Chapitre 9 : Le réceptacle
Pour la première fois, alors que je me levais, je vis Arthur devant moi, en train de s'affairer à ranger quelques bricoles dans un sac à dos.
— Tiens, où est-ce que tu vas aujourd’hui ? lui demandé-je en baillant.
— Pas très loin. Maintenant, je dois me plier aux décisions prises par l’équipe toute entière.
C’est donc pour la première fois que nous descendons ensemble en direction de la cafétéria.
Une fois n'étant pas coutume, nous étions les premiers à table. Toutefois, seulement quelques minutes plus tard, nous étions réunis et nous discutions autour de ce premier repas de la journée.
Les discussions allaient de bon train, et, de fil en aiguille, le sujet initial a laissé place au planning de la journée.
Nous étions samedi, par conséquent, les cours ainsi que le fameux tournoi de l'école commenceront lundi, soit dans deux jours. Il est donc impératif d'effectuer les derniers préparatifs afin d'être prêts.
— J'ai besoin de pierres foudre ! s'écria Julian.
— Et alors ? répondis-je d'un air détaché.
— Comment ça, “et alors” ?! Mes Pokémons ont besoin de devenir plus forts. Et c'est pas comme si j'allais en trouver une par hasard par terre, crier “oh là là, quelle chance” et la jeter sur mon Evoli pour le faire évoluer.
— Tu ne veux pas laisser ton Evoli décider de ce qu'il veut devenir ?
— Oui…mais…je préfère quand même Voltali aux autres.
Je haussai les épaules.
— C'est toi qui vois. Par contre, dans mes souvenirs, ces pierres se trouvent dans les grottes. Tu en as vu une dans les parages ? Moi, il ne me semble pas.
— T'es sûr ? intervint Fedi. Je crois me souvenir qu'il y en a une près de l'endroit où le Galifeu s'est fait écraser.
Commissaire sursauta et renversa sa gamelle, ce qui produisit un fracas des plus bruyants.
— J'aurais préféré que tu ne me rappelles pas cet incident, me lamenté-je.
— On s'en fout ! On va là-bas ! s'écria Julian.
— Bon, au moins, ça, c'est réglé. D'ailleurs, en parlant de l'accident causé par Commissaire, tu ne veux toujours pas le reprendre, Fedi ?
— Quoi ? Moi ? Euh…
— C'est quand même ton Pokémon. Le tien, insista Mathis.
— Je n'y arriverai pas, avoua-t-il. J'ai toujours peur. Je suis désolé.
— Quoi ? s'écria Arthur. T'as toujours peur de ces bestioles ? Mais c'est ridicule !
Il se leva, se frotta l'œil gauche, posa ses deux mains sur la table, juste devant mon ami et lui demanda :
— Qu'est-ce qui te fait peur chez eux ? On peut peut-être arranger ça. Non, je JURE d'arranger ça.
— Je ne sais pas. J'ai peur, c'est tout.
— Okay… Ça va peut-être être plus compliqué que prévu.
Il s'éloigna un peu, prit Pifeuil par les bras et le souleva de quelques centimètres avant de le reposer.
— Pas toi, t'es trop lourd.
Il décida alors de porter Scalpion, qui était assis juste à côté de Pifeuil, et le transporta jusqu'à l'endroit où Fedi était assis.
Mon pauvre ami poussa un petit cri et recula brusquement. Quant à Arthur, il posa son Pokémon sur la table et l'interrogea :
— Maintenant, j'ai besoin que tu me donnes le plus de détails possible. Dis-moi exactement ce que tu ressens, en étant le plus précis possible.
Mon ami, les yeux écarquillés, ne répondit pas. Arthur fit en sorte de lui parler sur le ton le moins agressif qu'il connaisse, ce qui représente un gros effort de sa part.
— Allez. Je suis là pour t'écouter. Dis-moi tout ce que tu ressens.
— Ben j'ai peur !
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Encore une fois, j'ai été trop optimiste. Maintenant qu'Arthur acceptait de nous suivre, je pensais que nous pourrions enfin avoir de vrais entraînements en équipe. Quelle désillusion !
A la base, le groupe d'assistance devait aller s'entraîner au stade d'entraînement dans lequel Arthur s'est entraîné toute la semaine tandis qu'Arthur, Mathis, Julian et moi allions explorer la grotte, dans le but de trouver des pierres foudre.
Mais comme à chaque fois que je m'imagine un scénario précis, tout l'inverse se produit.
“Désolé les gars. Aujourd’hui, je pars avec Fedi” nous a-t-il dit. “Il faut absolument que je soigne sa phobie”.
Quel ego ! Bien sûr, c'est très gentil de sa part d'essayer de faire aimer les Pokémons à Fedi, mais c'est peine perdue. Cela fait deux mois qu'il côtoie Plumey et Didier et son comportement envers eux n'a pas changé, même s'il commence à bien les connaître. Alors, ce n'est certainement pas en une journée que tout va changer.
— Arrête de ruminer, c'est inutile, me dit Mathis.
— Je sais, mais ça m'embête vraiment que tous mes plans soient bousculés, lui répondis-je.
— Ce n'est pas plus mal. Imagine que sa méthode fonctionne vraiment. Fedi sera plus performant !
— Oui mais quelles sont les chances ? intervint Julian.
— Faibles, admit Mathis après un instant de réflexion.
Nous arrivâmes devant la pente caillouteuse à cause de laquelle Mathis s'est tordu la cheville.
— Fait attention à ne pas récidiver, lui dis-je avec un sourire narquois.
— C'est pas gentil de se moquer du malheur des autres.
— Attendez un peu ! nous demanda Julian. Faisons une p'tite pause.
Il s'assit sur un rocher, posa son sac par terre et en sortit une gourde. Il la déboucha et but de grandes gorgées.
— C'est bien de l'eau ? l'interrogé-je en sous-entendant que cela puisse être de l'alcool.
— Bah oui. Que veux-tu que ce soit d'autre ?
— On ne sait jamais.
Nous restâmes assis là quelques temps encore. Après tout, nous avions toute la journée devant nous, et la grotte ne semblait pas si grande que ça.
— Mais qu'est-ce qu'il est venu faire dans un endroit pareil ? Ça paraît dangereux en plus !
Je me levai soudainement en tournant la tête de la gauche vers la droite. Mes amis semblaient ne rien avoir entendu.
Ai-je rêvé ? A moins qu'il s'agisse de Chappy ? Je me rassis, sans toutefois baisser ma garde. J'étais certain que cette voix était réelle.
— En tout cas les filles, je crois que j'ai trouvé les pigeons parfaits pour nous escorter, répondit une deuxième voix.
Cette fois, c'était sûr. Les voix étaient réelles. Mais amis se levèrent également.
— Vous avez entendu ? chuchoté-je.
— Ouais, répondit Julian. On est espionné.
— T'es sûr qu'on peut leur faire confiance ? demanda la première voix.
— Ouais, t'en fais pas, répondit la deuxième. Le binoclard, on l'a déjà vu. Tu t'en rappelles ? Il est un peu bête mais il est digne de confiance. Je pense que c'est la même chose pour ses potes.
Pas de doutes. Ces bavardages proviennent des buissons juste derrière nous.
Sans faire le moindre bruit, je m'approchai, et, d'un coup sec, j'écartai les feuillages. Là, je découvris trois petits Pokémons : un Tarsal, un Kirlia et un Psystigri.
— Grande sœur, on a un problème, avertit Tarsal en se cachant derrière Kirlia.
Les deux autres créatures se retournèrent vers nous et Psystigri pointa Mathis du doigt avant de s'exclamer :
— Toi, j't'aime pas !
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Suite à cette rencontre pour le moins inopinée, nous nous assîmes tous en cercle pour discuter. Je commençai :
— Vous vous imaginez bien que nous avons plein de questions étant donné que vous étiez en train de nous espionner.
— Oui, répondit Kirlia. Mais faisons un marché : on répond à vos questions et ensuite, vous nous aidez à retrouver notre frère Tarsal.
— Dans cette grotte ?
— Oui, nous avons pu déceler des résidus de son énergie psychique à l'entrée. Mais nous ne sommes pas assez fortes pour s'aventurer seules là-dedans.
— Je vois. Vous pouvez compter sur nous. Mais du coup, j'aimerais en savoir plus sur vous. Comment est-ce que ça se fait que…
— …vous nous prenez pour des pigeons ! m'interrompit Mathis.
— Mais calme-toi ! m'écrié-je. Ne l'écoutez pas, c'est un malentendu.
— Non ! C'est pas un malentendu ! cria-t-il.
— Mais qu'est-ce qu'il te prend ?
— C'est elle ! (sa voix monta dans les aigus tandis qu'il la pointait du doigt). Elle se fout de nous ! Regarde ! Regarde son petit sourire en coin démoniaque !
Je regardai Psystigri. Certes son sourire était un petit peu provocateur mais il n'avait rien de “démoniaque”.
— Ignorons-le. De toute façon, il a toujours été qu'un abruti, déclara-t-elle en souriant de plus belle, nous laissant entrevoir ses canines.
— Regarde ! Elle recommence ! hurla Mathis.
— Mais tu es hystérique ma parole ! Okay, vous ne pouvez pas vous sentir mais c'est pas une raison de monter dans les tours comme ça ! Julian, tu veux bien le faire taire ?
— Avec plaisir, me répondit mon ami.
Il fit craquer ses doigts et ses poignets puis passa son large bras autour de la bouche de Mathis avant même qu'il ait eu le temps de protester.
— Excusez-le, je ne sais vraiment pas ce qui lui arrive, dis-je aux trois Pokémons en essayant de ne pas être agressif, malgré le fait que mon ami m'ait mis en colère.
— Ce n'est rien, répondit Psystigri. Ce doit être compliqué de supporter cet imbécile tous les jours.
Et voilà qu'elle jette à nouveau de l'huile sur le feu.
Suite à ces mots, Mathis protesta en agitant ses bras dans tous les sens et en prononçant des syllabes incompréhensibles :
— Tuf meu pouf rouf pouss pouss ah touf toud !
Suite à quoi, Julian resserra son étreinte et frotta son poing contre son le haut de son crâne.
— Psystigri, arrête de provoquer ce pauvre garçon, intervint Kirlia.
— C'est vrai que c'est un peuchère, comme diraient les gens qui habitaient là où on a atterri.
— Ça suffit !
Psystigri se tourna en faisant semblant de bouder. Kirlia reporta son attention sur moi.
— Du coup, de quoi on parlait ? Ah oui ! J'imagine que tu voulais savoir comment ça se fait qu'on puisse communiquer ?
— C'est exact. Comment as-tu su ?
— Nous, les Pokémons Psy, nous avons un certain talent pour la communication. En tout cas, nous, depuis toutes petites, on nous a appris à établir une “zone psychique” en permanence. C'est-à-dire, autour de nous trois, n'importe quel être vivant peut entrer en contact avec nous de manière claire et distincte. C'est notre petit super pouvoir à nous.
— C'est fascinant. Ça veut dire que, par exemple, je peux discuter avec Plumey qui est juste à côté ?
— Bien sûr.
A l'appel de son nom, le Pokémon Plumefeuille lâcha l'arbre auquel il était en train d'arracher de l'écorce et s'approcha.
— Yo ! Tu m'as appelé, boss ?
fit-il.
— Non, ne t'en fais pas, lui répondis-je. Tu peux retourner manger des écorces.
— C'est vrai ? Trop cool ! T'es trop sympa, boss !
Et il retourna gratter son bec contre le tronc d'un arbre.
— En plus de ça, continua Kirlia, Tarsal et moi avons le pouvoir de percevoir les émotions fortes des individus présents dans notre zone psychique. A titre d'exemple…sache que ton ami avec les lunettes est très en colère et désire étrangler Psystigri.
— Mais quel abruti, déclara le Pokémon en question.
Kirlia la fusilla du regard. De son côté, Mathis poussa un râle et tapa des pieds, ce qui eut pour effet de soulever un nuage de poussière.
— Il y a encore une chose qui me turlupine, Kirlia. Vous avez l'air de faire partie d’une civilisation très développée…
— Ce que tu dis est vrai.
— …donc vous venez d'une autre planète ?
— Ouii ! Toutes les trois. Quatre, si on compte mon imbécile de frère.
— Les garçons sont tous des imbéciles, ne put s'empêcher d'ajouter Psystigri.
— Écoute Psystigri, gronda Kirlia. Je t'aime beaucoup, tu es une très bonne amie mais maintenant : TU-TE-LA-FERMES !
S'ensuivit un grand silence assez gênant. Heureusement, Kirlia n'oublia pas de me répondre :
— Du coup, que disais-je ? Ah, voilà ! Nous sommes des membres du clan de l'Interdit du FPI.
— Je n'ai pas compris. Je suis désolé, m'excusé-je.
— Non, c'est normal. Le FPI est un groupe de Pokémons qui n'admettent pas la supériorité cosmique des dieux. Et nous rejetons catégoriquement les humains. D'où notre nom : Fondation des Pokémons Indépendants.
— Mais alors, si vous rejetez les humains, comment se fait-il que vous fassiez appel à nous ?
— C'est un cas d'extrême urgence. Ça ne me plaît pas de transgresser nos règles, mais on a besoin d'une escorte pour nous aventurer dans cette grotte.
— J'avais raison ! On est réellement leurs pigeons !
Je me retournai et vit Mathis, complètement libéré, recommencer à provoquer le groupe de Pokémons assis en face de nous, l'index en l'air.
— Désolé, j'ai eu un moment d'inattention, se lamenta Julian.
Soudain, sans crier gare, les paupières de Mathis se fermèrent doucement et il tomba à la renverse. Fort heureusement, Julian le rattrapa avant qu'il heurte le sol.
— Désolée, s'excusa Tarsal. Je ne voulais pas que la situation s'envenime à nouveau donc j'ai utilisé Hypnose.
— Hé hé hé hé ! Tu as bien fait. Au moins, cet idiot nous laissera tranquille.
Tarsal se retourna subitement. Je pus voir ses cornes rouges s'illuminer et Psystigri s'endormit à son tour.
— Désolée, murmura-t-elle.
— Ne vous en faites pas, nous vous aiderons. Même si c'est contraire à vos règles, promis-je. N'est-ce pas Julian ?
— Ouaip !
— Par contre, repris-je, tu as sous-entendu que j'étais censé connaître l'Interdit. Mais ce nom ne me dit rien du tout. Tu peux m'expliquer ?
Elle prit une grande inspiration.
— C'est d'accord. Mais dans ce cas, un cours d'histoire s'impose. Ouvrez grand vos oreilles, voici l'un des moments les plus importants de notre histoire :
—------------- (il s'agit du récit de Kirlia)
Il y a bien longtemps, environ trois siècles avant Malvalame le Vengeur, notre monde était divisé en plein de grands villages d'hommes.
Les Pokémons n'étaient pas libres. Il n'y avait que très peu de nos semblables à l'état sauvage ; la plupart étaient réduits en esclavage au sein de ces villages. Leur seule utilité ? Utiliser leurs pouvoirs dans l'intérêt des humains qui les asservissaient.
Chaque village avait sa propre thématique. Par exemple, le village de l'eau utilisait majoritairement le pouvoir de l'eau dans son quotidien et pour se battre. Et donc, par la même occasion, ce village de l'eau disposait d'un avantage majeur face aux villages de feu et de roche par exemple.
Et un jour, alors que cela faisait un millénaire que le nombre de villages n'avait pas bougé, un dernier vit le jour. Il s'agissait du village des Ténèbres.
Presque personne n'avait d'infos concernant leur mode de vie, leurs intentions et même leurs pouvoirs. En effet, le type Ténèbres n'existait pas à cette époque : aucun Pokémon n'était capable de l'utiliser…mis à part ceux qui l'ont inventé, bien entendu.
Aucun homme ne fit vraiment attention à ce nouveau village. Grave erreur ! Du jour au lendemain, le village des insectes tomba. Il fut entièrement détruit ; tous les hommes furent tués et les Pokémons libérés. C'est d'ailleurs pour cela qu'aujourd'hui, dans nos forêts, les Pokémons insectes sont plus nombreux que tous les autres. Ils sont retournés à l'état sauvage avant tous les autres.
Le village des Ténèbres devint une véritable menace : pas une seule fois depuis leur création, un village n'a été annihilé, et encore moins aussi rapidement.
Chaque village envoya sa propre escouade d'espions afin de comprendre ce pouvoir et surtout, comment s'en protéger !
Seulement, il s'est avéré que ce pouvoir était beaucoup plus puissant que prévu. Seuls les types insecte et combat pouvaient avoir l'avantage contre lui. Et comme je l'ai dit plus tôt, le village de l'insecte a été détruit.
Tous les villages, sans exception, formèrent une alliance contre lui. Le village du Combat en devint le chef, puisqu'il était l'atout majeur contre le type Ténèbres.
Son chef, très réputé pour son orgueil, mobilisa l'entièreté de son armée pour anéantir celle des Ténèbres.
Ils se firent rétamer. La légende raconte même que l'armée ténébreuse ne reçut pas le moindre coup. En effet, d'après le seul rescapé du côté allié, ils avaient beau frapper encore et encore, ils ne pouvaient absolument rien faire : leurs coups passaient à travers leurs ennemis. Il paraît même que leur village était uniquement constitué de Pokémons.
Pour revenir à leur armée, celle-ci était uniquement constituée de Ténéfix, des Pokémons à l'apparence de zombies maîtrisant le pouvoir des spectres en plus de celui des Ténèbres, l'immunisant à toute attaque de type normal ou combat.
Mis à part leur nombre affolant, ils n'étaient rien comparés à leur chef. Aujourd'hui, on l'appelle “Interdit” ou “Esprit de domination”, mais son vrai nom est Spiritomb.
Il s'agit d'une esprit malveillant extrêmement puissant composé de flammes vertes et violettes. Autrefois, il avait une forme humanoïde mais heureusement, l'intégralité de ses flammes composant son essence est actuellement enfermée dans la “relique” ou “Clef de voûte” pour les plus traditionnels.
Tandis que tous les villages étaient en proie à une panique générale, un village parvint à renverser la vapeur. Le village de la Fleur (à ne pas confondre avec celui des Plantes).
Leur chef, un homme nommé AZ, ainsi que tous les habitants, entretenaient une relation saine avec les Pokémons. Ils étaient les seuls à ne pas nous considérer comme des objets et vivaient en harmonie avec leurs Pokémons. Il ne faisait jamais la guerre, si bien que la plupart des autres villages n'arrivaient pas à évaluer leur puissance de frappe.
Par ailleurs, AZ était très ami avec une Floette. Ils passaient leurs journées ensemble et un jour, ils créèrent le pouvoir des fées. Le village de la Fleur devint donc celui des Fées.
Grand retournement de situation pour le village des Ténèbres. Toute leur armée pourrait être anéantie grâce au type Fée, et ils n'y pouvaient rien.
Seulement, tout n'était pas gagné. AZ refusait que ce pouvoir serve à la violence. Il ne voulait pas briser la paix. Surtout que le village des Ténèbres ne lui avait encore rien fait.
Mais à force d'insistance et de menaces, les chefs des autres villages parvinrent à convaincre AZ d'envoyer ses Pokémons Fée anéantir l'armée ténébreuse.
A contrecoeur, il envoya combattre tous ses amis, tous les Pokémons qu'il voyait et à qui il parlait tous les jours, bref, tous ses amis. Et il savait que la plupart d'entre eux ne reviendrait pas.
Il paraît que, rongé par les remords, il serait resté enfermé dans son bureau durant la bataille et affirmait n'en ressortir que quand Floette serait de retour.
Mais pendant sa dépression, il aurait ressenti la douleur de Floette et comprit que s'il ne faisait rien, il ne la reverrait jamais.
Il alla dans les sous-sols de sa maison et mit “l'Arme Suprême” en marche. C'était un immense canon en forme de fleur cristalline et grâce à elle, il annihila l'armée ténébreuse, combattant les Pokémons Féeriques à des kilomètres de là.
Mais l'Interdit avait survécu, même très affaibli. L'alliance des villages en déduisit que l'Interdit ne tarderait pas à retrouver ses pleins pouvoirs et décida de l'enfermer dans la relique pour l'éternité afin que personne ne puisse utiliser un pouvoir aussi puissant et dangereux.
Elle fut confiée à un Pokémon artificiel : Golemastoc. Son rôle est de veiller à ce que l'Interdit ne se libère jamais. Et comme Golemastoc est le chef de notre branche du FPI, c'est notre rôle à tous de surveiller la relique, jour après jour, jusqu'à la fin des temps.
Quant à AZ, Floette lui reprocha de les avoir utilisé comme des armes et l'accusa d'avoir tué de nombreux Pokémons de sang-froid en les envoyant au casse-pipe.
“Comme de la vulgaire chair à canon”. Tels furent les derniers mots que Floette dit à AZ.
Il ne la revit plus jamais. L'histoire raconte que même sur son lit de mort, AZ continuait à l'appeler, en vain. Beaucoup de gens pensent qu'il s'agissait du phénomène d'âmes sœur, mais ça, personne ne peut plus nous le dire.
—-------------
Un long silence s'imposa à nous. Seul le bruit du vent dans les arbres ainsi que celui du bec de Plumey contre le tronc d'arbre se faisaient entendre.
— Tu peux m'expliquer ce que sont les “âmes sœurs” ?
— Tu es très curieux. Mais on verra ça une autre fois, il est temps d'aller chercher mon frère.
En plus, ajouta-t-elle en regardant Psystigri encore endormie, il s'agit d'un sujet sensible.
Nous réveillâmes Mathis et Psystigri, puis nous nous rendîmes dans la grotte juste en haut de la pente caillouteuse. Et point positif, Mathis ne s'est pas blessé.
— Tiens, la barrière a été cassée, remarqua ce dernier.
— Il doit certainement s'agir de mon frère, spécula Kirlia.
Nous enjambâmes les débris et bois et nous nous enfonçâmes dans la pénombre.
— Salamèche, sort de ta Pokéball.
Le Pokémon Lézard sortit de la capsule de Mathis et sa queue enflammée nous éclaira le chemin.
Nous avançâmes encore quelques dizaines de mètres quand une voix provenant d'on ne sait où nous figea sur place :
— Halte ! Qui va là ?
Instinctivement, nous sortîmes tous nos Pokémons. Mathis appela Didier et Ouisticram, Julian, Titoun, Anchwatt, Evoli et Toxizap qu'il prit dans ses bras. Et moi, je n'étais pas aussi équipé mais je voulus me défendre avec Inspecteur et Commissaire en plus de Plumey.
Kirlia s'interposa entre les deux camps. Grâce à la queue enflammée de Ouisticram, le tunnel se dévoila un peu plus et nous vîmes qu’une armée de Racaillou se tenait face à nous.
— Tout le monde se calme, dit-elle. Nous ne sommes pas venus pour faire la bagarre. Au contraire, nous sommes à la recherche d'un Tarsal. Est-ce que quelqu'un l'aurait vu dans le coin.
Un Racaillou portant une sorte de képi de roche s'approcha d'elle. Il doit certainement s'agir de leur chef.
— Je suis l'agent Rockwell, commandant de la brigade du haut ! Je vous assure que nous n'avons pas vu de Tarsal mais comme vous avez l'air sympas, on consent à vous escorter le temps que vous le retrouviez.
— Tu vois, dit Psystigri à Mathis, tu devrais dire merci à ma grande soeurette. Sans elle et son éloquence, on aurait été obligés de combattre et tout le monde se serait aperçu que tu n'es qu'une mauviette.
— Hé ! Je ne suis pas une mauviette !
— Prouve-le.
Et son petit air de défi apparut sur son minois.
— Très bien. Je vais dégommer cette armée et tu seras obligée de reconnaître ma supériorité. Didier ! Ouisticram ! Défoncez-les tous !
Je n'ai pas réagi assez vite.
— Non ! Attendez !
Didier réagit au son de ma voix et se stoppa. Contrairement à lui, Ouisticram continua dans sa lancée. Il mit un pain à l'agent Rockwell, attrapa un autre Racaillou, le fit tournoyer et l'envoya en direction de ses semblables.
— Trahison ! Fourberie ! pesta Rockwell.
— Non, il s'agit d'un malentendu… tenta Kirlia.
Mais ses paroles n'eurent que peu de crédit étant donné le bazar qu'était en train de mettre Ouisticram dans les rangs de Racaillou.
— Maîtrisez-les tous ! ordonna l'agent Rockwell.
Et c'est là que nos ennuis commencent.
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— Allez, arrête de traîner.
Fedi suivait Arthur en traînant des pieds. Son ami était convaincu qu'il parviendrait à trouver un Pokémon qui ne lui ferait pas peur. Mais pour l'instant, c'était un échec total et Fedi commençait à en avoir marre.
— Et celui-là ? Il te fait peur ? demanda Arthur en montrant un Cheniti.
— C'est un Pokémon ? demanda Fedi.
— Oui !
— Et bien, tu as ta réponse.
Arthur souffla bruyamment. Il avait l'impression que Fedi faisait exprès. Comment est-il possible d'avoir de petites créatures comme il lui montrait. A la limite, il pouvait avoir peur de Steelix ou Rhinastoc. Mais pas Tortipouss ou Croâporal.
Il shoota dans un caillou qui vint rebondir contre un arbre. Il regarda ensuite le sol tout en marchant, perdu dans ses pensées.
Quand il releva enfin la tête, il aperçut une vieille cabane devant lui. Elle ressemblait un peu au vieil établi, à la vieille cabane à outils abandonnée au fond d'un jardin.
Sur le mur, deux mots étaient écrits. Le premier, composé de symboles inconnus, était tout simplement illisible. Juste en dessous, on pouvait distinguer le mot “INTERDIT” écrit en lettres rouges capitales et souligné.
“Yes !”, se dit-il. “Une cabane hantée. C'est parfait. Si Fedi n'a plus peur des Pokémons fantômes, il n'aura plus peur des Pokémons tout court”.
Il avait conscience que son raisonnement était celui d'un gars complètement désespéré mais préféra tenter sa chance.
“Boah !” se dit-il. “Dans le pire des cas, j'aurais cas capturer le Pokémon le plus balèze du coin et ça me sera bénéfique“.
Il se retourna et dit à Fedi :
— Allez, viens. On va voir si tu as aussi peur des fantômes.
Et il entra.
A l'intérieur, il fut véritablement déçu. Les pièces et le couloir étaient assez étroits et surtout, il n'y avait pas l'ombre d'un Pokémon fantôme.
— C'est vraiment trop nul. Il n'y a aucun Pokémon balèze ici. Pire, il n'y a aucun Pokémon tout court.
— En es-tu sûr ? lui demanda une voix.
Arthur se raidit un instant, cherchant d'où pouvait provenir la voix.
— Qui…Qui êtes-vous ?
— Simplement quelqu'un qui a besoin de parler. Ça fait très longtemps que je suis là. Tellement longtemps que tu aurais du mal à le concevoir. Mais viens. Approche-toi de la grande table, histoire que l'on puisse discuter.
Machinalement, l'adolescent s'approcha de l'endroit indiqué par la voix. Sur la table, il trouva une pierre blanche avec des rayures noires. Il la prit dans sa main pour l'examiner.
— Et oui…reprit la voix. Cela fait des millénaires qu'on m'a enfermé là-dedans. Mais ne parlons pas de moi. Parlons plutôt de toi. Tu es intrigué, j'imagine. Peut-être as-tu même peur ?
— Oui, ça c'est sûr, j'ai un peu peur.
La relique crépita un peu. Des étincelles vertes apparurent et des flammes mauves en sortirent.
Celles-ci entourèrent Arthur. Face à lui, il put distinguer deux yeux verts en forme de demi-lune avec des spirales en guise de pupille. Une large bouche de la même couleur apparut également. Cette bouche, ayant des échancrures, lui donnait à la fois un air maléfique et satisfait.
— Vois-tu, cher Arthur, je suis en capacité de te donner de la puissance. Beaucoup de puissance. De quoi écraser tous ceux qui se mettront en travers de ton chemin. Comme ça, tu n'auras plus peur. Plus jamais. Qu'en dis-tu ? Faisons équipe ! C'est du gagnant-gagnant. Toi, tu pourras te servir de moi pour écraser tes ennemis tandis que moi, je pourrais enfin quitter ce taudis.
— Oui, répondit-il. Faisons équipe ! Bienvenue dans la team. Comment dois-je t'appeler ?
— Beaucoup de gens m'appellent l'Interdit. Mais Spiritomb sera amplement suffisant, n'est-ce pas ?
— Ouais !
Et soudain, les flammes violettes entrèrent en Arthur via tous les orifices de son visage. Il n'eût même pas le temps de pousser le moindre cri.
Sa tête s'affaissa. Puis, quelques instants plus tard, il glissa la relique dans sa poche et releva la tête.
Dans le noir, seuls ses yeux et sa bouche luisaient, projetant une faible lumière verdâtre. Il s'agissait de ceux de Spiritomb.
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Au même moment, à l'entrée de la cabane.
“Allez Fedi”, se dit-il, à la deuxième personne. “Tu peux le faire. Tu vas croiser des fantômes, tu n'auras pas peur, ou plutôt, tu feras semblant de ne pas avoir peur, comme ça, il sera content et il stoppera son délire”.
Il prit une grande inspiration, s'étira et poussa la porte.
— Wow, remarqua-t-il. Il fait noir, ici.
Mais cela ne l'arrêta pas. Au contraire, il s'engouffra à son tour dans la pénombre.
Malheureusement, la peur reprit le dessus. Ses jambes commencèrent à trembler et il dut s'appuyer sur un mur pour avancer.
— Arthur ! Arthur, où es-tu ? demanda-t-il d'une voix peu assurée.
— Là.
Fedi reprit un peu confiance en lui et se dirigea en direction de la voix. La silhouette d'Arthur se dessina dans l'ombre. En approchant un peu plus, il put également distinguer son visage.
— Houlà. Tu tires une de ces têtes ! Sérieux, c'est quoi ce sourire de pervers ?
Il fit un pas de plus vers l'avant et son pied écrasa quelque chose de mou. Une odeur pestilentielle remonta jusque dans ses narines. Elle était horrible, on aurait dit celle d'un cadavre en décomposition.
Fedi se baissa pour voir pour voir de quoi il s'agissait. Ses doigts rencontrèrent un liquide visqueux versé au sol.
“Qu'est-ce que c'est que ça, encore” pensa-t-il.
Il porta son index à son nez et sentit une odeur assez inattendue. Il s'agissait de sang.
Soudain, un coup de vent balaya un instant les feuilles qui pendait devant la fenêtre. Durant cet instant, l'espace d'une ou deux secondes, la lumière du soleil illumina la pièce et Fedi le vit complètement.
Par terre gisait le corps sans tête et sans vie d'un M. Mime, baignant dans une flaque de sang.
— C'est…c'est toi qui a fait ça ? demanda Fedi à l'intention d'Arthur.
— Tu l'as vu ? le questionna-t-il tout en gardant son sourire.
Arthur s'approcha de lui. Quand il fut assez prêt, il empoigna le col dans tee-shirt et répéta d'une voix suraiguë :
— Tu l'as vu ?! TU L'AS VU ?!
Dans ses yeux verts, les spirales remplaçant ses pupilles se mirent à tourner frénétiquement mais son sourire, lui, ne tomba toujours pas.
Fedi poussa un grand cri. Il eut une forte poussée d'adrénaline ce qui lui permit de se libérer de sa poigne de fer. Il tomba toutefois en arrière.
Arthur passa ses mains sur son crâne et frotta. Les spirales de ses yeux n'arrêtaient pas de faire la toupie.
Tout d'un coup, l'intégralité de ses gestes frénétiques s'arrêtèrent.
— Arthur ?
— Non ! répondit-il. Arthur n'existe plus. J'ai pris sa place, il n'y a plus que l'Interdit, ici. Tu l'as vu, n'est-ce pas ? Bien sûr que tu l'as vu. Pas le choix, je vais devoir te menacer. Écoute, si tu racontes à qui que ce soit ce que tu as vu ici, j'te bute.
Fedi poussa un petit cri et commença à reculer en direction de la sortie, le postérieur au sol.
— Nan, reprit-il, j'ai un meilleur moyen de faire en sorte que tu ne parles pas. Te buter sur le champ !
Des étincelles violettes crépitèrent au coin de ses yeux et au creux de sa main.
Des flammes mauves apparurent sur son visage et sur ses bras.
Fedi se releva et courut le plus rapidement possible en direction de la porte. Un jet de flammes violettes passa juste au-dessus de son épaule.
Une fois dehors, Fedi eut un instant d'hésitation. Est-ce que tout cela est bien réel ? Ou bien est-ce juste le fruit de son imagination ? La peur est capable de bien des choses…
Il eut à peine le temps de s'éloigner de la cabane que cette dernière explosa dans une tornade de feu, laissant juste Arthur au centre des débris.
— Quel magnifique réceptacle ! se réjouit ce dernier. Grâce à lui, me voilà enfin debout et dehors pour la première fois depuis des millénaires.
Il tourna la tête en direction de Fedi et reprit :
— Encore en vie ? Les mauvaises herbes ont la vie dure… Mais ne t'en fais pas, tu n'en a plus pour longtemps. Grâce à mes flammes à 100% de leur puissance, je peux littéralement tout briser, y compris ton âme. C'est le pouvoir de la domination.
— P…pourquoi tu me dis ça ?
— Oh tu sais, j'ai peut-être l'air d'un monstre mais je n'en suis pas un. Vois-tu, avant de te tuer, je tiens à ce que tous tes questionnements soient apaisés. Assez parlé, maintenant, emporte mon secret dans ta tombe.
Il tendit l'index en sa direction et Fedi se retrouva entièrement couvert de flammes mauves.
Instinctivement, il étira ses bras en avant comme pour se porter, même s'il avait conscience que c'était inutile.
C'est au moment où il sut qu'il ne s'en sortirait pas qu'une aura dorée se déploya tout autour de lui, comme un bouclier.
Les flammes tournoyaient toujours autour de lui, mais sans le toucher. Il tendit le l'index mais ne put les dissiper. L'aura dorée agissait comme une membrane transparente que Fedi ne pouvait briser aussi facilement.
Tout d'un coup, la membrane s’écarta, renvoyant l'attaque contre son agresseur.
— Que… s'écria-t-il étonné.
Il se prit l'intégralité de ses flammes de plein fouet et tomba à la renverse, inconscient. Toutes les flammes mauves présentes en dehors de son corps furent comme aspirées par la relique, à l’intérieur de sa poche.
Fedi regarda successivement ses bras et ses jambes.
— Qu’est-ce qu’il s’est passé ? pensa-t-il à voix haute.
— Je t’expliquerai en chemin.
Il se retourna, surpris, et aperçut un Muplodocus vêtu d’une tunique similaire à celle que portaient les grecs durant l’Antiquité. Mais ce n’était pas un Muplodocus ordinaire. Contrairement aux autres membres de son espèce, il n’était pas couvert de mucus mais d’une sorte de métal visqueux et surtout, sa queue est une sorte de grosse coquille en acier. Celui-ci ramassa Arthur, toujours inconscient, et le posa sur son épaule.
— Allez ! Dépêche-toi, ils arrivent !
Fedi ne l’écoutait pas vraiment. L’adrénaline retombait et il était vanné. Il n’eut même pas le temps de réfléchir ou de bouger quand le Muplodocus passa devant lui et le prit dans ses bras. En effet, un Cizayox avait sauté de l’arbre et Muplodocus avait paré son attaque in extremis à l’aide de sa coquille en acier.
— C’était moins une, souffla-t-il.
Il se retourna et tenta de porter un coup au Cizayox, qui esquiva d’un bond en arrière.
— Mur Fumigène ! cria le Muplodocus.
Un épais brouillard gris sortit de la coquille du Muplodocus, brouillant la vue de tout le monde.
— Viens, ordonna-t-il à Fedi, on s'en va !
Fedi se mit à courir à côté de Muplodocus en direction de la forêt avant que le brouillard ne se dissipe.
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Cizayox, ayant suffisamment reculé pour ne pas se retrouver en plein milieu du fumigène, hésitait à engager le combat.
— Qu'est-ce que je fais, maître ? demanda-t-il en direction de l'arbre.
Son interlocuteur, un homme portant un masque de loup, s'assit sur une branche, juste au-dessus de lui.
— Le connaissant, répondit-il, il choisira la fuite pour protéger les gamins. Cependant, ce fumigène a pour effet d'augmenter la résistance de son émetteur. Si tu y vas, non seulement tu n'aurais pas l'effet de surprise, mais en plus, tu subirais une grosse contre-attaque. Nous n'avons pas d'autre choix que d'attendre qu'il se dissipe.
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Fedi courait à travers la forêt, juste à droite de Muplodocus, transportant Arthur, toujours dans les vapes.
Dans une forêt, il est très compliqué de sprinter. Il y a beaucoup d'obstacles : des racines et des rochers pour vous faire trébucher, un sol parfois glissant, un chemin jonché d'arbres à éviter et surtout, de nombreuses branches basses qui viennent fouetter votre visage.
Il était donc très difficile pour Fedi de garder la même allure que son sauveur qui se contentait uniquement de courir droit devant lui sans se soucier des obstacles.
— Pfff… Qui… Pfff… Qui es-tu, Monsieur ? haleta le garçon.
— Podocus, répondit le Pokémon. Appelle-moi Maître Podocus, c'est mon titre honorifique.
— Pfff… OK, Maître… Pfff… Podocus. Et comment se fait-il que vous puissiez me parler ?
— J'ai appris votre langue.
— Quoi ?!
Fedi trébucha et manqua de tomber.
— Je comprends ton étonnement. Mais saches que ce n'est pas à la portée de n'importe qui. Il faut un apprentissage spécial. Je dois avouer qu'il s'agit d'une sacré prouesse…même si j'en attends tout autant de ta part.
— Quoi ?!
Fedi esquiva une branche au niveau de sa tête ce qui le fit trébucher à nouveau.
— Ne t'en fais pas. Si on arrive à temps, je tenterai de t'en dire plus au labo. En attendant, cours. Mon Mur Fumigène devrait les retenir quelques minutes, alors ne les gâchons pas.
— Tu peux me porter ?
— Tu peux toujours espérer…
Leur course continua encore quelques minutes à travers bois, avant d'atteindre un immense champ de blé à perte de vue.
— Je ne comprends pas, demanda Fedi. Je croyais qu'on devait se cacher. Pourquoi aller dans un endroit à découvert ?
— Parce que mon labo est là-bas.
Il pointa du doigt un énorme rocher noir, écrasé au beau milieu du champ.
Maître Podocus s'arrêta de courir, reprenant son souffle.
— Ce n'est plus de mon âge tout ça…
Fedi s'approcha de lui et lui tira le bras.
— Maintenant, pouvez-vous m'expliquer tout ce qu'il s'est passé jusque-là ?
— C'est simple. Tu as été choisi.
— Par qui ? Pour quoi faire ? Et pourquoi ?
— La vie, le destin, ch'ais pas quoi. Disons… Une force naturelle qui me dépasse t'a désigné comme mon disciple pour que tu deviennes le prochain médiateur.
— Pourquoi vous vous énervez ?
— Comment puis-je rester calme ? Ça fait quatre mille ans que je suis au poste, et là, la vie me mène à toi et me fait comprendre que j'ai fait mon temps. Alors oui, je suis un peu frustré.
— Quatre mille ans ? Mais vous n'êtes pas censé mourir un jour ?
— Non. Grâce à une bénédiction, je suis resté en vie pendant ces longues années et j'ai assuré mon rôle.
— Et comment vous savez que je suis la personne qu'il vous faut ?
— Grâce à l'aura d'or. Celle-ci te protège quand tu es en danger imminent de mort et indique à ton prédécesseur -moi, en l'occurrence- que tu es celui qu'il cherche. Ainsi, si tu suis mon enseignement jusqu'au bout, tu deviendras le deuxième de la lignée.
Ils arrivèrent devant le gros rocher. Fedi l'observa de plus près et s'aperçut que sa couleur noire devait sûrement provenir de la chaleur produite par la rentrée dans l'atmosphère.
Maître Podocus poussa une large porte ornée d'un Oméga et entra à l'intérieur de la météorite, Fedi à sa suite. Là, il découvrit une myriade de machines toutes aussi bizarres les unes que les autres.
Le Pokémon déposa Arthur dans un grand cylindre en verre et se retourna.
— Écarte-toi, ordonna-t-il.
Fedi obtempéra et Maître Podocus se rua vers la sortie.
Ce dernier intercepta Cizayox, attrapa ses pinces et le balança le plus loin possible.
— Comme on se retrouve, mon très cher Maître Podocus, dit l'homme masqué en sortant de sa cachette. Je savais que tu viendrais ici. Ça fait un bail, n'est-ce pas ?
— Toi ? s'écria-t-il avec surprise. Tu as survécu, charogne ?
— Assurément, répondit-il d'une voix calme. Et j'imagine que tu sais pourquoi je suis là.
— Jamais tu ne les auras !
— On verra ça. Après tout, j'ai juste à te faire mordre la poussière, vieux croûton.
“Je dois gagner encore un peu de temps” se dit Maître Podocus. “Je dois absolument utiliser des capacités offensives et pas des tours de passe-passe comme tout à l'heure”
Le Pokémon ferma les yeux un instant pour mieux se concentrer. Il agrippa ses antennes avec ses mains et lança son attaque :
— Hocus ! Pocus ! Muplodocus !
Derrière lui, d'énormes sphères en acier apparurent puis s'élancèrent en direction de l'homme masqué et de son Cizayox.
— Une attaque Draco-Meteor avec de l'acier, s'écria l'homme.
Pendant ce temps, Maître Podocus rentra dans la météorite et ferma la porte.
— Vite ! Il faut se barricader !
Il plaça une sorte de gros frigo devant la porte d'entrée.
— Maintenant, écoute-moi bien, Fedi. Tu es mon disciple, c'est indéniable. Mais tu ne me reverras probablement pas de sitôt. Malgré tout, tu dois continuer à perpétuer ma volonté à travers mes actes.
— Je ne comprends pas ! se lamenta Fedi.
De grands fracas commencèrent à se faire entendre. Il s'agissait certainement de Cizayox, frappant la paroi de la météorite de toutes ses forces, si bien que l'empreinte de ses pinces commençait à se dessiner.
— Cet homme, dehors, cherche à me dérober ma plus grande invention, reprit Podocus. Il s'agit d'une arme extrêmement puissante que j'ai mise au point ces deux-cents dernières années.
Il ouvrit le gros réfrigérateur et en sortit trois œufs.
— Voilà, dit-il. Ce sont trois bébés Pokémons que j'ai modifié génétiquement afin qu'ils soient plus forts et qu'ils soient à même de vaincre des dieux en cas de besoin. Il s'agit d'un trio de choc : un spécialisé dans le corps-à-corps, un dans la défense, et le dernier, dans les attaques à distance.
Fedi prit les œufs dans ses bras, et commença à être mal à l'aise.
— Vous…vous êtes sûrs que c'est à moi de faire ça.
— Assurément. De toute manière, seul un détenteur de l'aura d'or est en capacité de les faire éclore. Tu réussiras. Ensuite, entraîne-les et règle son compte à cet homme masqué. Il ne te lâchera pas non plus, crois-moi : les abominations ont la vie dure.
Maître Podocus le poussa et le fit entrer dans le cylindre de verre.
— Allez. Le temps presse ! Et n'oublie pas, si tu veux me retrouver, traverse la forêt et trouve le sanctuaire de l'Obsidienne.
— Pourquoi tu m'as enfermé là-dedans ?
— Il s'agit d'un téléporteur. Visualise très fort ta destination pour t'y déplacer. Et n'oublie pas : le Sanctuaire de l'Obsidienne.
Fedi visualisa sa chambre et, quand il ouvrit les yeux, il se trouvait assis sur son lit, les œufs dans les bras et Arthur allongé par terre, juste à côté de lui.
Il posa les œufs sur le lit et tomba à genoux sur le sol. Les derniers événements de cette matinée lui revenaient sans cesse en tête, comme un traumatisme.
Il ne trouva pas d'autre alternative que de hurler.
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— Cizayox, utilise Tranche-Nuit.
— Dracochoc, murmura Maître Podocus.
Mais il n’eut pas le temps de lancer son attaque. Cizayox était trop rapide et le faucha avec ses pinces.
Podocus se releva et tenta le tout pour le tout.
— Hocus ! Pocus ! Mupl…
— Griffe Acier, ordonna l’homme masqué.
Concentré sur la formation de ses météores en acier, Maître Podocus ne parvint pas à anticiper le coup. Cizayox le toucha à l’abdomen et projeta son adversaire jusque dans la météorite.
Maître Podocus tenta de se relever mais Cizayox posa son pied sur son ventre.
— C’est bon, Maître, dit-il. Vous pouvez venir.
L’homme masqué s’approcha et regarda le Muplodocus dans les yeux.
— Bien, bien, bien. Maintenant que mon cher confrère semble calmé, nous pouvons discuter. Dis-moi… Où sont cachés les Pokémons génétiquement modifiés ?
— Tu arrives trop tard, répondit effrontément Maître Podocus. Les cinq Pokémons en question se sont déjà éparpillés aux quatre coins du monde. Et tu ne les retrouveras jamais puisque j’ai fait en sorte que leur apparence reste identique à celle des autres membres de leur espèce.
— Et l'Interdit ? Sais-tu où il est ?
— C’est pas mon problème.
— Tu vas te calmer immédiatement, OK ? Et tu vas me dire où est-ce que tu caches les deux gamins de tout à l'heure.
— Qui sait ? Peut-être y a-t-il une sortie de secours ?
— Tu m’emmerdes vraiment. Cizayox, bousille moi tous les appareils suspects, qu'on vérifie qu'il n’y ait rien de caché dedans.
— Bien Maître.
Le Pokémon Pince commença à éventrer les machines présents dans le labo, afin de vérifier qu'aucun être vivant ne s’y trouvait.
Une des machines, fracassée, se mit à cracher des étincelles tout en poussant des bruits aiguës semblables à des cris de douleur.
— Tu n’aurais pas dû taper là-dessus… mit en garde Podocus.
Une fois sa besogne terminée, Cizayox revint se poster à côté de l’homme masqué et lui dit :
— Je n’ai rien trouvé.
La machine endommagée s’enflamma, et le feu commençait à se propager partout dans le laboratoire.
— Ça va exploser, dit l’homme masqué. Viens Cizayox, on s’en va.
Il se retourna vers Maître Podocus et retira son masque.
— Sur ce, dit-il, on se revoit dans l’autre monde, mon cher Podocus.
Et il quitta l’intérieur de la météorite.
— Je t’avais reconnu… grinça le Pokémon entre ses dents.
Quelques secondes plus tard, une gigantesque explosion balayait le champ de blé, laissant un immense cratère fumant au milieu.
L’homme, ayant remis son masque de loup, marchait entre les débris.
— On a retrouvé son corps ? demanda-t-il à son Cizayox.
— Non. Même sa coquille en acier, qui était assez résistante pour endurer le choc, est introuvable.
— Il y avait donc une issue de secours, râla l’homme. Continuons de chercher. S’il a survécu, une partie de notre plan s’en trouvera compromise.