L'Arène Nanméouïe de The Under Toad

J'étais anéantie par cette défaite. C'était la fin pour mes Pokémon et pour moi. En pensant pouvoir tout régler seule, aveuglée par mon titre de Maître qui m'avait fait oublier que j'étais encore bien davantage une enfant qu'une adulte, non seulement je n'avais pas réussi à sauver les Nanméouïes de ce monstrueux complot, mais je nous avais menés à la mort, mes Pokémon et moi...

Le soi-disant boss sembla se rappeler quelque chose tout d'un coup, et me demanda comment diable j'avais appris l'existence de l'Arène Nanméouïe. Il se mit à rire quand je lui répondis avec toute la dureté que j'étais encore capable de mettre dans ma voix qu'un Nanméouïe fugitif m'avait tout révélé, puis m'assura qu'une telle erreur ne se reproduirait plus.

Je repensai à mes amis, Tcheren, Bianca, et au Conseil 4 ainsi qu'aux Champions auxquels j'aurais dû demander de l'aide, à ma mère qui ne se remettrait pas de ma disparition... Mais il était trop tard à présent... Je n'avais plus que deux possibilités pour échapper à la mort certaine, soit tenter de foncer dans le tas avec mes Pokémon en comptant sur les plus rapides pour me tirer hors du viseur des tireurs, ce qui pourrait les faire tuer, soit tenter de sortir Zekrom, qui était effectivement mon sixième Pokémon, d'une manière ou d'une autre, ce qui était tout aussi risqué...

J'essayai de gagner un peu de temps pour réfléchir à une autre solution. Après tout, j'étais un peu étonnée de voir cet ennemi se comporter exactement comme les antagonistes de beaucoup d'histoires, ceux qui sont du genre à dévoiler leurs plans au héros, persuadés qu'ils ne leur échapperaient pas... Peut-être était-ce par orgueil ? Quoi qu'il en soit, je devais en profiter pour faire durer la conversation...


« Vous aurez beau m'empêcher de vous dénoncer, N finira par découvrir ce que vous faites, lui qui est si proche des Pokémon, lâchai-je à tout hasard et sans vraiment réfléchir. Il sentira la détresse de ces Nanméouïes, et possédant Reshiram il vous vaincra !
- Encore des paroles stupides ! S'il avait ce pouvoir, il nous aurait attaqués depuis bien longtemps, plutôt que de s'intéresser à ses utopies, répliqua mon ennemi. En fait, nous devrions être reconnaissants envers la Team Plasma, qui nous a offert une très belle diversion pendant l'accomplissement de notre projet ! ».


Une diversion... Il me fallait justement une diversion pour mettre une idée que j'avais eue en place, et je ne savais pas comment la provoquer. J'avais besoin de Zoroark, mais comment communiquer avec lui sans pouvoir lui parler ni même le regarder ?
Je me sentais de plus en plus mal, mes entrailles se nouaient et ma gorge se serrait, mais je sentis autre chose m'envahir, comme une aura ténébreuse... Aurait-il entendu mes pensées ?

Soudain, un grand fracas se fit entendre du côté de l'entrée, faisant se retourner par réflexe tous mes adversaires. La diversion dont j'avais besoin ! Une voix de jeune fille résonna dans tous les tunnels :


« Ludvina, tu m'entends ? C'est moi, Iris ! Des Nanméouïe sont venus me prévenir, alors Watson et moi nous sommes venus te sauver, et Zhu va arriver de Flocombe aussi ! Allez Tranchodon, à l'attaque !
- Nom d'un Nanméouïe, des Champions, il ne manquait plus que ça ! Continuez à surveiller White, imbéciles, commença le boss en se retournant, puis il écarquilla les yeux. Mais... Qu'est-ce que...

Il n'y avait plus sur le terrain une seule Ludvina, mais des centaines, de même que des centaines de copies de ses Pokémon, qui couraient dans tous les sens. Zoroark, naturellement doué pour les illusions, s'était encore amélioré dans ce domaine tandis qu'il gagnait en puissance à mes côtés.

- Des Reflets ?! Non, suis-je bête, c'est évidemment son Zoroark qui a créé des illusions ! Dissipez ces copies avec des attaques affectant tout le terrain comme Surf  !
- Patron, les Champions aussi étaient des illusions, elles se sont dissipées quand on leur a tiré dessus !
- Je l'avais deviné, imbécile ! Revenez vite nous aider à attraper White ! »




Même si mes ennemis avaient vite repris leurs esprits, le bref temps de confusion m'avait suffi. Je me refusais toujours à appeler Zekrom, bien que la situation fût critique pour moi, car j'avais vu aux lézardes dans les murs que la bataille précédente avait été si violente qu'elle avait fragilisé les tunnels, et le dragon à la puissance incommensurable aurait tout fait s'effondrer en une attaque.

Alors Clamiral, Déflaisan et Fragilady, imité par la plupart de leurs copies, avaient érigé entre les deux camps un impressionnant mur opaque composé de Cascade, Danse-Fleur et Danse-plume, mur qui n'était qu'en partie réel puisque les illusions des mêmes attaques en accroissaient la taille.
Cet écran me cacha le temps dont j'avais besoin pour enseigner en toute hâte Tunnel à Zoroark via la CT. Même si le processus fut en réalité rapide, il me sembla qu'il durait une éternité. J'entendis avec horreur le fracas des attaques des Pokémon adverses dissiper les illusions et venir à bout du mur, suivies par des balles tirées en rafales par les humains.

Dissimulé derrière un tourbillon de plumes, le renard sombre commença enfin à creuser à toute vitesse tandis que je faisais signe au reste de l'équipe de nous suivre, ne pouvant pas les rappeler dans leurs pokéballs car cela ferait se dissiper leurs illusions qui couvraient notre fuite. Ma Nanméouïe chromatique n'était plus là, puisqu'elle avait précédemment dû guider ses congénères ne prenant pas part à la bataille vers la sortie.

Fragilady et Déflaisan, couverts par les illusions, arrivèrent tout en lançant derrière eux d'autres attaques, suivis de loin par Clamiral, moins rapide. Je lui fis signe d'utiliser Aqua-jet pour se déplacer plus rapidement, mais je vis que son visage, ainsi que celui de toutes ses copies qui imitaient ses moindres mouvements et expressions, était déformé par la douleur. Il avait été touché ! Comme il s'approchait en gémissant, je crus que mon cœur allait s'arrêter de battre : il avait deux trous rouges au côté droit...
Imitée par mes propres copies, je rappelai aussitôt Clamiral, n'ayant rien le temps de faire d'autre pour lui, et me jetai dans le tunnel, priant Arceus pour qu'aucun adversaire n'utilise Séisme, attaque qui nous serait fatale tant que nous serions dans le sol.
Le tunnel se referma aussitôt derrière moi pour que l'on ne puisse pas voir par où je m'étais échappée.







Bien que très court, le voyage par la capacité Tunnel fut, de par les circonstances, le plus effrayant que j'avais jamais connu. J'étais à présent accrochée à Zoroark qui creusait si vite qu'il devait être en train de battre à plates coutures le record du plus rapide des Minotaupes.
Je me laissai porter tout en frottant mon visage en larmes (j'avais perdu mes lunettes dans la bataille) dans sa crinière chaude, sentant tout contre moi Fragilady et Déflaisan qui s'étaient accrochés comme ils pouvaient au renard et à moi-même.

Mais je n'eus pas le temps de beaucoup penser à ce qu'il venait de se passer ni à m'inquiéter pour mon Clamiral gravement blessé dans sa pokéball, car nous ressortîmes, non pas à l'air libre comme je l'espérais (peut-être Zoroark était-il épuisé, ou avait-il mal appris Tunnel dans l'urgence ?) mais dans le premier couloir, entre la première porte où j'avais rencontré les deux gardes et l'escalier menant à la trappe de sortie.
Derrière moi, des éclats de voix lointains me signalèrent que nos ennemis étaient à nos trousses... Me sentant comme Alice poursuivie par la reine de cœur et ses gardes, je me mis à courir à tombeau ouvert dans le long passage, aidée par un Vent arrière bienvenu de Déflaisan, qui de concert avec Fragilady dispersait encore des plumes soporifiques derrière nous.

Je ralentis brusquement, voyant avec horreur une foule de gens courir dans ma direction, mais je fus soulagée en voyant que Zoroark avait trouvé la force de créer encore d'autres illusions pour contribuer à ralentir nos poursuivants. Des copies plus vraies que nature des Champions, du Conseil 4, de Goyah et d'autres dresseurs puissants me traversèrent tels des spectres pour aller à la rencontre du boss et de ses sbires, certains m'adressant même des encouragements, ce dont je fus reconnaissante envers Zoroark, qui semblait au bord de l'épuisement...
Il avait même poussé le réalisme en faisant courir ces illusions au rythme de course que devait avoir chaque original de ces copies, les plus sportifs étant en tête.
Je vis ainsi quelques instants plus tard arriver une copie de Bianca qui était bonne dernière de la course et semblait aussi maladroite que ma véritable amie. Avec un léger sourire, je me remis à courir et me préparais à la traverser elle aussi, quand je me cognai très violemment et tombai sous le choc.


« AIE ! Mais euh Ludvina, qu'est-ce qui te prend ? Je viens t'aider et toi tu me fonces dessus !
- BIANCA ?! C'est vraiment toi ? Mais comment … Que...

J'étais stupéfaite. Bianca, la dernière personne à laquelle j'aurais pensé, avait appris ce qu'il s'était passé et avait volé à mon secours ? Comment donc avait-elle su ?

- Ce... ce sont les Nanméouïe échappés qui t'ont prévenue, c'est ça ?
- Hein ? Des Nanméouïe ? Mais de quoi tu parles, enfin ?

Je fus encore plus ébahie, si cela était possible. Je devais ressembler à un Magicarpe ahuri, avec les yeux ronds et la bouche grande ouverte. Elle était en fait là sans avoir la moindre idée de ce qu'il se passait ?

- Ben, dit-elle très vite et en rougissant, en fait, sachant que tu étais à Janusia, j'étais venue te voir pour t'annoncer que j'avais décidé de devenir l'assistante du professeur Keteleeria, et puis je t'ai vue sortir du centre commercial avec des sacs de vêtements et de maquillage (j'ai pu voir les noms des marques dessus), ce qui m'a semblé très bizarre puisque d'habitude tu détestes faire du shopping...
Alors, ben euh, tu vois, je me suis dit que tu te préparais à un rendez-vous avec un garçon, fit-elle d'une toute petite voix, et j'ai décidé de t'espio... de te suivre pour veiller sur toi au cas où... Et le soir je t'ai suivie de loin (j'ai failli ne pas te reconnaître, je me suis dit oh my Arceus, elle a complètement changé de look pour lui plaire!), je t'ai vue aller vers le pont...
J'ai cru que tu sortais avec un de ces affreux motards, du coup je t'ai cherchée partout aux alentours pour t'obliger à repartir avec moi, et il y a quelques minutes seulement, grâce au flair de Roitiflam, j'ai trouvé cette trappe, je suis descendue et là plein de fantômes bizarres m'ont traversée et...
- Écoute, la coupai-je, préoccupée par mes poursuivants et l'état de Clamiral, il faut sortir d'ici le plus vite possible, d'accord ? Euh, il est furieux que j'aie refusé d'aller plus loin que de simplement boire un verre avec lui et me poursuit avec tous ses amis loubards... Si tes Pokémon pouvaient aider les miens à les ralentir pour couvrir notre fuite... ».


À ma grande exaspération, elle mit quelques temps à se remettre du nouveau choc que mon mensonge lui avait causé, puis elle se reprit et sortit son Mushana.

« Tu vois, dit-elle d'un ton plus sérieux, Tcheren et toi vous avez toujours préféré taper comme des brutes pour gagner vos matchs, mais moi, plutôt que d'envoyer tout le monde et risquer de faire des blessés, je n'appelle que Mushana qui va se charger de les piéger dans des rêves et...
- AH ! La voilà ! Saisissez-vous d'elle ! »


Morte de peur, je vis le boss et ses acolytes arriver à toute allure, essoufflés, leur nombre réduit mais triomphants. Leurs Pokémon lancèrent des attaques rapides sur les miens qui, complètement épuisés, n'eurent pas la force d'esquiver ou d'encaisser et s'évanouirent.
Je m'apprêtais à sortir Zekrom en ultime recours, les risques étant moindres puisque nous étions près de la sortie, mais aussitôt après, une épaisse fumée rose envahit le couloir, et tous les adversaires, humains comme Pokémon, s'effondrèrent.
Bianca, mon amie si maladroite et gaffeuse, et son Mushana, que mes Pokémon avaient toujours vaincu sans aucune difficulté, venaient de tous nous sauver...

Je rappelai mes Pokémon évanouis et tirai Bianca par le bras sans lui laisser le temps de me demander pourquoi nos adversaires n'étaient pas exactement ceux que j'avais annoncés.







Quelques minutes plus tard nous étions enfin à l'air libre. Je sortis enfin l'impressionnant Zekrom et lui demandai de placer un gros rocher qui était non loin de là sur la trappe, espérant qu'il s'agissait bien de la seule sortie, même si cela était peu probable.

Ma Nanméouïe chromatique, qui m'avait attendue, sortit d'un buisson et se précipita vers moi. Les Nanméouïe qui avaient pu la suivre, une petite trentaine, étaient là eux aussi, n'ayant sans doute pas voulu quitter leur sauveuse. Je supposai que la plupart des Nanméouïe, si mal en point, n'avaient même pas eu la force de quitter leurs cages, et me demandai ce qui avait pu arriver à ceux qui m'avaient rejointe dans la bataille de l'arène...

Mais il y avait plus urgent à faire. Je ranimai Déflaisan avec un Rappel max et lui passai autour du corps ma ceinture de pokéballs avant de l'envoyer au Centre Pokémon de Janusia pour que ses camarades, surtout Clamiral auquel j'essayai de penser le moins possible, soient soignés le plus vite possible.

Je me tournai ensuite vers une Bianca déboussolée, et après lui avoir résumé l'histoire en quelques mots, lui demandai de me prêter son Vokkit, puis d'accompagner la horde de Nanméouïe jusqu'au même Centre Pokémon, tout en insistant pour qu'elle ne parle à personne d'autre qu'à l'infirmière Joëlle. Cette fois, elle comprit très vite, et, avec un air grave que je n'avais jamais vu sur son visage, partit aussitôt avec les Pokémon. Elle ressemblait à une bergère menant son troupeau, avec en guise de Ponchiens de berger ses propres Pokémon ainsi que ma Nanméouïe.

Quant à moi, je m'installai sur le dos de Zekrom en lui demandant de m'emmener le plus vite possible à la Ligue Pokémon, et alors que le grand dragon noir décollait dans une pluie d'éclairs, je composai fébrilement un numéro sur le Vokkit de Bianca...