Smirnoff de Domino

« Le plus vaste des cœurs se brise »
La porte toute neuve de l'appartement s'ouvre. L'homme entre et s'assied sur son fauteuil. Il allume la télévision.
-Et on apprend à l'instant la chute du cours du blé…
Kenneth Heine soupire. Il regarde son appartement à Doublonville. Très calme, très reposant. Il regarde les anxiolytiques sur la tablette à côté du fauteuil, et il soupire d'autant plus.
« J'y arriverais pas… J'arriverais pas à tenir le choc… »
Le téléphone sonna. Kenneth s'étonna, qui pouvait l'appeler au beau milieu d'un après-midi en semaine ?
Il vit d'où provenait l'appel.
-Allo ?
« Coucou, c'est moiiiii ! »
-Et… Etienne ?!
« Ouais, je voulais te demander un service, Kenny. J'ai un petit problème, je viens de rencontrer un trou du cul qui s'avère être un de mes collègues professeurs, enfin sémantiquement parlant. Et d'après cette tête de nœud, mon « cas particulier » serait cité en exemple dans les agrégations comme exemple à ne pas suivre… »
-Quoi, le fait qu'un de tes élèves ait disparu ?!
« Comme tu t'en souviens si bien, je me suis dit que tu saurais. »
Kenneth soupira.
-Je vais passer un coup de fil à la commission…
Kenneth prit son portable et appela le secrétariat central du ministère de l'éducation.
-Allo… Oui bonjour… Pourrais-je avoir Mr Lebster, le chef des programmes du concours d'agrégation… Merci…
Kenneth patiente. Il regarde Etienne au Visiophone.
-La musique d'attente c'est « I'm Just a Gigolo » !
« C'est de circonstance… »
-Oui bonjour ! Je suis Kenneth Heine, conseiller principal d'éducation… Euh, je souhaiterais savoir si dans les consignes de sécurité en matière d'enseignement itinérant, vous aviez des noms de professeurs cités… Oui je patiente.
« C'est le bal des tarifs de communication ma parole… »
-M'en parle pas, deux à la fois en plus, et qui leur a mit du Britney Spears en musique d'attente…
« Ca c'est des trucs que font les stagiaires pour déconner et passer le temps à tous les coups… »
-J'me doute bien… Oui ! Ah… Ca n'est pas le cas… D'accord… Merci. Bon, Etienne je n'ai aucun renseignement là-dessus…
« Bon dieu Kenneth, tu étais au courant de ces trucs là ?! Comment ça se fait que je serve d'exemple en matière de disparition !
-Ecoute, je suis au courant des programmes des élèves mais pas des programmes des professeurs aspirants, désolé…
« T'as aucun moyen de te renseigner ? »
Kenneth savait que ça n'était pas possible mais il soupira et hocha la tête.
-… Je vais voir.
« Je te remercie. »
-Ca me fait plaisir que tu m'appelles, même pour ça.
« …C'est normal, tu es la seule personne qui peut m'aider dans cette situation. »
-Comment tes élèves ont pris la… chose ?
« Je ne sais pas, ils sont avec le prof qu'on a rencontré au Lac Colère. »
-Quoi qu'il en soit Etienne je te promets de faire ce que je peux pour que ça s'arrête. Légalement ils n'ont pas le droit de te stigmatiser, c'est presque du harcèlement quoi.
« De l'acharnement oui… Bon, à plus tard, Ken. »
-Salut Etienne…
Le blond vit l'écran s'éteindre, dépité. Il aurait aimé qu'il reste plus longtemps. Juste pour papoter…

Le lendemain, Kenneth se rendit à la faculté ou sa demande de mutation en tant que Conseiller Principal d'Education avait été acceptée. Il entra dans le bureau du proviseur Hieronymus Hadley.
-Kenneth ! Je suis content de vous voir. Et content de savoir que vous allez intégrer l'équipe administrative.
-Merci bien, Proviseur Hadley.
-Vos qualifications sont tout à fait convenables… Vous exercez depuis longtemps dans le milieu administratif et vous êtes reconnu comme quelqu'un de confiance… Je vous prends. Vous serez donc la dernière personne que j'engagerais avant ma retraite.
-Votre… Retraite ?!
-Oui, à la fin de cette année, moi et Praline, nous partirons et laisserons place au remplaçant que j'ai choisi, l'actuel doyen Linus… Doublonville sera mon dernier état de service.
Le Marcacrin leva le nez en réponse à son surnom.
-Euh… On parle bien de Linus Winchester ?!
-Euh et bien oui…
-MONSIEUR HADLEY !
-*soupir* Oui nous parlons bien de lui…
Un homme brun au visage aiguisé arriva.
-Monsieur Hadley c'est un scandale ! Les professeurs ont organisé une partie de Poker dans les locaux samedi après-midi, très probablement suivie par un tournoi de combat Pokémon clandestin !
-Linus, je vous présente le remplaçant d'Eulalie Lansey… Kenneth Heine.
-K…Ken…Kenneth Heine ?! Vous n'étiez pas auparavant à Hoenn ?
-Si, si en fait… Mais Johto est plus prenante d'un point de vue professionnel, Hoenn est surchargée.
-Hm… Vous faites partie de la vague d'immigration de 1992 ?
-…. Non…
-Tant mieux. Proviseur Hadley ! Il faut faire quelque chose contre ces apparatchiks !
Kenneth sentait que ça allait être une année fabuleuse.
-Linus, calmez-vous. Les professeurs ont le droit de réunion tant que ça n'empiète pas sur leur travail.
-Mais… Enfin, c'est un squat qu'ils nous font, là !!
-Monsieur Winchester… Si je puis me permettre…
Linus regarda Kenneth d'un air dédaigneux.
-Mmmoui ?
-Euh… Il est probable que si vous leur donnez votre approbation ils vous apprécieront et sachant cette réunion autorisée par l'administration, elle sera forcément moins houleuse et amusante. Donc si vous voulez vraiment que ça ne se déroule pas comme ils le souhaitent… Donnez le feu vert. Si vous voulez vraiment leur gâcher la vie, proposez-leur carrément votre aide !
-… C'est pas mal, ça… Vous allez être CPE, c'est ça ?
-Oui…
-D'accord. Vous êtes une des six personnes que Mistigri III n'a pas le droit d'attaquer.
-Misti…
Linus tourne les talons, suivi par un Chaglam à l'air féroce.
-Ooooh doux Arceus…
Kenneth se retourna vers Hieronymus.
-Je vais devoir travailler souvent avec lui ?
-Oui…
-Merveilleux… Je veux une augmentation de salaire…
-Autorisée…
Kenneth s'étonna.
-Euh, je… plaisantais !
-Moi aussi, mais j'approuverais…
Praline fouilla le pot à crayon en quête de miettes de biscuit.
-Praline… Tu as déjà eu à manger tout à l'heure… Kenneth, je vais vous montrer votre bureau.
-D'accord.

Un bar de Mauville. Un homme qui boit puis qui sort et rentre chez lui.
Kenneth a déménagé à Johto peu après la mutation de Smirnoff à Doublonville, c'est-à-dire cinq ans avant les évènements présents. Il pensait que l'éloignement l'aiderait à mieux supporter les conséquences de son mensonge mais ça n'était pas le cas. Etienne lui manquait. Il avait trouvé un petit studio à Mauville mais ça n'avait rien à voir avec la maison que ses parents lui avaient offert. Ni le confort ni la grandeur. Ni la chaleur ni l'amour. C'était un studio froid et vide.
Il sortait ses Pokémon pour essayer de se sentir moins seul mais son malheur était tel qu'eux-mêmes étaient incapables de l'éponger. Ainsi, Warner le Corboss, Beth le Leveinard, Airey le Maskadra, Janis la Chapignon et Biggie le Goinfrex ne recevaient plus d'amour de la part de leur dresseur qui en avait surtout bien besoin lui-même. Gros soupirs quotidiens et maître à la démarche lourde et pesante étaient leur lot.
Dans le travail, il s'efforçait d'être le plus normal possible bien que c'était difficile. Il commença à prendre des antidépresseurs même si ça ne le calmait pas vraiment. En fait rien ne lui paraissait marcher.
Au niveau relationnel, il avait de toute façon toujours été très maladroit avec les femmes, ne sachant jamais exactement comment les satisfaire. Quand ils étaient jeunes, Linda avait bien essayé de le présenter à ses amies, mais il les avait juste saluées et avait fait demi-tour. Il avait même cru pendant un temps être homosexuel mais une expérience contradictoire lui prouva que non.
Il sentait que la partie était perdue d'avance, mais il réussit à tenir six mois sans commettre l'irréparable.

-Ouah… Oh ouah…
Hieronymus alluma les lumières. Kenneth avait un grand bureau avec deux secrétaires. Des tas de dossiers à étudier. Et surtout (Enfin d'un point de vue Smirnoffien) un iMac.
-J'espère que ça vous va… Le matériel n'est pas de première qualité mais...
-Ca va, ça va… Tout est parfait…
-Vos secrétaires, Mme Paltier et Mr Vernet…
-Monsieur…Madame…
-Bonjour Mr Heine !
-Le proviseur nous a parlé de vous.
-Je crois que je vais me mettre à étudier mes dossiers tout de suite.
-Vous faites bien. Ici c'est une faculté, les cas que vous aurez à traiter sont plus complexes qu'à l'académie de Mauville…
-Ce n'est pas plus mal. C'est bien de s'immerger dans le travail.
-Mr Hadley, vous êtes là ?
Une femme entra, une brune portant des lunettes et un brushing. Kenneth s'étonna.
-M… Miranda ?!
-Kenneth, tiens donc…
Le proviseur s'étonna.
-Vous vous connaissez ?
-Elle était directrice à Mauville avant…
-Avant le mois dernier. Je comptais muter ici bien avant mais ça n'allait résolument pas vite du côté de l'administration…
-C'est un peu ce qui m'est arrivé aussi en fait…
Echange de regards embarrassés de retrouver l'autre ici.
-Donc tu vas travailler ici… Marmonna Miranda
-Tout comme toi.
-Mouais. Tu feras attention à ne rejeter personne cette fois-ci…
-Et toi tu essaieras de n'offenser personne.
-Hmm… Mr Hadley j'étais venue vous voir parce que… Linus a encore piqué une crise !
-Nous savons, oui, il est venu en parler tout à l'heure…
-Monsieur Hadley je vous remets en garde, vous ne devriez pas le porter au poste de proviseur. Il est bien trop nerveux et réactionnaire. Depuis deux semaines que je suis là et j'ai déjà trois plaintes !
-Je sais ce que je fais, Miranda. Linus est le meilleur candidat et je suis persuadé qu'il fera du bon travail.
-En attendant je continue à penser que Perez aurait fait du meilleur travail. Enfin, vous faites comme vous voulez.
-Heureux de vous entendre dire ça.
-Et Mr Heine est un excellent choix en tant que CPE.
Mr Hadley s'étonna et regarda la jeune femme partir. Il regarda Kenneth.
-Il y a quelque chose… Entre vous ?!
Kenneth soupira
-Pas vraiment au sens ou vous l'entendez…
Kenneth prit place et soupira. C'était bien sa veine de devoir travailler avec cette femme.

Il faisait nuit quand il arriva à Doublonville. Il avait eu l'adresse du logement de fonction par Hadley. Il pleuvait dehors. L'immeuble était grand et propre. L'appartement de Smirnoff était le seul d'où l'on pouvait voir de la lumière. Il observa. Il semblait en train de cuisiner. Kenneth reconnut les mains de Capidextre qui cassaient des œufs. Kenneth était ému, d'autant qu'Etienne semblait plutôt heureux. Il regarda son petit paquet et soupira, le cœur lourd. Il posa son vélo dans la cage d'escalier, arpenta l'escalier et se retrouva devant la porte 221B.
Il hésita, mais entendant un petit bruit venant de l'intérieur, il posa le paquet sur le paillasson et partit à toute vitesse comme un voleur, grimpa sur son vélo et dévala la rue à toute vitesse.
Alerté par tant de boucan, Smirnoff ouvrit sa porte et manqua de marcher sur le paquet. Il fit une moue intriguée. Ca avait la forme et la consistance d'un CD.
« Mais ça peut être une boîte à pétards posée par des petits jeunes… Marrant… »
Il ouvrit le paquet, prêt à se brûler les doigts. C'était un album du groupe Coldplay, « A rush of blood to the head ». Il observa l'étrange chose. Qui pouvait bien l'aimer au point de lui poser des CD devant sa porte alors qu'il n'était là que depuis cinq jours ? Il haussa les épaules et cria dans la cage d'escalier un « Merci » qui pour le coup n'arriva pas aux oreilles de l'intéressé. Il entra dans son appartement de fonction. Erwan le regarda en se grattant la tête.
-Nous avons un mystérieux offreur de CD, Erwan. Si ça se trouve en le lisant à l'envers j'entendrais la voix de Satan…
Il le passa dans son ordinateur qui lui servait aussi pour ses téléchargements MP3. Le début lui plut, et il écouta ce CD plusieurs fois ce soir là. Un fan de Coldplay était né.

-Bon, vous faites quoi, là…
Adam et Jennifer semblaient impatients. Smirnoff s'était arrêté à un Cybercafé.
-Je télécharge un album que j'ai oublié chez moi.
Jennifer s'approcha de l'ordi.
-Je rêve ou vous téléchargez légalement ?!
-Eh oui, bien vu, quel sens de l'observation.
Adam s'étonna encore plus.
-Coldplay ? C'est un groupe de hippies et de gays !
-Quelle chance pour toi, tu vas en écouter un max, étant donné que je vais passer ça pendant votre entrainement aux techniques de combat.
-… Chouette…
-Ca t'apprendra à mépriser la bonne musique.
-C'est un vieil album… Pourquoi vous le téléchargez maintenant ?!
-Je ne l'ai qu'en CD en fait, et en partant de mon appartement de fonction à Doublonville j'ai oublié de le copier sur mon iPod.
-Pourquoi ne pas l'avoir fait quand on y est repassé ?
-Ca aurait été marrant ça, d'aller à votre appart ! Je suis sur que c'est le boxon !
-… Je n'avais pas conscience de certaines choses à ce moment là.

A la fin de la journée, Kenneth avait lu tous les dossiers qui concernaient les différentes sections de la faculté. Il soupira tant sa tâche avait été longue et fastidieuse. « Pourquoi j'ai délaissé le métier d'inspecteur moi… C'était largement plus cool »
Miranda entra dans le bureau. Kenneth soupira.
-Miranda, qu'y a-t-il ?
-C'est juste pour voir si ça va. Je n'aime pas trop que le proviseur ne se déplace pour de telles futilités.
-Hm… Y'a un gros problème d'assiduité… Mais rien d'anormal, c'est comme ça partout…
-La routine quoi.
Kenneth regarda Miranda.
-Je suis persuadé que cette situation t'amuse.
-Pas du tout. Qu'est-ce qui te fait dire ça ?
-Le fait que tu sois passée cinq fois devant le bureau.
-Je suis la directrice, pas une geek paraplégique.
-En regardant si j'étais là.
Le secrétaire Vernet regarda Kenneth.
-Excusez-moi, euh… vous avez couché ensemble ?
Miranda se retourna et répondit avec Kenneth :
-NON !
-Oh…
-Ecoutez vos propres conversations, Vernet ! Dans votre tête ! Signifia Kenneth
-D'accord, d'accord… Je demandais…
-Miranda, si ma présence te gêne, je veux bien demander à être transféré dans les locaux préfabriqués…
-Non, non, reste là, c'est juste que… Je ne me sens pas à l'aise pour le moment. Je pensais ne plus te revoir et quand on se fait à ce genre de choses, on est généralement sur que ça va arriver...
Kenneth regarda Miranda qui soupira et tourna les talons.

-Miranda Brooks ! Je suis la directrice de cette académie.
-K… Kenneth Heine, je… Suis le conseiller principal d'éducation.
-Je suis heureuse qu'on ait enfin un homme dans l'équipe, je commence à en avoir assez de ces salopes frigides.
Kenneth resta stupéfait.
-P… Pardon ?!
-Rien…
Elle s'assied dans la chaise en face de lui, à son bureau.
-Parlez-moi de vous !
Kenneth s'étonna devant cette femme très… Directe.
-Eh bien… J'ai étudié à la grande université de Mauville ou j'ai effectué le concours d'administration avec succès, et me voilà ici dans une région où les opportunités offertes sont plus qu'avantageuses étant donné le furieux Turn-over de l'administration à Johto.
Miranda sourit.
-Ca c'est du concret. Vous n'hésitez pas à dire ce que vous pensez.
-Je pense que le… Le premier pas vers une bonne carrière c'est la sincérité. Et dans une bonne relation… Le mensonge.
Miranda hocha la tête.
-Je m'appelle Roselyne et j'ai 58 ans ! Très malheureuse de vous voir !
Ils ricanèrent. Kenneth se ressaisit.
-Ce… C'est une invitation ?
-C'est vous qui avez commencé…

Le soir suivant, ils se rendirent au restaurant Don Moleskine situé dans la partie sud de Mauville.
-Eh bien, quand vous invitez une femme à diner vous faites les choses en grand…
-Rassurez-vous, la table est belle mais ils servent les restes des autres restaurants.
Ils s'assirent face à face.
-Heine… Vous n'êtes pas d'une famille bourgeoise par hasard…
-Si, bien deviné.
-Vous ne portez pas le smoking…
-Je déteste être reconnu comme un administratif par mes élèves. Je cherche avant tout à installer un climat de confiance et l'uniforme les perturbe.
-Ah oui… Je n'avais jamais pensé à ça.
-C'est un ami à moi qui m'a enseigné ça. Ce qui « est » ne doit pas « ressembler » à.
-Vous n'avez pas l'air d'être le genre à avoir beaucoup d'amis.
-Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?
-Les anxiolytiques. Vous savez que placer des médicaments à vue des élèves sur un bureau est illégal ?
-Pardon, je…
-Et si vous êtes déprimé, vous pouvez en parler. Nul besoin d'être aussi coincé de l'arrière train.
Elle le perturbait. Pas par son agressivité ou sa vindicte, ni même par sa beauté, mais elle lui laissait un arrière goût de déjà vu.
-Je… Ne vais pas bien en effet, mais ça n'a rien à voir avec vous…
-Parlez-en. Qu'est-ce qui vous en empêche ? La déco merdique ?
Kenneth la regarda bizarrement.
-Qu… Qu'est-ce qui ne va pas chez vous ?
-Rien, je…
-Ca n'est pas la peine d'être aussi… Désagréable… Je ne vous ai rien fait !
-Oh, eh bien excusez-moi… Au cas où vous ne l'auriez pas remarqué je n'ai pas l'habitude avec les hommes.
-Eh bien moi… J'ai 25 ans et je n'ai encore jamais rien fait avec une femme… Donc vous voyez c'est pareil…
-Je ne vous crois pas. Vous avez une tête de client.
Kenneth regarda Miranda avec des grands yeux.
-Excusez-moi, je ne voulais pas vous offenser…
-Eh bien c'est raté… Grommela le jeune homme.
Il sortit du restaurant, très embarrassé.
-Kenny… Excusez-moi ! Je… Je sais que j'ai un caractère difficile…
-Ecoutez… Au pire nous pouvons rester amis… Mais il n'y aura jamais rien d'autre entre nous.
-Je… Je suis désolé, je pensais qu'on était sur la même…
Il pensa ce qu'il voulait dire, sans pour autant être capable de le formuler.
« Vous me rappelez trop un vieil ami qui ne veut plus me revoir… Et ça m'est insupportable. »
-Désolé, Miranda.
Il partit, la laissant devant le restaurant.

-Un cabaret ?
-Oui, c'est amusant on peut demander une chanson et la chanter en jouant d'un instrument.
Adam et Jennifer se regardèrent. « C'est une espèce de cauchemar… On va se réveiller. »
-Bonjour, je voudrais un ticket !
-Remercions Arceus qu'il n'en ait pas demandé deux… Soupira Jennifer de soulagement.
-Vous jouez de quoi ?
Smirnoff sortit un Ukulélé. (Révisez vos instruments à cordes de l'océan pacifique voyons…) Adam et Jennifer levèrent les yeux au ciel.
-Je peux jouer accompagné d'un Korillon aussi. Vous acceptez les Pokémon sur scène ?
-Bien sur… Et vous chanterez quoi ?
-Une chanson du groupe Coldplay : Viva la Vida. Je joue sur deux tabourets.
Adam et Jennifer se regardèrent.
-C'est bien, ça… Une chanson récente en plus, vous allez faire un tabac.
-J'espère bien.
Jennifer s'étonna.
-Vous nous faites quoi là ? On distribue même pas d'eau gratos dans ce troquet…
-Fille, apprenez que les professeurs sont des fous et des excentriques tous autant qu'ils sont. Garçon, une remarque ?
-Vous savez jouer du Ukulélé ?!
-Evidemment puisque je suis un hippie homosexuel fan de Coldplay, je sais tout faire même la cuisine manouche !

Kenneth rentra chez lui épuisé. Il observa son répondeur.
« Vous avez un message »
Il espéra que ce soit Smirnoff. Pitié…
« Kenneth, c'est Miranda »
-Et merde… La version avec utérus en option…
« Très jolie messagerie. »
-Merci…
Il se maudit d'avoir pris un répondeur de messagerie sur la musique d'attente des Centres Pokémon. Il fut soulagé qu'elle n'ait pas appelé deux mois plutôt quand il avait sa messagerie érotique japonaise « Dieu bénisse mon obsession du changement… »
« Ecoute, au moment où je pose ce message chez toi je viens de te voir sortir du bureau d'Hadley. Je te trouve encore plus mignon qu'avant. »
Kenneth grimaça.
-Nom d'un chien mais quelle psychopathe…
« Je voulais aussi m'excuser pour avoir été désagréable lors de notre premier rendez-vous… Je ne voulais pas dire que tu étais un sale type… Au contraire j'ai toujours trouvé que tu étais un type bien… Pas maintenant, Sandy ! Oui eh bien vous savez ou il peut se le foutre, le dossier Kramer ! »
Kenneth ricana en sortant une bière du frigo.
« Ecoute, maintenant que tu vas travailler ici, je voulais juste te dire que si jamais tu avais un problème, cette fois tu pouvais venir m'en parler, je me tairais et je t'écouterais. Les gens peuvent changer, et… Au fond de moi je ressens toujours quelque chose pour toi. »
Kenneth sembla touché.
-Ouais, d'accord… Pfffff les femmes….
« A demain ! » CLIC !
-Mon vieux Kenneth… T'es coincé.
Il sortit Beth pour qu'elle lui fasse un massage. Le Leveinard se plaça derrière le fauteuil, lorsque soudain, elle se mit à briller. Kenneth se retourna, étonné, et tomba nez à nez avec son Pokémon tout fraichement évolué en Leuphorie.
-Dheu… Euh… Oh mon…
Il était tellement heureux qu'il sauta de joie, ignorant les coups de balai de la voisine du dessous. Le téléphone sonna alors.

-Et maintenant le sixième passage de la soirée, Mr Etienne Smirnoff, qui va nous interpréter « Viva la Vida » de Coldplay
Il arriva sur scène avec Korillon et un Ukulélé prêté par le bâtiment. Il s'empara de son dictaphone, y chargea une nouvelle cassette et posa le tout sur le second tabouret en mode « Enregistrer ». Il hocha la tête et Korillon donna les premières mesures sur lesquelles il s'aligna.

http://www.youtube.com/watch?v=1TQ2UwpkbX0 (Ouvrez dans une autre fenêtre…)

« I used to rule the world (Avant je dirigeais le monde)
Seas would rise when I gave the word (Les océans se soulevaient quand j'en donnais l'ordre)
Now in the morning I sleep alone (Maintenant le matin je m'endors seul)
Sweep the streets I used to own (Je balaie les rues qui m'appartenaient) »

Le public sembla apprécier. Jennifer et Adam se regardèrent, relativement impressionnés.

« I used to roll the dice (Avant je roulais sur l'or)
Feel the fear in my enemy's eyes (Je sentais la peur dans les yeux de mes ennemis)
Listen as the crowd would sing: (J'écoutais la foule chanter)
Now the old king is dead! Long live the king! (Maintenant le vieux roi est mort, vive le roi !)
One minute I held the key (La minute d'avant j'avais la clé)
Next the walls were closed on me (Celle d'après on m'enfermait)
And I discovered that my castles stand (Et j'ai découvert que mon château reposait)
Upon pillars of salt and pillars of sand (Sur des piliers de sel et des piliers de sable) »

Smirnoff s'emballa alors que Korillon suivait les mesures en donnant le ton

« I hear Jerusalem bells a ringing (J'entends sonner les cloches de Jérusalem)
Roman Cavalry choirs are singing (Chanter les chœurs de la cavalerie romaine)
Be my mirror my sword and shield (Soyez mon âme, mon épée et mon bouclier)
My missionaries in a foreign field (Mes missionnaires sur un champ étranger)
For some reason I can't explain (Pour quelque raison que je ne peux expliquer)
Once you go there was never, never an honest word (Une fois que tu étais parti il n'y avait jamais, jamais une parole honnête)
That was when I ruled the world (C'était quand je dirigeais le monde) »

La porte s'ouvrit soudainement.
-Cette fois je suis sur qu'il y avait quelqu'un…
Smirnoff remarqua un paquet. Le même papier kraft qu'il y a trois ans.
-Remercions encore Mr Coldplay…
Mais cette fois la boîte était plus grosse. Il l'ouvrit et cligna des yeux.
-Bah mon vieux…
Erwan s'étonna et Smirnoff rentra avec un iPod.
-Je sais que c'est mon anniversaire mais j'en attendais pas tant… C'est trop…
Erwan sembla inquiet et il regarda les baies qu'il avait ramenées pour l'occasion.
-Mais non, Erwan enfin, ton cadeau à toi aussi est très bien… Seulement j'aimerais savoir qui, qui m'envoie ces douceurs. Si c'est la blonde du secrétariat, il faudra que je lui rappelle qu'elle a de l'herpès et que malheureusement pour elle ça se voit…
Il ouvrit sa fenêtre malgré le froid hivernal de ce 21 décembre.
-Merci, mystérieux inconnu… Ou admiratrice secrète fêlée… Mais Merci beaucoup !
Kenneth, qui était resté sur le côté de l'immeuble, sourit. Il repartit lorsque Smirnoff referma la fenêtre.

Le lendemain, Kenneth rentra chez lui et entendit que le téléphone sonnait. Il soupira « Encore cette psychopathe… »
-Allo…
« Kenny, tu es là ? »
Kenneth entra dans son bureau et il vit le visage dépité d'Etienne.
-Etienne ! Ce que je suis content de te voir ! Tu… Tu vas bien ?
Etienne hocha la tête.
« Je vais bien… »
-Ou es-tu ?
« Dans un dispensaire près de la route 43, au sud du lac Colère. »
-Oh… Vous êtes loin… Je n'ai pas trouvé ce que tu m'as demandé, mais mes secrétaires font des recherches…
« Ca va Kenny, je… J'ai juste envie qu'on discute un peu. »
Kenneth sourit.

Quelques minutes plus tard…
-En gros tu n'as pas à te blâmer. Je ne comprends pas vraiment ta réaction. C'est normal de provoquer des sentiments chez les femmes, elles n'ont que ça à faire d'avoir des sentiments… Tu n'as pas à culpabiliser.
« Tu as probablement raison… Je vais te laisser, j'ai des élèves sur le feu. »
-Ca m'a fait plaisir de t'avoir au téléphone, Etienne.
« Oui et toi fais attention aux hystériques castratrices. »
-T'en fais pas, un coup de pied et c'est bon !
« Héhéhé… J'avais pensé emmener les petiots dans un café karaoké ce soir, histoire de m'amuser un peu. Je suis sur qu'ils chantent plus faux dans un micro encore… »
-Profites-en pour leur faire chanter du Coldplay, ça sera encore plus distrayant.
Silence puis :
« Co… Comment tu sais que j'aime Coldplay ? »
-Je… Sais pas, intuition !
« Mouais… Bon, à plus tard. »
-Salut, Etienne…
Il raccrocha et soupira. Son secret était presque découvert.

-Vous faites quoi maintenant ?
Smirnoff glissa la cassette qu'il avait enregistrée dans une enveloppe
-J'envoie un cadeau au père noël… Bon, allons-y donc. En plus j'ai eu droit à une jolie Roche Royale pour ma participation.
-Une vieille pierre qui ne sert à rien… Soupira Adam.
-Sauf à t'énerver. Quel fabuleux minéral…
Smirnoff nota l'adresse.

Kenneth Heine
248, Rue du ruban bleu
HN-408 Mérouville

-Et voilà. Merci la poste !