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La plume fantôme de MissDibule



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» Auteur : MissDibule - Voir le profil
» Créé le 15/08/2023 à 02:50
» Dernière mise à jour le 19/08/2023 à 21:26

» Mots-clés :   Drame   Présence de personnages du jeu vidéo   Sinnoh   Slice of life   Unys

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Chapitre 7 – Plume Armure
Anis tourna la clé dans la serrure, le cœur battant. La porte s’ouvrit sans encombre. À l’intérieur, la faible lumière du jour perçait à travers une minuscule fenêtre, où le paysage de gratte-ciels de Volucité se perdait dans une mer de nuages. Le petit appartement lui paraissait tristement gris et impersonnel. Mais elle avait bien l’intention d’en faire un vrai foyer.

Revenir à Unys après toutes ces années passées à Sinnoh… C’était une sensation étrange. Elle n’avait pas vraiment l’impression de revenir à la maison. Une tache de couleur dans l’océan gris attira l’œil d’Anis : ses cartons, qui l’attendaient dans le petit salon. Tous ses souvenirs étaient amassés là…

Prise d’un élan de nostalgie, Anis déposa ses affaires par terre et décida d’ouvrir les cartons. C’était comme fouiller directement dans son passé. Chaque objet était une aventure. Anis plongea la main dans le premier carton. Ses doigts se posèrent sur une surface douce.

Il s’agissait de son étui à badges, recouvert de poussière. Elle avait obtenu les quatre derniers des années auparavant, lorsqu’elle était revenue de Sinnoh pour la première fois, avec Goyah et Percila. Avec huit badges en poche, elle aurait pu tenter de défier la Ligue Pokémon.

Mais ce n’était pas ce qu’elle désirait. Elle était tombée amoureuse de Sinnoh, et la région lui manquait. Elle avait donc préféré repartir là-bas. Elle avait entendu dire que Kiméra, la Championne d’arène de type Spectre de la ville d’Unionpolis, cherchait un successeur. Séduite par l’idée de défendre les couleurs du type Spectre, Anis avait tenté sa chance. Et elle avait réussi.

Pendant deux ans, Anis avait exercé le métier de Championne d’arène. L’expérience avait été agréable, mais elle s’était lassée de cette position. Pour Anis, ce métier manquait de piquant : devoir s’adapter au niveau de son adversaire impliquait de limiter sa force. Or, Anis préférait combattre au maximum de ses capacités. Elle avait donc fini par passer le flambeau à un nouveau Champion.

Après cette expérience, Anis avait décidé de continuer à explorer Sinnoh, cette région chère à son cœur. Elle avait découvert des endroits magnifiques, et rencontré des gens formidables. Mais elle était encore loin d’avoir tout vu. Elle souhaitait connaître les moindres recoins de cette belle région.

Elle s’était donc remise à arpenter Sinnoh, pour en découvrir tous les secrets. Les nouvelles rencontres qu’elle faisait ne cessaient de nourrir son imaginaire. Car Anis n’avait jamais arrêté d’écrire. Durant toutes ces années, elle avait continué à écrire ses histoires, inspirées par les personnes et les Pokémon qu’elle croisait.

Le deuxième objet qu’elle trouva dans le carton était d’ailleurs son dernier manuscrit. Anis parcourut quelques pages et sourit. Elle s’était vraiment améliorée. Son style, qu’elle avait perfectionné durant de longues années, n’avait plus rien à voir avec les textes maladroits de ses débuts.

À cette pensée, la jeune écrivaine se releva d’un bond et sortit en trombe de son nouvel appartement. Pressée, elle ne verrouilla sa porte qu’à simple tour. Elle dévala les marches de son immeuble et fonça vers sa boîte aux lettres. Elle mit un moment à la trouver parmi toutes celles de la résidence, car son nom n’avait pas encore été inscrit sur l’étiquette.

Fébrile, elle dut s’y reprendre à deux fois pour ouvrir la petite boîte. À l’intérieur, deux lettres l’attendaient déjà. Anis s’en saisit avec avidité. L’une d’elles provenait de son mentor, Goyah. Elle haussa les sourcils, surprise. Ce n’était pas ce qu’elle attendait. En revanche, l’autre lettre répondit à ses attentes. Elle provenait de la maison d’édition Pingolecture.

Anis ouvrit la lettre sur-le-champ et la parcourut à la vitesse de l’éclair.

Les derniers mots lui transpercèrent le cœur :

« Malgré ses qualités, nous avons décidé de ne pas retenir votre manuscrit. Mais n’hésitez pas à retenter votre chance à l’avenir. Et surtout, merci d’avoir pensé aux Éditions Pingolecture ! »

Anis soupira. Encore un refus. Elle n’aurait jamais pensé que se faire publier était une tâche aussi ardue pour un auteur. La vision idéalisée qu’elle avait de ce métier s’estompait un peu plus à chaque réponse négative qu’elle recevait.

Elle avait pourtant l’impression d’écrire mieux qu’avant. Mieux qu’elle n’avait jamais écrit. Sans doute n’était-ce pas encore suffisant pour ces maisons d’éditions qui recevaient des centaines d’écrits chaque jour. Peut-être Anis n’était-elle pas à la hauteur.

Anis songea à son ami de longue date, Steven Queen. Un écrivain dont le talent et la renommée n’étaient plus à prouver. Elle ne lui avait encore jamais parlé de son intention de se faire publier. Elle n’avait d’ailleurs pris la décision que récemment. Après avoir passé des années à perfectionner son écriture, elle avait jugé qu’elle était enfin digne de devenir une autrice professionnelle.

Cependant, ce rêve s’avérait difficile à réaliser. Bien plus que ce qu’elle avait imaginé. Elle imagina ce que Steven dirait si elle lui parlait de son projet, et surtout, de ses refus. Il lui proposerait son aide. Il la recommanderait à ses connaissances du monde de l’édition. Anis serait sans doute publiée en moins d’une semaine.

Mais elle n’était pas certaine de vouloir réussir ainsi. Elle songea à tous ces jeunes auteurs en herbe qui, comme elle, avaient toutes les peines du monde à se faire publier. Eux ne connaissaient pas Steven Queen. Ils n’avaient pas dans leur cercle de connaissances un auteur de best-sellers. Sachant cela, Anis trouvait injuste de réussir à se faire publier de cette façon.

D’un autre côté, c’était vraiment dommage de ne pas profiter de l’aide précieuse d’un professionnel comme Steven Queen. Elle se privait d’un avantage conséquent. Anis soupira de nouveau, et prit une décision. Elle attendait encore d’autres réponses de différents éditeurs. Si toutes ces réponses s’avéraient négatives, elle contacterait Steven.

Oui, le compromis lui semblait acceptable.

Elle ferma sa boîte aux lettres d’un geste las. Puis elle regarda le courrier qu’elle tenait dans sa main gauche. Elle réalisa qu’il lui restait encore une lettre à ouvrir : celle de son cher mentor, Goyah. Maintenant qu’elle avait ouvert la lettre de l’éditeur, celle de Goyah retenait toute son attention.

Elle ignorait pourquoi. Après tout, ce n’était probablement qu’un mot gentil pour lui souhaiter un bon retour en Unys. Mais Anis avait le sentiment qu’il y avait plus que ça. Elle remonta donc les marches de l’immeuble jusqu’à son appartement, et s’installa confortablement dans son canapé gris pour lire la lettre de son mentor.

« Chère Anis,

J’espère que ton voyage pour venir à Unys s’est bien passé, et que tu te plais dans ton nouvel appartement de Volucité. Ça me fait plaisir que tu sois de retour. De mon côté, je vais bien. Comme tu le sais, je n’ai jamais cessé d’arpenter le monde durant toutes ces années. Je n’ai jamais abandonné le projet dont je t’ai parlé lors de notre première rencontre.

Et aujourd’hui, je vais enfin pouvoir le réaliser. À l’heure où je t’écris ces mots, je ressors d’une entrevue avec les huit Champions d’arène de la région. J’ai obtenu leur autorisation officielle pour former le nouveau Conseil 4 d’Unys, maintenant que le contrat de ses précédents membres arrive à expiration.

Je suis sûr que tu as hâte de savoir sur qui j’ai porté mon choix. Après tout, ça fait quand même douze ans que je t’en parle ! Pour le découvrir, je t’invite chez moi, à Amaillide, ce samedi, à onze heures. Tu sais, ton avis compte beaucoup pour moi, c’est pourquoi j’aimerais savoir ce que tu penses des dresseurs que j’ai choisis pour occuper ce poste très important.

J’espère vivement que tu accepteras ma requête.

J’ai hâte de te revoir.

Ton mentor et ami,

Goyah »

Anis écarquilla les yeux. Goyah avait enfin réussi. Il allait former le nouveau Conseil 4 d’Unys. Et il voulait connaître son avis sur les dresseurs qu’il avait sélectionnés. Anis se sentit honorée de la grande confiance que lui accordait Goyah. Emplie d’une joie nouvelle, Anis s’affala sur le canapé, les yeux rivés sur le plafond. Elle sourit. Attendre le samedi allait être long.

Mais l’attente ne fut finalement pas si longue. Entre son déménagement, ses recherches d’emploi et les réponses négatives d’éditeurs, Anis ne vit pas le temps passer. Le samedi matin, elle reçut son ultime lettre de refus, qu’elle accueillit avec un énième soupir. Tant pis pour ses belles valeurs d’équité et de justice. Comme elle se l’était promis, elle contacterait Steven Queen.

Un mélange de déception et de colère l’envahit. Elle n’était pas parvenue à devenir une autrice reconnue par la seule force de son travail. Mais elle commençait à comprendre que c’était la norme dans le monde très fermé de l’écriture et de la littérature.

Elle ne devait pas se laisser abattre pour autant. Elle avait déjà parcouru tant de chemin. Elle se trouvait aux portes de son rêve, elle le sentait. Cette pensée la réconforta. Désormais un peu plus joyeuse, Anis se leva pour préparer son sac. Tandis qu’elle réunissait ses affaires, elle tenta d’imaginer quels dresseurs Goyah avait pu choisir.

Difficile à dire. Ils avaient rencontré tant de personnes exceptionnelles… Sans compter les dresseurs que Goyah avait rencontrés lorsqu’il cheminait seul. Dans tous les cas, Anis avait hâte de découvrir sur qui s’était porté son choix.

Son sac terminé, Anis dévala les marches de son immeuble et se précipita dehors, impatiente. Un soleil radieux illuminait les gratte-ciels de Volucité. L’air frais lui chatouillait les narines. Elle prit quelques secondes pour profiter de ce doux moment de quiétude. Unys n’était pas si mal, tout compte fait. Elle sourit à cette pensée. Peut-être parviendrait-elle un jour à s’y sentir de nouveau chez elle.

Anis fouilla sa besace noire afin d’y trouver une Poké Ball et libéra la créature qui se trouvait à l’intérieur. Il s’agissait d’un Pokémon violet, semblable à un ballon dirigeable. Grodrive, l’évolution de Baudrive. Ravie de la revoir, Anis se blottit dans ses bras. Elle songea à leur rencontre, douze ans auparavant. Grodrive n’était alors qu’une petite Baudrive frêle. Et Anis n’était alors qu’une petite fille frêle. L’une comme l’autre, elles avaient bien grandi. Bien évolué, même, se dit Anis avec humour.

Après cette plaisanterie, Anis décolla, portée par le vent. Avec les années, Anis avait appris à aimer le voyage par les airs. Le vent qui agitait ses cheveux et caressait son visage… C’était très agréable. Lorsqu’elle volait, Anis se sentait libre. Le vol jusqu’à Amaillide lui parut même court, malgré son impatience à l’idée de rencontrer le futur Conseil 4 choisi par son mentor.

Lorsqu’elle aperçut la tour de l’horloge à l’horizon, Anis sentit l’excitation poindre à nouveau dans sa poitrine. Bientôt, elle aperçut la demeure de Goyah. Elle n’avait pas changé en douze ans, à part peut-être le toit, auquel il manquait désormais quelques tuiles d’ardoise rouge.

Anis distinguait déjà quelques silhouettes attroupées devant la petite maison. Plus impatiente que jamais, elle atterrit précipitamment, en plein milieu du terrain de combat, provoquant au passage un soulèvement de sable qui fit tousser les personnes présentes.

Anis grimaça. Ce n’était pas vraiment la meilleure façon de faire une bonne première impression. Elle s’empressa de rappeler Grodrive dans sa Poké Ball. Avant qu’elle puisse s’excuser, un rire cristallin éclata dans l’assistance :

— Eh bah, Anis, tu nous avais caché ton talent pour les atterrissages !

Anis se figea. Elle connaissait très bien ce rire. Autrefois, il faisait s’emballer son cœur. Maintenant, c’était simplement celui d’un vieil ami.

Pieris.

Lorsque le rideau de sable se dissipa, elle put enfin distinguer le visage des trois personnes attroupées devant la maison de Goyah. Il y avait en effet Pieris, vêtu d’un costume bleu marine et d’une écharpe jaune, mieux coiffé que jamais. Mais il y avait aussi Kunz, l’air déterminé dans sa doudoune matelassée.

Et enfin… Percila. Sa meilleure amie. La seule dont la présence ne la surprenait pas. Lorsque Percila était venue aider Anis à déménager, au cours de la semaine, les deux amies avaient discuté des lettres d’invitation qu’elles avaient reçues de leur mentor. Elles avaient alors découvert qu’elles avaient reçu plus ou moins le même message, qui les invitait à découvrir le nouveau Conseil 4 d’Unys.

Anis fronça les sourcils. Quelque chose clochait.

Pieris remarqua son expression et rit de plus belle :

— Oui, je crois bien qu’on s’est fait avoir !

— Il s’est bien moqué de nous, s’indigna Percila, les bras croisés.

Anis peinait à comprendre. Ils n’étaient que tous les quatre. Non, ce n’était pas possible…

— Ça, c’est notre Maître tout craché, renchérit Kunz en souriant d’un air amusé.

— Haha, oui, désolé, je plaide coupable !

Tous les quatre se retournèrent en même temps vers la voix qui avait prononcé ces mots. Goyah se tenait dans l’encadrement de sa porte d’entrée, d’un air nonchalant. Il semblait très satisfait de son petit effet. Avec le sourire le plus éclatant qu’Anis avait pu voir sur son visage, son mentor déclara :

— Bienvenue à vous, très chers membres du Conseil 4.

***
— Comment avez-vous réagi face à la révélation de Goyah ? demande Brittany en souriant.

— Justement, je ne savais pas comment réagir ! pouffe Anis. J’étais… hébétée. Je n’arrivais pas à y croire !

— J’imagine que ça doit faire un choc !

— Ensuite, Maître Goyah nous a fait un long et beau discours sur le fait qu’il nous avait choisis car il croyait en nous, et qu’il avait remarqué notre potentiel. Ça m’a beaucoup émue. Puis il nous a fait une autre blague, encore plus drôle.

— Ah oui ?

— Oui, il nous a dit qu’il ne nous restait plus qu’à trouver un nouveau Maître de la Ligue pour former le Conseil 4 officiel d’Unys.

Brittany – non, Brenda – laisse échapper un rire.

— Vraiment ?

— Ah oui, vraiment ! Inutile de dire qu’on s’est tous les quatre regardés d’un air entendu avant d’éclater de rire. Je me suis portée volontaire pour lui expliquer, au nom de mes camarades et moi-même, que nous n’accepterions aucun autre Maître que lui.

— Et comment a-t-il réagi ?

— C’était à son tour d’être hébété ! Il ne savait pas où se mettre. Il a balbutié je ne sais quoi, alors pour lui épargner la peine de trouver quoi dire, on s’est jeté sur lui pour le serrer dans nos bras. C’est sans aucun doute l’un de mes plus beaux souvenirs.

Brenda sourit. Puis Brittany reparaît :

— Et que s’est-il passé ensuite ?

Anis sourit et poursuit son récit, ravie de raconter l’un des moments les plus heureux de sa vie.

***
Assise à la table de Goyah, Anis parcourait le document qu’elle avait sous les yeux. Un contrat de travail pour le poste de Conseil 4 d’Unys. Elle avait l’impression de rêver. Et pourtant, non. Goyah lui avait bel et bien proposé une place au sein de son Conseil 4. L’esprit embrumé par un sentiment d’euphorie, Anis signa le document de son écriture soignée, aux anges.

Après avoir récupéré les contrats signés de ses quatre protégés, Goyah prit la parole :

— Très bien, maintenant que cette formalité est remplie, j’ai plusieurs choses à vous dire. Déjà, vous ne pouvez pas savoir à quel point je suis fier de vous. Vous avez tous les quatre surpassé mes espérances.

Ses quatre disciples sourirent. Kunz, Pieris et Percila affichaient un sourire satisfait. Anis, elle, arborait un sourire rayonnant.

— Je dois vous parler de votre futur en tant que membres du Conseil 4. Comme vous le savez sûrement, la Ligue d’Unys met un point d’honneur à laisser la créativité et la personnalité de ses membres s’exprimer. Je m’entretiendrai donc avec chacun d’entre vous pour que vous me disiez comment vous souhaitez décorer votre salle de Conseil 4.

À cette annonce, l’euphorie grandit un peu plus dans le cœur d’Anis. Sa propre salle de Conseil 4. La pièce dans laquelle les membres du Conseil 4 attendaient et affrontaient leurs challengers. Un endroit qui reflétait la personnalité de son occupant. C’était l’élément de la Ligue Pokémon d’Unys qu’elle appréciait le plus.

Elle aurait bientôt la sienne. Elle pourrait en faire ce qu’elle voulait. Cette perspective l’emplissait de joie. L’imagination fertile d’Anis se mit alors en marche. Comment allait-elle décorer sa salle ? De nombreuses idées germaient déjà dans son esprit. Il fallait absolument qu’elle mettre une bibliothèque. Voire deux. Et aussi…

— Allô ? La Terre à Anis ?

La voix haut perchée de Percila sortit immédiatement Anis de sa rêverie. Elle se rendit alors compte que tout le monde l’observait. Elle devint aussitôt écarlate, provoquant l’hilarité générale. Les rires passés, Goyah reprit :

— Je suis content de voir que l’idée vous plaît. J’ai hâte que vous me fassiez part de vos idées. Vous avez carte blanche, mais essayez quand même de rester raisonnables, ajouta-t-il en jetant un regard en coin à Anis. Je vous recontacterai bientôt pour fixer le rendez-vous.

Le quatuor acquiesça. Anis et Percila échangeaient un regard appuyé : elles avaient trouvé leur sujet de conversation de l’après-midi.

— Bien, maintenant que cette affaire est réglée, j’en arrive au dernier point. La Ligue compte organiser une conférence de presse pour annoncer votre investiture.

Anis se raidit. Elle n’était encore jamais passée à la télévision. Elle n’avait même jamais parlé devant du public auparavant. L’idée lui faisait un peu peur.

— La conférence se tiendra samedi prochain, continua Goyah. C’est juste une formalité, ne vous en faites pas, ajouta-t-il comme s’il avait lu dans les pensées d’Anis. Vous n’aurez pas grand-chose à dire.

Anis sourit. Une conférence de presse, après tout ce qu’elle avait vécu, ce n’était rien. Surtout si cela lui permettait de devenir…

Anis du Conseil 4.

Ça sonnait bien.

***
— En définitive, la conférence de presse s’est bien passée, il me semble, non ? s’enquiert Brittany.

— Haha oui, je m’en étais fait une montagne, mais ce n’était pas grand-chose en fin de compte, Maître Goyah avait raison, confirme Anis. Le plus intéressant, c’est surtout l’après-midi qui a suivi, lorsque j’ai effectué la visite de ma salle de Conseil 4. Il s’est passé quelque chose d’inattendu…

— Est-ce en rapport avec votre deuxième rêve, celui de devenir écrivaine ? devine Brittany.

Anis sourit.

— Peut-être bien.

***
Anis contemplait la toile blanche que constituait sa salle de Conseil 4. Elle n’arrivait pas à croire que cette immense pièce lui était entièrement dédiée et qu’elle avait le pouvoir de la modeler à son image. Impatiente, elle quitta le petit vestibule pour monter les marches qui menaient à la plateforme ronde qui servait de terrain de combat. Les marches surplombaient le vide ; Anis n’en voyait même pas le fond.

Elle frissonna. Non pas de peur, mais d’excitation. Puis elle dévala les marches, exaltée.

La plateforme était entièrement vide, d’un blanc clinique, à l’exception d’un téléporteur vert qui permettait aux challengers de revenir à la salle principale. Goyah se tenait en son centre. Il contemplait le plafond, comme s’il parvenait à voir les étoiles au travers. Il se tourna vers Anis.

— Impressionnant, n’est-ce pas ? fit-il.

— Oui, c’est le moins qu’on puisse dire. C’est fou… Tout ça… Pour moi… marmonna-t-elle, penaude. C’est presque trop.

— Tu le mérites, Anis, lui assura-t-il. Plus que n’importe qui. Parmi les membres de ce nouveau Conseil, tu es celle qui a travaillé le plus dur. Ils avaient tous une longueur d’avance sur toi, mais tu as travaillé dur, si dur que cet écart a aujourd’hui disparu. Tu peux être fière de toi.

Des larmes de joie apparurent au coin des yeux violets d’Anis. Elle n’avait jamais été aussi heureuse qu’en cet instant. Elle s’apprêtait à remercier Goyah pour ses paroles bienveillantes quand son Vokit se mit à sonner. L’appel provenait d’un numéro inconnu. Décontenancée, Anis s’excusa auprès de son mentor et décrocha, mal à l’aise.

Son visage s’afficha sur l’appareil, ainsi que celui d’une femme blonde aux yeux bleus, à la coiffure impeccable. Un sourire poli plaqué sur le visage, celle-ci entama la discussion :

— Allô, bonjour ?

— Euh, bonjour ? répéta Anis, mal assurée.

— Ah mademoiselle Anis ! Je suis ravie de pouvoir enfin faire votre connaissance. Je me présente, je m’appelle Leah King, je suis responsable éditoriale chez les Éditions Pingolecture.

— Enchantée, mademoiselle King.

C’était tout ce qu’Anis avait trouvé à répondre, toujours perdue. Les Éditions Pingolecture… Cette maison d’édition ne lui avait-elle pas déjà envoyé une lettre de refus pour son manuscrit ? Elle en était certaine. Alors pourquoi cette Leah King l’appelait-elle ?

— Je vous appelle pour vous informer que notre maison d’édition serait ravie de publier le manuscrit que vous nous avez envoyé. Nous avons été très impressionnés par vos talents d’autrice !

— Je… Vraiment ? Mais pourtant, vous m’avez envoyé une lettre de refus, il y a deux semaines…

Anis n’y comprenait rien.

— Oh, non, il s’agissait d’une erreur ! lui assura Leah d’un ton léger. Nous sommes très enthousiasmés par votre roman. Nous envisageons également de publier toutes les autres œuvres que vous pourriez nous soumettre. Si vous souhaitez en discuter plus en détail, nous pouvons convenir d’un rendez-vous dans mon bureau, mardi à quinze heures. Cela vous conviendrait-il ? Je vous enverrai toutes les informations nécessaires.

— Je… Oui, d’accord ! accepta Anis, sans hésiter.

Elle n’en croyait pas ses oreilles. Elle allait enfin être publiée. Et pas seulement son dernier manuscrit… Toutes ses œuvres ! Elle tremblait déjà d’excitation. Elle n’avait pas eu besoin de l’aide de Steven, tout compte fait.

— Très bien, parfait ! Alors, à mardi, quinze heures, mademoiselle Anis. J’attends avec impatience de vous rencontrer.

— Moi de même… Au revoir, mademoiselle King.

— Au revoir ! Belle fin de journée à vous !

Et la communication se coupa, tandis qu’Anis flottait sur un petit nuage. C’était le plus beau jour de sa vie. Elle se tourna vers Goyah, qui lui sourit. Anis embrassa la salle du regard. C’était la sienne. En contemplant le mur incurvé derrière son mentor, une idée folle lui vint. Lorsqu’elle en parla à son mentor, ce dernier éclata de rire.

— Il n’y a que toi pour vouloir recouvrir entièrement les murs de bibliothèques !

Anis sourit. Oui, il n’y avait qu’elle. Elle était unique en son genre.

Anis du Conseil 4.

Et maintenant, Anis l’écrivaine.

***
— Voilà donc comment vous êtes devenue à la fois Conseil 4 et écrivaine… souffle Brittany, impressionnée.

— Oui. Mais je ne suis pas dupe. Au fond de moi, je savais très bien que la lettre de refus n’était pas une erreur, avoue Anis. Ce qui avait changé entretemps, c’était mon investiture en tant que membre du Conseil 4. La maison d’édition ne pouvait pas laisser filer un roman écrit par un membre du Conseil 4. Ma position assurait à mes futurs livres un succès garanti.

— Vous êtes-vous sentie illégitime lorsque vous avez compris cela ? demande Brittany de but en blanc.

— Pas vraiment. Comme je l’ai déjà dit, des milliers d’auteurs en herbe voient leur manuscrit refusé par une maison d’édition chaque jour. Mais ça ne veut pas forcément dire que leur texte est mauvais. Il peut y avoir des dizaines de raisons à ce refus : le texte n’est pas en accord avec la ligne éditoriale de la maison d’édition, ou au contraire, le texte est trop semblable à d’autres déjà acceptés… Le fait est qu’il est difficile pour un jeune auteur de se faire publier.

Anis se racle la gorge. Elle parle depuis si longtemps… Heureusement, l’émission touche à sa fin.

— J’ai eu la chance d’être publiée car ma nouvelle profession attirait déjà l’attention du public, admet-elle. Mais, si j’ai pu atteindre cette position de Conseil 4, c’est grâce à mon travail. Alors, finalement, c’est tout de même grâce à mes propres efforts que j’ai réussi à faire publier mes écrits. En fin de compte, je n’ai pas été pistonnée par Steven Queen, mais par moi-même, conclut-elle en plaisantant. Anis la dresseuse a ouvert la voie à Anis l’écrivaine.

— Haha, c’est vrai, reconnaît Brittany. À ce sujet… Avant l’émission, je vous avais demandé si vous souhaitiez aborder un sujet particulier au cours de cette interview. Puisque l’émission touche bientôt à sa fin, je vous propose de conclure là-dessus. Vous avez choisi de nous dire deux mots sur votre dernier roman, il me semble.

À ces mots, Brittany brandit un exemplaire du livre, fourni par un membre du staff quelques minutes plus tôt.

Fébrile, Anis hoche la tête.

Son regard violet brille de mille feux.

Il est l’heure de l’ultime dénouement.

Le moment qu’elle attend depuis longtemps.