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Faire face de Serekai



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Informations

» Auteur : Serekai - Voir le profil
» Créé le 12/04/2021 à 01:32
» Dernière mise à jour le 12/04/2021 à 01:32

» Mots-clés :   Aventure   Présence de personnages du jeu vidéo   Sinnoh

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Chapitre 29 : Naissance
- Alors, tu traînes encore, ma Limagma ? me provoqua Robin avec son sourire enjoué et légèrement moqueur.

Ah oui, me remémorais-je lentement. C’est vrai qu’il y avait ça.

Nous étions en plein concours et cet affrontement sous forme de chasse m’était presque sorti de la tête. J’étais encore si frustrée et si énervée par mon impuissance face à ce braconnier, que cette trivialité m’était presque sortie de la tête. C’était amusant de voir comment une chose qui avait mobilisé tant de concentration et de sérieux, pouvait devenir aussi insignifiante et aussi vite.

Le blond se tenait sur un rocher, me dominant d’une tête. Il avait un sourire fier et faisait tourner sa pokéball entre ses doigts.

Sans un mot, il fit apparaître un Etourvol. La vue de l’oiseau m’arracha un pincement au cœur, comme une douloureuse réminiscence de mon échec. Il était énorme et massif, aux ailes plus longues que celles de Châtaigne.

Non, ce n’était pas lui, je devais me faire une raison. Je fermai les yeux, pour chasser la vision du défunt, me focalisant sur les différences entre les deux spécimens.

- Alors ? demanda t-il fièrement. Tu n’en avais jamais vu d’aussi gros ? Mais fais voir ce que tu as trouvé !

- J’ai eu de la chance, sans en avoir, dis-je sobrement en prenant mon pokédex, lui montrant l’enregistrement du Leveinard partageant son œuf avec les petits Moufouette.

Il siffla, visiblement impressionné, prenant le pokédex entre ses doigts et regardant la vidéo à deux reprises.

- Nom d’une corne de Rhinastoc ! jura t-il avec une expression ahurie. J’en ai jamais vu ailleurs que dans un centre ! Dire qu’il y a des dresseurs qui vivent sans jamais avoir pu en voir un seul de toute leur vie. Enfin … à l’état sauvage. T’as vraiment une chance incroyable ! C'est clairement toi qui gagnes.

- Techniquement, tu as gagné, lui rappelais-je en reprenant mon pokédex. Je suis revenue bredouille.

Robin serra subitement les lèvres. Sa victoire, la première depuis que nous avions quitté Bonaugure, sa victoire que je venais pourtant de reconnaître, avait visiblement un goût amer. Il avait attrapé un pokémon et moi non. Il venait de me rappeler mon échec en tant qu’éleveuse, il avait capturé un beau spécimen, mais malgré tout ça … il était encore insatisfait. Décidément, même avec ma défaite, il ne se sentait pas totalement vainqueur.

- Je … je vais filer, conclut-il en ayant une lueur de déception dans le regard. Je dois m’entraîner davantage. J’espère qu’on se croisera sur la route, je te montrerais alors mes progrès. On se voit plus tard.

Sur ces mots, Robin sauta de son rocher et saisit son sac, avant de se diriger vers Verchamps.

Son expression était illisible. Mais il n’avait même pas pris la récompense promise.

Je devais admettre que je n’étais pas fâchée de le voir prendre la route de Verchamps, tandis que je partais vers Bonville. Cela signifierait que je ne le verrais plus avant un petit moment.

Je le trouvais de plus en plus insupportable, à vrai dire. Il était toujours aussi énergique, mais … moins foufou. Il était moins amusant et distrayant, comme si sa personnalité avait perdu cette touche pétillante qui faisait son charme et qui me plaisait en lui. C’était comme si son optimisme était drainé par quelque chose.

- Par toi, ma grande, murmurais-je en chassant mes cheveux noirs qui glissaient devant mon front huileux. Il t’a toujours vu comme une amie plus que comme une rivale, mais depuis peu … tu vis des aventures plus intenses et tu réussis tout mieux que lui. Ton meilleur ami est jaloux de toi.

La jalousie. C’était quelque chose que je pouvais difficilement comprendre. J’avais pu vouloir envier des personnes plus belles et plus fortes, vouloir les imiter et désirer les égaler … Pourtant, je ne me souvenais pas d’un moment ou j’avais voulu à tout prix les singer. Je n’avais que rarement ressenti ce sentiment.

- Eh bien grand bien lui fasse, ajoutais-je à voix basse. Je ne vais pas me brider pour lui faire plaisir. Je suis moi et ça ne changera pas !

Ma conscience confirma avec un ton approbateur, me confortant dans ma détermination, alors que je reprenais la route. Pourtant, une petite part de moi n'était pas si certaine de l'irrévocabilité de cette affirmation un peu trop péremptoire à son goût.

A mesure que les heures s'égrenaient, le vent se faisait de plus en plus violent dans cette vallée. Il me hurlait aux oreilles, tourbillonnant entre les conifères en soulevant un peu de poussière. La brise soulevait mon manteau, pénétrant dans les fibres de ma veste, comme elle pénétrait mon esprit pour le nettoyer des pensées de doute et de la lassitude causée par la fatigue.

Progresser à flanc de montagne, alors que le vent se déchaînait, avait quelque chose d’effrayant et de splendide à la fois. Le hurlement de la tramontane se mêlait au mugissement des rivières et au grondement des chûtes d’eau s’écrasant depuis la cataracte. Les éléments jouaient une symphonie splendide, répétant une partition longtemps éprouvée, mais qui était légèrement différente à chaque interprétation.

C’est au milieu de ces pierres battues par les embruns que je sentis mon sac s’agiter. Pensant à un appel, je regardai inutilement mon pokédex, avant de réaliser que les petites secousses venaient du fond de mon sac. Je m’assis en tailleur contre la paroi de roche, dédaignant les mètres aplanis me séparant du ravin, pour me concentrer sur le lourd œuf qui se cachait bien au fond, soigneusement empaqueté.

Je pris délicatement l’œuf blanc, orné de motifs triangulaires rouges et bleus, le plaçant dans le creux formé par mes cuisses écartées.

Les craquements de la coquille étaient couverts par le souffle du vent, mais je pouvais ressentir les petits mouvements de l’être en vie à l’intérieur, tentant de s’échapper de l’abri qui l’avait protégé durant tout ce temps. Il ne pouvait rester éternellement à l’abri de sa coquille. Il allait devoir quitter cette sécurité et affronter le grand monde. Il allait devoir faire face à la vie, aussi implacable soit-elle.

Les fissures s’élargirent. Les morceaux de calcite s’agitèrent, à mesure que le pokémon donnait de petits coups avec sa tête. Après quelques minutes d’efforts, je le vis dégager les petits morceaux au dessus de son visage pâle.

Avec un doigt tremblant, je retirai un petit fragment retenu par un morceau de membrane translucide, contemplant les petits yeux noirs qui étaient cachés derrière. Les prunelles se fermèrent quelques secondes, avant de me fixer avec soin, gravant mon visage dans l’esprit du bébé à jamais.

- Bonjour mon tout petit, appelais-je en le tenant entre mes mains, alors que ses petites pattes émergeaient de sa coquille.

Le bébé gémit, sa corolle s’ouvrant légèrement, avant de se refermer sous l’effet du vent.

- Allons, il faut rester au chaud ! dis-je en l’entourant avec mon écharpe.

Je le plaçai contre un rocher, sous la garde vigilante d’Amazonas. Je montai rapidement la tante, afin de nous abriter. Le soleil n’allait pas se coucher avant plusieurs heures, mais j’avais envie de m’arrêter et de me consacrer au nouveau né.

La tente était agitée par le vent qui faisait battre les pans de toile, alors que le soleil chauffait à peine les tissus d’un vert sombre. La fraîcheur était déjà perceptible, alors je gardai le petit entre mes mains, le réchauffant en lui donnant le plus d’affection possible.

- Bonjour, mon petit … Espoir. Je promets de m’occuper de toi.

Myrtille se colla à moi et couvrit le petit œuf de sa queue touffue.

- Prri … chuchota le nouveau-né, alors que je le couvrais de caresses, prenant soin de ne pas trop toucher le sommet sensible qui protégeait à peine son crâne mou.

Je laissai mon écharpe autour de la coquille, entourant le petit pour le protéger. Je n’avais lu que le début des conseils pour éduquer un petit, mais je me doutais que la patience allait être une vertu des plus sollicitées.

Je m’amusai avec lui, faisant bouger mon index devant petit minois. Les yeux du bébé scintillaient, alors que ses toutes petites mains gigotaient en tentant d’attraper mon index.

- Gouzi gouzi ! Qui est un bon pokémon ? pépiais-je avec un ton niais. Tu vas bien ?

Il ne dit rien, se contentant de pousser de petits gémissements en pleurant.

- Du calme, paniquais-je un peu en le voyant geindre. Que se passe t-il … tu as faim ? Je … j’ai de quoi te nourrir, murmurais-je en prenant une brique de lait et une cuillère.

Je versai un peu de lait dans le couvert d’inox, avant de le porter à la bouche du nourrisson.

Je fis couler le lait goutte à goutte, afin de ne pas le noyer … ni même le brusquer. Il lapa lentement le lait, n’avalant que quelques gouttes.

Neuf grammes. C’est tout ce qu’il avala, avant de fermer les yeux et de s’endormir, replié en sa coquille.

Pour moi, c’était très peu. Pour autant, il semblait ne pas en demander davantage. Ca devait être assez pour ce premier repas de sa vie. Je pris la brique de lait concentré et termina de la vider, goûtant à ce lait sucré au parfum presque vanillé.

Le goût sucré emplit ma bouche, alors que je me couchai. Je n’avais pas mangé, mais je n’en avais pas l’envie. Je voulais juste prendre soin de ce petit être.

Je me couchai, Amazonas couché contre mon dos. Myrtille et Fernando étaient à proximité, profitant de l’édredon et de ma chaleur. Le petit œuf était collé à moi, reposant sur l’oreiller, réchauffé par mon souffle.

- Bonne nuit, mon petit Espoir.

Je m’endormis bien vite, pour être réveillée aux aurores par de petits coups sur le nez. Gênée, j’ouvris les yeux. Le ciel était encore sombre, je n’étais pas du genre à me lever si tôt.

Je vis le petit bébé Togepi me donner de petit coups en gémissant, implorant à manger. A moitié endormie, je réitérai l’opération de la veille, avant de me recoucher. S’occuper d’un enfant n’était pas une sinécure et je n’eus qu’une hâte, me rendormir.

Deux heures plus tard, je me réveillai à nouveau. L’aube avait paru avec une indécente rapidité et je me résignai à abandonner mon édredon.

- Tu as faim ? chuchotais-je en m’adressant à mon petit nouveau né.

Togepi poussa une petite plainte, quémandant sa ration matinale. L’ensemble de mes pokémon mangèrent en groupe, observant le nouveau né. Montagne sembla désintéressé envers cette si petite chose, tandis que Amazonas le reniflait avec une légère curiosité, avant de se tourner vers sa nourriture. Fernando bâilla noblement, tandis que Myrtille semblait très câlin avec le petit. Planck flottait négligemment, comme à son habitude.

- Toi, tu ne dis rien, dis-je à l’Archeomire. Tu sais, je me sens comme toi par moments. Plus je suis en voyage, plus je remarque que je n’ai pas tant besoin de mots pour que l’on se comprenne.

Il tourbillonna deux fois dans le sens des aiguilles d’une montre, le motif en forme de sourire me faisant face.

- Ouais, je crois bien que plus je grandis, plus je ferme ma gueule, conclus-je en remplissant ma bouche de pain et de terrine d’Ecremeuh.

Je me murais dans le silence, mâchonnant le pâté en observant la combe dorée qui virait à l’ocre, à mesure que le soleil se levait.

J’avais le sentiment de renaître et d’être différente de celle que j’étais la veille, avant de me trouver en charge de cet œuf. C’était absurde, puisque j’étais dresseuse et que j’avais pris soin de plusieurs jeunes auparavant …

Pourtant, c’était si différent, bien que je ne sache pas comment l’exprimer. Les mots étaient comme inutiles et si peu adaptés pour traduire mon changement d’esprit.