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Coup de foudre [OS] de MissDibule



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» Auteur : MissDibule - Voir le profil
» Créé le 29/08/2017 à 11:11
» Dernière mise à jour le 19/12/2017 à 17:13

» Mots-clés :   Alola   Drame   One-shot   Slice of life

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Coup de foudre
Terré dans mon minuscule antre sous-marin, je contemple, impassible, au-dessus de moi, un petit humain en tenue de plongeur, deux bouteilles sur le dos, qui regarde en direction de ma cachette, une balle bleue avec un motif de vague dans la main. Le même genre de balles qu’utilisait ma dresseuse. Comment les appelait-elle déjà ? Je ne sais plus. J’ai oublié. Cela fait bien longtemps que je ne l’ai plus revue. Le gamin semble pensif. Je pense qu’il réfléchit à un moyen de me capturer. Ha ! Qu’il essaye donc. Je serai parti bien avant qu’il ne m’attrape. Même si je n’ai aucune intention de bouger. Je cesse de regarder l’humain et je me replonge dans mes pensées. Des Scuba Balls ! Voilà comment s’appelle la petite sphère dans laquelle ce petit humain espère me faire rentrer, et que ma dresseuse utilisait également. Je ferme les yeux. Repenser à elle est toujours douloureux. Cela m’oblige à me remémorer la seule période heureuse de ma vie.

Je suis né dans un clan de Loupio et de Lanturn situé près de la côte reculée d’Akala, une île de la région d’Alola. C’est bien sûr ma dresseuse qui m’a appris toutes ces informations. C’est triste à dire, mais… avant de la rencontrer, je ne savais même pas où j’étais né ! Tout comme mes congénères, en fait. Jusqu’ici, tout semble extraordinairement normal. Mais évidemment, cela ne peut pas être aussi simple. Tout aurait été différent si je n’étais pas né ainsi. Cependant, les faits sont là : je ne suis pas un Loupio ordinaire. Et cela me ronge un peu plus, chaque jour qui passe. A ma naissance, mes antennes luminescentes brillaient beaucoup plus que la normale, et dégageaient une électricité si puissante qu’elle s’échappait parfois sous la forme d’étincelles mortellement dangereuses. Par un (mal)heureux hasard, j’avais hérité d’une puissance électrique qui dépasse l’entendement.

Ce pouvoir terrorisait tous les Loupio et les Lanturn de mon clan, à commencer par mes parents. Je reconnais qu’avec ma puissance, même sans le vouloir, j’aurais pu provoquer des incidents très graves dans le clan. Mais je n’ai même pas eu le droit à une seule chance d’essayer de vivre parmi mes congénères, comme un Loupio normal. Ah, la peur de l’inconnu… La peur tout court, même… Le meilleur moyen de diviser un groupe soudé. Mais pas dans ce cas-là. Cette fois-ci, tout le village décida à l’unanimité qu’il fallait neutraliser d’une manière ou d’une autre la menace que j’étais. Le village était certes divisé, mais les camps étaient plutôt inégaux : tout le clan dans l’un, moi dans l’autre. Je pense que leur peur maladive aurait même peut-être pu les pousser à me tuer. Mais ils n’auraient pas réussi, de toute façon. Non seulement il était bien trop dangereux de m’approcher -selon eux- mais en plus, mon talent Absorb Volt me protégeait de toutes leurs attaques électriques. Pas moyen d’espérer m’électrocuter dans mon sommeil, donc.

Toujours est-il que le clan trouva un moyen de résoudre ce problème. Ma mère, une Lanturn qui possédait également le talent Absorb Volt, fut désignée pour entreprendre la périlleuse opération de me neutraliser. Après tout, c’était elle qui avait engendré le monstre que j’étais ! La solution trouvée par le village pour étouffer mes pouvoirs était simple. Après une courte expédition dans les abysses, les Lanturn les plus courageux du clan avaient ramené une algue rare aux propriétés isolantes incroyables, ainsi qu’une substance visqueuse très collante. La mission de ma mère consistait à coller cette algue tout autour de mes antennes grâce à la substance visqueuse, afin de couper à la source ma gigantesque puissance. Bien sûr, en faisant cela, elle ne pensait même pas aux effets dévastateurs que cela aurait sur moi. Étant donné que, dans les abysses sombres où nous habitons, nous, les Pokémon Poisson et les Pokémon Lumière, le silence est absolu, notre seul et unique moyen de communication est par le biais de nos antennes lumineuses. Ainsi, en faisant cela, c’était comme si ma mère me muselait pour toujours, tuant pour de bon les derniers espoirs que j’avais de pouvoir un jour m’intégrer.

Mais rien d’étonnant à cela : elle n’était pas différente des autres, pas plus que mon père : à leurs yeux, je n’étais pas leur fils, j’étais une menace. C’est pourquoi je n’éprouve aucun remords au fait d’avoir involontairement blessé ma mère. En effet, malgré son talent supposé la protéger de l’électricité, elle garda tout de même de lourdes séquelles pour avoir fixé les algues autour de mes antennes. Toucher mes antennes provoquait systématiquement en moi une réaction d’auto-défense qui pouvait sans aucun doute tuer sur le coup un Loupio ou un Lanturn ne possédant pas le talent Absorb Volt. Mais cela ne signifiait pas que c’était sans risque pour les autres, et ma mère était un bon exemple : la mise en place de mon carcan endommagea fortement ses nageoires, la privant à jamais du privilège de pouvoir nager. Ce n’était que justice : elle m’avait ôté la parole, alors je lui avais rendu la pareille en lui ôtant sa mobilité.

Rendu inoffensif grâce au sacrifice de ma mère, plus personne ne me craignait. La présence des algues qui m’entravaient soulageait tout le monde, sauf, bien évidemment, moi. Non seulement j’étais désormais totalement ignoré du clan -qui s’intéresserait à quelqu’un avec qui il ne peut pas converser ?- mais pour ne rien arranger, j’avais également attiré les foudres de mes parents. Pour eux, j’étais l’enfant porte-malheur, un démon, un sans-cœur qui avait infirmé sa propre mère. Je me demande bien qui, d’eux ou de moi, mériterait le plus d’être appelé « sans-cœur »… Pour résumer, ma vie était horrible, si toutefois l’on pouvait qualifier l’enfer que je vivais ici-bas de « vie ». J’ai donc très vite compris que rester dans ce village abyssal, qui pourtant était le mien autant que celui des autres Loupio et Lanturn qui l’habitaient, ne me rendrait jamais heureux.

Enfin, en espérant que même quelqu’un comme moi puisse accéder un jour au bonheur. Je ne me rappelle pas ce qu'est la joie. D'aussi loin que je me souvienne, je ne l'ai jamais ressentie. La tristesse et le ressentiment étaient mes seuls alliés en ce monde. Le bonheur m’apparaissait comme un concept flou et illusoire. Seuls les visages rayonnants de certains de mes pairs me permettaient d’avoir une infime idée de ce que cela pouvait bien être. Je voulais ressentir de la joie, être heureux comme eux ! C’était devenu mon objectif premier. J’ai d’abord commencé par nager le plus loin possible vers la surface : il fallait que je me constitue un repaire hors des abysses, où il me serait possible de communiquer avec d’autres Pokémon. Je finis donc par trouver un genre de petite grotte naturelle, absolument minuscule, juste assez pour que je puisse y dormir. Elle était creusée dans un rocher, sur le sable de la mer d’Alola.

J’avais trouvé mon nid douillet. Une nouvelle vie avait alors commencé pour moi. Je me nourrissais des algues qui poussaient par-ci par-là. Quel plaisir de dévorer la même plante que celle qui avait scellé mon destin ! Une sorte de vengeance personnelle. Certains Pokémon venaient parfois me défier, motivés le plus souvent par de mauvaises intentions. Même sans mon électricité, je réussissais facilement à les mettre en déroute grâce à mes autres capacités. Je n’ai jamais pu me résoudre à ôter les algues de mes antennes… Au fond de moi je devais bien admettre que c’était beaucoup trop dangereux de les enlever. Quand bien même je parviendrais à maîtriser mon trop-plein d’énergie électrique en étant éveillé, pendant mon sommeil, je perdrais le contrôle. Il suffirait qu’un pauvre Pokémon -voire un humain- ait le malheur de passer un peu trop près de moi pendant que je dors pour mourir électrocuté. Je souhaitais à tout prix éviter cela. Et puis, cela n’avait plus d’importance, maintenant que je pouvais communiquer avec d’autres Pokémon.

Cependant, cette vie facile n’était pas vraiment plus heureuse que la précédente. Je n’avais toujours pas d’amis. Juste une grande lassitude qui commençait à me peser. Je ne faisais rien d’autre que nager et manger, sans jamais trop m’éloigner de ma grotte, de peur qu’on ne me prenne ma seule maison. Je me contentais de faire fuir les nuisibles, mais aucun Pokémon ami ne se présentait jamais. Les multiples combats que j’ai menés contre d’autres Pokémon m’avaient par ailleurs rendu très fort. J’aurais pu évoluer à de nombreuses reprises, mais à chaque fois, je faisais en sorte de perturber mon évolution, pour deux raisons. La première était le fait que je n’avais pas la moindre envie de devenir comme mes parents. La deuxième était plus rationnelle : en devenant un Lanturn, j’aurais beaucoup grandi, ce qui m’aurait contraint à quitter ma petite grotte, ce que je ne voulais pas.

Ma sinistre vie d’esseulé aurait pu continuer bien longtemps, mais parfois le destin aime se jouer de nous, en insinuant en nous ce sentiment trompeur qu’on appelle l’espoir. C’était donc par un jour comme les autres que ma vie sembla prendre un tournant meilleur. De toute façon, pour moi, tous les jours se ressemblaient à cette époque, et je serais bien incapable de dire mon âge si jamais on me le demandait. Ainsi, ce jour-là, je dormais tranquillement dans mon seul havre de paix au milieu de cet océan hostile. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque je vis, à mon réveil, un petit Pokémon aux nageoires luisantes qui me fixait de ses petits yeux roses. De couleur noir, azur et rose, il était un peu plus petit que moi, et me dévisageait sans rien dire, un adorable sourire collé sur son visage. À présent je le sais, il s’agissait d’une Écayon.

Elle aurait pu me dire n’importe quoi à ce moment, me poser n’importe quelle question dérangeante à laquelle je n’aurais probablement pas voulu répondre : « Pourquoi es-tu seul ? », « Tu n’as pas de famille ? », ou, plus probable : « C’est quoi ce truc bizarre qui recouvre tes antennes ? ». Mais non, ce ne fut pas le cas. Les premières paroles que la petite Écayon au regard désolé eut pour moi furent :
- Tu as l’air triste.
Je me souviens que je m’étais figé sous le coup de la surprise : je ne m’attendais pas du tout à ça ! Maintenant que j’y repense, je ne comprends pas vraiment pourquoi j’étais surpris. Après tout, ma vie était morne et lugubre en ce temps-là, alors le fait d’avoir l’air triste n’avait rien de surprenant. Je suppose que la vraie raison de mon étonnement venait du fait que, pour la première fois de ma vie, quelqu’un semblait se soucier de moi, et de ce que je ressentais.

Cependant, n’étant pas habitué aux conversations amicales entre Pokémon, ma réponse avait été un peu sèche :
- Tu le serais aussi si tu étais à ma place, avais-je répliqué en désignant mes antennes emprisonnées.
Heureusement pour moi, mon interlocutrice ne s’était nullement vexée et avait poursuivi sur sa lancée :
- Je te comprends. J’étais comme toi avant de rencontrer ma dresseuse. Au fait, je m’appelle Papiyon. C’est ma dresseuse qui m’a appelée comme ça ! C’est mignon non ? Elle m’a donné ce surnom parce qu’elle trouve que ma queue ressemble aux ailes d’un Papilusion. Et toi, c'est quoi ton nom ?
Ma stupéfaction ne faisait que grandir : cette Écayon si joviale avait un jour été aussi triste que moi ?

Je peinais à le croire... J’avais néanmoins consenti à lui répondre :
- Mes parents n’ont jamais pris la peine de m’en donner un, alors je suppose que je m’appelle juste « Loupio »…
À ces mots, Papiyon avait baissé la tête, sans doute peinée pour moi. Mais elle l’avait bien vite relevée, son mignon sourire à nouveau en place sur son adorable bouille :
- Tu sais, quand on est triste, il ne faut pas rester seul. J’aurais sombré si je n’avais pas rencontré ma dresseuse. Viens avec moi, je vais te la présenter !
- Venir avec toi ? Où ça ? avais-je aussitôt demandé.
- Mais enfin, à la surface, voyons ! Là où vivent les humains, dont ma dresseuse ! On y sera en un battement de nageoire !
J’étais resté pensif un instant. La surface m’avait toujours fait peur, je ne m’y étais jamais aventuré. C’était si différent du monde abyssal… L’un est aussi lumineux que l’autre est obscur. Cependant, étant donné la triste vie de solitude que je menais alors, j’aurais été un parfait idiot de refuser, c’est pourquoi j’avais fini par accepter la proposition de Papiyon.

Nous avons tous les deux nagé vers la surface, vers ce halo de lumière qui me semblait pourtant inaccessible auparavant. La lumière du soleil. Je la voyais clairement pour la première fois. Pas de filtre flou d’eau de mer pour m’empêcher de distinguer cet astre brillant. Un puits de lumière aveuglait mes petits yeux. Un feu ardent me brûlait la rétine. Progressivement, tout doucement, je m'habituais à la lumière, aux rayons doux et réconfortants du soleil. Ma vie sombre me paraissait déjà si loin... Je découvrais un nouvel élément : l'air. J'humais la brise marine avec enchantement. Une odeur iodée chatouillait mes narines. Des Pokémon que je n'avais jamais vus fendaient majestueusement le ciel azuré. Les rayons lumineux de l'astre de feu faisaient scintiller les légères vagues qui prenaient vie çà et là. Au loin, la côte était grouillante d'humains et de couleurs. Le monde était en réalité bien plus vaste que je ne l'imaginais, avec tant de nouvelles choses à découvrir... Des choses dont je n'aurais jamais soupçonné l'existence sans l'aide de Papiyon. Je ne regrettais pas un seul instant d’avoir accepté de suivre la jolie Écayon, car...

...Je ne m'étais jamais senti aussi vivant qu'à cet instant-là.

Une fois la tête hors de l’eau, nous nous étions dirigés vers deux immenses silhouettes : des Lokhlass, portant chacun sur leur dos une jeune adolescente humaine. Papiyon s’était ensuite précipitée sur celle de gauche, la plus petite. La dresseuse de Papiyon possédait de courts cheveux bleus, ainsi que des yeux assortis. Elle tenait un étrange outil que les humains appellent « canne à pêche ». La petite Écayon était venue se frotter contre ses jambes, ce qui avait eu pour effet de faire sursauter l’humaine :
- Oh ! Papiyon ! Tu m’as fait peur ! Tu es enfin revenue de ton exploration sous-marine ? Et je vois que tu as ramené un… AAAH !
En tournant la tête vers moi, l’humaine avait tout à coup pris peur et avait failli lâcher sa canne à pêche.

Un rire sonore avait alors éclaté. Il provenait de la seconde humaine, une jeune fille aux beaux cheveux châtains et aux yeux bleu céruléen, qui tenait également une canne à pêche entre ses doigts graciles.
- Néphie, du calme, c’est juste un Loupio, il ne va pas te tuer ! avait-elle dit en rigolant à son amie.
- Oui, c’est vrai tu as raison, Océane… Mais il a un truc bizarre sur les antennes !
La dénommée Océane s’était alors penchée sur son Lokhlass pour mieux m’observer :
- Ah oui ! On dirait des algues…
Elle avait ensuite tendu sa main pour essayer de toucher mes antennes, ce qui m’avait fait vivement reculer. Je ne voulais pas qu’il lui arrive quelque chose de mal.

Surprise, Océane avait aussitôt retiré sa main.
- Oh désolée, petit Loupio, je ne voulais pas t’effrayer ! Tu ne veux pas que je te caresse ? Promis, je ne touche pas à tes antennes !
J’avais plongé mes yeux cerclés de jaune dans les siens. Me caresser ? Elle voulait être gentille… Avec moi ? C’est à ce moment que je l’ai ressentie pour la première fois : la joie. Le bonheur de se sentir aimé, même dans une moindre mesure. Tout cela grâce à Océane. La joie que j’ai ressentie m’a littéralement donné des ailes : après avoir rabattu mes antennes en arrière par précaution, j’ai bondi hors de l’eau pour atterrir dans ses bras. Touchée, elle avait immédiatement entrepris de me caresser doucement la tête. Je savourais chaque seconde cet instant magique : la douceur de la peau d’Océane, la chaleur du soleil, la légère brise marine… Tout était parfait. Pendant qu’elle me cajolait, Océane avait chuchoté à son amie Néphie : « Plus besoin de canne à pêche. J’ai trouvé mon partenaire. »

Depuis ce jour, nous étions devenus inséparables. Océane était devenue ma dresseuse, mais elle était devenue également bien plus que cela. La rencontrer fut pour moi comme si je venais de voir le soleil pour la première fois, ce qui était effectivement le cas. Cependant, ce jour-là, à mes yeux, le soleil le plus éclatant n’était pas celui qui brillait dans le ciel. C’était le sourire de ma dresseuse. Océane était la plus douce personne au monde. J’avais enfin trouvé un sens à ma vie, quelqu’un à qui la consacrer. J’avais trouvé… le bonheur. Cette puissante émotion que je ne croyais réservée qu’aux autres m’avait finalement ouvert ses portes.

Nous passions nos journées à combattre les Pokémon sauvages aux alentours de la côte reculée d’Akala et à nous baigner ensemble -parfois accompagnés de Néphie et Papiyon, ma sauveuse. Océane rêvait de succéder à Néphie en tant que Capitaine de Type Eau d’Alola, un rêve que je voulais l’aider à réaliser. J’étais son partenaire de toujours, je l’aimais de tout mon cœur, et elle me le rendait bien. Océane était ma famille. Elle avait même fait ce que mes sans-cœur de parents n’avaient pas eu l’idée de faire : me donner un prénom. Elle avait décidé de me nommer « Alguien ». Il s’agissait d’un surnom trouvé par ma dresseuse qui contenait un jeu de mots -au goût discutable- provenant des mots « algue », en langue commune et « alguien », qui signifiait « quelqu’un », en langue d’Alola.

Un nom qui signifie littéralement « quelqu’un »… On pourrait penser qu’il n’y avait rien de plus impersonnel, et pourtant… J’aimais ce nom. Tout d’abord parce que c’est le seul que je n’ai jamais eu, mais aussi surtout car c’était Océane qui l’avait choisi. Si elle en était contente, alors je l’étais aussi. Et lorsqu’elle était triste, je pleurais avec elle. Je… Non, Alguien, était toujours là pour elle. Il aurait donné sa vie pour la protéger, elle, sa dresseuse adorée, la seule qui l’ait jamais aimé en ce monde. Mais Alguien ne mérite même plus de porter le nom qu’Océane lui a choisi. Je ne mérite plus de m’appeler « Quelqu’un », car je ne suis plus quelqu’un. Je ne suis plus personne.

J’aurais tant voulu rester avec elle pour toujours… Mais comme je l’ai déjà dit plus tôt, le destin aime nous torturer en ouvrant grand des portes d’espoir pour ensuite nous les claquer sous le nez sans rien pouvoir y faire. Il ne se passe pas une seconde sans que je repense à cette tragique journée, qui avait pourtant si bien commencé. Nous nous amusions, comme à notre habitude, à combattre les Pokémon sauvages au bord de la côte d’Akala. Je venais alors de perdre face à un Staross sauvage plutôt coriace qu’Océane souhaitait à tout prix capturer. Océane était vraiment déçue. Elle s’était approchée de moi, un sourire réconfortant sur le visage, me murmurant : « ce n’est pas grave, tu as fait de ton mieux, Alguien… ». Mais je voyais bien qu’elle fixait mes antennes recouvertes d’algues d’un air qui signifiait : « si seulement il pouvait utiliser son électricité, ce serait bien plus facile ! ».

Elle s’était ensuite mise à me dire qu’elle se fichait bien de l’apparence de mes antennes, et qu’elle m’aimait comme j’étais. Elle ne comprenait pas que je cachais mes antennes non pas par esthétique, mais par précaution. Elle avait ensuite fait un geste qu’elle m’avait pourtant promis qu’elle ne ferait plus jamais depuis le jour de notre rencontre : essayer d’enlever les algues de mes antennes. Pris de panique, j’ai alors sauté dans l’eau de mer. C’était l’unique solution que j’avais entrevue pour l’empêcher de toucher mes antennes. Inconsciemment, j’avais pris la direction de ma petite grotte, dont je me souvenais encore parfaitement de la localisation. Mais Océane était une très bonne nageuse, et elle me pistait sans relâche.

Une fois à l’intérieur de mon ancien foyer, j’avais fait de mon mieux pour essayer de me calmer. Mais je n’y parvenais pas. Je revoyais encore la mine désappointée de ma dresseuse. Puis je m’étais mis à fixer mes antennes entravées : si les libérer pouvait faire tant plaisir à Océane, alors je me devais de le faire. Je ne savais pourtant que trop bien le danger que cela représentait, mais mon amour pour Océane m’aveuglait. Bon sang, à chaque fois que j’y repense, je me dis que j’ai été le plus grand des idiots. Avec une haine que je ne me connaissais pas, j’ai donc entrepris d’arracher violemment le carcan installé périlleusement par ma génitrice il y a si longtemps, sans même prêter attention à l’assourdissante douleur que cela provoquait en moi. Océane m’aimait comme j’étais ! Je n’avais donc plus de raison de me cacher ! L’algue était réduite en lambeaux, et la substance visqueuse faisant office de colle s’était dissoute dans la mer. J’étais enfin libre.

Je m’étais ensuite empressé de quitter ma cachette pour montrer mon vrai moi à ma dresseuse. Celle-ci me cherchait du regard au milieu de l’océan, l’air inquiet, remontant à intervalles réguliers pour reprendre son souffle. J’allais enfin apparaître dans son champ de vision, quand soudain, un Sharpedo sorti de nulle part s’était mis à foncer vers Océane, les crocs en avant. Mon cœur avait raté un battement. Je m’étais alors propulsé le plus vite possible en avant pour m’interposer entre ma dresseuse bien-aimée et son agresseur. Puis, à nouveau sans réfléchir, j’ai lancé l’attaque Coup d’Jus la plus dévastatrice qu’on ait jamais connue. C’était la première et la dernière fois que je me servais de mon électricité.

Le Sharpedo était mort sur le coup, électrocuté par la violence du choc ayant été amplifié par l’eau saline. Cela m’était égal. « Ceux qui s’en prennent à Océane doivent être punis. », m’étais-je alors dit. Puis je m’étais retourné afin de contempler le visage que je devinais soulagé de ma dresseuse. Mais j’avais beau regarder partout autour de moi, Océane n’était visible nulle part. Soudain, un éclair de lucidité m’avait cloué sur place. J’étais figé. J’avais compris. Mais je refusais d’y croire. Ce n’était pas possible. Je suis resté ainsi d’interminables secondes, gelé sur place, au milieu de l’océan. Jusqu’à ce que je me décide enfin à lever la tête. Il était bien là, flottant à la surface. Le corps sans vie d’Océane, électrocutée en même temps que le Sharpedo. J’ai foncé vers elle, j’ai tenté par tous les moyens de la réveiller… Je la secouais dans tous les sens en hurlant "Réveille-toi, Océane !!! Je t'en prie ! Je ne te désobéirai plus jamais, je te le jure... Mais ouvre les yeux !!". Ballottée ainsi par les flots, on aurait pu la croire endormie. Alors j'ai continué d'espérer, en priant qu'elle rouvre un jour les yeux... Mais c’était bel et bien la fin. Océane était morte. Et j’étais celui qui l’avait tuée.

J’ai pleuré jour et nuit la disparition de ma dresseuse. L’océan a englouti tous mes sanglots. Peu importe à quel point l’on pleure, dans l’océan, les larmes ne sont que d’infimes gouttes qui viennent s’ajouter à l’immensité saline. Je ne suis rien. Même mes pleurs ne valent rien. La mort d’Océane a anéanti toute la part d’âme qu’il me restait encore. Je me suis replié sur moi-même, terré dans ma grotte. Je ne voulais plus vivre. Je ne le méritais même pas. « Ceux qui s’en prennent à Océane doivent être punis. ». Tels avaient été mes propres mots. Je devais appliquer mes paroles à mes actes, et réserver une mort lente et douloureuse à l’assassin d’Océane. Je me laissais donc dépérir dans ma grotte, sans rien manger. En définitive, mes parents avaient raison.

Je suis l’enfant porte-malheur, un démon, un sans-cœur qui a tué sa bienfaitrice. Tous ces souvenirs qui m’assaillent… Je n’en peux plus. Heureusement, la fin est proche, je le sens. Je rouvre les yeux. Le gamin plongeur est juste devant moi, à quelques centimètres de mes antennes de mort. Je l’avais complètement oublié, celui-là. Ne te fatigue pas, gamin, je te l’ai déjà dit… Je serai parti avant que tu puisses m’attraper. Mon dernier regard se pose sur la Scuba Ball que le nageur approche lentement de moi, puis mes yeux se ferment à nouveau.

Mon temps est écoulé. Je me sens inexorablement aspiré par une force surnaturelle. Mais… s’agit-il de la fin que j’espère tant, cette douce mort qui me délivrera de mes tourments… Ou s’agit-il d’une toute nouvelle aventure, avec un nouveau compagnon à mes côtés ? Je l’ignore. Peu m’importe. Plus rien n’a d’importance, désormais. Je suis enfin libéré.

Adieu, Océane. Toi et moi, c’était un inévitable coup de foudre.