10 : Changement
Gvidon se sentait bien vide lorsqu’il arriva - enfin ! - à sa destination. Son regard glissa sur les différents pokémons et humains dans ce lieu ; il en reconnut certains et d’autres non. Il chercha une place libre et s’y assit. Il resta immobile ainsi un long, très long moment. Tout tournait dans sa tête. L’exécution d’Andrey lui revenait en boucle. Les yeux jaunes de l’airmure le dévisageaient encore lorsqu’il fermait, ne serait-ce que brièvement, les paupières. Et toujours ce vide qui le rongeait…
— Gvidon ?
Le petit pokémon releva son regard vers le géant simiesque. Grom lui souriait mais il cessa bien vite. Il était heureux de le revoir sain et sauf, lui dit-il dans un premier temps. Après une pause, il se posa à ses côtés et lui demanda ce qui le troublait. En peu de mots, le scalpion lui expliqua. Le pokémon borgne hocha la tête - bien que c’était tout son corps qui semblait se mouvoir.
— Je suis désolé. Ce n’est jamais facile de perdre quelqu’un.
Gvidon garda le silence. Il ne se comprenait pas. Cet humain ne l’avait jamais vraiment aimé et il ne pouvait pas dire qu’il le portait dans son cœur non plus. Alors… pourquoi… pourquoi ce vide ; pourquoi cet espèce de deuil ? S’y était-il malgré tout attaché…?
Adonis, le chetiflor, arriva en trombe dans la tente à cet instant précis. Il parut tout de suite évident qu’il était fou de joie; ses membres rachitiques s’agitaient dans tous les sens avec une grande frénésie.
— Il est mort ! s’exclama-t-il avec bonheur.
Qui était mort ? Il y en avait tant, des morts.
— Mon dresseur ! Il est mort ! Enfin mort !
Il rit et dansa sur lui-même de plus belle.
— Il est mort ! Il est mort ! Il est mort ! chanta-t-il avec allégresse.
Ses rires et ses gestes devenaient distordus, risibles au point d’en devenir gênants pour les autres. Les pokémons étaient dégoûtés et les humains déconcertés - ils le pensaient certainement fou.
Gvidon serra les mâchoires. Cette attitude le débectait. Il espérait qu’il allait rapidement se calmer…
— Il est mort !
Ne pouvait-il donc pas se taire ?
— Il est mort !
Il était tellement ridicule…
— Il est mort !
Mais qu’il cesse enfin ! Ils avaient compris !
— Il est mort !
— LA FERME !
Le pokémon Poison se figea sur place. Ce cri était d’une telle colère qu’il s’était retrouvé brusquement tétanisé. Cela ne dura pas bien longtemps ; il dirigea son regard noir vers celui qui venait d’hurler ainsi.
Gvidon n’en revenait pas qu’il ait pu sortir un cri avec autant d’intensité. Ce n’était pourtant pas son genre, de se manifester de la sorte…
L’ire l’avait fait bondir sur ses deux jambes garance et il sentait tous ses membres tendus. L’adrénaline fusait dans tout son corps.
— Pourquoi m’empêches-tu d’exprimer ma joie ? Espèce d’égoïste ! Ce dresseur me malmenait nuit et jour, et maintenant qu’il récupère enfin ce qu’il mérite, je devrais me taire ?!
— Garde ta joie malsaine pour toi ! rétorqua le scalpion, Tu ne te rends pas mieux que lui, à célébrer sa mort de la sorte !
Son ton était tellement tranchant que l’autre ne trouva rien à répondre de suite. Il commença à trouver des excuses, des prétextes plus ou moins valables et cette fois ce furent les autres pokémons qui lui sommèrent de se taire.
Gvidon eut besoin de sortir prendre l’air. Son corps tremblait sous l’émotion. Il fit les cent pas autour de la tente, avant de finalement s’assoir en tailleur contre le sol poussiéreux.
Inspire. Expire. Inspire. Expire.
Cela lui mit un moment avant de reprendre contrôle de lui-même. Quand il se sentit suffisamment apaisé, il revint.
Le chétiflor avait disparut - grand bien lui en fasse. Chacun était retourné à ses activités, sauf Grom qui semblait l’avoir attendu.
Gvidon se sentit brusquement penaud d’avoir fait une telle scène. Il se rapprocha timidement du pokémon Électrik et s’installa à sa droite.
— Tu n’as pas à avoir honte. J’étais sur le point d’intervenir, moi aussi.
Gvidon releva légèrement la tête vers son interlocuteur avant de rabaisser son regard sur ses pieds rouges. Il se sentait tellement perdu… En plus de cela, il n’avait plus de dresseur. Qu’allait-il advenir de lui ?
— N’aie crainte. Ils - les humains - sauront bien où te placer. Ils le font toujours.
Il aimerait tellement rentrer chez lui… Il en avait assez de tout ça. Il voulait revoir sa famille, il voulait arrêter de risquer sa vie pour rien du tout, il voulait… Il voulait… Mais il ne peut pas.Grom eut un regard de sympathie. Moi aussi, sembla-t-il dire. Sa grande main caressa gentiment l’arrière de son crâne d’acier et, par ce simplement mouvement, creva l’abcès qui retenait ses larmes. Tout doucement, il pleura, recroquevillé sur lui-même, alors que l’élekable répétait son geste.
Il apprit par diverses sources ce qu’il s’était déroulé durant la bataille. Malgré la présence des renforts, l’offensive des airmures ennemis avaient faits des dégâts considérables. La panique qui avait suivi fit des ravages d’autant plus importants. Déjà qu’une bonne partie de leur armée avait été affaiblie et que les renforts apportés avaient été insuffisants, il eut fallu se rendre à l’évidence qu’ils n’auraient pas pu faire le poids. A contre-cœur, le général avait lancé une retraite au prochain campement le plus proche, non sans affaiblir l’ennemi au mieux qu’il put. La contre-attaque ne se ferai pas tarder. On ne pouvait accepter cet affront - il fallait vite battre le fer pendant qu’il était encore chaud. Surtout que le général s’était sacrément fait réprimander, d’après la rumeur.
Dans le même temps, Gvidon apprit que Matvey était porté disparu. Pas mort. Porté disparu. Ça pouvait tout et rien dire. Il pouvait avoir fuit, s’être fait prisonnier ou être réellement mort. Dans tous les cas, Lyov et Feliks affichèrent une mine sombre les jours qui suivirent.
Le pokémon n’affirmait pas que le blond lui manquait comme à ses camarades humains... Mais il ressentait, lui aussi, son absence. Une sorte de manque. Parfois, il se surprenait à le chercher du regard avant de se reprendre. Ceux qui étaient tombés aux mains de l’ennemi ne revenaient jamais. Et s’ils le faisaient... Ils étaient tués à l’arrivée. C’était plus sûr. On était jamais à l’abri des espions.
Feliks lui accordait, de temps à autre, un peu d’attention. Il était censé recevoir un autre pokémon mais après avoir parlementé avec ses supérieurs, il avait réussi à obtenir sa garde.
Comment oublier le soldat, arrivant en trombe dans la tente pour de se planter devant lui afin de lui annoncer la nouvelle? Ses joues creuses s’étaient à nouveau gonflées sous l’exaltation ; on aurait dit un baudrive à forme humaine. Cependant Gvidon en avait été assez content. Il ignorait quelles étaient les capacités de commandement de Feliks (il espérait quelles ne soient pas trop mauvaises) mais au moins n’auraient-ils pas trop de problèmes de communications, pensa-t-il.
Il avait pu revoir Strelka entre temps :
— J’ai appris pour ton dresseur. Je suis désolé, geignit le pokémon canin alors que ses oreilles pendaient tristement des deux côtés de sa tête.
Il n’avait pas à l’être, il n’y était pour rien. Gvidon en profita pour le remercier pour l’autre jour. Le pokémon Acier n’aurait surement pas survécu sans leur intervention. La queue de Strelka s’agita et ses oreilles se redressèrent, ne cachant pas que sa gratitude lui faisait plaisir.
— J’y pense, nous ne nous sommes pas présentés. Je suis D43, une caninos élevée spécialement pour défendre notre territoire. Mon dresseur est Damir et m’a donné le nom de Strelka. Et, ajouta-t-elle avec une pointe de fierté, je suis un bon chien !
Le scalpion cligna rapidement des yeux. Il ne s’était pas rendu compte que Strelka était une femelle et il en eut un peu honte. Sans faire de commentaire sur sa méprise, il donna son identité à la pokémon Feu.
— Enchantée Gvidon, pokémon de Feliks ! (elle se mit en position de sphinx) Voudrais-tu jouer un peu avec moi ? Je m’ennuie, nous pourrions faire une course !
Le pokémon Coupant n’était pas stupide : il savait qu’il n’avait aucune chance contre un quadrupède. Mais l’idée d’un défi et du jeu lui fit envie - et puis, si cela pouvait faire plaisir à Strelka, il ne vit pas d’inconvénient.
Les règles étaient simples : partir depuis l’entrée de leur tente pour arriver jusqu’à la prochaine en face. Pour cela, il faudrait remonter un long couloir, pour l’instant désert. Gvidon ne s’inquiéta pas pour son pied, guéri depuis bientôt une semaine. Il salua intérieurement le travail des nanméouis. C’étaient de créatures bien douces, patientes malgré leurs tâches finalement peu reconnues et rébarbatives. Gvidon avait toujours fait en sorte de se montrer le plus respectueux possible, ce qui l’avait gratifié d’un sourire apaisé bien que fatigué de la part de son soigneur.
Le scalpion se mit en position, suivit de la chienne rousse. Cette dernière jappa le départ et la course fut lancée. Même en forçant sur ses jambes, il fallut attendre peu de temps pour que la caninos le double.
Ils étaient presque parvenus à la limite lorsque deux soldats passèrent sur leur trajectoire. Gvidon put s'arrêter à temps ; ce ne fut pas le cas de Strelka qui fonça tête en avant dans la jambe du premier. Celui-ci perdit l'équilibre, tenta de se raccrocher à son camarade qui fut entraîner dans la chute. Tels des dominos, tous finirent par terre. Gvidon regarda cette scène, impuissant, les bras ballants et les mâchoires serrées. Ce qu'il redouta arriva : si tôt remis du choc, ils se firent sermonnés vertement et tout particulière Strelka. La caninos se recula, penaude, les oreilles basses. Et puis :
— Hey hey camarades ! 'Y a pas besoin de s'énerver autant !
C'était Damir qui venait de rentrer en scène. Il avait les bras en avant, les doigts écartés pour signifier qu'il ne souhaitait pas le conflit.
Pour en faire une brève description, c’était un humain d’une carrure assez commune. Ses cheveux étaient noirs et courts. Son visage rond portait la moustache mais il n’avait pas le moindre poil de barbe. Il y avait quelque chose que Gvidon aimait bien chez lui : ses yeux. Ils étaient d’une grande clarté, d’un bleu très doux. Il aurait pu passer des heures à les regarder.
Mais pour revenir à l’échange entre les trois militaires :
— Ils sont à toi ? demanda avec humeur le plus virulent des deux.
— La caninos, oui. 'Faut pas leur en vouloir, reprit aussitôt le dresseur, ils faisaient que jouer...
— Jouer ! Comme s'ils avaient que ça à faire ! Est-ce que nous on joue ? On est dans la merde jusqu'au cou, on a pas le temps pour ces conneries !
— Oui, bien sûr. Vous ne les reverrez plus dans vos jambes. J'y veillerai.
Celui qui se tenait en retrait eu un haussement de sourcil. Mais son acolyte parut convaincu par sa sincérité et son sérieux.
— Bon.
Et sur cette dernière réplique ne demandant pas de réponse, ils s'en furent. Damir poussa un soupir de soulagement tout particulièrement long. Il se retourna et s'accroupit. Il commença à caresser le pelage du chiot avec un air affligé.
— Ma pauvre Strelka, je sais bien que tu n'as pas fait exprès. Tous le monde est à nerf depuis notre défaite, il vaudrait mieux que tu fasses profil bas. Tu défouleras les pattes lorsque je te ferais des exercices, d'accord ?
La pokémon aboya son assentiment.
— C'est bien, murmura-t-il en l'embrassant sur le front.
Gvidon n'avait pas bougé, observant dans un silence religieux leur interaction. Un sentiment nostalgique et une pointe d’envie se manifestèrent dans son coeur. Où était Feliks ?
Un sifflement mélodieux le sortit de sa torpeur ; il cligna des yeux. Strelka s'était écartée pour s'installer à côté de son dresseur. Et celui-ci l'appelait.
Mais Gvidon ne bougea pas tout de suite, adoptant un comportement observateur.
Damir siffla de nouveau. Néamoins, peut-être, ne voulant de l’affection déjà consommée, Gvidon lui tourna les talons. C’était injuste - il le savait. Mais il n’était pas d’humeur. C’était juste ça…
Il n’avait pas grand chose à raconter sur son entraînement avec Feliks. Ils leur fallut un temps d’accordage, bien sûr, mais il ne fut pas bien long à acquérir. Et tant mieux ; les combats reprirent presque aussi sec.
Contrairement à l’accoutumée, les ordres étaient davantage de garder la position que d’attaquer. De ce fait, Gvidon accomplit son rôle de nettoyeur plus qu’il ne l’avait jamais réalisé auparavant. Humains comme pokémons, tous ceux qui tombaient près de leur tranchée, il partait les achever sous la protection du revolver de Feliks.
Plusieurs fois, il fit face à des visages implorants. Des murmures qu’il ne comprenait pas (incompréhensibles) où seule la détresse parlait. Sûrement qu’ils demandaient un tant soit peu de clémence ; cherchaient à garder la vie sauve.
Mais pour Gvidon, le seul acte de pitié qu’il pouvait octroyer était la délivrance de la mort. C’était les ordres ; l’unique option qu’il puisse prendre. Et puis c’était la seule chose qu’il savait exécuter : soigner, sauver, cela lui était hors de portée. Tout ce qu’il savait faire, c’était trancher les gorges, poignarder les cœurs, lacérer la chair, faucher, encore, encore, encore encore encorencore...
C’était la seule solution qu’il trouva pour se protéger de cette violence: s’en imprégner pour s’en distancer le plus possible.
Une drôle de formulation pour une vérité détestable.
Evidemment, tous ceux à terre n’était pas à réclamer pitié. C’était parfois au contraire dans cet instant qu’on se battait avec le plus de fougue. « La rage du désespoir » - c’était certainement le terme le plus approprié pour parler de la fureur dans laquelle ceux tombés se relevaient.
L’un de ses plus rudes combats de la sorte que Gvidon eut à mener fut contre un galegon.
Son dresseur était tombé et le pokémon Roche lui-même n’était pas bien en point. Sa carapace ne ressemblait plus à grand chose tant elle était cabossée, fondue voire même effritée par endroit. C’était à peine si l’on pouvait reconnaître la créature.
Et pourtant !
Cet adversaire refusait de cesser de se battre. Même s’il était cerné, encerclé par pas moins de cinq autres pokémons. Même si son dresseur semblait plus mort que vif, la face en plein dans la fange noire ; il se débattait face à eux, face à la mort. Et il protégeait, comme il le pouvait, l’homme qui se trouvait sous ses pattes.
Il y avait quelque chose de beau dans ce combat ; ce courage, cet acharnement pour protéger quelqu’un - Gvidon trouva ça noble. Il le pense toujours.
Ce ne fut cependant pas son sentiment premier, bien entendu. Le galegon restait son ennemi et l’échange des coups était d’une assez grande violence. Bien que ses mouvements soient limités, ses lancées de boue ne cessaient de fuser. Le terrain lui facilitait la tache ; nul besoin de se concentrer pour invoquer ses tirs. Tout était à ses pieds.
Gvidon cracha avec hargne la boue qui lui recouvrait le visage, non sans lui laisser un goût âcre en bouche. Malgré sa vision troublée (ou peut-être à cause) tout son corps était en tension. Cette colère froide était tellement forte que ses bras en tremblaient. La seule chose qui l’empêchait de passer à l’attaque était l’ordre de Feliks, l’interdisant de bouger pour le moment.
Un voltali brisa le rang pour asséner une faible décharge dans le but de le paralyser. Son ennemi se raidit. Mais cela ne dura pas : il invoqua rapidement une Tomberoche. L’attaque encercla le galegon avant de se propulser dans toutes les directions.
Le voltali, agile, l’évita sans problème ; ce fut au détriment d’Adonis qui se trouvait derrière lui. Il fut enseveli sous les rochers ; mais il vivra. Gvidon préféra affronter le problème de face : ses lames manuelles prirent un éclat argenté lorsqu’il s’élança vers le projectile. Quand sa Griffe Acier le percuta, il explosa en une grêle de cailloux. Elle retomba derrière lui, manquant de peu Feliks et un autre dresseur qui s’étaient écartés juste à temps.
Son saut aurait pu le faire atterrir sur le dos du pokémon Armurfer s’il n’avait pas créé un bouclier. Gvidon rebondit sur l’Abri grisâtre, chuta sur le dos à quelques pas du galegon. Aussitôt il se releva, lames en avant, attendant que la protection disparaisse. Le regard bleu acier de son adversaire semblait vouloir le transpercer.
— Passe sous son ventre ! cria Feliks entre deux tirs sur un autre combattant.
Il s’agissait d’une tactique risquée. Si le quadrupède s’écroulait sur lui, Gvidon mourrait écrasé. Cela lui coûterait certainement la vie, mais au point où le galegon était, cela n’aurait pas été un choix étonnant. Un genre de Lien du Destin beaucoup plus direct.
C’était un risque trop important. Il devait y avoir une autre solution. Alors, pour la première fois, Gvidon passa outre les ordres. Sa réflexion fut très rapide : il était suffisamment énervé pour affliger un coup fatal. Il fallait juste qu’il vise au bon endroit : sous la tête. La partie délicate était de l’atteindre sans se faire broyer par sa mâchoire de fer.
Strelka l’attaqua sur le côté d’une Roue de feu. Son opposant était distrait : c’était le moment ou jamais.
Le temps que sa cible lui refasse face, il se laissa glisser sous le cou, fit son travail alors que les mâchoires claquaient dans le vide, et reprit sa course pour rejoindre Damir.
Le galegon chercha de l’air pendant quelques minutes qui semblèrent une éternité. Eternité entrecoupée par les assauts brûlants de la chienne rousse, jusqu’à ce que, enfin, il céda. Comme dans un dernier mouvement de respect pour son ancien maître, il s’écroula sur le côté, laissant le cadavre humain idem.
Les dresseurs appelèrent bien vite leurs protégés. Le combat continuait. Feliks n’en fit pas exception ; mais, Gvidon croit se souvenir qu’il ne bougea pas tout de suite. Il fixa une dernière fois, dans de longues secondes, ces deux ennemis déchus ; et ce fut à ce moment-là qu’il reconnut leur bravoure.
Puis, il rejoignit le rang.
Il y avait aussi quelque chose qui germait en lui. Entre tous ces combats, ces transes sanguinaires qui le prenaient sans qu’il n’arrive toujours à saisir l’origine, un sentiment qui se manifestait de plus en plus. Une sorte d’étincelle brûlante. Il arrivait par à-coup, sans raison apparente la plus part du temps. Décrire cette sensation ne lui est pas aisé; cela s’apparentait à une forme d’irritation, un profond dégoût envers l’autorité en elle-même.
Il détestait cette façon qu’avait les humains à le regarder de haut, détestait leur mépris envers ses camarades et les leurs. Il peinait même à supporter cet espèce d’orgueil sans fondement de Feliks ; l’idée qu’il était la possession de quelqu’un lui donnait la nausée.
Lyov l’observait très attentivement quand cette mauvaise humeur se manifestait. Ses symptômes étaient facilement identifiables : isolement, comportement défensif lorsqu’on essayait de l’approcher, récalcitrante à obéir. Gvidon avait bien remarqué sa mine sombre, inquiète. Il fallut cependant que Feliks lui parla de son étrange changement de caractère pour qu’il l’entraîne à un endroit à l’abri des regards afin d’en discuter avec lui.
Gvidon ne les suivit pas, ayant compris que même s’il était le sujet de la conversation, il n’était pas le bienvenu. Et cela le rendit d’autant plus anxieux.
Assit à côté de Grom (qui était à peu près le seul être dont il tolérait encore la présence), il ruminait ses actions passées dont il ne comprenait pas le sens.
— Qu’est-ce qu’il m’arrive... ?
Il avait peur. Il ne se comprenait plus - jusqu’à cet instant, il n’avait jamais eu de conflit aussi important avec lui-même. Était-il malade ? Fou ?
Grom se tourna légèrement vers lui. Son œil rouge le dévisagea un long moment.
— Tu sembles inquiet, finit-il par dire. Tu n’as pas à l’être autant. Chez certaines espèce de pokémons, les signes avant coureur de l’évolution ne sont pas toujours agréables, mais ils ne durent pas. Tu vas devenir plus fort bientôt...
Il s’arrêta brusquement. Son regard se dirigea vers la sortie de la tente.
— Enfin, s’ils laissent les choses suivre leur cours...