11 : Crépitement
Les scalproies n'étaient pas légion dans l'armée. La raison principale : insubordination. Non seulement ils étaient considérés comme difficiles à apprivoiser - ils l'étaient - mais leurs méthodes de combat différaient de ce à quoi l'on attendait de bons soldats pokémons. À savoir, se battre en première ligne. Ils étaient au contraire assez pragmatiques - à comprendre, lâches d'un point de vue humain - et ne se joignaient à la bataille que pour achever. Pas pour affaiblir. Pour gagner à coup sûr.
En plus de cela, il subsistait une certaine rivalité entre dresseur et pokémon Tranchant. Le fameux côté rebelle s'illustrait par des tentatives d'inverser les rôles : l'humain qui devenait le sous-fifre et le pokémon qui dirigeait. Autant dire que ça ne plaisait pas du tout.
On ne sélectionnait alors que les plus dociles et on se débarrassait du reste. La question était alors comment on s'en débarrassait. Gvidon avait longtemps cru qu'on les relâchait - mais il apprendra bien plus tard que le sort que ses semblables indisciplinés était bien plus sinistre.
Toutes ses informations, Gvidon l'apprit principalement par Grom mais également par quelques pokémons infirmiers. Ils faisaient partis des plus informés au sein de l'armée. Il voyait tout le monde et personne ne les prenait en compte : c'était ainsi qu'il accumulait des connaissances et nouvelles du front. Mais l'expérience personnel jouait aussi. Par exemple, celui-ci :
— Tu savais aussi que les tiens étaient particulièrement prisés, avant que l'Aurore ne devienne le chef ? lui révéla l'un des nanméouis en pause, Ils formaient un corps armé à eux tout seul...
— Je croyais que nous étions trop insubordonnés, répondit Gvidon avec une moue suspicieuse.
— C'est le cas. Quand je dis qu'il formait un corps armé, je veux dire qu'ils s'organisaient seuls. Ils n'avaient pas de dresseur. Les seuls ordres qu'ils prenaient venaient du Tsar lui-même...
Son regard se perdit et devint plus sombre.
— Ils servaient surtout de défense, de symboles. Lorsque la bataille était gagnée, ils poursuivaient le bataillon qui partait en retraite pour affaiblir les troupes...
— Comment sais-tu tout ça ? coupa Gvidon malgré lui.
Le nanméoui eut un sourire triste.
— L'une des tiens m'a aimé autrefois. Et je l'aimais aussi. (Il fit une pause, ferma les yeux comme pour se souvenir avant de les rouvrir et de continuer). Malheureusement, lors du changement de régime, elle a choisi de ne pas trahir, comme beaucoup. Elle a périt dans les flammes du palais impérial.
Il ferma les yeux, toujours avec ce sourire affligé.
— Ahaha... C'est drôle, comment vous pouvez être têtus.
Gvidon ne voyait pas ce qu'il y avait de drôle, mais il laissa dire. Son rire semblait plus être une sorte de voile sur des pleurs qu'il ne voulait pas montrer.
C'était bizarre comment certains pokémons se mettaient à parler comme des humains, songea-t-il.
Ce fut tout ce que peut lui dire le soigneur avant d'être ramené à reprendre son travail ; mais s'en était déjà beaucoup.
La chose qui le hantait le plus Gvidon était l'opinion de Feliks. Officiellement, il n'était pas censé le faire évoluer. Trop de complications en découleraient. Pour éviter l'inévitable, il n'existait qu'un seul moyen : le droguer avec de la poudre de pierre Stase.
Le scalpion savait que son dresseur en avait déjà reçu. Plusieurs fois, il surprit l'humain en train de contempler cette poudre grise claire contenue dans un sachet transparent. Dès que Feliks se rendait compte de sa présence, il la rangeait dans sa poche d'un geste trop vif pour ne pas être suspicieux.
Gvidon était lui-même divisé. Il avait envie de devenir plus fort, mais il ne voulait pas non plus être un problème. L'idée même de changer, de ne plus vraiment être lui-même, cela l'intimidait. Le terrifiait.
Et de l'autre, il y avait toujours cette colère, cette indignation qui le rongeait, lentement mais progressivement, conquérant de plus en plus de place dans son esprit. Comment pouvait-il laisser un autre décider de quelque chose d'aussi important pour lui ? Comment pouvait-il accepter qu'on lui inflige de rester faible à jamais ? Car à force d'en ingérer, les minéraux allaient faire partis de lui, se fixant dans ses os, dans ses lames ; les effets deviendraient alors permanents. Ce n'était même pas comme si Feliks avait cherché à en parler avec lui. Gvidon n'aurait pu répondre que par oui ou non mais cela aurait été amplement suffisant pour donner son avis sur la question !
Son estomac se tordit lorsqu'il se retrouva devant son repas. Impossible de savoir si sa gamelle était empoissonnée ou non. Gvidon jeta un regard en biais à Feliks qui l'ignora superbement. Il fut bien obligé de reporter son attention sur la nourriture.
Il ne voulait pas. Il ne voulait pas manger. Mais il avait faim. Et il avait foi - vraiment ? - en Feliks. Il ne lui ferait pas ça, pas vrai ? Était-il trop naïf de lui faire confiance ? (Oui) non, il (n')avait (aucune) confiance en son dresseur.
S'il acceptait (bêtement) de manger, est-ce que cet « autre lui » le laisserait tranquille - pourquoi voudrait-il ça ? Cette lutte était si épuisante - elle le serait moins s'il ne le rejetait pas. Cette lutte n'était pas censée être. Enfin ! La frontière entre lui et lui-même n'existait pas, tout ça n'était que dans sa tête !
Espérant que les choses redeviendraient comme avant, qu'il n'aurait plus à réfléchir autant et que ce feu qui le dévorait s'éteindrait, il se jeta sur son repas et l'avala jusqu'à la dernière miette.
Ce fut vain.
Ce ne fut qu'au bout de quelques jours que Feliks se décida à lui en parler. Comme si cela demandait une intense réflexion de savoir si oui ou non l'informer en valait la peine.
Ils s'étaient mis un peu retrait du campement. Feliks regardait ailleurs et bien lui en fasse car il devrait avoir honte de ne rien lui avoir dit avant. Il ne s'était pas rendu compte du mal qu'il lui avait infligé par le doute, né de ses non-dits. Et ça, ça il allait avoir du mal à lui pardonner.
— Tu le sais sûrement mieux que moi, mais tu es sur le point d'évoluer. C'est plus qu'une question de temps.
Sans blague. Sans blague ! Son sang se mit à bouillir dans ses veines mais il se maitrisa : il fallait qu'il sache. Gvidon allait l'écouter. Il verra après de ce qu'il en retournait.
— Avoir un scalproie, c'est pas extrêmement conseillé. C'est pas de votre faute, bien sûr. Vous avez juste une façon d'être qui diffère de la nôtre.
Le soldat se tourna vers lui et s'accroupit à sa hauteur.
— Mais je suis sûr qu'ensemble on pourra faire des grandes choses. On est amis après tout.
Oui mais au fond, il n'en était plus bien sûr. Pour quels raisons étaient-ils amis ?
— Tu vas vraiment avoir la classe quand tu évolueras en plus !
Il aurait voulu être rassuré par ces paroles - ses paroles. Son dresseur n'avait jamais essayé de lui faire de coup bas ; Feliks le considérait toujours comme un ami. Il avait confiance en lui. Mais cette dernière phrase sous-entendait une vérité terrible : l'aimait-il pour qui il était ou pour ce qu'il allait devenir ? L'aimait-il en tant qu'individu ou en tant que pokémon ?
Était-il sincèrement en train de lui faire une confession d'amitié ou essayait-il de l'amadouer pour pouvoir continuer à le contrôler ?
Le doute le tétanisa. Et lorsque la main de l'humain toucha son exosquelette, tous ces sentiments contradictoires explosèrent en lui.
Il le griffa.
Une coupure nette et fine barra sa paume nue. Une diagonale impeccable où un filet rouge se mit à couler.
Feliks le regarda avec effarement. Incompréhension. Qu'ai-je fais pour mériter cela ? sembla-t-il dire sans un mot.
Gvidon crut qu'il allait lui crier dessus. Il avait désobéit à la règle numéro un. Il avait désobéit. Il avait désobéit. Il avait désobéit ! Un froid intense se répandit dans tous son corps. Feliks avait le droit de le tuer. Là, maintenant, tout de suite.
Mais Feliks n'en fit rien.
Son regard se reposa sur sa main blessée, et y ferma le poing.
— Tu savais tout depuis le début, pas vrai ?
Ce n'était qu'un murmure. Il releva son regard sur lui. Il n'y avait plus de stupéfaction, plus de la douleur. De la tristesse.
— Tu m'en veux de ne t'avoir rien dit ?
Il ne bougea pas tout de suite. Il voulut dire non, qu'il ne lui en tenait pas rigueur, que c'était lui qui était en tord. Mais il confirma du chef.
Il hocha la tête à son tour, comme par mimétisme.
— Tu as raison d'être en colère. Je suis désolé, je t'ai sous-estimé, avoua-t-il à la plus grande surprise du pokémon.
Feliks se redressa. Gvidon continuait de le fixer.
— Je ne le referai plus. J'espère que tu sauras me pardonner d'ici là.
La scalpion ne bougea pas. Ne dit rien. Il ne connaissait pas lui-même la réponse. Il ne fit que contempler la sincérité sur le visage maigre du dresseur. Sa colère s'apaisa, mais il ressentait encore les braises dans le creux de son cœur. Tôt ou tard, elles se raviveront et, cette fois, rien ne pourra arrêter cet incendie.
Le temps se refroidit brusquement. Les pluies devenaient du verglas le matin, la boue se figeait en amas de glace. La neige ne tarda pas à arriver. Tout devint blanc. Incandescent.
Leur régiment plia ses bagages et ils fuirent rapidement vers l'Est. L'hiver était terrible, c'était bien connu dans le pays, mais pouvait servir ceux qui savaient l'utiliser à leur avantage. C'était tellement connu que dès que leur armée s'arrêtait dans un village, leur commandant n'avait pas besoin de faire de discours : les habitants partaient d'eux-mêmes pour rejoindre la ville la plus proche. Ils laissaient derrière eux quelques victuailles pour les soldats, prenaient les choses les plus utilitaires ou qui pouvaient se revendre à prix cher, et c'était tout.
Les soldats restaient alors quelques temps, histoire de s'assurer qu'il ne restait plus personne. Puis on mettait le feu.
Autant Gvidon détestait l'odeur âcre de la fumée, autant il reconnaissait qu'il y avait quelque chose de beau dans les flammes. Cela ressemblait à une danse. Ça commençait tout petit, avant de monter, monter ! Réduisait en cendres les grandes granges, éclatait les vitres des maisons et magasins - même de loin, Gvidon pouvait les entendre. C'était la puissance du feu à l'état brute, qui ne cessait qu'une fois repu.
Une fois que leur commandant était satisfait des dégâts, ils reprenaient leur route.
Gvidon eut une pensée brève pour son propre village. Avait-il connu le même sort ?
Ils refirent le même spectacle plusieurs fois jusqu'à arriver à une sorte de fort. C'était une première pour le scalpion ; jamais il n'avait vu une telle bâtisse. Il crut se souvenir que Cathie lui en avait déjà parlé, et peut-être même montré des images. Un lieu passé où les seigneurs - les boyards - vivaient et régnaient sur la population locale. Tout ceci était depuis longtemps révolu. Ils ne restaient d'eux que ces bâtiments qui avaient résisté, en plus ou moins bon état, au temps et à la colère de la révolte.
Et maintenant, il leur fallait attendre. Attendre que leurs ennemis les rattrapent pour poursuivre la bataille. Et tenir bon. Tenir, jusqu'à la fin de l'hiver.
Cela promettait d'être long.
Pour remédier à la neige et la glace (surtout la glace), leurs opposants faisaient régulièrement appel à des Tempêtes Sable. L'idée était de faire fondre la glace, ou tout au moins ralentir la progression du froid. En réponse, leur camp invoquait des Grêles. La victoire climatique dépendait alors de la puissance des lanceurs et du climat déjà installé. Plus il faisait beau, plus la Tempête Sable perdurait, et vice-versa. Parfois, un étrange phénomène se produisait : aucun des deux ne prenaient le dessus et c'était alors un mélange de grêle et de poussière qui s'abattait sur eux.
Gvdion n'aima honnêtement aucun des deux. Il supportait le froid dans une certaine mesure, mais les températures extrêmes pouvaient lui être fatales. La grêle lui faisait mal, tout particulièrement sur le crâne car les agressions des bouts de glace tambourinaient dans sa tête. Cela lui causait des migraines terribles. Quant au sable, il en souffrait moins que la plus part de ses camarades mais il ne demeurait pas à l'abri d'une conjonctivite.
Feliks l'emmena plusieurs fois à l'infirmerie, par précaution. Il retrouva à l'occasion l'alakazam et le chirurgien pokémon.
Le pokémon Psy se nommait Henna et le chirurgien Odoroki. Et contrairement à la première impression de Gvidon, ils étaient incroyablement bavards. Rien qu'à leur première visite, Feliks et lui apprirent leurs noms, qu'ils venaient de « Sinnoh » et qu'ils avaient fui l'invasion de « Kanto » pour rejoindre leur armée. Odoroki affectionnait particulièrement le tabac et lança à la cantonade qu'il serait ravi de « tirer » une cigarette à ses pauses avec le dresseur.
Physiquement, c'était un humain qui portait des lunettes rectangulaires, imberbe et les cheveux noirs à ras. Il portait souvent un masque de chirurgien sur le visage, sinon autour du cou. À croire qu'il s'agissait d'un grigri. Il n'était pas bien grand et pas bien musclé non plus : Feliks le dépassait d'une bonne tête et était presque deux fois plus large que lui.
Henna était un peu moins expansif et enthousiaste. Il lui demanda si sa jambe allait mieux (oui) et après l'auscultation, lui donna quelques conseils pour éviter d'attraper une infection oculaire. Il parla un peu de lui, qu'il connaissait Odoroki depuis l'enfance et que bien qu'il n'aimait pas être ici, il ne pouvait laisser l'humain derrière lui.
— Lui, il se sent utile en faisant ça, même s'il n'aime pas le gouvernement. C'était le territoire le plus proche encore en combat, alors nous voilà.
— Le « gouvernement » ?
— L'État, celui qui a volé le nom de l'aube et se proclame puérilement « Grand Chef », expliqua l'alakazam d'un ton spécieusement calme.
Gvidon fut très choqué par ses paroles : jamais il n'avait entendu de critique aussi directe sur son dirigeant. Un peu contrarié mais également curieux, il l'interrogea sur son opinion vis-à-vis de l'Aurore.
— Il n'y a rien à dire de bien sur lui. Il a renversé un pouvoir décadent par un autre qui l'est tout autant, il emprisonne et tue ceux qui ose ne serait-ce que critiquer sa manière de faire. Il n'en a rien à faire de nous en tant qu'individu : ce qui l'intéresse, ce sont les victoires et les défaites par bataillons. Ceux qui perdent trop serviront de sacrifices aux profits des plus forts. Même en ses propres semblables il ne voit que des machines à tuer qu'il faut dresser. Comment pourrais-je l'apprécier après tout ceci ?
Gvidon garda le silence. Il assimila ses dires, puis répondit :
— Je ne peux pas être d'accord avec toi. On nous a toujours dit que l'Aurore se souciait de nous...
— Propagande ! s'étrangla Henna dans un éclat de voix, Ce ne sont que des mensonges !
— Comment peux-tu en être aussi sûr ? Tu n'es même pas d'ici, comment peux-tu le juger ? Tu ne le connais pas !
— Et toi, le connais-tu ? Sais-tu au moins à quoi il ressemble ?
Gvidon resta muet face à cette interrogation. Il était vrai qu'il n'avait aucune idée de ce à quoi il ressemblait. Il en avait une certaine image, mais ce n'était qu'une projection, un fantasme.
Son interlocuteur reprit une intonation de voix plus douce, mais ferme :
— Bien que ton opinion me désole, je ne vais pas chercher à te faire changer d'avis. Tu n'arriveras pas non plus à me convaincre. Il vaut mieux en rester là.
Gvidon garda encore quelques instants le silence, fixant le sol comme pour trouver une réponse appropriée. Et puis, d'un air un peu timide, il se permit de poser une dernière question à Henna :
— Tu n'as pas peur ?
— De quoi donc ?
— Tu dis que l'Aurore tue et emprisonne ceux qui sont en désaccord avec lui. Mais on dit aussi qu'il est partout, qu'il entend tout. Tu n'as pas peur de finir comme les autres ?
Henna fut pris d'un court rire.
— Non. Ça ne vaut que pour les humains. Il ne cherche pas à comprendre les pokémons : il nous pense trop bêtes pour avoir une opinion sur lui.
Gvidon ne sut quoi en penser. Cette conversation lui laissa un goût amer et corrosif. Corrosif par le doute. Et si c'était vrai ? Et si l'Aurore les méprisait ?
Il chercha à connaître les opinions des autres. Feliks n'en parlait pas beaucoup mais ne semblait pas contre son dirigeant. Strelka n'avait pas de jugement précis, mais supposait qu'il ne devait pas être mauvais par défaut. Lyov n'en parlait pas beaucoup non plus, mais il portait volontiers un verre en son nom. Adonis le détestait - mais il était misanthrope depuis longtemps alors ça ne comptait pas vraiment. C405 ne le portait pas dans son cœur car il le jugeait comme responsable de son kidnapping dans l'armée. Grom critiquait son manque d'efficacité militaire et son absence, qui pesait très clairement aux troupes.
Quel fut l'étonnement de Gvidon quand il se rendit compte que l'Aurore était loin de faire l'unanimité ! Cela lui paraissait tellement naturel d'avoir du respect pour l'État, à défaut de l'apprécier. Ce serait mentir de dire que le scalpion le vénérait, mais il le pensait bien intentionné.
Il commença à réfléchir à cet a priori, même si la réponse ne lui était pas encore à sa portée.
Ces combats de position étaient à le fois stressants et ennuyeux. Stressants car on ne cessait de se tirer dessus - par lance-roquettes, par tanks ; bref, tout ce qui pouvait tirer de loin à part les avions, trop handicapés par le mauvais temps. On mobilisait aussi les pokémons qui pouvaient attaquer de loin, comme Grom. Tous les autres restaient à l'abri et attendaient. Attendaient. Sursautaient par moment. Attendaient. Mangeaient. Attendaient. S'entrainaient. Attendaient. Dormaient. Se réveillaient. Se rendormaient. Et ainsi de suite.
Les choses ne se profilaient en plus pas très bien pour leur camp. L'armée ennemi avait encerclé leur fort et coupait les ravitaillements. Leurs provisions commençaient à s'évaporer, bouchée après bouchée. Les rations avaient considérablement diminué. Il y avait eu des litiges entre certains membres du groupe, car on favorisait ceux qui pouvait servir dans l'immédiat.
Gvidon avait faim. Il n'en était pas encore au point d'attaquer ses propres camarades, mais il s'était déjà quelques fois demandé quel goût pouvait bien avoir le taupiqueur. Tout ce qu'il pouvait faire pour réfréner sa insatiété, c'était dormir. Or, dormir en étant aussi en tension, celui lui était franchement difficile, voire impossible. Pour remédier à ça, il tentait de s'épuiser en s'entraînant, allant jusqu'à solliciter Feliks dans ce but. Si au départ il se montra ouvert, il devint de plus en plus contre l'idée :
— Non Gvidon. Tu vas juste t'épuiser avant qu'on ait le temps de se battre. Reste tranquille.
Rester tranquille ! Comme s'il le pouvait, entre toute cette cacophonie qui régnait à chaque instant du jour et de la nuit ! Et ce, depuis près de deux cycles lunaires !
Tant pis, il le ferait sans son aide, avait pensé Gvidon. C'était sans compter que Feliks avait fait passé le mot à ses camarades. On prenait soin de lui enlever tous les mannequins et autres cibles ; même les pokémons déclinaient les combats amicaux contre lui.
Strelka essaya de « lui faire entendre raison », souligna que Feliks n'avait pas tord. Il allait finir par faire fondre toutes ses réserves s'il continuait ainsi. Mais Gvidon se détourna d'elle, préférant ruminer dans son coin.