Je voudrais pas... de dragibus57

La matinée touchait à sa fin quand Nathalie atterrit juste à côté du Musée des Sciences d'Argenta.

La police empêchait les curieux de s'approcher du bâtiment, mais la journaliste utilisa sa haute taille et sa corpulence pour fendre la foule, jouant des coudes et donnant adroitement quelques coups de sac bien sentis.
Malheureusement, elle fut arrêtée dans sa progression par un homme grand, typé, en costume-cravate.
- Où allez-vous madame ? Le musée est fermé au public. Vous ne pouvez pas…
- Mademoiselle, s'il vous plaît ! Nathalie Letellier, chroniqueuse à Doublonville, le coupa-t-elle en brandissant sa carte de presse. Je voudrais des infos sur ce qui est arrivé ici.
- Lieutenant Mahdid, rétorqua Bob en sortant à son tour son insigne. Je vous dis qu'on ne passe pas.
- Mais j'ai besoin de faire mon travail !
- Tout comme moi…

Dans le cadre de sa profession, Nath avait acquis une certaine expérience des relations humaines. Elle pouvait évaluer, dès les premiers instants d'une conversation, la façon dont allaient tourner les choses.
Dans le cas présent, elle vit tout de suite qu'elle n'arriverait à rien en attaquant de front. Derrière ses lunettes à monture métallique, le lieutenant la fixait de ses yeux sombres (qu'il avait ma foi fort beaux) et ne semblait pas le moins du monde impressionné par son physique ou son culot.

Elle changea donc de tactique :
- D'accord. Mais vous, vous pouvez peut-être me renseigner ? demanda-t-elle dans un sourire enjôleur. De cette manière, je n'aurai pas besoin d'aller fouiner partout au risque de tomber sur des détails que vous ne voulez pas voir divulgués au grand public… Alors, que s'est-il passé au juste ?

Mahdid hésita une fraction de seconde avant de répondre. Il ne portait pas spécialement les journalistes dans son cœur. Pour la plupart, des fouille-merde qui guettaient le moindre détail juteux à offrir à un public avide de sensations. Mais là, il devait reconnaître qu'elle avait raison. Mieux valait que les infos viennent de lui.
De plus, cette journaliste ne manquait pas d'audace, ni d'allure d'ailleurs, ce qui n'était pas pour lui déplaire.

S'il s'en tenait au strict minimum, il avait une petite chance que ça reste objectif...
- Le Musée a été cambriolé cette nuit.
- Il y a des victimes ? Des témoins ? Vous avez un suspect ?
- Non.
- Non quoi ???
- Non à vos trois questions.
- Hum, je vois… Et qu'est-ce qui a été volé ?
- Le contenu des vitrines.
- C'est à dire… ?
- Des fossiles et des ossements.
- Et comment le ou les voleurs sont-ils entrés ?
- Par effraction.

Nath sentait l'agacement la gagner. Ce type condescendait à peine à lui fournir des réponses laconiques là où d'autres se seraient fait une joie d'en rajouter. Encore un que la fonction avait pétri d'importance et rendu imbu de sa personne ! D'ailleurs ça se voyait rien qu'à son look BCBG ringard…
- C'est tout ?
- Oui, ce sera tout, mademoiselle, répondit Mahdid avant de tourner les talons.
- Attendez ! Je voulais dire : c'est tout ce qui a été volé ? Rien d'autre ??? cria-t-elle en tentant de le suivre.
J'y crois pas ! Il m'a plantée là comme une quiche ! On me l'avait jamais faite, celle-là ! Toute façon, je perds mon temps ici. C'est une affaire sans intérêt : Borg va la glisser vite fait entre deux grosses news, juste histoire de dire qu'on a fait notre boulot…

La journaliste se mit à l'écart et sortit de son sac un téléphone portable dernière génération pour appeler, comme convenu, son patron.
Elle avait choisi un Smartphone à écran tactile. Pour deux raisons totalement distinctes. D'une part, ses fonctionnalités d'agenda électronique étaient un outil indispensable dans son boulot ; d'autre part, elle n'arrivait plus à appuyer correctement sur les touches d'un appareil ordinaire.

Elle traça à Borg un rapide compte-rendu de ce qu'elle avait appris, c'est-à-dire pas grand-chose, et lui demanda ce qu'elle devait faire à présent.
- Hum, c'est effectivement assez maigre… Et bien, il ne vous reste plus qu'à rentrer et à chercher quelques renseignements supplémentaires afin d'étoffer un peu notre bulletin…

Nath fut sur le point de lui balancer à la figure que, si c'était pour en arriver là, c'était pas la peine qu'il la sorte de son lit si tôt, qu'elle grimpe puis redescende les quatre étages de sa foutue Tour et qu'elle vienne perdre son temps dans ce trou paumé. Qu'elle aurait mieux fait de rester à Doublonville pour préparer ses prochaines chroniques !
Mais elle se retint et se contenta de couper la communication.

Il n'était pas loin de midi, elle avait donc largement le temps de passer chez elle.
Son intention était de se préparer un plateau repas devant l'ordi et de surfer sur la toile à la recherche d'infos complémentaires sur le Musée d'Argenta.
Finalement, Borg l'aurait son fichu bulletin, et avant 13 heures !

Elle repartit pour Doublonville, comme elle en était venue, sur le dos de son fidèle Dracolosse.

Arrivée sur le seuil de son appartement, elle tourna la clé dans la serrure, ouvrit la porte, mais fut incapable d'atteindre le salon.