de m'avoir marié à cette mégère qui me sert de femme. Je ne risque pas de ressembler à ces deux niais quand je suis avec elle, fichtre et foutre !

Rushon avait sourit. C'est sûr que ça devenait un peu lassant, mais au début, Rushon et Isgon s'étaient amusés à charrier les deux tourtereaux à n'en plus finir. La situation était agréable au prince héritier. Il était content pour son frère, qu'il voyait s'épanouir de jour en jour, et était ravi de compter Elya comme membre de sa famille. Le roi n'avait pas trop rechigné à les marier. Stratégiquement et politiquement, Elya de Durmeo était un bon choix pour un second prince. Mais l'aurait-il été pour le futur roi ? Rushon ne l'avait pas demandé à son père.

Pendant ce temps, la guerre contre la Tribu des Chevaux continuait. Festil n'avait rien cédé sur ses exigences, et Lyaderix était aussi buté que lui. Bref, ce n'était pas demain la veille qu'ils trouveraient un accord pour la paix, et Rushon, aussi bien que ses hommes, commençaient à se lasser de cette guerre. Si le prince n'aimait pas la Tribu des Chevaux, il ne souhaitait tout de même pas être responsable d'un génocide par la faute de l'entêtement et la fierté de son père.

Un jour, Astarias disparut au combat, avec une unité de trente hommes qu'il commandait. Rushon avait refusé de quitter le champ de bataille malgré les ordres de son père tant qu'il n'aurait pas retrouvé son frère. Il ne le trouva pas, mais retrouva la plupart de ses hommes. Tous morts. Ils étaient tombés dans une embuscade. Aucun signe d'Astarias, si ce n'était la petite broche qu'Elya lui avait offert lors de leur mariage, dont il ne se séparait jamais. Le cœur en peine, Rushon dut rapporter la broche à Elya. Elle devint inconsolable, malgré les paroles de Rushon comme quoi tant qu'ils n'avaient pas retrouvé son cadavre, il restait de l'espoir. Mais même lui n'y croyait pas vraiment. Dès lors, Isgon ne quitta plus sa protégée, la réconfortant comme il pouvait. Peu après, le roi convoqua Rushon, pour lui dire quelque chose qui ne plut que très moyennement au prince.

- Je n'ai plus que toi comme héritier, désormais, commença-t-il. Aussi, pour assurer le futur du royaume, tu ne peux plus te permettre de combattre. Si jamais tu venais à périr alors que tu n'as pas de descendance, la lignée Haldar s'éteindra.

- Mais... mes hommes, père ?! Je ne peux pas les envoyer au combat sans les diriger moi-même ! Et je n'ai pas perdu espoir pour Astarias. Les recherches...

- Sont vaines, acheva Festil. Ton frère est mort. Tu ferais mieux de te faire à cette idée. Et tu ne retourneras pas au combat tant que tu n'auras pas engendré un héritier à la couronne.

Rushon n'accepta pas comment le roi s'était résigné pour Astarias. Festil n'avait pas versé une larme, ni même sourciller à l'annonce de la mort supposée de son fils cadet. Son cœur était froid depuis longtemps. Seul comptait l'avenir de Cinhol pour lui. Rushon tenait le roi pour responsable. S'il n'avait pas été aussi stupidement buté et avait négocié la paix bien avant, Astarias serait encore là. Et le prince n'avait pas manqué de le lui dire, en termes qui lui valurent de passer une semaine entière aux cachots.

Mais quand il sortit, il eut une très bonne surprise. Astarias était là. Emacié, blessé, mais bien vivant ! Il s'était caché pendant un mois dans un village de la Tribu pour se cacher des soldats qui le recherchaient. Rushon le serra dans ses bras comme il ne l'avait jamais fait. Il se promit que désormais, il ne laisserait plus Astarias loin de lui dans la bataille. Plus jamais.

L'effet que son retour produisit sur Elya fut une pure merveille. Elle retrouva vite son entrain et sa candeur d'autrefois, et annonça à tout le monde quelque jours plus tard qu'elle attendait un enfant. Nul doute qu'Elya et Astarias avaient fêté comme il se doit le retour de ce dernier. Cette nouvelle agréa particulièrement au roi. Maintenant, même si ses deux fils venaient à trouver la mort prématurément, il y aurait un Haldar pour prétendre au trône. La lignée était assurée. Rushon et Astarias purent donc repartir au front sans que le roi n'en fût autrement inquiété.

Mais un jour, il se passa quelque chose de très bizarre. Alors que Rushon, Astarias et Isgon se trouvaient dans un village reculé du royaume pour en assurer la défense, une quelconque magie se mit à l'œuvre. Rushon était en train de discuter avec le gouverneur local à l'air libre, quand d'un seul coup, un homme apparut de nul part devant eux. Cette apparition inexpliquée ne passa pas inaperçue. Tous les villageois crièrent à la sorcellerie et se mirent à fuir. Isgon jura plusieurs dieux avant d'empoigner sa hache. Rushon tira son épée, tandis que Shinobourge qui l'accompagnait se hérissa. Seul Astarias ne fit aucun geste, l'air simplement curieux.

L'homme devait avoir entre trente et quarante ans. Son visage aux traits serrés indiquait qu'il n'était pas un gueux, d'autant que ses yeux sombres semblaient respirer l'intelligence. Il était habillé d'une façon des plus étranges que Rushon n'aurait pu décrire. Il avait un anneau sur un de ses doigts, et tenait une épée à la garde et à la lame entièrement noires. Un seul regard sur cette épée suffit à faire frissonner Rushon. Il se dégageait d'elle quelque chose d'opressant.

- Je ne vous veux pas de mal, commença l'homme avec une élocution parfaite et une voix agréable. Je viens en paix.

- Que voilà une bonne nouvelle, répondit Rushon sans baisser son épée. Mais d'où vous venez exactement ? Vous êtes apparut comme le Créateur en personne l'aurait fait.

- Oui, il semblerait... commenta l'homme en regardant autour de lui, comme s'il venait ici pour la première fois. Dites-moi messieurs, suis-je bien dans le Royaume de Cinhol ?

Rushon fronça les sourcils. Comment pouvait-il ignorer où il était alors que le royaume s'étendait à travers toute la planète ! Se payait-il leur tête ?

- Pour sûr oui, répondit Isgon avec sa franchise habituelle. Et vous avez l'honneur de vous adresser à son Altesse le prince Rushon Haldar, et vous allez vous incliner immédiatement devant lui sans quoi je vous raccourci les jambes pour que vous le fassiez.

Rushon fit signe à son ami de le laisser faire. Mais l'homme obéit et s'inclina devant Rushon, l'air satisfait.

- Altesse, je suis ravi de vous rencontrer. J'espérais justement rencontrer rapidement les dirigeants du royaume.

- Le seul dirigeant du royaume est mon père le roi, et vous ne le rencontrerez que quand je saurai qui vous êtes et d'où vous venez.

- Dans ce cas, je vais me présenter. Je m'appelle Ryates. Je suis... disons un érudit, un chercheur, un...

- Sorcier ? Demanda Astarias. Ce n'est pas commun d'apparaître d'un coup d'un seul dans les airs.

- Je l'entends bien, seigneur, acquiesça le dénommé Ryates. C'est grâce à cet anneau que je porte, en réalité. Dès qu'on le passe au doigt, on est téléporté dans votre royaume. En fait... je viens d'une autre dimension, ou d'un autre monde. Dans mon monde, Castel Haldar fut un rebelle qui disparut en même temps que son royaume, il y a un demi-millénaire.

Rushon et les deux autres en restèrent bouche bée. Cet homme prétendait venir de l'Ancien Monde ? Là où Castel le Fondateur était né, et là où il avait fondé Cinhol avant le cataclysme qui amena la cité dans ce monde actuel ? Cela semblait fou, mais Ryates connaissait apparemment beaucoup de choses sur Cinhol qui datait de l'époque du Fondateur, dont certaines étaient étrangères à Rushon. Comme l'homme ne semblait pas dangereux, le prince décida de l'amener à son père. Techniquement, les habitants de l'Ancien Monde étaient les ennemis de Cinhol, mais c'était il y a cinq cent ans. Et ce Ryates était doté d'un savoir ahurissant.

Il parvint à se faire apprécier du roi en peu de temps, grâce à sa connaissance et à sa sagesse. Il disait être un érudit de l'Ancien Monde qui s'intéressait depuis longtemps au royaume perdu, et qui avait trouvé le moyen d'y parvenir grâce à cet étrange anneau qui pouvait l'amener dans un monde ou dans l'autre. Pour preuve, il leur avait ramené des objets de son monde. Des choses que Rushon n'avait jamais vu.

- C'est quoi ça ? Demanda Rushon en prenant une espèce de boule de métal rouge et blanche.

- On appelle ça une Pokeball chez nous, mon prince, répondit Ryates. Cela permet d'y enfermer des Pokemon. Pour les capturer, puis pour les transporter facilement.

Rushon regarda la boule, sceptique. Le roi Festil fit la remarque que son fils pensait.

- Quel genre de Pokemon pourrait rentrer à l'intérieur ? C'est bien trop petit !

Ryates eut un sourire indulgent.

- En fait, Majesté, au contact de la Pokeball, les Pokemon se change en une énergie immatérielle que la Pokeball peut facilement contenir. Ne me demandez pas comment toutefois, je n'ai pas créé ces choses.

Et il fit une démonstration sur Shinobourge. Rushon devait reconnaître que c'était bien pratique, une fois le choc de la découverte passé. Festil, lui, se dépêcha d'enfermer ses six Pokemon dans ces balles bizarres, puis il ordonna peut après qu'on modifie la lame de Meminyar pour qu'elle puisse contenir les six balles. Rushon y vit là un sacrilège. C'était l'épée du Fondateur, personne n'avait le droit de la modifier ! Mais Festil, comme un gamin devant sa première épée, ne cessait de demander à Ryates d'autre objets de son monde puis de jouer avec ensuite.

Rushon laissa faire. Ryates, même s'il était bizarre, n'avait pas l'air de comploter quelque chose, et comme ça, le prince n'avait pas son père sur le dos tandis qu'il faisait mumuse avec les jouets de l'Ancien Monde. Sauf que Ryates ne se contenta pas de le renseigner sur son monde. Il devint peu à peu le conseiller du roi, et lui proposait bien des choses en relation avec le royaume lui-même. Dont la guerre contre la Tribu des Chevaux. Allez savoir comment, Ryates parvint à convaincre le roi de faire la paix avec Lyaderix. Un exploit, alors que Festil était toujours resté sourd aux conseils de ses propres fils. Si Rushon n'aimait pas trop qu'un étranger se mêle de la politique du royaume, il était reconnaissant à Ryates d'avoir ramené le roi à la raison. Sauf que... il y avait une contrepartie. Et une qui ne plut pas à Rushon.

- Mon fils, Lyaderix et moi avons négocié la fin de la guerre, avait dit le roi à son fils qu'il avait convoqué.

- C'est une très bonne chose, père, fit le prince sans se douter de rien.

- Oui. C'est Ryates qui a servi d'intermédiaire entre nous et a proposé l'arrangement. Il a bien agi.

Derrière le trône, Ryates s'inclina, servile. Depuis qu'il servait le roi, il s'était rasé le crâne et avait revêtit une robe entièrement noire. Certains le surnommaient maintenant le Patriarche.

- Une partie de notre accord te concerne de très près, Rushon, poursuivit Festil.

- Moi, Majesté ? S'étonna Rushon.

- Toi. J'ai réussi à obtenir de Lyaderix l'allégeance de son peuple au royaume, mais cela ne peut se faire qu'à une seule condition : que l'on fusionne nos familles. Tu vas épouser la fille de Lyaderix, Hasteria, la princesse des chevaux.

Rushon en resta un moment déconfit.

- Croiser la famille Haldar avec... ces sauvages ? Fit-il enfin. Père, ce n'est pas sérieux...

- Le sang des Haldar est plus fort que n'importe lequel, lui rappela Festil. Qu'importe l'épouse, l'enfant qui naîtra de ton union sera un Haldar, comme ils l'ont toujours été.

Rushon savait que c'était vrai. La famille Haldar s'était beaucoup mélangée avec d'autre, mais à chaque fois, les Haldar avaient les cheveux blonds et les yeux bleus, comme le premier d'entre eux, l'illustre Castel.

- Quand même... insista Rushon. Je doute que le peuple accepte une reine native de la Tribu des Chevaux. Leurs coutumes sont à des lieux des nôtres, et ils nous haïssent copieusement.

- C'est le prix de la paix que tu désirais tant, fit Festil. La Tribu des Chevaux n'accepte de se soumettre que si ils ont la certitude que le futur prince ou la future princesse soit en partie de leur sang. Tu épouseras donc Hasteria, et tu lui feras un héritier. C'est ton devoir pour le royaume, fils.

Rushon ne put que s'incliner. Discuter davantage n'aurait rien changé, et oui, la paix passait avant toute chose. Mais Rushon avait assez tué de guerriers de la Tribu des Chevaux pour avoir envie d'avoir l'une d'elle comme épouse. Peu importait comment elle était, jamais ils ne pourraient s'aimer, de ça Rushon en était sûr. Mais bon, quitte à ne pas l'aimer, Rushon était prêt à faire un effort et à jouer le jeu. Il accompagna donc son père pour la signature du traité de paix, et il rencontra sa promise, la fille de l'homme qu'il avait combattu durant des années.

Hasteria était jeune et belle, c'était déjà ça. Elle avait de longs cheveux d'un blond très pâle, crémeux. Son visage était finement dessiné, loin des clichés rustres de son peuple. Son maintien était parfait, et sa poitrine abondante. Rushon aurait parfaitement pu la prendre pour quelque fille de bonnes familles du royaume. Elle avait à peine seize ans, et son père l'avait assuré vierge. Ah ça oui, c'était un régal pour les yeux, pas de problème. Mais la beauté était apparemment la seule qualité d'Hasteria. Du peu de temps que Rushon passa avec elle, il la trouva froide, mordante, et ne cessait de le dévisager sans cacher son mépris, bien qu'elle lui donna du « Mon seigneur » à tout bout de champ. Rushon soupira. Ça n'allait pas être très joyeux, avec elle... Quand son père lui demanda ses impressions et que Rushon répondit sincèrement, il se fâcha.

- Quelle importance, son caractère ?! C'est un beau brin de fille qui te donnera un bel héritier. De plus, elle a le sens des convenances et le caractère approprié pour régner. Tu aurais pu tomber sur bien pire !

Du coté d'Isgon, il ne trouva aussi aucun réconfort.

- Bah, c'est peut-être une sauvage des chevaux, mais c'est une foutue beauté, le Créateur me foudroie ! Ma chienne de femme, elle, a le caractère d'un chien, mais aussi la figure. Tu n'as pas trop à te plaindre, que j'en dis.

Seul Astarias parut compatir un peu. Il avait intérêt d'ailleurs, lui qui avait eu la femme que Rushon convoitait. Festil et Lyaderix voulurent que le mariage se passa le plus tôt possible, et sans que Rushon n'en prit trop conscience, il était désormais mari, et devait partager sa chambre avec cette fille qui lui adressait à peine la parole. Il tenta pourtant d'être gentil, de s'intéresser à elle, mais il comprit que c'était peine perdu quand elle lui dit en bloc :

- Nul besoin de pareilles attentions à mon égard, mon seigneur. Je ne fais que le devoir auquel m'a soumit mon père. Vous en faites de même. Mais je ne vous aime pas et il ne sert à rien que vous, vous essayez de prétendre le contraire par vos ridicules tentatives. Je ferai avec vous l'héritier que nos pères respectifs attendent tant, mais une fois cela accomplit, je ne vous laisserai plus jamais me toucher.

Eh bien, cela a au moins le mérite d'être clair et franc, songea Rushon avec un certain amusement.

- Vous me haïssez donc tant, ma mie ?

- Je ne vous hais point, répondit Hasteria. Vous m'êtes indifférent, c'est tout. Malgré la réputation des Haldar, vous n'êtes rien de plus qu'un homme comme les autres. Et je connais ce que votre peuple pense des miens. Pour eux, je ne serai toujours que la putain des chevaux.

- Il ne tient qu'à vous de changer cela, ma dame, répondit sincèrement Rushon. Pour parvenir à se faire aimer d'un peuple, il faut l'aimer en retour, il ne suffit pas de lui pondre une nouvelle tête couronnée lorsqu'il en a besoin.

- Je ne veux pas de l'amour de votre peuple, tout comme je n'ai rien à faire du votre, répondit la jeune fille froidement.

Rushon soupira à nouveau. Il lui semblait qu'il ne faisait que ça quand il était en compagnie de sa femme. Malgré tout, Hasteria avait l'avantage d'être sincère avec lui, et irréprochable en public. Elle était aussi intelligente, et Rushon avait parfois d'intéressantes conversations avec elle lorsqu'elle était assez bien lunée pour daigner lui parler. Ils s'en tenaient tout les deux à leurs rôles respectifs, et le reste du temps ils s'évitaient, et c'était bien comme ça.

Entre temps, Elya accoucha de l'enfant d'Astarias. Mais l'accouchement fut pénible et compliqué, et Elya succomba après avoir donné naissance. Ce fut une grande perte. Pour Astarias bien sûr, mais aussi pour Rushon et Isgon. Ils aidèrent autant qu'ils pouvaient Astarias à s'occuper de son fils, un beau garçon nommé Deornas. Sauf qu'il y avait quelque chose de bizarre avec le bébé, ce que ne manqua pas de relever le roi. L'enfant avait les cheveux bruns, et pas blond, comme tous les Haldar les avaient. Astarias ne trouva pas cela important. Au contraire, il trouvait beaucoup de sa défunte épouse en Deornas. Isgon le chouchoutait particulièrement. Il fut pour lui un oncle dans les faits. Après tout, Deornas était le fils de la femme qu'il avait juré de protéger. Rushon aussi ne se lassait pas de ce bambin. Il se prit d'envie de vouloir tenir le sien dans ses bras à son tour.

Du fait de son caractère peu commode, Rushon n'avait pas encore osé toucher Hasteria dans l'intimité. Il avait espéré qu'elle se dégèle un peu entre temps, mais apparemment, même en cent ans de vie commune, cela n'arriverait pas. Et le roi commençait à s'impatienter. Cela faisait quatre mois depuis le mariage. Il voulait la nouvelle d'un héritier à venir, et vite. Aussi un soir, Rushon prit sur lui. Avant de se coucher, il annonça à Hasteria qu'il serait peut-être temps pour eux de faire ce pourquoi ils s'étaient mariés. Hasteria ne dit mot, mais se contenta de se déshabiller totalement, offrant la vision de son corps parfait aux yeux de Rushon.

Ce ne fut pas une trop mauvaise nuit. En s'efforçant de penser à Hasteria comme à n'importe quelle autre fille qu'il avait temporairement aimé, Rushon put en tirer pas mal de plaisir. Hasteria elle-même sembla prendre goût à ses caresses. Comme quoi, Rushon ne l'indifférait pas totalement malgré ce qu'elle avait pu dire. Le lendemain matin, Hasteria lui annonça avec une certitude absolue née d'elle-même qu'elle était d'ores et déjà enceinte. Et que donc, comme promit, c'était la dernière fois que Rushon la touchait. Le prince haussa les épaules. Ce n'était pas les filles qui manqueraient, de toute façon, s'il en avait l'envie. Pour l'instant, il profita du bonheur à l'idée de penser qu'il allait bientôt être père. Même s'il devait partager l'enfant avec Hasteria, ça valait le coup. Désormais, il voyait un bébé blond aux yeux bleus dans chacun de ses rêves.

Ce fut un grand soulagement pour le roi d'apprendre la nouvelle, d'autant qu'il n'allait apparemment plus vivre trop longtemps, atteint d'une incurable maladie au cœur. Même le savant Ryates s'avéra incapable de le soigner, mais Festil n'en avait cure. Il lui avait seulement demandé de le maintenir en vie jusqu'à la naissance de l'héritier royal. Rushon tenta d'être un peu plus attentionné à l'égard de sa femme enceinte, mais ses tentatives se heurtaient toujours au mur de glace qu'elle érigeait autour d'elle. En revanche, il la surprit plus d'une fois en compagnie de Ryates. Ces deux là s'entendaient plutôt bien, et ça inquiétait Rushon. Il avait toujours l'impression qu'ils complotaient tout les deux dans son dos.

Rushon se préparait à être père en même temps qu'il se préparait à être roi. Il le savait, Festil ne tiendrait plus longtemps. Rushon avait été élevé pour régner un jour, mais à présent, il ne se sentait plus trop prêt. Tout ce qu'il savait faire, c'était se battre. C'était son père qui gérait toujours la politique. Lui n'y entendait rien. Même Astarias devait être plus au courant que lui sur la façon de diriger un royaume. Et en plus, Rushon allait devoir composer avec Hasteria. La reine avait toujours son mot à dire. Plus la santé de son père déclinait, plus Rushon était inquiet. Triste aussi, d'une certaine façon. En dépit de leurs différences, et du fait que Festil n'ai jamais trop aimé ses fils, Rushon aimait son père. Le voir partir serait une épreuve.

Puis le jour arriva. Rushon insista pour être avec Hasteria quand elle donna naissance. Ce fut un accouchement long et difficile. Isgon demeura avec lui pour le soutenir. Finalement, grâce aux talents de Ryates et au travail de plusieurs sages femmes, l'enfant et la mère s'en sortirent. Ryates le prévint toutefois que plus jamais Hasteria ne pourrait avoir d'enfant après cette épreuve, et qu'elle avait de la chance de ne pas partager le triste sort d'Elya.

Rushon était père d'une fille. On pouvait déjà voir ses cheveux clairs et ses yeux bleus foncés. Le prince était tellement heureux qu'il daigna laisser à Hasteria le soin de choisir le prénom. Celle-ci la nomma Nirina, en l'honneur de sa grand-mère qui l'avait élevée. Rushon avait beau la regarder sous tous les angles, il ne trouva rien de la Tribu des Chevaux en elle. Nirina était une Haldar sur tous les points, si ce n'était qu'elle avait hérité de la chevelure de sa mère et de ses beaux traits. Pas un défaut en soi, loin de là. Rushon s'empressa d'aller la montrer à son père sur son lit de mort. Ce fut la dernière satisfaction du roi. Il put s'en aller en paix, persuadé d'avoir donné à Cinhol la descendance nécessaire. Il mourut le lendemain de la naissance, et Rushon fut couronné roi de Cinhol.