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Calendrier de l'Avent 2017 de Corpus09



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Informations

» Auteur : Corpus09 - Voir le profil
» Créé le 18/12/2017 à 06:54
» Dernière mise à jour le 18/12/2017 à 06:54

» Mots-clés :   Fanfic collective   Song-fic

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Jour 18 : Monde silencieux, par Poissoroy
Là où il n'y a pas de bruit.


C'est la nuit, depuis un moment déjà le calme a gagné Volucité. C'est l'hiver, le sol est couvert de givre, l'air gelé. A la lueur des réverbères, chaque respiration laisse échapper un petit nuage de fumée.

Dans ce décor, un homme avance, seul. Les mains au fond des poches pour les protéger du froid, la tête penchée de manière que son col le couvre jusqu'au nez. Il progresse lentement, assure la position du pied qu'il vient de poser avant de faire un nouveau pas.

Tout semble normal, pourtant des bâtiments alentour ne s'échappe aucune lumière ni aucun bruit. Tout semble figé : pas de cris d'enfants refusant de se coucher, pas de fêtes tardives arrosées d'alcool habituellement si fréquentes. Le calme a envahi la ville.

L'homme avance, de sa marche presque traînante, à travers les rues sombres. Il est seul sur le trottoir ; il n'y a personne proche de lui. Il ne se pose pas de questions et poursuit son chemin.

Il passe devant des immeubles que rien ne distingue. Tous semblent étrangement vides, même ceux qui ne contiennent pas que des bureaux. Le silence, inhabituel, est pesant et presque inquiétant.

L'homme tourne au coin de la rue ; poursuit son chemin.

Il s'arrête face à l'arène. Pas besoin d'entrer dans le bâtiment pour savoir que celui-ci est désert : par les fenêtres, on peut déjà contempler le vide du lieu. Là encore, pas la moindre lumière ni le moindre bruit. Tout est endormi. Tout est silencieux.

Même le sol, pourtant couvert de cette rosée gelée, n'émet pas un seul son lorsqu'il est piétiné. Pas un seul petit craquement comme on se serait attendu à ce qu'il en fasse, sous le poids des chaussures. Les semelles s'enfoncent, mais le font dans le silence.

L'homme reprend sa route, à travers Volucité silencieuse.

Soudain un éclat lumineux se fait apercevoir au loin, en provenance de la place centrale. De larges guirlandes électriques y sont étendues, perçant l'obscurité de leur clignotement. Elles ont été accrochées aux sommets des arbres et aux coins des maisons et baignent le lieu de leur lumière.

De telles décorations sont suspendues, en cette période, par ceux qui veulent transmettre la joie, veulent égayer la tristesse de l'hiver. Cette nuit, leur présence semble étrange, presque absurde, au croisement de toutes ces rues désertes, vides.

Pourtant, sous ces guirlandes, il y a bien des gens. Tous les habitants de la ville, et peut-être d'autres encore, semblent y être réunis. Ils sont étalés en un demi-cercle sous les fils électriques. Face à eux se tient une scène, à côté de laquelle est planté un immense sapin. L'arbre est couvert d'ornementations électriques, destinées à le faire scintiller dans la nuit ; il est difficile de déterminer si l'assemblage possède une quelconque beauté.

Les gens, regroupés là, tiennent entre leurs mains de petits papiers, qu'ils se partagent entre eux. Ils sourient, semblent heureux d'être ici. Ils sont enveloppés de vêtements épais et portent pour certains de petits bonnets. A la lueur électrique, on distingue presque les nuances de rouge et de blanc sur ces derniers. A côté de ces personnes, des Pokémon vêtus du même accoutrement partagent la même joie. Ils gambadent gaiement entre les humains, les bousculant parfois sans se faire réprimander.

Sur les papiers, sont inscrites des paroles de chanson. Des chansons propres à cette période si spéciale. Des chansons qu'ils devraient entonner à pleine voix, tous en chœur, comme le laissent suggérer les mouvements de leurs bouches.

Pourtant, ici aussi, tout n'est que silence. Le balancement de la foule se fait sans un bruit, les jeux des Pokémon sont imperceptibles à l'oreille. Tout le monde chante, mais tout le monde reste muet, et le silence demeure.

Chose étrange, et presque terrifiante que d'observer ainsi tant de gens agités sans entendre le moindre son. Cette sensation n'est pas celle d'oreilles bouchées, une simple atténuation. Il s'agit ici d'un silence parfait, total. Un silence proche de celui que l'on s'attendrait à rencontrer dans le néant ; que l'on peut tolérer dans une rue vide, mais qui perturbe énormément là où il n'est pas justifié. Souffrance de ne pas être sourd, mais de ne rien parvenir à entendre. Souffrance de voir tant de gens s'époumoner, donner tout l'air qu'ils ont dans un chant, s'y impliquer corps et âme, tous ensemble à l'unisson... et rester silencieux.

Une lente agonie pour l'homme seul qui croit devenir fou. Calme au départ, Il devient rapidement inquiet, effaré par cette situation qui le dépasse. Une sensation de totale impuissance face à ce silence absolu.

Il s'apprête à parler pour se rassurer, écarte les lèvres, mais aucun son ne sort. La main contre la gorge il sent ses cordes vocales vibrer, vibrer dans le silence le plus total. De désarroi, rapidement il hurle, crie de toutes ses forces. Il crie, sans produire le moindre bruit. Il crie, et personne ne le remarque.

Dans le froid il s'agite, se débat avec lui-même. Il se débat avec son cerveau, qui le consume de l'intérieur. Il se débat, s'essouffle, souffre toujours et n'a rien gagné. Le silence est toujours omniprésent.

Les personnes alentour, cependant, semblent avoir cessé leur chant muet. La douleur s'estompe un peu, puisqu'il est normal de ne rien entendre quand il n'y a pas de bruit.

Sur la scène, s'avancent alors quatre Pokémon. Quatre Pokémon parmi les plus beaux et les plus gracieux. Ils s'avancent silencieusement, costumés magnifiquement, prêts pour une démonstration de leurs capacités.

Leur talent force l'admiration : ils enchainent sauts, attaques dans une coordination parfaite. A peine l'un a-t' il créé un anneau d'eau au-dessus de la foule qu'un autre se fait propulser par le troisième au centre de ce cercle. Il crée à son tour cinq autres anneaux, de feu cette fois-ci, qu'il ne faut pas longtemps à son dernier camarade pour avoir entièrement traversé.

A l'évidence ces quatre Pokémon, pour pouvoir se tenir ici, ne se sont pas contentés d'effectuer un seul concours, ni même qu'une dizaine. Ce sont de véritables professionnels : chacun de leurs mouvements est exécuté avec perfection, tout s'enchaine parfaitement, sans interruption, et malgré cela il se dégage d'eux une véritable impression d'aisance, permettant à toutes leurs figures, même les plus complexes d'être réalisés avec une grâce qui force l'admiration.

Ils ne prennent même pas la peine de vérifier que leurs camarades ont réussi leur part du spectacle, qu'ils sont prêts à enchainer sur la suite. A un moment, l'un crée sur la scène un puissant séisme alors que les autres regardent ailleurs, semblant se désintéresser de lui. Mais de manière spectaculaire, alors qu'ils vont se faire toucher par l'onde, les trois Pokémon sautent ; d'un même saut, dans une synchronisation parfaite, alors qu'ils ne se voient pas les uns les autres et qu'aucun signal ne leur a été donné.

Mais ces Pokémon, dans leur démonstration, aussi somptueuse soit-elle, ne produisent pas le moindre bruit.

Comme tous les gens sur cette place, chacun de leurs mouvements, chacun des gestes qu'ils font est totalement silencieux. Il est difficile de se convaincre que leur grâce est seule en cause quand leurs attaques se rencontrent, fusionnent, explosent, et ce sans un bruit.

De nouveau, la tête de l'homme le démange. Il souffre de ce vide étrange à ses oreilles, ce néant sonore qui le rend totalement fou. De nouveau, il hurle et ne s'entend pas hurler. De nouveau il s'agite en tous sens, tentant de faire partir cette sensation horrible qu'il ressent. De nouveau, personne ne fait attention à lui.

Les Pokémon continuent leur spectacle silencieux, qui ébahit la foule au pied de la scène, qui rend fou l'homme seul un peu plus loin.

Ce dernier veut fuir, mais n'en est pas capable ; la douleur l'empêche de contrôler correctement ses membres. Il se frappe les oreilles, les frappe, les frappe, les frappe. Il se frappe les bras, les jambes, la tête, le corps tout entier.

Mais rien n'y fait : le silence est absolu, et l'homme est fou.

Finalement, les Pokémon arrêtent leur spectacle effrayant. L'homme se calme un peu, tant que la scène reste vide. Mais alors, une lueur nouvelle s'allume. Une lueur moins électrique que celles des guirlandes décorant pauvrement la place. Elle provient du fond de la scène, et se rapproche petit à petit.

L'être qui s'avance n'est pas humain, mais pas vraiment Pokémon non plus. De lui, on ne distingue que l'étincellement de son corps, qui cache le reste. L'obscurité de la nuit semble disparaître totalement autour de lui.

Il contemple longuement l'assistance, dévisage chaque personne, chaque Pokémon présent. Tous, dès son arrivée se sont figés. Si le silence n'était pas déjà si parfait, nul doute qu'il serait apparu très rapidement.

L'être s'arrête finalement sur l'homme seul un peu plus loin, semblant être le premier à le remarquer. Il ouvre alors la bouche, s'apprêtant à prendre la parole.

L'homme tressaillit. Il sent revenir d'un instant à l'autre cette sensation désagréable de voir des choses supposées produire un bruit, sans parvenir à les entendre. De dépit, il se couvre les oreilles et ferme les yeux.

Le dieu Pokémon, alors, prend la parole, et pour la première fois de la nuit parvient à rompre le silence.

Un sursaut, et l'homme se réveille, en sueur, dans les ténèbres de sa chambre.


D'après The Sound Of Silence de Simon & Garfunkel