Pokemonis T.2 : L'embrasement de l'Aura de Malak

Six



Deviens un symbole, m’avait dit Kashmel. J’avais retourné cette phrase longtemps dans ma tête avant d’arriver à en comprendre le sens. Kashmel ne voulait pas seulement que j’espionne pour lui et que je le mette en contact avec Lance. Il voulait que je sois porteuse d’un message à l’Empire. Moi seule pouvais le faire, en raison de ce que j’étais. Kashmel avait beau être un bâtard au même titre que moi, il n’était pas né dans la rue à trimer pour des maîtres Pokemon louches avec constamment la peur au ventre que les Nettoyeurs le trouvent. Il était né dans le cocon doré de l’Ordre, et avait eu une enfance de privilégié.

Je m’étais dis jusque là que je n’avais ma place nulle part. Que je n’étais ni vraiment une G-Man, ni vraiment une humaine. Si l’Ordre avait vent de mon identité, il me refoulerait ou me livrerait à Scalpuraï. Quant aux esclaves humains, ils m’auraient fuit à toute vitesse. Mais après le bal chez les Irlesquo et ce que m’avait dit Kashmel, j’en étais arrivée à cette conclusion : je n’étais ni G-Man, ni humaine, mais les deux à la fois. J’avais ma place des deux côtés, et j’étais la seule à pouvoir comprendre tout le monde. Et c’est en cela que je devais devenir un symbole : celui d’un G-Man qui défendait les humains, ou celui d’un humain qui ne méprisait pas les G-Man ou qui en avait peur.

Je devais faire savoir à l’Empire que j’existais. Pour le moment, seul Scalpuraï et sa bande devaient être au courant de mon existence. J’allais leur montrer à tous, que ce soit l’Empereur, le Grand Maître Irlesquo, et même le groupe Lance. J’allais leur montrer comment abattre les frontières entre les races. L’Ordre me connaissait comme étant Lady Sixtine Jarminal, G-Man de Mangriff. Il était temps pour moi de redevenir Six, G-Man illégale de Félinferno. Je pouvais être les deux à la fois.

J’avais été estomaqué par le récit d’Immotist et de Diplôtom sur l’attentat du groupe Lance. Ce n’était pas une lutte pour faire tomber un Empire corrompu ou un Ordre G-Man archaïque ; c’était de la cruauté gratuite et aveugle. Stuon avait été d’accord avec moi. Kashmel, lui, s’était contenté de déclarer que le groupe Lance était pour le moment désorganisé et livré à lui-même, et qu’il fallait quelqu’un pour le diriger et y mettre un semblant d’ordre et de discipline. Peut-être avait-il raison, mais jusqu’à ce qu’il ne parvienne à les contacter et à y mettre son grain de sel pour les maîtriser, il était hors de question que je laisse ces fous reproduire leurs actions criminelles dans cette ville. Je devais combattre toute l’injustice, quelque soit son côté : humain, ou Pokemon.

Le nuit venait de tomber sur la capitale, et moi je me tenais sur la rambarde de la Citadelle, emmitouflée dans un large manteau à capuchon pour cacher mon visage. J’avais également laissé mon costume G-Man au placard, mais j’avais pris ma Lamétrice. Avec à la fois mes yeux et l’Aura, j’observais la ville d’en bas. Véritable concentré de corruption et de violence dans l’indifférence la plus générale, elle représentait bien la décadence et l’extrémisme de l’Empire. Mais pour y avoir vécu toute ma vie, je savais qu’elle n’était pas perdue. J’y avais vu des choses affreuses. Beaucoup même. Mais j’y avais aussi vu des choses fabuleuses. Des Pokemon qui tentaient toujours d’innover. Certains qui tentaient de changer les mœurs. Des humains qui se raccrochaient au moindre espoir sans abandonner, continuant à lutter.

Oui, malgré toute sa décrépitude et ses lois iniques, Axendria n’était pas encore morte. Et j’allais contribuer à la sauver, en l’arrachant des mains de ses dirigeants d’un autre âge qui refusaient de voir les transformations de la société et les aspirations du peuple, qu’il soit humain ou Pokemon. Après tout, c’était aussi ma ville. Je n’avais connu qu’elle, et malgré tout ce que j’y avais subi, je continuais à l’aimer. Je devais être un peu sado-maso sur les bords. Ou alors ce n’était que de l’orgueil. Peu importe. J’allais agir. J’en avais envie. Il devait bien y avoir une raison pour qu’une bâtarde G-Man comme moi ait réussi à survivre jusque là. Une raison à mes pouvoirs.

Je me laissai tomber des murailles de la Citadelle, chutant longuement, profitant de la sensation et de l’air frais sur mon visage. Fut un temps où j’aurai été certaine qu’une chute de cette hauteur m’aurait tuée. Peut-être l’aurait-elle vraiment fait d’ailleurs. Mais aujourd’hui, après mon entraînement G-Man, ce n’était rien pour moi. L’Aura - et sans doute même mes sens félins - me maintinrent en un équilibre parfait, jusqu’à que je prenne appui avec mes jambes sur le mur derrière moi pour me propulser sur un toit à 45 degrés, sur lequel je me réceptionnai presque sans bruit ; l’avantage d’être petite, maigre et G-Man d’un Pokemon de race féline.

Grâce à l’Aura, je vérifiai qu’aucun Pokemon ne me voyait. Depuis l’attaque du groupe Lance dans la ville basse, les gardes impériaux étaient désormais bien plus présents. Je n’avais aucune intention de me frotter à eux. Certains Pokemon Psy, dissimulés, auraient pu user de leurs pouvoirs pour me repérer sans même que je ne le sache. Mais même s’ils étaient là, leurs pouvoirs se heurteraient à mon Aura de Félinferno. Si, en tant qu’humaine, les notions de type Pokemon étaient totalement étrangères à mon corps, lui constitué de chair et de sang, mon Aura elle était bien celle d’un Pokemon Feu et Ténèbres, et donc insensible aux capacités psychiques.

Maintenant, il ne me restait plus qu’à dénicher des situations dans lesquelles intervenir. Ça ne devait pas manquer, dans la ville basse. Il ne se passait pas une nuit sans qu’il y ait au moins un mort, que ce soit un esclave humain ou un Pokemon. Propulsant mon esprit hors de mon corps grâce à l’Aura, c’était comme si je flottais au dessus de la ville, et pouvant me déplacer à toute vitesse à travers les dédales d’habitations. En vingt seconde, j’avais trouvé quelque chose. Environ six cent mètres au nord-est de ma position, deux Pokemon étaient en train de s’acharner sur un jeune humain. Vu sa défroque, il n’était pas un esclave, mais plutôt un mendiant, un humain sans maître. À l’inverse des esclaves, qui étaient la propriété d’un autre Pokemon, ces humains n’avaient strictement aucun droit, et personne ne dirait rien si deux Pokemon alcoolisés en tuaient un.

Je me servis encore une fois de mes jambes pour me propulser haut dans les airs, en ajoutant même en dessus de mes pieds une petite explosion de feu pour augmenter la puissance de mon saut. En trois cinq bonds seulement, j’étais parvenue à ma destination. En dessus de moi, un Kungfouine et un Nidorino maltraitaient un adolescent plus âgé que moi en s’éclaffant bruyamment. Le garçon, habillé d’un ensemble de tissus sales et déchirés sans doute récupérés ci et là, implorait leur pitié, mais les deux Pokemon n’en avaient rien à faire, et continuaient à le ruer de coups ou, dans le cas du Nidorino, de le piquer avec sa corne empoisonnée. Ils avaient vraiment l’intention de le tuer.

- Allez sale humain, continue de gémir ! Ricana le Kungfouine. J’adore entendre vos cris impuissants et pathétiques !

- Tu salis le paysage par ta seule présence, déchet, ajouta le Nidorino.

J’en avais assez vu. Vérifiant une dernière fois qu’il n’y avait aucun garde dans la rue en question, j’invoquai mes flammes pour me donner l’air impressionnant. On ne pouvait pas voir mon visage, mais mes bras et mes jambes étaient couverts de feu. La lumière provoquée attira l’attention des deux Pokemon tandis que je sautai devant eux.

- Que… Qu’est-ce que… balbutia le Kungfouine. Un humain en feu ?!

Pour faire bonne mesure, je sortis ma Lamétrice de son fourreau, sa lame également enrobée de mes flammes sombres. Là, les deux Pokemon comprirent immédiatement.

- Un G-Man !

- Il est de Lance ! Il va nous tuer ! AU SECOURS !

Le Nidorino fit mine de s’enfuir, mais je l’arrêtai d'un revers de jambe, et il alla s’écraser contre le mur d’en face. Le Kungfouine m’attaqua, plus par peur que par courage. Je me contentai d’arrêter son poing de ma main enflammée, et le petit Pokemon combat gémit en sautillant. Pour leur parler, je changeai ma voix en quelque chose de plus effrayant. Ça me donna l’impression d’avoir une sacrée angine et j’avais l’air ridicule, mais les deux Pokemon étaient assez effrayés pour ne pas le remarquer.

- Je ne fais pas partie de Lance. Ni même de l’Ordre lui-même. Je suis juste un G-Man né ici et ayant vécu ici, dans la ville basse. Je suis venu remettre de l’ordre et de la justice dans ces rues. Je suis…

Je m’interrompis quelque secondes, en réfléchissant. Je devais leur donner un nom qui porte, impressionnant, qui inspirerait la peur et le respect.

- Burning Feline, dis-je enfin.

Les deux Pokemon me regardèrent avec un mélange de crainte, mais aussi d’ébahissement. Même l’humain que j’avais sauvé fronçait les sourcils.

- B-Burning Feline ? Répéta le Nidorino. C’est quoi ça ??

- Le nom de celui qui va rétablir le respect d’autrui dans cette ville, déclarai-je de ma voix gutturale. Je n’accepterai plus aucune violence gratuite contre les humains. Je n’accepterai plus non plus que des G-Man sans foi ni loi assassinent des Pokemon innocents. Désormais, tous ceux qui essaieront de troubler la paix et l’harmonie ici s’exposeront à ma colère. Maintenant filez, et racontez bien ce que vous avez vu.

Les deux Pokemon ne perdirent pas une minute pour fuir face à ce G-Man vraisemblablement dérangé. Je tendis la main pour aider le jeune homme à se relever, mais il se contenta de reculer précipitamment.

- Tu n’as rien à craindre, dis-je. J’ai dit la vérité. Je ne suis pas un G-Man de l’Ordre. Comme toi, j’ai vécu et grandi dans ces caniveaux et ces trottoirs pourris.

- Vous… vous êtes un G-Man illégal ?!

- C’est cela.

Ça n’eut pas l’air de rassurer l’adolescent, qui, regardant de droite à gauche, devait s’attendre à voir débarquer les Nettoyeurs d’une minute à l’autre.

- Parle de moi à tes amis, conclus-je. Dis-leur que tant que je serai là, ils ne craindront plus aucun Pokemon la nuit.

Ceci dit, je me retirai en sautant dans une explosion enflammée. J’avais conscience de mon attitude puérile qui consistait à impressionner le plus possible, mais ça me plaisait. Et puis, c’était le but recherché aussi. Je devais me faire connaître, et surtout me faire craindre par ceux qui auraient envie de s’en prendre à plus faible qu’eux. Très vite, à la fois l’Empire et l’Ordre G-Man apprendraient qu’un G-Man illégal du nom de Burning Feline avait fait de la ville basse son territoire la nuit. Ça les ferait réfléchir un peu. Et puis ça aurait aussi l’avantage d’humilier les Nettoyeurs, car selon Kashmel, Scalpuraï m’a pourchassé tout ce temps mais sans jamais révéler mon existence aux autorités.

Revenant sur un point en hauteur, je me replongeai dans l’Aura pour détecter une autre altercation. Deux signatures distinctes dans l’Aura me firent alors sursauter. Il y avait des G-Man non loin. Et ils ne m’avaient pas repéré. Comme quasiment aucun G-Man ne descendait dans la ville basse, ça devait être des membres de Lance, sans doute à la recherche d’un nouveau méfait à commettre pour faire parler d’eux. Manque de chance pour eux, je n’allais pas laisser faire. Si moi aussi j’avais des griefs contre l’Empire et je pensais qu’il devait se réformer en profondeur, je n’en étais pas au stade de tuer des Pokemon innocents.

Je suivis les deux signatures à la trace, en utilisant l’Aura mais de façon imperceptible, pour ne pas qu’ils me remarquent. Evidement, s’ils avaient déployé leur Aura de façon à repérer tout possible G-Man, ils n’auraient pas manqué de me remarquer. Mais ces deux là n’imaginaient pas qu’il puisse y avoir un autre G-Man ici en dehors d’eux. Pas assez prudent. Ça se voyait qu’ils n’avaient pas eu Kashmel comme mentor.

Comme ils avaient cessé de se déplacer, je m’approchai le plus possible, atterrissant sans bruit sur un toit juste au dessus du petit cul-de-sac dans lequel ils se trouvaient. C’était bien deux humains qui portaient des capes sombres et des masques comme Diplôtom et Immotist nous les avaient décrits. La présence de Lamétrice à leur ceinture ne laissait aucun doute quant à leur véritable nature.

- Tu es sûr que c’est bon, Dalrin ? Murmura l’un d’entre eux. Ma mère m’a demandé de garder profit bas, surtout depuis la blessure de Jald. Et le Grand Maître Irlesquo a ordonné le couvre-feu…

- Qui se soucie de ce qu’ordonne ce vieux shnok débile ? Répliqua le dénommé Dalrin sous son masque. C’est justement encore plus notre devoir de montrer que Lance n’a aucune intention d’obéir à ce pouvoir dépassé et archaïque, Védric !

Bingo, songeai-je. Grâce à leurs prénoms et à toutes ces heures durant lesquelles Diplôtom m’a fait apprendre par cœur l’identité de tous les familles G-Man d’Axendria, j’avais identifié mes deux premiers membres de Lance. Dalrin Voshturein, et Védric Kushkan. Tous les deux étaient jeunes, surtout Védric qui n’avait que quatorze ans. Dalrin Voshturein était l’un des G-Man qui gravitaient autour de Rohban Irlesquo, dans des soi-disant cercles de réflexions sur des sujets sociaux et politiques. Quant à Védric, il était le fils unique et héritier de la maison Kushkan, une famille assez récente parmi les G-Man mais qui a su vite trouver sa place. Et comme Védric avait cité sa mère qui lui avait demandé de « garder profit bas », Lady Viliane Kushkan devait être aussi une membre de Lance, ou au moins l’une de ses partisanes. Kashmel allait être ravi de ces informations.

- J’ai une cible de choix pour ce soir, continua Dalrin Voshturein. Une famille de Pokemon qui vit juste en bordure de la ville haute. Six jeunes Rocabot, et leur mère Lougaroc. Leur père était un soldat impérial qui est mort y’a pas longtemps contre les Paxen après un acte héroïque. Pour cela, sa famille a reçu une médaille du Général Légionair en personne. Et donc elle est devenue assez connue et admirée des Pokemon de bas étages, ceux qui rêvent de s’élever socialement.

- Je vois, fit Védric. Ce serait un peu comme s’en prendre à l’Armée Impériale alors.

- Toute cette bande de Rocabot doivent admirer leur père et comptent sans doute s’engager dans l’armée à leur tour. Nous allons montrer au brave peuple de l’Empire qu’il n’y a nul héros face à Lance, juste d’insignifiants Pokemon qui n’attendent que de subir notre justice !

Le discours de Dalrin Voshturein manqua me faire vomir. Ce gars comptait assassiner sans remord toute une portée de jeunes Pokemon qui venaient de perdre leur père, juste pour marquer les esprits. S’il était vraiment représentatif de ce qu’était Lance, alors je ne voyais pas bien en quoi ces G-Man étaient préférables au Grand Maître Irlesquo, ni pourquoi Kashmel cherchait à s’associer à eux. Mon maître aurait sans doute voulu que je laisse ces deux là tranquilles, car ils auraient pu lui être utiles pour la suite. Ou alors, peut-être aurait-il vu là l’occasion de me faire connaître de Lance pour enfin créer un pont entre eux et Kashmel. Mais si mon souci premier était la justice, je ne pouvais pas laisser ces deux là mettre leur plan à exécution.

Ça ne plairait sans doute pas à Kashmel, d’autant qu’il y avait le risque qu’ils puissent me reconnaître et casser ma couverture chez les G-Man. Mais c’était Kashmel lui-même qui m’avait demandé de ne jamais changer, et de combattre l’injustice. Et je n’étais pas assez sotte pour penser que l’injustice était seulement du côté des Pokemon, ou même de l’Empire. Tout n’était jamais ni blanc ni noir. Il y avait sans doute de très bons Pokemon dans l’Empire, et des humains très mauvais parmi les Paxen. En tout cas, j’étais sûr que les deux humains en dessous de moi en étaient, des très mauvais… Comme je l’avais fait pour les deux Pokemon qui martyrisaient le jeune humain, je projetai mes flammes sur tous mes membres pour me rendre impressionnante, et j’atterris derrière eux. Ils se retournèrent en même temps, la main sur la garde de leurs Lamétrices.

- Qui va là ?!

Je ne répondis pas, laissant les deux G-Man masqués venir à leurs propres conclusions. Ils virent immédiatement que j’étais une G-Man comme eux, mais ne lâchèrent pas leurs rapières pour autant.

- C’est un espion du Grand Maître ? On nous a suivi ?! S’inquiéta Védric.

- Crétin, lis son Aura, répliqua Dalrin. C’est un G-Man de Félinferno !

Hum… donc un G-Man pouvait deviner le Pokemon signature de l’autre en lisant son Aura. Intéressant. Normalement, personne ne le faisait bien sûr, étant donné que pister l’Aura d’un autre G-Man était un tabou social. Mais ça, c’était au sein de l’Ordre. Là, il y avait seulement deux G-Man de Lance contre un autre inconnu.

- Mais… il n’y a aucun G-Man de Félinferno dans l’Ordre… fit finalement Védric.

- Justement. Je doute que ce gars soit un larbin d’Irlesquo. T’es qui toi ? Parle avant qu’on s’occupe de ton cas !

Ils semblaient bien confiants, ces deux couillons. Ils ne se doutaient pas que j’avais subi un entraînement de combat qu’étaient loin d’imaginer les G-Man oisifs de l’Ordre.

- Je suis Burning Feline, répondis-je avec calme de ma voix grave.

Les deux jeunes G-Man s’entreregardèrent, comme s’ils se demandaient si j’étais pas dérangée.

- Burning Feline ? Répéta Dalrin. C’est quoi ce nom à la con ? T’es débile ou quoi ?

- Je protège les faibles et les innocents, continuai-je. La nuit est mon domaine. La justice est mon arme.

Ouais, pas mal cette phrase, songeai-je avec une certaine fierté.

- Il se fout de nous ! S’exclama Védric. Retire ton capuchon, que l’on voit ton visage !

- Je pourrai en demander autant avec vos masques, répondis-je. Bien que ça me soit inutile, Dalrin Voshturein et Védric Kushkan.

Les deux G-Man de Lance se raidirent comme si je les avais menacé d’une arme.

- Il connait nos identités ! Il va nous dénoncer au Grand Maître !

- La ferme, Védric !

- Je ne vous dénoncerai ni à l’Ordre, ni à l’Empire, dis-je avec calme. Il sont autant mes ennemis que les vôtres. Par contre, je ne peux pas tolérer ce que vous comptez faire. S’en prendre à des Pokemon innocents, à fortiori des enfants, est impardonnable, quel qu’en soit la raison. Retournez auprès des vôtres, et dites bien à votre organisation que Burning Feline veille la nuit à ce que les innocents ne soient pris pour cibles.

Les deux G-Man n’étaient visiblement pas d’accord, et ils le firent savoir en rugissant et en me fonçant dessus, leurs Lamétrices au poing. Je laissai chaleur et flammes sortir d’un coup de mon corps, ce qui aveugla temporairement mes adversaires. J’en profitai pour bondir et en un geste rapide et argenté, je fis sortir mes griffes, et je frappai. J’étais désormais passée devant les G-Man, qui regardaient, abasourdis et effrayés, leurs masques tomber de leur visage, proprement coupés en deux.

- La prochaine fois, c’est vos tronches qui risquent de morfler, les menaçai-je. Dernière chance pour filer.

Dalrin et Védric ne prirent pas la fuite, mais reculèrent de plusieurs pas, leur Aura au maximum de leur intensité et leur garde levée. Ils commençaient à me prendre au sérieux visiblement. Mes leçons sur les familles G-Man avec Diplôtom me revinrent en tête, et je me rappelai des Pokemon signature de ces deux là : Serpang pour Dalrin, et Blizzaroi pour Védric. Je devais donc m’attendre à des attaques eau, glace ou plante. Techniquement, les attaques de Védric seraient battues par mes attaques feu, mais je devais faire attention à Dalrin. Moi, à l’inverse d’un vrai Félinferno, je m’en fichais d’être mouillée, mais je risquais après d’avoir du mal à produire mes flammes.

- On le bute, Védric ! S’exclama Dalrin. Tu restes en arrière en soutien.

- O-ok, fit le jeune garçon.

Un coup d’œil à son visage anxieux et poupin me suffit pour que je sache qu’il était encore plus jeune que moi. Il ne devait même pas assimiler la portée de ses actes. Le groupe Lance était sévèrement arrogant ou taré pour laisser de pareils mômes aller assassiner des Pokemon aux yeux et à la barbe de l’Empereur. C’était une chance pour eux qu’ils aient croisé mon chemin ce soir. Je pourrai ainsi les corriger et les renvoyer dans les jupes de soie de leurs mères avant qu’ils ne se fassent tuer par des gardes impériaux.

Védric fit apparaître des espèces de petits glaçons pointus qu’il envoya dans ma direction tandis que Dalrin avait enveloppé ses deux bras et son épée d’eau. Je ne me souciai guère de l’attaque Eclats Glace de Védric, qui se contenta de fondre sagement quand elle s’approcha trop près de mon corps enflammé. Je me concentrai sur Dalrin et ses mouvements, alors qu’il tentait de me toucher avec ce qui ressemblait à une attaque Hydroqueue, mais avec les bras. Je vis immédiatement que le G-Man n’avait aucune expérience dans le combat au corps à corps. Ses coups étaient brouillons et bien trop bourrins.

Pour moi qui était petite et agile, en plus d’avoir des yeux vifs que je tenais de mon Pokemon signature, éviter ces coups étaient d’une facilité émouvante. Kashmel, qui était pourtant bien plus gros que ce Dalrin, était vingt fois plus rapide. En esquivant six coups d’affilés, je fis un petit retourné acrobatique pour repousser le G-Man avec mes pieds. Touché sous le menton, il s’écroula un moment, sonné, tandis que son complice tenta de m’avoir avec une attaque Laser Glace.

Je contrai avec ma propre attaque Lance-flamme, que j’avais récemment apprise lors de mes entraînements avec Kashmel. Le feu vainquit bien vite la glace, et Védric n’eut d’autres choix que de sauter à droite en catastrophe pour éviter le retour de flammes. Dalrin s’était relevé, et tenta une nouvelle fois de m’avoir au corps à corps avec cette fois des doigts totalement gelés et tranchants. D’un geste vif, j’attrapai sa main. De la vapeur s’en échappa tandis que les doigts de glace de Dalrin étaient en train de dégeler, et il cria quand ce fut sa peau qui commença à roussir.

Pour finir, Védric tenta un assaut désespéré avec sa Lamétrice, en tentant de m’avoir par derrière. L’ayant senti avec l’Aura, je soulevai Darlin que je tenais toujours avec ma force de Félinferno, et l’envoyai dans les pieds de Védric. Les deux G-Man de Lance se retrouvèrent à terre, emmêlés et endoloris de toutes parts. Ils devaient bien se rendre compte qu’ils n’arriveraient à rien contre moi. Ils s’étaient certes entraînés à se servir de leurs éléments de base, de leurs épées et de l’Aura - ce qui les rendait sans doute déjà bien supérieur à la plupart des autres nobles qui ne se servaient jamais de leurs pouvoirs G-Man - mais ils n’avaient clairement aucune expérience en combat réel. Tandis que moi, j’avais passé ma vie en milieu hostile, à me servir de mes jambes ou de mes poings pour survivre dans la ville basse, et je subissais l’entraînement extrême de Kashmel depuis des semaines.

- Vous avez fini ? Leur demandai-je. Notre petit combat risque d’attirer les autorités impériales, et vous ne me semblez pas assez en forme pour leur échapper.

En se relevant, Dalrin me jeta un regard haineux, mais il eut assez de jugeote pour ne pas poursuivre l’engagement.

- Bon sang, mais t’es qui toi ? D’où tu peux être aussi agile ?!

- Je vous l’ai dit, je suis Burning Feline. Je ne soutiens ni l’Ordre, ni votre groupe terroriste. Je défends seulement ceux qui doivent l’être.

- Si t’es pas un G-Man de l’Ordre, c’est que t’es un bâtard, conclut Darlin. Tu connais le sort qui leur est réservé ?

- Mieux que toi, répliquai-je. Et à leur famille G-Man aussi. Imagine un peu par exemple… Ton père a couché avec des esclaves humaines, et l’une d’elle a réussi à lui échapper pour accoucher en secret. Et si cet enfant, ce serait moi ? Et si l’Empire arrivait à m’attraper, et qu’il remontait jusqu’à mon père, qu’est-ce qui se passerait pour toi, hein ?

- C’est… c’est des conneries ! Balbutia Darlin. Mon père n’a jamais engendré de G-Man illégal ! Jamais !

Mais la soudaine pâleur de Darlin indiquait qu’il n’en savait en réalité rien, et qu’il craignait que je ne dise la vérité. C’était bien sûr un mensonge. J’ignorai totalement qui était mon père. Mais bon, ça pouvait être celui de Darlin comme un autre seigneur de l’Ordre, après tout.

- Rentrez au Quartier G-Man, leur dis-je à nouveau. Transmettez mon nom à vos amis. Je n’interviendrai pas dans leur révolution contre l’Ordre et l’Empire. Il se peut même que je vous aide à l’occasion. Mais si vous vous en prenez encore à des innocents, vous aurez un nouvel ennemi, et pas des moindres. Sur ce… je vous souhaite une bonne soirée, mes seigneurs.

Je bondis de murs en murs et de toits en toits jusqu’à ce que je sois à une distance où ils le pouvaient plus me voir. En revanche, ils me sentirent avec l’Aura. Tout comme moi. Je les pistai un temps pour voir s’ils allaient insister et commettre les meurtres pour lesquels ils étaient venus, mais ils prirent finalement le chemin de la Citadelle. Avec un sourire, je m’assis sur la bordure du toit, secouant mes jambes dans le vide. C’était très satisfaisant d’être une justicière, finalement. Et la nuit était encore longue.