PREMIER CYCLE : VENT RÉVOLUTIONNAIRE - Chapitre 1
Sur un continent coexistent sept royaumes ; ou plutôt six monarchies et une république.
Ces différents pays sont chacun gouvernés par une famille choisie par des Pokémon Légendaires. Tous les hommes savent que ces créatures mystiques sont guidées par des types particuliers. Il en existe beaucoup mais certains Légendaires étaient plus nombreux et établirent une nation représentative du type dont ils étaient issus. Ainsi naquirent le pays du Feu, le pays de l'Eau, le pays Végétal, le pays du Vent, celui de la Foudre, du Métal, du Psy et du Dragon. Il y en eut quelques autres comme le pays de la Roche ou celui de la Glace. Mais ces derniers furent marginaux compte tenu du nombre des autres types Légendaires. Ils décidèrent de former des alliances dans le but de survivre et de ne pas se faire écraser par le plus fort.
Le pays de la Roche et du Sol firent alliance avec le pays du Feu pour former la nation Rolcheu.
Le pays de la Glace passa un pacte avec la république de l'Eau pour devenir la république Gleau.
Les royaumes de Végétal et d'Insecte donnèrent naissance au pays de Vegecte, issus tous deux de la nature vierge.
Enfin, il y a quelques décennies seulement, se considérant comme venant du ciel, la Foudre et le Vent devinrent le royaume de la Voudre.
Ces sept nations, donc, se partagent un continent dont l'équilibre est sans cesse menacé. Chaque nation veut étendre son territoire et pour cela, une seule chose est de mise : faire main basse sur le plus de Pokémon Légendaires capables de renforcer la puissance de leur armée et de chacune des familles de sang royal. Celles-ci possèdent, pour beaucoup d'entre elles, des pouvoirs délivrés par ces créatures extraordinaires. Pouvoir que l'on nomme « faculty ».Bien sûr, il faut capturer le Légendaire issu du type du pays. Ainsi, la nation Psy tente depuis des années de mettre la main sur Mew...
Princesse Algrance fut interrompue dans sa lecture par l'irruption de son gouverneur. Il la dévisagea sévèrement, les mains posées sur ses hanches grasses. La future reine était par terre, affalée sur un tapis de feuilles, dans le jardin du château. Les pages du livres étaient mouillées par la pluie qui tombait par petites gouttes.
« Vous lisez encore ce livre d'Histoire pour enfants ! Il faut grandir, mademoiselle !
- Je suis une madame maintenant, n'est-ce pas ? J'ai le droit de lire ce que je veux, où je veux. »
Elle s'était levée, déroulant sa légère robe blanche trempée par la rosée. Des gouttelettes foulaient l'herbe. Lorsqu'il la vit dans cette tenue, son visage devint rouge d'exaspération. N'était-elle pas encore prête ? Allait-elle seulement se présenter à la cérémonie de couronnement dans cet habit de gueuse ? Elle serait très bientôt la reine de la nation Vegecte, bon Dieu d'Arceus ! Il lui fallait se présenter décemment !
« Changez-vous, ordonna-t-il.
- Pas question ! Ce n'est pas parce que je vais porter une couronne que je vais changer de vêtements ! Je resterais la même, n'est-ce pas ? »
Elle éclata d'un rire ravissant, proche de celui des chants des oiseaux. Le gouverneur fut attendri par cette voix si mélodieuse, si bien qu'il en oublia sa colère pour couver Algrance d'un regard complice. On ne pouvait pas en vouloir longtemps à cette jeune femme de vingt-et-un ans, dans la fleur de l'âge. Tout chez elle inspirait une sympathie innée. Son esprit débordait de générosité et d'une agréable simplicité.
Elle rentra s'abriter d'un pas léger et silencieux, laissant sa lecture au milieu de la nature vierge. Les Pokémon veilleraient sur le livre, le protégeant d'une averse trop forte qui s'annoncerait d'ici quelques heures.
Elle passa dans les couloirs fleuris pour l'occasion et vint s'approcher d'un magnifique bouquet de roses. D'habitude, c'était elle qui s'amusait à décorer le château pour le rendre plus agréable pendant ses balades. Algrance adorait sortir de sa chambre la nuit pour visiter les murs froids de ces lieux emprunts de souvenirs et d'histoires. Elle trouvait légitime d'y inviter toute la nature. Pourquoi la mettre à la porte quand elle pouvait être accueillie chez vous ?
La princesse esquissa quelques pas de danse accompagnés de sa voix fluette. Elle dénicha quelques Chenipan et autres insectes ainsi que des oiseaux curieux de découvrir cette décoration étonnante mêlant les pierres à la végétation. Elle laissa un Aspicot monter sur son bras blanc comme la plus pure des neiges avant de le considérer, rêveuse :
« Tous tes représentants sont avec moi. Le Végétal et l'Insecte ne forment qu'une seule famille : celle de la nature vierge. Et je serai votre reine à tous, puisque je suis la seule à vous comprendre. Personne ne sait mieux vous comprendre que moi. »
Aspicot continuait son ascension sans faire attention aux paroles naïves de sa future souveraine. Le gouverneur, posté dans son dos, lui souffla que la cérémonie allait avoir lieu sans elle, si elle ne se dépêchait pas.
Avant de continuer sa promenade dans les couloirs, elle nicha l'insecte au milieu des feuilles grimpantes accrochées aux piliers rocheux. A mesure qu'elle avançait, son pas devint plus lourd. On distinguait des chuchotements puis des voix qui grossissaient crescendo. On sentait l'excitation palpable de la salle qui avait du mal à se contenir.
Lorsqu'elle fit son entrée dans la salle du trône, un panel de sujets s'inclinèrent à son passage. Elle resta figée devant ce fauteuil en bois usé qu'on lui présenta. C'était sa place, dorénavant. Elle sautilla, courut presque, jusqu'à ce trône qui tendait ses bras vers elle. Des bras verts et tachetés de vives couleurs florales.
Elle se mit à genoux pour renifler de nouveau ce qu'offrait de mieux la nature. Des guirlandes de tulipes, de bleuets, de roses s'enchaînaient dans une toile de toute grâce. Algrance crut y discerner une sorte de protection suprême. Le gouverneur voulut s'avancer pour la relever, gêné de cette attitude grotesque. Il ne la connaissait que trop bien : dès qu'il y avait un brin de nature, il fallait qu'elle y tâte.
En se relevant, elle porta enfin attention à ceux qui assisteraient à son couronnement. Des sujets lambda mais aussi les ministres et des proches de la famille royale. Son regard butina entre les expressions sévères, souriantes, intimidées de ces hommes et femmes venus assister à cet événement.
Il y eut un petit concert chanté par de tout jeunes Pijako, annonçant le début de la cérémonie. La jeune femme ferma les yeux, buvant chaque note qui s'écoulait dans la pièce aux murs touffus. Elle eut l'impression de se retrouver dans la forêt reliant Cimetronelle à Nénucrique. Des souvenirs affluèrent, des journées d'engourdissement au cœur des arbres déroulaient leurs merveilles passées.
Lorsqu'elle ouvrit les yeux, on amena la couronne ainsi que les Pokémon Légendaires qui devaient procéder eux aussi à cette cérémonie. Aucun d'eux n'avait offert de faculty à Algrance : elle se l'était forgée toute seule, à force de vivre dehors. De rares personnes étaient capables de s'approprier les pouvoirs d'une faculty par eux-mêmes. Elle en faisait partie.
Shaymin fut déposé sur la longue chevelure blonde d'Algrance, dérangeant les mèches pour s'installer à son aise. Le petit Pokémon fut le premier à confirmer la légitime royauté d'Algrance en crachant une fine poudre verte.
Célébi fut le Pokémon le plus enthousiaste à voir son amie se faire proclamer reine de Vegecte. Le Pokémon Légendaire virevoltait entre les rideaux de feuilles, arrosant la salle de sa poudre verte. Puis vint le tour de Genesect. Le seul Pokémon Légendaire du type insecte observa cette nouvelle maîtresse, l'examinant sous toutes les coutures.
Tous retenaient leur souffle, de peur que la cérémonie ne soit gâchée. Et si Algrance n'était pas la bonne personne pour régner ?
La jeune femme n'eut aucun doute. Elle entendait les marmonnements du Pokémon : il sentait qu'elle était l'unique maîtresse des créatures végétales et insectoïdes car elle seule pouvait leur parler. Il la jugea un peu jeune mais consentit à son couronnement. Il lui tendit un bras recouvert de poudre verte. Le sourire d'Algrance s'élargit. Ceux des invités aussi.
Lorsqu'on déposa la lourde couronne sur sa coiffure éthérée, elle sentit comme une brise la traverser. Une bourrasque de vent nouveau. Décidément, elle préférait porter les couronnes de fleurs qu'elle se fabriquait elle-même...
*****
Flump contempla ses nouveaux bijoux : deux saphirs. Il ouvrit le coffret pour tâter sa collection toute entière. Il prit ses trésors entre les doigts, laissa le flot de préciosité couler sur sa peau. La lumière qui filtrait de la baie vitrée arrosait la salle d'une chaleur dorée.
Au bruit qu'avaient fait les pierres, Manglouton s'était manifesté par un gargouillement et s'approcha du bureau. Il tournait en rond autour du trône de son maître, attendant qu'on lui balance un biscuit.
Plus loin, reposait Elecsprint. Le chien ne releva pas la tête au son des pierres tintant ; il connaissait cette mélodie par cœur. Cela ne l'intéressait pas. Il préférait admirer la foudre frappant les villes. Il n'attendait que ça, que les éclairs reviennent pour un ballet impromptu. Le reste, il n'en avait cure. Du moment qu'on ne le dérangeait pas pendant sa sieste, il ne demandait rien d'autre. Rien à voir avec ce Manglouton sur pattes qui chassait tout ce qui lui passait sous le museau.
Manglouton grognait toujours, attendant que quelque chose lui tombe dans le gosier. Il patienta longtemps avant que son dresseur ne s'aperçoive de sa présence, perdu dans ses pensées.
« Il me faut de nouveaux trésors, je vais contacter l'Affaire des Métaux. »
Il décrocha son téléphone, composa l'indicatif du pays de Métal. Il se leva, porta son regard au loin, dans la vue que lui offrait la baie en verre de son bureau.
Pendant qu'il conversait avec le responsable de l'Affaire, Manglouton se percha sur la table, renifla un instant avant d'avaler goulûment la paire nouvellement acquise. Elecsprint qui avait assisté au spectacle, rit sous cape. La réaction de leur dresseur n'allait pas être tendre. L'entendre crier était égal au fracas provoqué par le tonnerre. D'ailleurs, c'est ce qui arrivera : un puissant tonnerre frappera Volucité. Dans trois, deux, un...
« MES SAPHIRS ! »
Manglouton traversa le bureau, la gueule encore pleine des bijoux. Dehors, un amoncellement de nuages au couleur de l'encre annonça la venue d'éclairs. Ils frappèrent la ville sous l'impulsion des cris poussés par l'homme. Dans un coin de la pièce, un objet brillait en même temps que pleuvaient les éclairs. Un objet doré d'une grande beauté et d'une valeur inestimable. Flump poursuivit Manglouton avant d'être interrompu par son secrétaire.
« Le ministre de la Justice souhaite vous voir. »
Le chapardeur s'échappa par la porte laissée entrouverte. Flump jura avant de faire entrer dans son bureau un homme très maigre.
Il reprit sa place, encore mécontent du tour joué par son Pokémon.
« Qu'est-ce que vous voulez ? C'est encore au sujet de cette loi ? Je croyais avoir été clair !
- C'est que... Êtes-vous sûr ? J'ai entendu des rumeurs...
- Des rumeurs ? aboya le roi de Voudre. Elles ont bon dos ! »
Elecsprint qui avait écouté le tonnerre frapper le ciel de Volucité, se recoucha dans son coin. Le ciel de la ville était toujours noir, menaçant de cracher de nouveau de l'électricité.
Le ministre tenta d'apaiser le jeu, connaissant les conséquences d'une crise de colère du roi.
« La loi sera appliquée dans la semaine.
- Elle devrait déjà être appliquée depuis des années ! Ces pigeons du Vent ne méritent que ça. »
Le ministre se retira, au grand dam d'Elecsprint qui voulait encore entendre le tonnerre. Ce sera pour une prochaine fois...