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Voeu d'Eternité de Nasca



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Informations

» Auteur : Nasca - Voir le profil
» Créé le 31/10/2017 à 16:51
» Dernière mise à jour le 21/02/2018 à 23:43

» Mots-clés :   Alola   Présence de personnages du jeu vidéo   Romance   Suspense

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Acte 5 – Remords
Le couloir du huitième étage paraissait plus long que les autres, mais je me faisais sans doute des idées. J'ai posé un pied devant puis, doucement, j'ai soulevé l'autre et je l'ai posé devant à son tour. Je n'ai jamais marché aussi lentement de ma vie. J'ai essayé d'ouvrir la première chambre de l'étage, mais la porte était coincée. J'ai insisté, mais il n'y avait rien à faire. J'aurais pu demander à mon métalosse de la défoncer mais, au fond, je crois que je ne voulais pas l'ouvrir cette porte. Ce que je cherchais se trouvait au bout du couloir, j'en étais persuadé. J'ai progressé lentement, méthodiquement. Mes yeux commençaient à s'adapter à la pénombre.

J'ai senti mon pied cogner contre quelque chose. J'ai instinctivement reculé. J'ai baissé la tête et j'ai senti tout mon corps se raidir. Par terre, c'était Léon. Il était assis, le dos contre une porte. Il semblait inconscient. Je me suis accroupi sur le champ.

– Léon ! Qu'est-ce que tu fiches ici ? Réveille-toi !

J'ai relevé sa tête. Mon sang s'est glacé et j'ai fait un bond en arrière. Il n'était pas inconscient. Ses yeux étaient grand ouverts et son visage affichait la même expression de contentement que lorsque nous l'avions laissé face au buffet. En réponse à ma réaction soudaine, mon métalosse s'était mis en garde. Prudemment, je me suis approché à nouveau de Léon. Il semblait éveillé, mais il n'y avait aucune réaction de sa part. Ses bras étaient mous. J'ai mis deux doigts contre son cou. Son cœur battait bel et bien.

Tout d'un coup, un cri strident déchira le silence. De nouveau, je me suis redressé et j'ai effectué un pas de recul précipité. Je me suis cogné contre mon métalosse. Mon cœur battait si fort que j'ai cru qu'il allait rompre. J'ai regardé à gauche, puis à droite, puis vers Léon. Qu'est-ce que c'était ? D'où est-ce que ça venait ?

› Il faut partir.
J'étais allé trop loin pour faire demi-tour.
» Il faut partir.
Ah non, tu ne vas pas t'y mettre toi aussi !

Mes consciences n'étaient pas les seules à m'inciter à m'enfuir. Mon instinct de survie aussi s'était rangé dans leur camp. J'ai serré le poing et regardé mon métalosse. J'ai vu dans son regard qu'il me suppliait de ne pas faire quelque chose d'irréfléchi. Je lui ai souri.

– Tu vas me détester, copain.

Et j'ai couru vers le fond du couloir.

J'ai entendu un autre cri, mais j'avais choisi d'ignorer tous les signaux d'alerte qui s'allumaient en moi. Enfin, j'atteignis mon objectif. Il y avait une porte au bout avec un mot scotché sur la poignée. "Ne pas ouvrir". Je suis arrivé jusqu'ici. Ce n'était certainement pas un bout de papier qui allait me faire rebrousser le chemin. Je m'apprêtais à ouvrir la porte quand j'ai entendu un son magnétique. Ca venait de mon métalosse. C'était le son qu'il émettait quand il était prêt à se battre. Mais contre quoi voulait-il se battre ? Je me suis retourné.

– Pourquoi tu es là ?

Je connaissais cette voix. Bien sûr que je la connaissais.

– Roxane ?
– Je t'avais dit qu'il fallait que tu sois fort, Pierre. Il fallait que tu sois fort pour que tout rentre dans l'ordre. Oh, je savais que j'aurais dû t'en empêcher. Je savais que j'aurais dû insister.
– Qu'est-ce que tu racontes ?

J'ai fait un pas en avant, mais mon métalosse émit un autre son. Le même son que tout à l'heure. Je l'ai regardé. Il avait les yeux rivés sur Roxane et je l'ai senti extrêmement hostile à son égard.

– Tu n'es pas heureux, Pierre ?
– Qu'est-ce que tu fais là, Roxane ?
– Réponds-moi ! Tu n'es pas heureux ici ?

Même dans le noir, je la distinguais très clairement. Ses cheveux légèrement bouclés. Ce visage dont j'étais tombé amoureux. Mais son regard – son regard. Il était froid, il était dur. Il n'y avait plus aucune tendresse, plus aucune affection dans ses yeux.

– Je n'aurais pas dû relâcher ma garde, murmura-t-elle. Ta fierté, je l'ai sous-estimée.
– Explique-moi ce qui se passe, Roxanne !

Elle fit un pas en avant.

– Reste avec moi. Saisis cette chance que la vie t'a donné et change ton avenir. (sa voix était devenue suppliante, désespérée). J'ai besoin de toi, Pierre. Sans toi, je n'ai pas de futur. Et avec moi, je te promets que tu n'auras plus jamais besoin de te remémorer toutes ces choses qui te font si mal.
– La vie n'est pas toujours aussi simple, Roxane. Je ne peux pas changer d'un claquement de doigt. Et puis, ces choses qui me font mal – je ne suis pas sûr de vouloir les oublier.
– Et ce que tu m'as dit sur la plage ? Tu m'as parlé de cette chance que la vie t'offrait. Tu m'as dit que tu ne voulais pas redevenir qui tu étais. Pourquoi tu n'oublierais pas tout, tout simplement ?

Mon sang s'était glacé. J'avais un très mauvais pressentiment.

– Qui es-tu, Roxane ?
– Tu n'as jamais été heureux, Pierre. Toute ta vie, tu n'as connu que remords et regrets. Pourquoi ne veux-tu pas essayer de construire quelque chose de nouveau ?
– Tu ne sais rien sur moi.
– Tu es le fils du président de la Devon SARL. Toute ta vie, tu as été "le fils de M. Rochard". Lorsque les amis de ton père venaient rendre visite, ils disaient tous : "en voilà un qui n'aura jamais besoin de se soucier de son avenir". Et tu souriais, innocent, inconscient d'avoir perdu les rênes de ton destin dès ta naissance.
– Comment ? Comment tu sais ça ?
– Tu n'avais pas le droit de sortir de la résidence parce que tu étais le fils du président. Tu n'avais pas le droit d'aller à l'école avec les autres enfants parce que tu étais le fils du président. Ta seule amie, c'était cette blondinette. Comment elle s'appelait déjà ? Ah oui, Ludivine. Tu l'aimais bien cette Ludivine, hein ?
– Tais-toi !
– Tu ne comprenais pas pourquoi ton père t'empêchait de sortir. Alors, un jour, tu lui as désobéi. Tu as quitté la résidence en cachette avec Ludivine. Tu ne pouvais pas savoir ce qui allait se passer. Tu ne pouvais pas savoir que la Team Rocket attendait, nuits et jours, une opportunité pour te kidnapper.

Sa voix gagna en dureté.

– Et ils vous ont enlevé, toi et ton amie. On vous a séquestrés pour faire chanter ton père. Mais un soir, tu as voulu jouer les héros. La cellule était mal fermée et vous avez essayé de vous échapper. Evidemment, ça n'a pas marché.
– Tais-toi, j'ai dit !
– Ils vous ont corrigés, puis ligotés. Ils t'ont jeté à terre, puis ils se sont tournés vers la petite Ludivine. Tu te souviens de ce qu'ils ont dit ce soir-là, n'est-ce pas ? "Pourquoi est-ce qu'on les garde tous les deux ? On en tirera rien de cette gamine". Ils se sont approchés d'elle. Tu as crié, hurlé. Mais ça n'a pas suffi. Et tu t'es maudit d'être aussi faible.

Je serrai le poing. Ces souvenirs, je ne pourrai jamais les oublier. Jamais je ne m'étais sentis si coupable, si impuissant.

– Lorsque la Team Rocket a été démantelée et arrêtée, la police de Johto t'a retrouvé et ils t'ont ramené auprès de ton père. Il était en larmes, heureux à en mourir. Mais vous vous êtes quand même disputés ce soir-là. Par la suite, tu t'es éloigné de l'entreprise familiale pour partir en quête de tes chimères. Tu pensais que devenir Maître était ton rêve. En vérité, tu voulais juste montrer au monde entier que tu étais quelqu'un, toi aussi. Tu voulais que l'on reconnaisse que – ça y est ! – tu étais enfin devenu fort. Mais au fond de toi, tu sais que tu seras toujours le fils de M. Rochard. Et tu as beau être devenu fort, tu ne l'étais pas quand il a fallu protéger Ludivine.

Elle fit encore un pas en avant.

– Je ne comprends pas pourquoi tu ne lâches pas prise, Pierre. Ici, tu n'es pas le fils de M. Rochard. Ici, tu n'as pas besoin d'être fort. Ici, tu n'as pas besoin de te battre et te remémorer à chaque fois que tu en étais incapable quand tu en avais le plus besoin.

Roxane posa une main sur ma joue. Je relevai la tête. Ca m'avait fait mal d'écouter tout ça.

– Ici, je serai toujours là, à tes côtés.

J'ai plongé mon regard dans celui de Roxane. Ses yeux avaient retrouvé un peu de sérénité, un peu de douceur. J'ai desserré les poings.

J'avais des regrets et des remords, bien sûr. Après tout, qui n'en n'avait pas ?
» Si on te donnait l'opportunité de changer ton avenir, est-ce que tu la saisirais ?
Je me suis posé la question toute la semaine et je pense que non, je ne la saisirais pas.
› Pourquoi ?
Ce que j'ai vécu, ce que j'ai subi. Tout ça a fait de moi l'homme que je suis aujourd'hui. Je ne veux pas renier mon identité. Ce serait bafouer la mémoire de Ludivine.
» Qu'est-ce qu'on fait alors ?
Je veux rentrer chez moi.
› Tu es sûr de toi ?
Sûr à cent pour cent.

Les yeux de Roxane se durcirent de nouveau.

– Te rendre heureux, c'était mon vœu le plus cher. Je n'étais pas obligée de le faire, mais c'est ce que je voulais. Je le voulais de tout mon cœur.

Elle fit un mouvement vers le ciel et les ombres convergèrent tout autour de moi. Des tentacules noires émergèrent et m'encerclèrent.

– J'aurais voulu qu'on soit en phase, toi et moi. Pour que la symbiose soit parfaite. Tant pis. Mais j'ai besoin de toi et je ne te laisserai pas partir.

Les tentacules s'abattirent autour de moi – pas sur moi. Le sol se fractura.

– Métalosse, aide-moi !

Trop tard. Le sol se déroba – et moi avec.