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Une ville à moitié de weivern



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Informations

» Auteur : weivern - Voir le profil
» Créé le 13/07/2025 à 11:42
» Dernière mise à jour le 29/07/2025 à 09:41

» Mots-clés :   Absence de combats   Organisation criminelle   Sinnoh   Suspense

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Une ville à moitié – Version Gauche
Je suis un gars négligent.

Enfin, quand je dis négligent, ce n’est pas dans le sens négligent-négligent, mais bien négligent - à droite pour être plus précis.

Croyez-moi, c’est une galère sans nom et encore, je m’en sors mieux qu’il y a quelques mois. Au moins ma main droite est bien ma main droite et j’arrive à m’habiller complètement - la plupart du temps. Je ne suis pas à l’abri du coup de fatigue problématique, surtout quand je sors dehors… Je vous laisse deviner que ce n’est pas que le demi-rasage qui gêne les voisins.

Ouais, n’importe qui m’ayant vu au début vous dirait que j’ai fait des progrès, c’est pour ça que j’ai pu sortir de rééduc et reprendre ma vie. Ma moitié de vie. Celle à gauche, voyez ?

Cette moitié de vie, je l’ai vue et je l’ai vraiment comprise qu’une fois de retour dans ma ville, à Vestigion. Le parc que j’adorais tant voir depuis mon balcon, l’une des principales raisons qui m’avait poussé à prendre cet appart… Eh oui, en plein dans le mille ! Il était à droite.

S’il vous plait, ne me dites pas de tourner la tête, parce que sinon vous n’avez rien compris : la droite, pour moi, ce n’est plus qu’un vague concept, au mieux quelque chose où je dois suer sang et eau pour l’atteindre et c’est déjà suffisamment difficile de rester à peu près au centre.

Voilà, maintenant c’est ça ma vie, c’est ça ma ville, ma moitié de ville.

Je fais avec. Tous les matins quand je me lève, je mets toute mon énergie à manger toute mon assiette, brosser toutes mes dents, et m’habiller complètement. C’est pour ça que quand je vais m’assoir à ma terrasse, c’est pour me reposer, donc forcément : je tourne la tête à gauche.

Heureusement, cette demi-ville n’est pas complètement inintéressante. Ça aurait été pire si c’était resté le terrain vague dégueu qui était encore là avant mon accident et ma virée en hélicoptère dont je ne garde malheureusement aucun souvenir. En même temps, je suis pas sûr de vouloir me rappeler de tout, vu l’état dans lequel je devais être – du style pire que quelqu’un à qui un magirêve a susurré mille malédictions à son oreille, brrrr.

Enfin, tout ça pour dire : je m’absente à peine deux mois et cette ville figée dans le temps voit arriver un nouveau groupe commercial de « je ne sais trop quoi » et ils se mettent à construire sur ce vieux terrain vague, quitte à en déloger les keunotors et chaffreux qui y vivaient. Je ne sais pas si j’ai de la peine ou des remords pour ces pokémons, mais quelque part je pense que ça vaut mieux pour eux. C’était plus une décharge qu’autre chose donc… Enfin, les choses changent, les pubs aussi d’ailleurs, à ce qui parait peu de temps après qu’ils aient acheté les droits d’exploitations du terrain.

L’Organisation Galaxie. Un peu pompeux comme nom si vous voulez mon avis et en toute honnêteté, j’ai du mal à comprendre ce qu’ils vendent. Un monde meilleur ? Moi, j’aimerais déjà retrouver la moitié qui me manque !

De toute façon, est-ce que leurs histoires m’intéressent ? J’ai beau avoir mis la TV dans la moitié de pièce qui a toute mon attention, leurs discours me donnerait presque envie de dévier la tête à droite. Bon, heureusement que les annonces pour la prochaine pokémontre sont là pour me ramener du bon côté.

***
Chaque jour, j’assiste aux progrès de la construction du bâtiment Galaxie. Et je peux assurer sans hésitation que le parc, c’était quand même mieux.

Bon, c’est pas non plus comme si mon côté droit et toute la ville qu’il contient était devenu un vide intersidéral. Et si je ne peux pas voir le parc de loin, au moins je peux le retrouver en m’approchant : ça restera une moitié de parc, mais un parc quand même.

Voilà, j’ai mon petit itinéraire bien rodé – à pied, parce qu’il y a beaucoup de priorités à droite et quel est l’idiot qui a dit que la droite serait prioritaire ! Ensuite, je ne m’interdis pas complètement de prendre ma voiture pour les trajets que je sais « sécuritaires ». Je considère que je connais mes limites, et l’excuse du gosse qui déboulerait d’un coup sur la route bah… Négligent ou pas, je crois que n’importe qui se ferait avoir.

Le parc de Vestigion, ça a toujours été mon petit plaisir. On peut y faire du vélo, tremper ses pieds dans les points d'eau qui le bordent, et puis il y a l’immense statue en son centre, la fierté de notre ville.

Tout le monde dit par chez nous qu’elle était là avant même que la première maison ait été érigée, et elle est d’autant plus fascinante qu’elle ressemble à aucun pokémon qu’on a l’habitude de voir. Même les dresseurs qui passent dans le coin et qui ont vu plus d’une région n’ont strictement aucune idée de quelle créature est représentée. Alors oui, c’est vrai que j’ai appris récemment qu’il y avait une plaque avec le nom de ce « pokémon » dessus. Tiens, je peux même vous la lire : PAL… De rien, je suis toujours heureux de rendre service.

Bref, je passe ma journée au parc, puis je rentre chez moi, et tout le monde sait qu’on n’emprunte jamais le même chemin pour rentrer chez soi, mais il ne faut pas non plus que ça fasse un gros détour donc… La meilleure option pour moi, c’est la rue qui longe la nouveauté de Vestigion : le Centre Galaxie, celui-là même que je suis forcé de voir tous les jours à ma terrasse.

La bonne nouvelle ? Il est du côté droit de la rue, pas mal non ? Le côté gauche, c’est les jolies maisons. Elles ont à peine changé depuis que je suis petit et ça me fait chaud au cœur de toujours les voir.

C’est rassurant et réconfortant, ça l’a toujours été par rapport à ce terrain vague. Il puait et était sacrément crade, avec ces pneus et ces détritus qui chauffaient au soleil, et les pokémons qui se disputaient les sacs poubelles et puis… Je ne pouvais pas l’expliquer à l’époque, et je ne pense pas que je pourrais plus l’expliquer maintenant, mais comprenez qu’il y a certaines peurs qu’on n’explique pas. Elles vous serrent la gorge, vous font regarder partout autour de vous comme si quelqu’un allait vous sauter dessus et vous faire la peau, ce qui en vérité aurait très bien pu arriver vu le dépotoir.

Vous comprenez, hein ? Vous comprenez pourquoi quand j’étais gosse, détourner la tête, regarder les belles maisons, c’était le mieux à faire, pour continuer d’avancer.

Mais le terrain vague, cette décharge de terrain vague, n’existe plus, remplacée par un bâtiment flambant neuf et propre, un bâtiment que je pourrais regarder sans crainte, sans cette angoisse que je ressentais face au terrain vague. Oui, je pourrais regarder…

A droite de ma ville.

Alors, je continue de détourner la tête, de porter mon attention sur les jolies maisons et je verrai le nouveau bâtiment de chez moi. De loin. Et je continuerai de l’ignorer quand il sera trop prêt, non parce que je ne veux pas le regarder mais parce que je ne peux pas.

***
Rad Rickshaw est un bon gars. Déjà, il habite pas très loin de chez moi, ensuite sa maison qui fait aussi office de boutique de vélo se trouve toujours à ma gauche quand je m’y rends (Enfin quelqu’un qui me comprend !), et enfin – quoique le plus important – on est pote d’hospit !

C’est vrai qu’on n’était pas dans la même unité, mais on s’est retrouvé par hasard à discuter devant l’entrée de l’hosto – je me dis qu’on avait dû sentir intuitivement qu’on venait de la même ville, largués tous les deux dans le centre hospitalier d’Unionpolis pour des soins experts.

Rickshaw, quand vous discutez quelques secondes avec Rickshaw, la première chose qui vous frappe c’est qu’il a le regard droit et pour cause : il peut pas voir sur les côtés. Il souffre de ce que l’on appelle vulgairement « hémianopsie bitemporale », ce qui signifie :

- C’est pas parce que j’ai des œillères que je suis aveugle.

Ouaip, je n’aurais pas dit mieux, merci Rad.

Mais pour vous en dire un peu plus, cette canaille de Rickshaw est revenue en ville bien avant moi. Par chance, j’ai pu facilement le retrouver et depuis, il ne manque jamais de m’accueillir avec une bonne bière dans son atelier. Bien sûr, il me fait souvent le coup de la poser du côté droit et je suis là, comme un Ramolosse à attendre, avant qu’il décide finalement de faire passer le verre de mon bon côté en veillant bien à le faire tinter contre le comptoir pour que je lance un « Ah ! » étonné qu’il soit apparu comme par magie, ce qui ne manque jamais de faire rire ce gentil salaud.

Quoique Rad ne rit plus autant qu’avant, il vire même de plus en plus anxieux et je ne peux m’empêcher de penser qu’une ride apparait sur son front à chaque fois qu’un nouvel étage du Centre Galaxie est fini.

- T’as pas remarqué ? me demande soudain Rad.
- Tout dépend, c’est du côté droit ou gauche ?
- Très drôle… grimace-t-il. Je te rassure, c’est pas latéralisé, après tout, les rumeurs ça se propage partout, non ?
- Mon problème c’est pas tant que ça se propage, plutôt d’où ça vient…
- Donc t’as vraiment rien remarqué ?
- Bah… Non.
- Jure-le.

Je hausse les épaules, prends une autre lichette de bière et lève ma main en guise de bonne foi.

- Avec la droite, me corrige Rickshaw. Et sans tricher.
- C’est pas de la triche !

Je me croirais de retour en rééduc : n’utilise pas ta main gauche pour lever ton bras droit. Pfff, c’est facile pour vous ! Moi non (c’était juste un bras qu’ils avaient posé sur mon ventre, et je pigeais pas comment ils voulaient que je le bouge par télépathie), donc faut bien que je me dépatouille parce que c’est aussi ça l’intelligence, la vraie : trouver les solutions les plus simples - et tant pis pour la moitié qui manque, mon cerveau va pas se bouger pour elle. Encore plus quand j’ai un ou deux coups dans le nez qui me gênent pour être au top de ma concentration, et mon pote d’hospit devrait le savoir donc…

Ah ! Mon verre ! Volatilisé !

- Hey !

Rad ne rit pas cette fois. Il est sérieux, et je crois qu’il veut que je le sois aussi. Il prend même la peine de déplacer sa chaise pour s’assoir à mon meilleur côté.

- Il y a de plus en plus de pokémons qui disparaissent, il y aurait même des gens maintenant à ce qui parait. Mais j’ai l’impression que ça ne gêne personne, comme si tous ces enlèvements se passaient loin de nous alors que, bordel, c’est là, dans notre ville.

Je ne fais aucune blague, aucune remarque, je ne peux pas en faire quand il caresse aussi nerveusement la tête de Mélofée. Il en parlait tout le temps de ce pokémon quand on était coincés à Unionpolis et je sais à quel point elle compte pour lui : la déesse rose de la boutique, c’est elle. Mais, je pense justement qu’il se monte trop la tête à cause de ça. Ok, moi aussi j’ai entendu ces histoires de disparition (ou d’enlèvement, peu importe comment on le considère), mais il faut pas croire non plus que ça arrive tous les jours, juste… plus que jamais.

- Tu sais, renifle-t-il, j’aime pas la manière dont tourne cette ville dernièrement.

Je repense aux pubs Galaxie pour intégrer leurs bureaux, les gens qu’on croise de plus en plus dans la rue avec leurs coupes aux bols décalquées d’un employé Galaxie à l’autre, plus que tout je pense à ce nouveau bâtiment qui ne fait que grossir… même s’il est toujours loin d’atteindre mon balcon.

Et puis, on ne peut pas nier que l’arrivée du groupe Galaxie a redonné de la vigueur à cette vieille Vestigion. Sans compter qu’un bâtiment neuf et propre, ça reste toujours mieux qu’une vieille décharge dégueulasse.

D’autant plus quand vous êtes obligés de l’ignorer.