La couleur de la lumière de MissDibule

Shaïna regardait le Pokémon au pelage brun et bleu souillé de multiples blessures. Il semblait révolté. Ses yeux rouges brillaient de haine. Shaïna voulait tant l’apaiser… Elle tendit ses petits bras potelés vers le Pokémon et l’attira à elle. Etrangement, le Pokémon enragé sembla se calmer suite à ce contact, et se blottit contre Shaïna. L’un des trois hommes au visage trouble qui surplombait la scène fit à son collègue :
- L’expérience est un succès total.
Ce fut à ce moment précis qu’un vacarme assourdissant réveilla Shaïna. Elle était en sueur dans son t-shirt de pyjama cramoisi où figurait un logo représentant un Pyrax.

La jeune fille maugréa : pour une fois qu’elle réussissait à voir un pan supplémentaire de son rêve sans se réveiller brusquement, il fallait que ce soit un élément extérieur qui vienne troubler son sommeil ! Assise sur son lit dans l’obscurité, Shaïna tendit l’oreille pour tenter de découvrir ce qui l’avait réveillée. Elle ne tarda pas à avoir la réponse. À peine quelques secondes plus tard, elle entendit le tonnerre gronder dans un bruit fracassant. L’orage était si violent que Shaïna s’étonna de voir que Candice dormait toujours à poings fermés. La jeune fille aux cheveux d’ébène soupira, puis elle se laissa tomber sur son oreiller et rabattit sa couverture sur elle. Elle ferma les yeux pour essayer de se rendormir. Il fallait absolument qu’elle se repose un peu, elle était épuisée…

À son réveil, quelques heures plus tard, elle constata que l’orage sévissait toujours, plus violent encore que la première fois qu’elle s’était réveillée. Candice était également debout, et son premier réflexe fut de se précipiter à la fenêtre de leur chambre pour en écarter précipitamment les rideaux. Les deux amies purent alors voir les trombes d’eau qui s’abattaient sur le Café Cabane. La route 215 était certes connue pour ses pluies incessantes mais, en cette fin d’été, celles-ci se faisaient de plus en plus violentes, leur avait expliqué l’une des serveuses du café la veille. Lorsque les deux jeunes filles descendirent pour prendre leur petit-déjeuner en compagnie de Chrom et Shuno, la même serveuse vint leur tenir un peu compagnie.

Ainsi, lorsque la jeune femme leur apportait leur petit-déjeuner, elle commenta le temps qu’il faisait au dehors :
- Brrr… Sale temps n’est-ce pas ?
Les quatre adolescents acquiescèrent, puis la serveuse poursuivit :
- Heureusement que je ne suis pas venue ici pour le climat ! plaisanta-t-elle. Mais ne vous inquiétez pas, les jeunes, normalement vous pourrez reprendre votre voyage dès cet après-midi. C’est en général à ce moment-là que l’orage se calme.
Soulagés, les quatre amis la remercièrent pour cette information. « C’est bien notre veine… », pensa Shaïna. « Enfin bon, la route 215 est connue pour être très pluvieuse, alors il ne faut pas s’étonner… ».

Les quatre amis passèrent donc toute la matinée à flâner dans le café. Ils s’occupaient de leurs Pokémon, les cajolaient, et surtout, ils faisaient connaissance. Ils passèrent un moment agréable, qui permit à Shaïna, à qui ses quelques heures de sommeil agité n’avaient pas vraiment suffi, de se reposer un peu plus. Elle profita du calme et de la quiétude du Café en compagnie de ses amis et de ses adorables Pokémon. Elle fut presque déçue lorsqu’arriva l’heure de quitter le Café pour s’engager sur la boueuse route 215. Vers trois heures de l’après-midi, les quatre amis réglèrent donc leur note, puis ils remercièrent chaleureusement la serveuse qui les avait aidés, avant de définitivement quitter le Café Cabane pourtant si douillet.

Aucun des quatre adolescents ne semblait vraiment emballé à l’idée d’affronter la route 215, toujours balayée par la pluie -une pluie certes moins puissante qu’auparavant, mais une pluie peu engageante tout de même. Malgré toute sa bonne volonté, Shaïna était pour une fois la moins enthousiasmée du groupe, et traînait la patte derrière ses amis. Son soudain découragement résultait d’une combinaison d’événements déplaisants survenus ces derniers temps : sa première défaite en combat Pokémon, l’interruption de son rêve, la pluie diluvienne, le fait de devoir marcher sur le sol humide et glissant de la route 215…

Candice s’aperçut de l’air dépité de son amie et lui demanda :
- Ça ne va pas, Shaïna ?
- Si, si, ne t’en fais pas… J’espère juste qu’on va vite arriver à Voilaroc, cette route est si déprimante…
Candice sourit. Elle savait parfaitement comment remotiver Shaïna :
- Oh oui, tu vas enfin pouvoir revoir cet adorable commandant de la Team Éclat ! ironisa-t-elle.
- Adorable ?? Cette ordure de Commandant Shadow ?! s’indigna alors Shaïna qui n’avait pas saisi l’ironie. Non mais tu veux rire ! Il ne perd rien pour attendre celui-là… Faut qu’on se dépêche de se rendre à Voilaroc, que je puisse me venger de cet enfoiré !!
La jeune fille prit alors la tête du groupe comme une furie, progressant à vive allure malgré le sol boueux. Le moins que l’on pouvait dire, c’était que Candice avait réussi son coup. Chrom lui jeta alors un regard qui signifiait : « bien joué ! ».

Shaïna, à nouveau gonflée à bloc, terrassa tous les dresseurs qui se dressaient sur son chemin. Les Pokémon Combat des Karatékas ne firent pas long feu face à Sweetie, son Cornèbre. Le combat fut cependant plus ardu face aux deux Topdresseurs qui défièrent les amis en combat double. Ce furent Shaïna et Shuno qui s’y collèrent. Shaïna avait un peu de mal face au Léviator de son adversaire, et elle devait bien avouer que sans l’aide de Shuno, elle n’aurait jamais décroché la victoire. Tiki, son Desséliande, était définitivement très fort. « Il est parfait ou quoi ? », se demanda Shaïna le plus sérieusement du monde en observant le jeune homme aux cheveux argentés câliner son Pokémon après leur victoire.

La route touchait à sa fin. Une bonne nouvelle pour les jeunes amis, car ils commençaient vraiment à fatiguer : marcher dans la boue, les cheveux et les vêtements collés par la pluie n’avait vraiment rien d’agréable. Tous poussèrent un soupir de soulagement lorsqu’ils passèrent l’entrée de la ville de Voilaroc : ils avaient mis plusieurs longues heures à atteindre la ville creusée dans la pierre, et le jour commençait à décliner. Malgré leur épuisement, les amis ne purent s’empêcher de s’émerveiller devant le magnifique spectacle que leur offrait la vue de Voilaroc, de nuit. La ville rocheuse était très moderne, et ses nombreux bâtiments brillaient dans la nuit comme des Muciole et des Lumivole.

Mais le clou de la ville de Voilaroc était sans conteste le Casino, ce gigantesque établissement à la devanture si voyante. Les néons fluorescents et la forte musique qui en émanait faisait du Casino le lieu incontournable de la ville. Bien sûr, en tant qu’adolescents, les quatre amis n’avaient pas le droit d’y entrer, mais ils pouvaient néanmoins profiter du spectacle des lumières colorées. Ils étaient fascinés, et bien vite ils décidèrent de se rapprocher pour contempler le bâtiment d’encore plus près. Ils n’étaient plus qu’à quelques mètres, quand soudain ils virent un homme sortir précipitamment du Casino, suivi par une foule de personnes -des clients du Casino, sans aucun doute- habillées de manière très élégante, qui semblaient en proie à la panique.

Shaïna reconnut immédiatement l’homme qui avait surgi du Casino, mais elle n’eut pas le temps de s’adonner à de plus grandes réflexions. Sous les yeux du petit groupe d’adolescents, le Casino explosa. La déflagration souffla les quatre amis qui tombèrent à terre. Plus de peur que de mal pour eux, malheureusement, on ne pouvait en dire autant des clients de l’établissement, qui n’avaient pas tous eu le temps de suivre leur sauveur, qui n’était autre que… « Beladonis… », pensa Shaïna. Après tout, rien d’étonnant à cela : l’inspecteur leur avait dit qu’il comptait se rendre à Voilaroc pour enquêter. Il avait apparemment trouvé une piste solide.

L’inspecteur au blazer marron avait fait une impressionnante roulade sur le côté pour s’éloigner le plus possible de l’explosion, et semblait maintenant hurler des ordres à travers un appareil électronique. Les rescapés de l’explosion se tenaient à ses côtés, tremblant comme des feuilles. D’autres avaient eu moins de chance… Il y avait de nombreux blessés. Peut-être y’avait-il même des victimes… Shaïna était horrifiée. Du beau Casino extravagant et plein de vie, il ne restait plus rien. Juste un amoncellement de gravats, et des dizaines de vies qui venaient d’être bouleversées à jamais. Elle jeta un œil à ses trois amis : la terreur se lisait également sur leur visage.

Lentement, très lentement, les jeunes amis reprirent leurs esprits et s’aidèrent mutuellement à se relever. Toujours choqués, ils se dirigèrent vers Beladonis, qui entretemps n’avait pas chômé : grâce à son appareil, il avait appelé une équipe de secours pour venir en aide aux blessés, et avait mobilisé une partie de ses hommes pour fouiller les gravats. Il dirigeait son équipe d’une main de fer. Shaïna ne l’avait jamais vu ainsi. Il était vraiment impressionnant. Son visage jusque-là si sérieux se dérida quelque peu lorsqu’il les vit :
- Les enfants !! J’ignorais que vous étiez là ! Arceus soit loué, vous n’avez rien… Si quelque chose vous était arrivé, je crois que je ne me le serais jamais pardonné…

Shaïna tiqua. Il semblait réellement soulagé… Malgré le stress qu’il devait ressentir à ce moment, il s’inquiétait tout de même pour eux ? « Il remonte dans mon estime. Je l’ai peut-être mal jugé… », pensa Shaïna.
- Avez-vous une idée de qui est derrière tout ça, inspecteur ? lui demanda-t-elle, même si elle avait une petite idée de la réponse.
- La Team Éclat, bien sûr ! Mes hommes pourchassent en ce moment les responsables, et ils viennent de me prévenir qu’ils ont réussi à arrêter le Commandant en chef de l’opération.
- Mais… Comment ?! Comment peuvent-ils oser s’attaquer ainsi à un bâtiment fréquenté, au risque de blesser gravement des gens ?!
Tout le monde se tourna alors vers celui qui avait parlé : il s’agissait de Shuno, dont les sombres yeux grenat commençaient à laisser échapper des larmes.

Shaïna s’empressa de le prendre dans ses bras. Le jeune garçon n’était pas si parfait, en définitive… Il était très sensible. Beladonis soupira :
- Tu as bien raison, je ne comprends pas non plus comment peut-on éprouver un tel mépris pour la vie, qu’elle soit humaine ou Pokémon… C’est pourquoi je ne cesserai jamais de traquer la Team Éclat, jusqu’à ce qu’elle soit mise hors d’état de nuire.
Les pleurs de Shuno redoublèrent d’intensité. Shaïna faisait de son mieux pour le réconforter, aidée par Candice et Chrom. Beladonis semblait désolé pour le pauvre garçon, mais il avait à faire. Son équipe spéciale venait de revenir, avec un invité tout aussi spécial entre ses griffes : le Commandant Shadow, qui, malgré son statut de prisonnier, ne s’était pas départi de son habituel air satisfait.

Beladonis prit le relais de ses hommes pour se charger du jeune commandant, non sans les avoir chaudement félicités auparavant. Il cracha au Commandant :
- Tu as intérêt à parler, commandant Shadow de la Team Éclat, car je ne suis pas d’humeur !
Le concerné se contenta d’un sourire provocateur en guise de réponse. L’inspecteur ne répondit pas à la provocation et se tourna vers ses hommes :
- Vous lui avez confisqué tout ce qu’il possédait ?
- Oui, inspecteur. Malheureusement, ses Poké Balls étaient tout ce qu’il avait sur lui. Aucune trace de l’argent dérobé au Casino. Ses sous-fifres ont dû l’emporter avec eux, répondit un des policiers.

L’inspecteur aux yeux couleur charbon semblait réfléchir à toute vitesse :
- Évidemment… Bon, je l’emmène au commissariat de Voilaroc, occupez-vous d’aider les blessés. Quant à vous, les enfants, je vous conseille d’aller dormir. Vous en avez bien besoin, après cette expérience traumatisante. Vous feriez mieux de vous dépêcher si vous ne voulez pas vous faire harasser par eux… déclara-t-il en désignant la horde de journalistes qui commençait à envahir l’espace autour du tas de gravats, autrefois appelé « Casino ».
Les quatre adolescents acquiescèrent, sonnés. Shuno semblait le plus affecté de tous. Shaïna songea qu’il lui fallait absolument du repos. Il leur fallait à tous du repos. Ils saluèrent donc Beladonis et ses hommes, puis se retirèrent.

Avant de s’en aller, l’inspecteur leur demanda tout de même de passer le voir au commissariat le lendemain, car, visiblement, ils avaient beaucoup de choses à se dire. Shaïna soupira. Cette nuit non plus, elle ne risquait pas de beaucoup dormir…