Chapitre 10 : Conservatoire au centre de la Terre
Dans la grotte, c’était le branle-bas de combat. Les Racaillou attaquaient sans discernement tandis que Ouisticram s’en donnait à cœur joie, inarrêtable.
— Non ! Arrêtez-vous ! implorait Kirlia.
Mais tout le bruit était tellement intense que ses paroles restèrent ignorées. Mathis, accompagné de Salamèche et Didier, se rapprocha de Julian, serrant Toxizap dans ses bras pour le protéger d'éventuelles attaques.
Kirlia, tentant le tout pour le tout, se servit de ses pouvoirs psychiques pour momentanément stopper Ouisticram.
— La sorcière use de ses maléfices ! hurla le Racailliou nommé Agent Rockwell.
Malgré la pagaille ambiante, la part du bataillon de Pokémons Roche encore debout forma un cercle autour de leur chef qui se mit, sans plus attendre, à pivoter sur place, de plus en plus vite.
— Début de la phase deux, ordonna un Racaillou.
D’autres congénères, bien qu’un peu sonnés, vinrent compléter la formation. Ils entourèrent Kirlia, de sorte à lui empêcher toute manœuvre de retraite.
Quand je vis nos adversaires former un parfait couloir entre Rockwell et notre nouvelle amie (car oui, le considérait déjà comme telle), je compris ce qu’il allait se passer mais… il était trop tard.
— Go !!! s’écrièrent les Racaillou d’une seule voix.
L’Agent Rockwell, animé par une force centrifuge impressionnante, chargea furieusement en direction de sa cible.
Mon sang ne fit qu’un tour. Mû par un réflexe incongru, je m’élançai vers Kirlia afin de la protéger. Ou de prendre le coup à sa place…
La seule chose dont je me souvienne avant de tomber dans les vapes, c’est d’avoir entendu un cri de douleur provenant de Kirlia et une vive douleur à la mâchoire.
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Voyant son protecteur se faire frapper aussi violemment, Commissaire sauta en sa direction et frappa la terre de son sabot afin d’ériger une colonne de roche et de le mettre hors de portée de ses agresseurs.
— Libérons-les ! s’écria-t-il.
Titoun et Didier répondirent à son appel, sans doute par affection envers le Pokémon Minifeuille ou le jeune homme, et accoururent dans sa direction pour le protéger des attaques potentielles.
Malheureusement pour eux, il s’agissait d’un piège. Les Racaillou s’attendaient à une réaction similaire suite à l’attaque de leur supérieur et plusieurs dizaines d’entre eux se jetèrent sur les pauvres petits et les ligotèrent aux corps inconscients de Thomas et Kirlia.
L’Agent Rockwell siffla et un Wagomine sans le moindre charbon sur son dos débarqua en criant “Vroum, vroum !”.
Avant même que Julian, Mathis ou un autre n’ait eu le temps de réagir, un groupe de cinq Pokémons Roche assez balèzes étouffèrent leurs cris désespérés en leur donnant un coup sur le crâne et les chargèrent dans le Wagomine. Ils s’enfuirent alors dans une galerie inférieure, escortant le Pokémon Wagon et leurs otages.
— Hé là, attendez un peu ! s’écria Mathis.
Et il s’empressa de leur courir après, Inspecteur, Ouisticram et Anchwatt à sa suite.
— Non, ne les suivez pas, c’est une très mauvaise idée…
Mais ces paroles résonnèrent inutilement dans les parois du tunnel maintenant vide de monde, simplement éclairé par la queue de Salamèche.
— Bon… dit Julian comme pour combler le silence.
L’écho de sa voix alla se perdre dans d’autres galeries.
Il regarda autour de lui ; seuls Evoli, Tarsal et Salamèche étaient restés à côté de lui. Sans oublier Toxizap dans ses bras et Plumey, qui faisait toujours la sieste, posé dans un coin.
Julian le remarqua, et le réveilla d’un coup de pied, façon footballeur. Le Pokémon roula sur quelques mètres puis se dressa sur ses serres en baillant :
— C’est pourquoi ? demanda-t-il, la paupière droite encore fermée.
L’adolescent tourna les talons l’air pensif et déclara :
— Tes potes se sont fait embarquer et toi, tu dors ? Tu ne comptes rien faire ?
— Ah, zut... Les gars, attendez-moi !
Et il s’envola en direction de la sortie.
— Non, n’y va pas, lui ordonna Julian.
— Et pourquoi ?
— C’est simple, il faut que nous préparions un plan infaillible pour libérer tout le monde de ces Racaillou insolents. D’ailleurs, c’est fort probable que ton frère ait été capturé par eux, Tarsal.
Elle hocha la tête, timidement.
— En plus, tu te dirigeais vers la sortie de la grotte, là, ajouta Salamèche. Donc dans le sens opposé.
— Ah, zut…
Soudain, un bruit comme du gravier qui roule trahit le silence. Tous se retournèrent et virent une paire d’yeux luisants disparaître dans la pénombre.
— Quelqu’un nous espionnait ! s’exclama Julian.
— On le poursuit ? C’est pas du tout dans cette direction que se sont enfuis les Racaillou, demanda Toxizap.
— Il faudrait, je pense. De toute façon, on pourra toujours revenir plus tard.
Et il s'élancèrent à la poursuite de la mystérieuse créature.
Après quelques minutes à marcher dans l’obscurité, ils se heurtèrent à un cul-de-sac.
— Sérieux ? Une impasse ? Mais où est-il passé ? se demanda Julian à voix haute.
— Ce n’était pas mon frère par contre, indiqua Tarsal. Sinon, j’aurais reconnu ses pouvoirs psychiques.
— OK, faisons gaffe, alors. Salamèche, viens éclairer le mur s’il te plaît.
— J’arrive… s’exclama-t-elle.
Le Pokémon Lézard baigna le mur de la lumière de sa flamme. Mais ce n’était qu’un bloc de terre des plus banals. Pas d’inscription, pas de mécanisme secret, rien. C’était une véritable voie sans issue.
Julian traduisit sa frustration d’un coup de pied sur le sol. Il se raidit d’un coup et demanda à tout le monde de s’écarter.
— Ça a résonné creux ! Salamèche, éclaire le sol.
Là, ils virent qu’ils marchaient sur un panneau de bois.
— C’est une trappe ! se réjouit Julian. Le Pokémon qu’on a vu tout à l’heure se cache certainement en dessous !
— Tu es sûr que c’est sans danger ? demanda Toxizap.
— Je ne sais pas. Continue à te cramponner à moi et tout ira bien.
— Plumey et moi iront en premier, décida Salamèche.
— Pourquoi moi ? s’indigna Plumey.
— Tout simplement parce que si on est attaqués ou piégés, je peux me défendre et toi, tu peux aller chercher de l’aide.
— Mais comment ?
— En volant, pardi !
— Ah ouais… C’est pas bête ce que tu dis. Je comprends pourquoi Ouisticram t’aime : il adore les femelles intelligentes !
— J’vais t’faire avaler tes plumes, sale piaf de mes deux ! s’énerva Salamèche.
— Ah zut… Je l’ai énervée maintenant…
Julian coupa court à cette discussion stérile.
— Bon, j’ouvre la trappe.
Il agrippa le crochet en métal et parvint à soulever la dalle à la seule force de ses bras.
Salamèche sauta dans le l’obscurité, Plumey à sa suite.
Finalement, le trou n’était pas si profond ; seulement de deux ou trois mètres.
— Il n’y a personne ! Vous pouvez descendre, indiqua Salamèche.
Chacun leur tour, Julian, Evoli et Tarsal sautèrent à l’intérieur de la pièce secrète.
— Le passage s’élargit devant nous, souligna Salamèche, nous pouvons progresser aisément.
Ils pénétrèrent dans une galerie magnifiquement aménagée. Celle-ci était large d’une dizaine de mètres et assez haute pour que Julian ne puisse en toucher le plafond de ses mains malgré ses un mètre quatre-vingts. Des torches accrochées sur les deux murs latéraux à intervalles réguliers octroyaient une luminosité parfaite, permettant à nos protagonistes d’avancer normalement.
En dessous d’elles, une myriade de pierres précieuses en tout genre et de toutes les couleurs resplendissaient. On se serait cru dans un musée à ambiance sombre et rustique.
Toute la tension accumulée jusqu’à présent semblait être tombée, laissant place à de l’émerveillement, si bien qu’on aurait pu croire qu’ils avaient oublié qu’ils poursuivaient quelqu’un. Non, en réalité, cela leur a complètement échappé.
Soudain, Julian marcha sur un morceau de terre instable et le sol se déroba sous ses pieds. Grâce à un ultime réflexe, il parvint à s’accrocher. Il sentit Toxizap resserrer son étreinte.
— Qui êtes-vous ? Pourquoi m’avez-vous suivi ? Vous cherchez le pouvoir ? Ou simplement voulez-vous dérober mon trésor ?
Un Carmache, certainement le Pokémon qu’ils avaient vu s’enfuir auparavant, leur faisait face, visiblement assez fâché.
— Quoi qu'il en soit, vous n’êtes pas les bienvenus ici !
Et ce furent les dernières paroles qu'entendit Julian. Le Carmache frappa la terre de sa patte, déclenchant les secousses de l’attaque Piétisol. Il fut enseveli dans la terre et sentit son corps chuter.
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Lorsque la terre s’arrêta de trembler, Julian constata qu’il avait eu une chance énorme. Malgré le fait qu’il soit allongé dans la poussière et que son dos lui fasse horriblement mal, les rochers s’étaient stabilisés au-dessus de lui, lui épargnant une mort par écrasement.
La situation n’en demeurait pas moins critique étant donné que Toxizap et lui étaient coincés, ensevelis sous une tonne de rochers. Il recracha avec dégoût la terre qui s’était infiltrée dans sa bouche durant sa chute, mais le goût âcre dans sa bouche persista.
— Toxizap, tout va bien ? demanda-t-il d’une voix faible.
— Oui, parfaitement bien. Tu m’as bien protégé durant notre chute.
— Tant mieux… Attends ! Comment se fait-il qu’on se comprenne encore ?
— Mmmh… Nous devons toujours être dans la sphère d’influence de Tarsal. Je ne vois pas d’autre explication possible.
Une brève lumière blanche les éclaira tous les deux avant de s’éteindre.
— Qu’est-ce que tu fais ? demanda Julian.
— C’était un arc électrique. Enfin, je crois. C’est ce que ma maman adoptive m’a dit. Je suis trop petit pour avoir des pouvoirs électriques développés mais en écartant mes doigts ainsi…
Malgré l’obscurité, Julian parvint à le voir faire le V de la victoire avec ses petites pattes. Il trouva cela vraiment très mignon.
— …et en utilisant mes pouvoirs, je crée un bref-circuit et ça fait ce que tu as vu.
— Un court-circuit.
— Hein ?
— Ce n’est pas un bref-circuit. On appelle ça un court-circuit.
— Excuse-moi. Je retiens.
“Quel enfant admirable”, pensa Julian.
Toxizap refit un arc électrique avec ses doigts.
— Cherchons une issue tant que j’arrive à faire de la lumière, dit-il.
Julian, émerveillé, approcha sa main de la petite patte de son Pokémon. Celui-ci s’en rendit compte et colla ses deux doigts, pour arrêter l’arc électrique.
— Tu es fou ? s’écria-t-il. Tu risques de mourir électrocuté à ce train-là ! Écarte-toi un peu, histoire d’éviter une catastrophe.
— T’inquiète. Il ne m’arrivera rien. Tu es vraiment sûr d’être un enfant, pour être aussi mature ?
— Et, toi, t’es sûr d’être quasiment un adulte pour avoir un comportement aussi irresponsable ?
La remarque fit mouche. Julian s’écarta de son protégé sans prononcer le moindre mot, tant il était abasourdi. Il était clair que Toxizap avait juste eu peur de causer la mort d’un être cher, il ne pensait pas vraiment ce qu’il disait. Du moins, c’est ainsi que se rassura Julian.
Pendant de longues minutes, arc électrique après arc électrique, Toxizap inspectait l’entièreté de leur prison de roc, malheureusement sans trouver d’issue claire.
Peu après, il se plaça dos à l’adolescent et s’assit face aux rochers, les mains jointes.
— Tu pries ? le questionna Julian.
— Non, je n’ai pas encore abandonné l’idée de repartir d’ici vivant.
— Moi, si. Du coup, tu fais quoi ?
— Je me sers de ma maîtrise des ultrasons comme d’un sonar. Mes pouvoirs ne sont pas très puissants, mais j’arrive à détecter le vide à quelques mètres devant moi.
— Arrête de répéter que tes pouvoirs ne sont pas puissants. Moi, je les trouve super utiles. N’importe qui, aurait déjà abandonné à ta place. Et pourtant, tu persévères, tu te sers de tes seules connaissances pour imaginer de nouvelles utilités à tes pouvoirs.
Toxizap se frotta les yeux puis se remit en place. Peut-être essuyait-il une larme de reconnaissance ?
Comme il ne manipulait plus l’électricité, Julian se rapprocha de lui en rampant.
— Tu as trouvé un passage ? lui demanda-t-il.
Suite à sa question, les rochers au-dessus d’eux se mirent à trembler, menaçant de s’effondrer sur eux. Les mouvements du jeune homme avaient sûrement déstabilisé la structure.
— J’ai peut-être trouvé un passage qui monte, mais je n’ai pas vraiment eu le temps de bien l’étudier…
— Tant pis, on y va !
Et ils s’infiltrèrent dans la brèche, fuyant un autre éboulement imminent.
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Un peu plus haut, le Carmache avait engagé le combat. Bien qu’en supériorité numérique, Plumey, Salamèche et Evoli arrivaient à peine à repousser les assauts de leur adversaire.
— Tarsal, ce n’est pas ton boulot de te battre ! Éloigne-toi un peu, tu risques de te prendre des coups ! ordonna Salamèche.
Le Pokémon Sentiment obéit et partit se mettre à l’abri.
Carmache frappa à nouveau son pied sur le sol, engendrant de nouvelles secousses.
— Plumey, fais un truc ! implora Salamèche. Tu es le seul à ne pas ressentir les effets de son attaque Piétisol.
Soudain, Evoli surgit d’un nuage de poussière et fonça directement sur Carmache.
— N’approchez pas plus ! s’écria-t-il. Dracogriffe !
— Couvre-le ! ordonna Salamèche.
Plumey battit des ailes et lança Tranch’Herbe sur le Pokémon Caverne en prenant soin de ne pas toucher ses alliés.
Malheureusement pour lui, Carmache se contenta de protéger son visage avec son aileron gauche et asséna une puissante attaque du droit à Evoli.
Le Pokémon Évolutif voltigea à travers le tunnel et se prit l’une des étagères sur l’arrière du crâne. Celle-ci se décrocha et l’entièreté de son contenu lui tomba dessus.
— Ah zut… se plaignit Plumey.
— Tente une attaque au corps ! Je le maintiens à distance, décida Salamèche.
— J’aimerais bien, mais il a disparu.
— Comment ça ? Il est où ? s’affola le Pokémon Lézard.
— Sous terre ! s’écria Tarsal.
Trop tard. Après une attaque Tunnel parfaitement bien exécutée, Carmache réapparut juste sous Salamèche et lui attrapa le cou à l’aide de sa mâchoire.
Grâce au pouvoir de Tarsal, tous purent entendre ses pensées sans qu’il n’ait besoin d’articuler.
— C’est toi leur cheffe, n’est-ce pas ? Vous n’avez pas le droit de venir ici. Donc tu vas prendre ta petite équipe avec toi et tu vas prendre tes cliques et tes claques, illico. Me suis-je bien fait comprendre ?
— Aide-moi Plumey… dit-elle d’une voix faible. Ça fait mal…
— Non. Rendons-nous. Si je riposte, il va te broyer le cou.
— Nous ne pouvons partir sans…
Des pierres volèrent, un éclair traversa la pièce. Salamèche sentit les dents de Carmache s’écarter et ce dernier fut repoussé en arrière avec une force prodigieuse.
Juste à côté de Salamèche se dressait un magnifique Voltali. Celle-ci toussa un peu et annonça :
— L’assaut continue !
Voltali recommença à charger Carmache, mais ses attaques devinrent beaucoup plus efficaces qu’avant car sa vitesse était dorénavant bien supérieure à celle de son adversaire.
Un retournement de situation s’opéra. Carmache ne savait plus où donner de la tête entre les Vive-Attaque de Voltali et le souffle enflammé de Salamèche.
— Ça suffit ! s’énerva Carmache.
Il planta ses griffes dans le sol et secoua la terre encore plus violemment qu’avant, infligeant de gros dégâts à ses deux adversaires qui sont faibles face aux attaques de type sol.
— Plumey… Plumey ? Plumey, qu’est-ce que tu fous encore ?! hurla Salamèche. Le combat n’est pas encore fini !
Le Pokémon Plumefeuille était posé sur la tas de pierres dans lequel Voltali avait atterri précédemment et semblait s’en repaître goulûment.
— Bah quoi ? Moi aussi, je mange tout un tas de pierres pour devenir plus fort et le rétamer en un seul coup.
Salamèche se prit la tête dans les pattes.
— Espèce de crétin… Tu n’as besoin de pierre pour évoluer ! Tout ce que tu vas gagner, c’est un intox alimentaire ! Maintenant, lève ton popotin de là, et viens nous aider !
— Ah zut… J’arrive plus à m’envoler.
Et pour accompagner ses dires, il battit lamentablement des ailes, perdit l’équilibre et roula jusqu’aux pieds de Salamèche.
— La rigolade est terminée ! prévint Carmache.
Il repoussa violemment Voltali et commença à accumuler de l’énergie.
— Ça va pas le faire, ça va pas le faire… stressait Tarsal dans son coin.
Soudain, sans que le Pokémon Caverne ne s’en aperçoive, une main noire surgit de terre, prit appui sur le sol et la tête de Julian maculée de terre en sortit, avec Toxizap sur sa tête.
— Toxizap, lance Ultrason ! chuchota-t-il.
Le Pokémon obtempéra et Carmache posa un genou à terre, sonné.
— Toi ? Je pensais m’être débarrassé de toi ! ss’étonna-t-il.
— Je suis comme les mauvaises herbes, mon pote. C’est très difficile de me faire partir.
Il s’adressa ensuite à Voltali :
— Volt, prépare-moi ta meilleure Vive-Attaque.
Le Pokémon Orage prit appui sur ses pattes arrières et se tint prêt.
— J’ai aussi une carte à jouer… déclara Salamèche.
Elle attrapa Plumey par les serres et commença à pivoter sur elle-même.
— Bon sang que tu es devenu lourd…
Elle tourna de plus en plus vite, en condensant la flamme de queue.
“Il me faut encore plus de puissance” pensa-t-elle.
Elle se mit soudain à briller, puis se changea en Reptincel. La flamme de sa queue s’intensifia encore et, avec une force phénoménale, elle lança son ami Plumey en plein dans le ventre de son adversaire.
— Volt, maintenant ! ordonna Julian.
Voltali fonça lui aussi à toute allure et percuta la mâchoire de Carmache qui tomba K.O.
— Bien joué, les gars ! s’exclama le jeune homme.
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Quand Carmache se réveilla, il était allongé à même le sol, la tête surélevée grâce au sac à dos de Julian.
— Comment ça va ? lui demanda l’humain.
Carmache se mit en position assise et regarda autour de lui. Personne ne semblait lui en vouloir et les douleurs de son combat avaient quasiment disparu.
— Vous… Je… Pourquoi avez-vous pris soin de moi ? Je vous ai attaqué, j’ai pas forcément été très gentil et…
— Chut, lui souffla Reptincel en posant sa griffe devant sa bouche. Tu es encore convalescent donc tu te ménages.
— Ecoute, mon pote, répondit Julian, par chance, ce matin, j’ai emporté un kit de soin dans mon sac donc tout le monde a pu en profiter. Mis à part Plumey, j’ai toujours pas compris ce qu’il avait…
— Boah, t’en fais pas, rétorqua Reptincel. Son système digestif va être énormément sollicité pendant trois jours puis il ira mieux.
— Vous êtes en train de me dire, avança Carmache, que vous avez pris soin de moi plutôt que d’aller dans le tunnel derrière moi ?
— Bah oui. En même temps, tu nous as dit de ne pas passer. J’ai déjà failli mourir une fois aujourd’hui. Ça me suffit.
Léger flottement. Julian ajouta :
— Nous, on n'est pas venus pour la bagarre ou pour découvrir tous tes secrets. On veut juste récupérer nos copains et nous en faire d’autres si possible.
Le Pokémon Caverne balaya la pièce des yeux.
— C’est donc vrai ce que tu disais avant. Tu veux devenir mon pote ?
Il éclata en sanglots. Mais ce n’était pas de la tristesse. Simplement de la joie. La joie de connaître quelqu’un, de prononcer ce mot simple en apparence mais si complexe à prendre pour acquis : “ami”.
— Je n’ai jamais connu d’ami, pleurait-il. J’ai toujours été seul dans un endroit comme celui-ci, à passer mes journées seul pour veiller à ce que personne ne veuille s’en prendre à la Terre.
— Le dieu de la Terre ? Groudon ?
Carmache le toisa quelques secondes.
— Non mais je disais un nom au pif, excuse-moi, excuse-moi, je ne t’interromps plus.
— Tu as tout-à-fait raison. Autrefois, sur mon ancienne planète, j’étais dans un endroit comme ce tunnel mais je ne servais qu’à guider les fidèles vers mon maître quand il voulait avoir une audience avec lui. Au moins, je voyais du monde. Cependant, depuis qu’on est arrivé ici, je dois impérativement empêcher quiconque d’entrer à cause de la chasse divine. Donc je ne vois plus personne. Et ironie du sort, on m’empêche de vieillir donc je suis condamné à faire mon travail pour l’éternité…
Julian s’assit face à lui.
— Merci d’en avoir dit autant sur toi. J’espère que ça t’a soulagé. Maintenant, à mon tour de raconter mon histoire…
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Après une bonne heure à discuter, Carmache se leva et déclara :
— Venez. Je vais vous présenter à mon maître.
— Euh, tu es sûr ? s’exclama Julian. Je croyais que tu devais en aucun cas nous laisser passer.
— Finalement, je ne m’en fais pas. Vous n’avez pas l’air malveillants.
Il ajouta en faisant un clin d’oeil :
— De toute façon, vu comment vous avez galéré à me battre, vous n’auriez aucune chance face au grand Groudon.
Carmache se plaça devant le tunnel interdit.
— Venez vous mettre autour de moi, ordonna-t-il.
Tous obtempérèrent, y compris Plumey qui n’arrivait plus qu’à rouler sur lui-même.
Carmache frappa plusieurs fois du pied et, quelques secondes plus tard, l’entièreté du tunnel se mit à trembler. Soudain, une gigantesque main de terre les attrapa et les entraîna sous terre.
Lorsque la main de terre disparut, se changeant en poussière, Julian remarqua avec stupeur que le décor avait changé, laissant place à un paysage digne des plus grands films fantastiques.
Bien que la caverne dans laquelle il se trouvait soit censée être extrêmement sombre, on y voyait parfaitement clair grâce aux cascades de lave qui, çà et là, parsemaient les murs et dégageaient une lueur orangée apaisante pour les yeux.
— Wow… ne put-il s’empêcher de dire.
La caverne était tellement atypique qu’il était impossible pour eux de ne pas en observer le moindre détail ni même de les quitter des yeux.
— Bonjour, dit une voix grave dans leur tête.
Tous sursautèrent, mis à part Carmache.
— Bonjour maître, répondit-il.
Et il posa le genou à terre. Tous observèrent l’immense Groudon assis et adossé aux parois de la grotte avec un mélange de stupeur et d’admiration. Puis, ils imitèrent Carmache.
— Ce sont de drôles de personnes que tu m’apportes là, Carmache. Voyons voir… Reptincel, Voltali… tiens, il a une drôle d’apparence ce Brindibou.
— Ne vous en faites pas, maître. Il a simplement trop mangé.
— Oui, acquiesça l’intéressé d’une voix étouffée.
— Nous avons aussi un Tarsal… Oh, tu possèdes une force psychique phénoménale ! Serait-ce toi qui as confiné ses pouvoirs durant la guerre contre les humains ?
Tarsal rougit et répondit d’une petite voix toute timide :
— Oui, c’est moi. Mais j’ai pas fait exprès.
— Je suis ravi de te rencontrer. Tu nous as été d’une grande aide. Et enfin, les derniers ; un Toxizap avec son humain… Décidément, je vais de surprise en surprise ! Vous possédez une âme assez similaire tous les deux. C’est rare !
— Eh bien… Je ne sais pas trop ce que cela signifie, mais merci ! déclara Julian.
— Oh… Laisse-moi te faire un petit cours dans ce cas. Tu connais le phénomène d’âme sœur ?
— Pas vraiment ? C’est pas quand on est très fort amoureux ?
— Ça, c’est uniquement dans les mythes humains, le contredit Carmache.
— Oui, Carmache a raison, dit Groudon. Il existe forcément un humain et un Pokémon qui ont une âme similaire dans l’univers. Mais, ce qui fait que votre cas soit extrêmement rare, c’est que rien n’impose aux âmes sœurs de se rencontrer à la même époque. Bien au contraire… et la légende raconte que deux âmes sœurs se rencontrant peuvent développer des pouvoirs surhumains. C’est pour cela qu’ensemble, vous êtes des êtres exceptionnels. Dis-moi Toxizap, tu joues de la musique ?
— Non. Vous savez, Messire, je ne suis encore qu’un enfant. Je découvre encore mes pouvoirs.
— Ton espèce excelle dans la musique. Sache-le. Avec Julian ici présent, si vous arrivez à faire entrer vos âmes en résonance, vous pourrez être surpuissants ! Maintenant, laissez-moi appeler une bonne amie à moi. Tu verras, c’est vraiment la mieux placée pour t’apprendre tout ce qui est de l’ordre de la mélodie.
Et il plongea sa main dans le sol, aussi facilement que l’on pourrait le faire dans de l’eau. Après quelques secondes à fouiller dans le sol, il ressortit une main/cocon similaire à celle qui à emmené toute la bande ici.
— Mais quels sont ses pouvoirs ? chuchota Julian à Carmache.
— C’est simple. Mon maître peut déplacer et voir tout ce qui est en contact direct avec la terre. D’où son appellation du dieu de la terre. D’ailleurs, ici, on est tout proche du noyau de la planète. Fascinant, non ?
— Tu penses qu’il peut savoir si mes amis sont en danger, actuellement ? Ça m’était complètement sorti de la tête !
— Oui, demandons-lui.
Pendant ce temps, le “cocon” de pierre s’était fragmenté puis dissous, laissant place à un Pokémon de taille moyenne à l’apparence d’une petite fille.
— Groudon ! rouspéta-t-elle. Tu m’as encore téléportée sans prévenir.
— Désolé… Malgré tout, je pense que nos amis vont t’intéresser. Les amis, je vous présente Meloetta, muse autoproclamée de la musique. Meloetta, voici Julian et Toxizap, un cas d’âmes soeurs. J’aimerais justement que tu apprennes les bases de la musique à Toxizap.
— Des âmes sœurs ?! C’est vrai ?! Chouette, chouette, chouette !
Elle plana jusqu’à Julian, prit le Pokémon Poupon dans ses bras et l’entraîna à l’écart.
— Viens là mon chou, je vais tout t’apprendre.
Julian profitèrent de cet instant pour s’approcher de Groudon.
— Excusez-moi maître. Julian m’a raconté que ses amis ont eu des mésaventures avec les Racaillou qui peuplent les autres galeries. Est-ce que vous pourriez intervenir pour les aider s’il vous plaît ?
— Laisse-moi voir… répondit-il.
Il ferma les yeux et se concentra.
— Je suis navré. J’ai effectivement vu deux jeunes garçons dans ces galeries comme vous me l’avez dit, mais aucun d’eux n’est prisonnier de quiconque. Ils vont tous bien.
— Merci beaucoup, Monsieur, remercia Julian.
Soudain, une douce mélodie -de la guitare- se fit entendre. On aurait dit comme une berceuse. Tous se retournèrent en direction de Toxizap, qui en était effectivement l’auteur.
Quand il eut fini, Meloetta applaudit bruyamment, avant de se rendre compte que le moment n’était pas propice. Toxizap sanglotait.
— Qu’est-ce qui a ? demanda-t-elle. Tu as un talent incroyable, tu devrais t’en réjouir !
— Cette mélodie… Je ne sais pas comment je m’en souviens, il me semble que c’est ma maman, enfin, ma vraie maman qui me la jouait quand j’étais encore dans mon œuf. Je ne l’ai jamais connue. A cause de la guerre apparemment…
Julian s’approcha et prit Toxizap dans ses bras pour le consoler. Et quelques minutes plus tard, il était de nouveau disposé à jouer de la musique.
— Alors, qu’est-ce que tu nous joues, ce coup-ci ? demanda Julian.
— Une chanson de Metallica, rien que pour toi. Car elle te caractérise bien.
— Du rock ? s’exclama Meloetta. Il faut que je m’habille en conséquence !
Et elle changea de forme, pour en adopter ressemblant fortement à un grand fan de metal.
— Je joue avec toi ! déclara-t-elle en tirant la langue.
— Du coup, quelle chanson ? redemanda Julian.
— Ride the Lightning de Metallica.
— Pourquoi celle-là ? Ça parle d'un type qui meurt électrocuté…
— Parce que c’est ce qui risque de t’arriver, si tu continues à t’approcher de nous quand on utilise nos pouvoirs.
Et il bloqua une pierre entre ses deux pattes arrière, généra des fils d’électricité pure et commença à enchaîner les accords avec.
Et c'est ainsi qu'un véritable concert résonna dans la caverne du dieu de la terre.
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Le son des guitares électriques était omniprésent dans la caverne.
Groudon se retourna et fixa Voltali, qui était resté à l’écart.
— Volt, c'est ça ? Pourquoi ne vous amusez-vous pas avec les autres ?
— Je n'y arrive pas. Je suis trop timide. J’aimerais discuter avec Julian, mais… mais… le fait qu'un autre Pokémon Psy servant d’intermédiaire écoute ce qu'on se dit me paralyse. J’aimerais avoir des pouvoirs un peu plus utiles pour que je puisse parler dans la tête des gens. Pour que personne d’autre ne puisse écouter ce que je raconte.
— Mmh… Ton cas est compliqué en effet. Je pense pouvoir t’aider. Mais il faudra faire des sacrifices. Viens avec moi si ça t’intéresse tant…