Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Gardiens de l'Harmonie T.1 : La mélodie de vie de Malak



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : Malak - Voir le profil
» Créé le 23/07/2014 à 08:02
» Dernière mise à jour le 03/09/2017 à 17:13

» Mots-clés :   Aventure   Fantastique   Présence de Pokémon inventés   Région inventée   Romance

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 48 : Equilibre
Ad n'avait jamais autant débordé de Don. Le renforcement qu'avait provoqué la Mélodie de Vie, en plus de celui que lui avait donné Madison, faisait qu'Ad pouvait tirer des flèches géantes sans discontinuité tout en dressant une protection de Don pour bloquer les attaques d'Odion. Quant au Prince des Ténèbres, il subissait lui aussi les effets de la Mélodie de Vie. Ses attaques étaient clairement moins puissantes, et celles d'Ad sur lui semblaient plus efficaces.

Pour autant, Ad était loin d'avoir le dessus. Ses flèches pouvaient affaiblir Odion, mais pas le tuer. L'inverse n'était pas vrai, en revanche. Même si son pouvoir de mort avait considérablement diminué, Ad ne tenait pas à se recevoir un rayon sans protection de Don, ou goûter au tranchant de sa faux géante. De plus, les ailes qu'Odion avait reçues de Proscuro lui procuraient un avantage certain niveau déplacement.

Après avoir dispersé une de ses Déferlantes avec un barrage de flèches, Ad fit appel à ses trois Pokemon. Kung-Fufu utilisa Exploforce, Cliticlic Rayon Chargé et Zegrozard Tempête Verte. Ad y ajouta son Don en une flèche qui en rassemblait une dizaine. La fusion de ces quatre attaques fusa sur Odion en déchirant l'air. Le Prince des Ténèbres, d'un air presque méprisant, leva sa main pour stopper cette attaque avec son pouvoir de mort, comme il avait l'habitude... et perdit sa main droite, proprement désintégrée par l'attaque. Odion hurla, plus de stupeur que de douleur. Sa Souillure ayant considérablement baissée avec la Mélodie de Vie, il n'était plus assez puissant pour stopper une attaque de ce niveau avec une telle désinvolture. Sa puissance n'écrasait plus les autres. Il devait se battre sérieusement. C'était assez nouveau pour lui, et terrifiant.

- Tu le paieras, Dialine, maugréa-t-il. Sur ma Mère, tu le paieras !

- Viens.

Odion ne se fit pas prier, et chargea avec sa faux, envoyant des chocs de ténèbres tout autour de lui. Des attaques Vibrobscur, qu'il pouvait utiliser depuis sa fusion avec Proscuro. Ad n'affrontait plus un humain - si tant est qu'Odion eut été humain avant - mais quelque chose qui se situait entre l'humain et le Pokemon. Le corps d'Odion produisait des attaques ténèbres à la chaîne, sans qu'il n'ait besoin de les lancer. On aurait dit une espèce de générateur incontrôlable.

Ad tira une flèche vers les cieux qu'elle garda accrochée à son Don pour s'envoler avec elle. Après avoir écarté les attaques de Kung-Fufu et Zegrozard, Odion la suivit dans les cieux, préparant sa faux, et attendant qu'elle retombe pour la trancher en deux. Mais Ad ne retomba pas. Son fidèle Cliticlic l'avait lui aussi suivie, pour se placer juste sous elle et ainsi la rattraper.

Odion fit tout de même un arc de cercle avec sa faux, qui envoya sur Ad et Cliticlic une volée d'attaques Tranche-Nuit, comme une pluie de flèches noires. Ad se servit de son arc et de ses propres flèches pour contrer chacune d'entre elles. Une seule milliseconde de réflexion lui suffisait pour diriger une flèche où elle le souhaitait. Elle ne commettrait pas d'erreur, alors que le Don débordait de son corps.

Cliticlic fendit la rencontre entre les flèches blanches et les Tranche-Nuit avec une attaque Elecanon. Odion l'esquiva, mais la boule d'énergie électrique modifia sa trajectoire pour le suivre tel un missile à tête chercheuse. La raison en était que Cliticlic, avant de lancer Elecanon, avait utilisé son attaque Verrouillage, lui interdisant toute possibilité d'échec. Comprenant qu'il n'y échapperait pas, Odion se prépara à la détruire, mais il fut gêné par l'attaque Dracochoc de Zegrozard tirée du sol, et ne put empêcher l'Elecanon de l'atteindre.

Il tomba après l'explosion, et Ad sauta de Cliticlic pour le suivre. Elle lui tira deux flèches dessus qui le transpercèrent, mais Odion, bien que paralysé, répliqua d'une seule main en un rayon noir qui toucha Ad au bras gauche. Elle le sentit immédiatement lourd et froid, comme plongé dans la glace. Heureusement, son Don était assez puissant pour retenir la contamination du pouvoir d'Odion dans le reste de son corps.

Avec un seul bras de valide, elle pouvait toujours tirer, mais pas viser, et encore moins retenir une flèche de Don pour être emportée dans son élan. Elle ne pouvait que tomber, et si elle touchait le sol de cette hauteur, Odion n'aurait même pas besoin de l'achever. C'était sans compter sur son fidèle Kung-Fufu, qui sauta assez haut avec ses jambes de lapin pour rebondir sur un immeuble et attraper sa dresseuse au vol avec ses solides et longues oreilles. Odion, lui, était parvenu à se maintenir en vol avec ses ailes noires, mais le choc de l'Elecanon suivi des flèches de Don ne lui permettait pas de profiter de l'occasion pour toucher Kung-Fufu, et dut même à faire à Cliticlic. Il tenta donc autre chose. La puissance du Chaos qu'était la sienne se condensa dans sa faux noire, et ses yeux gris pleins de démence s'écarquillèrent.

- Tu n'échapperas pas à Mère ! Tu lui as trop souvent échappé !

Sa faux s'agrandit alors, de façon exponentielle, ahurissante. De la taille d'un avion, elle alla trancher d'un bout à l'autre l'immeuble à coté d'Odion, qui s'écroula dans la direction d'Ad et de Kung-Fufu. Le Pokemon ne pourrait pas esquiver ça. Ad invoqua donc une grande partie de son Don pour créer une flèche aussi épaisse que longue, qui alla trouer l'immeuble tombant comme du beurre. Ce fut suffisamment calculé pour que Kung-Fufu et Ad puissent passer au travers du trou sans se faire toucher. Mais Ad sentit très vite le contrecoup de cette flèche, qui lui avait coûté beaucoup de Don.

Heureusement, la faux d'Odion retrouva sa taille normale. Lui aussi avait apparemment utilisé une grande partie de sa Souillure. Il hurla de rage en envoyant une pluie d'attaque Vibrobscur. Kung-Fufu fut touché, et Ad s'écrasa au sol avec lui. Le choc fut rude, mais pas autant que si elle était tombée sans que Kung-Fufu ne la rattrape. Mais avant qu'elle n'ait pu se relever, Odion avait déjà mis hors combat Zegrozard et Cliticlic. Quant à Kung-Fufu, qui s'était arrangé pour servir d'amortisseur à sa dresseuse, il était également incapable de se battre. Mais du côté d'Odion, ça n'allait pas mieux. Ayant utilisé trop de la puissance que lui avait donné Proscuro, sa faux disparut en une fumée sombre, de même que ses ailes.

Ils étaient seuls, sans arme, sans Pokemon, avec leur seul pouvoir qui leur restait. Plus d'échappatoire, plus de raison d'éviter la confrontation. Adélie Dialine alla puiser tout au fond de son être pour rassembler tout le Don qui lui restait, son corps luisant de cette lumière divine, porte étendard de l'Harmonie. Alors qu'Odion Glasbael, lui, transforma son corps en véritables ténèbres, le Chaos incarné. Un seul regard entre eux. Ils savaient que c'était la fin, et une espèce de compréhension mutuelle les rassembla. En dépit de leurs corps qui brillaient chacun différemment, ce n'était pas un combat entre Diavil et Archangeos, ce n'était pas une énième confrontation entre le Chaos et l'Harmonie. Non, c'était un combat de deux êtres. C'était un combat entre Ad et Odion. C'était personnel.

Les rayons de Don et de Souillure fusèrent des deux cotés. Leur rencontre provoqua un choc sourd, surnaturel, qui balaya tous les débris à la ronde. Les deux rayons, un blanc, un noir, restèrent équilibrés un certain moment, mais finalement, le destin qui s'était écrit quand Madison avait terminé de chanter se concrétisa. Le Don d'Adélie commença à repousser la Souillure d'Odion, jusqu'à ce que la propre Déferlante de Mort d'Odion ne recule jusqu'à lui. Dans les yeux du Prince des Ténèbres, pas de peur, pas de colère. Juste de l'amour. Il regardait, amoureusement, sa Déferlante revenir jusqu'à lui. Il regardait sa Souillure avancer petit à petit à lui, et venir le serrer contre elle. Il regardait son seul amour, la Mort, qui venait l'emmener avec elle.

- Mère... Oh Mère, tu vas rester toujours avec moi, dis ?

Ce furent ses dernières paroles. Sa Déferlante de Mort l'enveloppa, avec à la fois le Don d'Ad qui le transperça en une image d'une dernière flèche. Odion s'écroula, mort avant d'avoir touché le sol, mais avec un sourire de joie sur son visage, les bras tendus, comme s'il voulait serrer quelqu'un contre lui. Ad tomba à genoux, respirant lourdement. Elle regarda avec détachement le cadavre du Prince des Ténèbres qui était en train d'être consumé par des flammes noires, jusqu'à ce qu'il ne reste que quelques poussières emportées au vent.


***


La disparition d'Odion fut comme un coup de fouet pour Nathan, toujours allongé impuissamment sur le sol de sa propre ville. Il avait senti avec son Don. La Souillure infecte du Prince des Ténèbres avait totalement disparu. Odion était... mort. Nathan n'aurait jamais cru ça possible. Ça avait peut-être un rapport avec cette chanson qui avait résonné dans toute la ville, provoquant des phénomènes incroyables et réhaussant le niveau du Don partout à la ronde.

Nathan n'avait jamais apprécié Odion. Trop instable, trop hautain, trop... fou. Il aurait été ravi de le tuer lui-même s'il l'avait pu. Il n'allait donc sûrement pas pleurer pour lui, mais sa mort sonnait le coup d'arrêt des ambitions de Nathan. C'était un échec total. Lui qui avait réussi à tenir la région entière dans le creux de sa main, lui qui avait commencé à la faire plonger dans un chaos digne du Seigneur Diavil, voilà qu'il perdait tout. Ses Agents du Chaos étaient morts ou bien l'avaient trahi. Les Gardiens étaient victorieux, sa sœur bien vivante, et comble de l'humiliation, il avait été vaincu par sa faible de cousine.

Un fiasco total. Des excuses ne suffiraient certainement pas au Seigneur Diavil. Il valait sans doute mieux pour le moment s'en remettre à la clémence des Gardiens. Ils avaient bien pardonné à Narek, après tout. Nul doute que Adélie aurait tout donné pour le tuer elle-même, mais il y avait leur mère avec eux. Fastia serait plus encline à faire preuve de pitié envers son fils, surtout si Nathan œuvrait pour les manipuler un peu, comme il savait si bien le faire. Oui, il allait faire ça. Tout plutôt que de devoir s'expliquer devant le Seigneur Diavil. Mais à peine eut-il cette idée que l'atmosphère se refroidit d'un coup, et que Nathan sentit une brusque montée du pouvoir de la Souillure. Le temps s'était comme figé, et une ombre qui n'était pas la sienne ne cessait de grandir sur le sol, jusqu'à recouvrir Nathan entier. Ce dernier déglutit difficilement et se mit à gémir.

- S-seigneur... Je suis désolé... Ce n'est pas ma faute, je... Pitié, pardonnez-moi !

La voix cruelle et grave du Maître du Chaos se fit entendre, mais que de Nathan seul.

- Te pardonner ? Le chaos ne pardonne pas, Nathan Dialine. Le chaos n'a que faire des gémissements. Le chaos ne se base que sur la force, pour parvenir à la domination des autres. Il sourit aux vainqueurs, et piétine les vaincus.

- J'ai tant fait pour vous, Seigneur... Je suis votre loyal serviteur...

L'ombre de Diavil éclata de rire.

- Mon loyal serviteur ? Ne t'insulte pas toi-même. Si tu étais vraiment loyal, je n'aurais jamais voulu de toi. Le chaos ne connait pas la loyauté. Le chaos va où il veut selon sa propre volonté. Penses-tu que je ne connaissais rien de tes ambitions secrètes ? Tu m'as volontairement caché ton pouvoir Ultimus. Tu voulais posséder ta propre sœur afin de concevoir un puissant héritier possédant les deux pouvoirs dès la naissance. Tu voulais te servir de lui pour me faire tomber !

- Non ! Protesta Nathan. Jamais ! Je...

- Cesse là tes jérémiades hypocrites. Je t'ai dit que c'est justement ce que je recherchais chez mes Agents du Chaos : l'ambition. Je dois admettre que tes actions dans cette région ont été divertissantes. Et une épine a été ôtée de mon pied. Odion commençait à devenir embarrassant. Je devrais remercier les Gardiens d'avoir su le détruire. Je leur laisse donc cette victoire. Mais le chaos est éternel, et j'ai d'autre Agents, disséminés dans le monde, n'attendant que de le faire régner. Et toi, tu vas m'y aider. J'ai encore besoin de toi.

- Seigneur... Oh, seigneur, merci, merci mille fois !

Diavil éclata une nouvelle fois de rire.

- De quoi me remercies-tu, Nathan ? Tu penses t'en tirer sans punition ? Tu continueras à me servir, mais avant, tu vas comprendre la réelle nature du chaos.

Et alors, tandis que l'ombre gigantesque, avec des cornes et des ailes, s'emparait de Nathan Dialine, ce dernier ne put retenir un tremblement.


***


Ad était de retour auprès de Madison, déjà entourée de Fastia, Balterik, Geran et même d'Archangeos. Vu les mines sombres et désolées, Ad ne se fit aucune illusion. Maître Balterik avait apparemment essayé de la sauver avec sa soie de Don, mais apparemment en vain. Et si même Archangeos n'avait rien fait, c'était qu'il n'y avait rien à faire. Voyant sa fille approcher, Fastia fit signe à tout le monde de les laisser. Ad lui en fut reconnaissante. Elle avait beau avoir gagné, elle ne se sentait pas l'âme victorieuse. Elle se mit à genoux devant sa demi-sœur. Elle était vraiment pâle, mais toujours consciente. Ad lui prit une main glacée et la serra contre elle.

- C'est... fini ?

- Oui, c'est fini, acquiesça Ad. Odion n'est plus. Naya est sauvée. C'est toi qui l'a sauvée. Personne n'aurait pu venir à bout d'Odion sans toi, ni de Nathan aussi.

- C'est ça... Tu veilleras à ce qu'on dresse une statue de moi... en plein milieu de la capitale, plaisanta Madison.

- Tu vas t'en tirer.

Même au son de sa propre voix, Ad jugea son affirmation guère convaincante. Madison ricana douloureusement.

- Tu sais... Je t'ai toujours détesté. J'étais jalouse, je crois.

- J'aurai échangé avec toi quand tu voulais.

- Pas... jalouse de ton nom, de ta renommée ou de... ta richesse, poursuivie Madison. J'étais jalouse parce que... tu te fichais de tout ça. Tu avais de l'argent... à craquer, des parents célèbres, mais... tu n'en avais rien à faire, et tu le montrais. Tu voulais être toi, être libre malgré tout ça. Je trouvais ça... si cool. Je n'aurai jamais... pu faire pareil. J'aime l'argent... la célébrité, tout ces trucs que tu détestais. Et ça me rendait... folle. Tu étais meilleure que moi... en tout.

- Tu as été meilleure que moi cette fois, lui certifia Ad. Un bien meilleur Gardien, une bien meilleure Dialine.

Les yeux voilés de Madison se firent rêveurs.

- Une Dialine... C'est drôle. J'ai longtemps détesté ce nom à travers toi puis Nathan. Je le suis peut-être... dans le sang, mais ce n'est pas mon nom. Mon père et ma mère... ils m'attendent je crois.

Madison semblait voir quelque chose au dessus d'Ad, dans les cieux, visible que d'elle seule. Ad serra fort sa main et la porta à ses lèvres.

- Oui. Va les retrouver... Dis leur merci de ma part.

Le regard vitreux de Madison s'éclaira une dernière fois quand elle croisa celui d'Adélie.

- J'espère... que tu retrouveras ton père... notre père. Il est vivant, j'en suis sûre, je l'ai senti en moi. Au revoir... grande-sœur...

Ad tenait toujours la main de Madison quand celle-ci expira lentement, et la teint longtemps après. Elle avait une violente envie de tout casser, mais ne parvenait pas à pleurer. Avait-elle vraiment conscience de ce qu'elle avait perdu ? Elle s'était réconciliée avec sa cousine, elle s'était trouvée une sœur en elle. Tout cela pour quelques instants seulement. Trop peu pour qu'elle puisse le réaliser. Comme Ad ne bougeait pas de là, sa mère Fastia vint la retrouver. S'il y avait bien une chose qu'Ad ne voulait pas en ce moment, c'était bien le réconfort de sa mère. Pourtant, Fastia Dialine dit quelque chose qui interpella Ad.

- Elle sera enterrée auprès de tes ancêtres Dialine, si tu le désires...

Ad se tourna vers elle.

- Tu savais ?

- Elle me l'a dit pendant que tu combattais Odion, avoua Fastia.

- Je suis désolée, fut tout ce que Ad put dire.

- Tu n'as aucune raison de l'être. Ce n'est en aucun cas ta faute. Ce n'était pas sa faute à elle aussi. Et je ne peux même pas en vouloir à Guben et à Frilvia. Ce doit être quelque chose comme le destin.

- C'était donc son destin de mourir si jeune ?! Se hérissa Ad. D'avoir tant souffert, d'avoir perdu ses parents, et de disparaître après avoir sauvé tout le monde ?! J'en ai assez ! Il me semble que j'ai exterminé la famille de Madison à moi seule ! Pourquoi ? Pourquoi est-ce toujours si cruel ?!

Ad était en train de perdre le contrôle de ses nerfs, elle en avait conscience, et devant sa mère en plus, mais elle ne pouvait s'arrêter. Fastia s'approcha alors et serra sa fille contre elle. Ad fut si surprise qu'elle en oublia momentanément sa colère.

- Tu peux pleurer si tu souffres, ma chérie. Il n'y a pas de honte à extérioriser sa peine. C'est mieux que de la laisser te ronger de l'intérieur.

Ad avait trouvé comme un refuge dans les bras de sa mère, comme quand elle était tout enfant, après s'être blessée en jouant. Il lui semblait que c'était un rempart contre tout ce qui était mauvais, encore aujourd'hui. Alors les larmes vinrent.


***


N'ayant plus un seul Agent du Chaos pour les contrôler, les Inhumains restant se laissèrent tuer avec une facilité déconcertante. Malgré tout, Odipolis était dans un état déplorable, et l'anarchie allait bientôt régner, aussi Maître Balterik prit-il les choses en main. Désireux de se trouver quelqu'un à qui obéir, les militaires se rangèrent facilement de son coté. Le plus urgent pour le moment était d'aider les blessés et les civils. Ensuite viendrait le moment de désigner une nouvelle autorité pour remplacer le Triumvirat. En théorie, c'était au conseil des nobles de régner si tous les membres du Triumvirat étaient empêchés, mais Narek avait bien vite fait savoir qu'il refuserait toute responsabilité politique. Il n'en était pas digne, avait-il dit, et ne le voulait pas.

On comptait les morts par milliers. Ad avait appris douloureusement la disparition de son camarade Spam. Il avait autrefois été son ennemi en tant que Boss de la Team Malware, mais elle avait appris à l'apprécier durant un an. Et elle était désolée pour Spyware, avec qui Spam partageait une relation spéciale. D'ailleurs, Spyware tenait à ce qu'on l'appelle par son prénom maintenant, Noémie. Archangeos fit une petite cérémonie en l'honneur de Spam et de Madison, ce qui toucha Ad, car Madison n'avait pas vraiment été une Gardien de l'Harmonie. Même tante Frilvia y eut droit, en tant qu'alliée des Gardiens.

Malgré les recherches, personne ne parvint à retrouver Nathan. Il semblait s'être volatilisé. Tout comme Ardulio. Si Ad souhaitait retrouver son frère pour le faire payer et le livrer à la justice, elle était toujours intriguée par cet Ardulio, dont l'aura était nimbé de mystère. Pourquoi ce type qui possédait le Don se contentait-il d'aller et venir en l'aidant sans rien dire de lui ou de ses intentions ? Encore une chose qu'Ad devrait découvrir. Mais pour l'instant, elle eut d'autres soucis à gérer. Après les cérémonies aux morts, et alors qu'Odipolis semblait retrouver un semblant d'ordre, Geran vint la retrouver. Ad s'attendait à pouvoir passer un petit moment avec lui de réconfort - ils l'avaient après tout mérité, mais il lui déclara, de but en blanc :

- Je vais rentrer chez moi, Ad. Dans mon époque. Le Seigneur Archangeos a trouvé le moyen de me ramener.

Ad fut momentanément prise de court. Rentrer chez lui... à son époque... Elle mit bien dix secondes à comprendre qu'elle ne le reverrait plus jamais, qu'il la quittait pour toujours. Et alors qu'elle s'était faite à l'idée qu'il ne pourrait jamais rentrer chez lui, qu'il resterait toujours avec elle, ce fut un coup dur. Elle tâcha néanmoins de faire bonne figure.

- C'est... C'est merveilleux Geran ! Tu vas retrouver Amelina. Je suis contente pour toi.

Ses yeux disaient le contraire de sa voix, et Geran n'avait pas besoin du Don pour s'en rendre compte. Ad avait les mains qui tremblaient. Elle n'arrivait pas à concevoir de perdre Geran aussi. Leur histoire... ça n'avait été qu'une petite amourette d'adolescents, un moyen de trouver du réconfort en pleine guerre. Ad savait qu'elle n'était pas, au fond d'elle, réellement amoureuse de Geran. Mais sa présence à ses côtés était devenue quelque chose qui semblait aller de soi, au-delà des frontières d'époques qui les séparaient. Elle ne voulait pas qu'il parte, même si elle avait parfaitement conscience du caractère très égoïste de ses pensées. Comme s'il lisait ses pensées, Geran dit :

- En arrivant à cette époque, j'ai toujours espéré trouver un moyen de repartir. Aujourd'hui, je n'en n'ai plus si envie. J'aurai adoré rester vivre ici, dans cette époque étonnante, avec toi, mais...

- Mais Geran a des devoirs qui l'attendent à son époque, acheva Archangeos qui les avait rejoint. Et il ne saurait y déroger. C'est pour cela que j'ai convaincu Dialga d'ouvrir une Porte du Temps pour lui.

- Bien sûr, fit Ad en faisant mine de comprendre. Alors... tu pars quand ?

- Maintenant.

- Mainte...

Encore un coup dur. Ad avait au moins espéré l'avoir pour elle un jour ou deux, pour des adieux dignes de ce nom. Et par Arceus, pourquoi diable Geran semblait-il soudain si prudent avec elle ? On aurait dit qu'il était gêné, même apeuré par elle. L'idée de retrouver sa fiancée lui avait-il fait comprendre le caractère très peu moral de leur relation ? Ad en fut blessée. Geran avait manifestement envie de partir au plus vite.

- On ne plaisante pas avec la patience de Dialga, expliqua Archangeos. S'il y a bien une chose avec laquelle il ne plaisante pas, c'est le temps. Regardez, la Porte est déjà en train de s'ouvrir.

En effet, au dessus d'eux dans le ciel, il y avait comme une perturbation, un trou aux bords violets qui s'était ouvert.

- Je comprends, dit Ad d'une voix brisée. Eh bien, prends soin de toi, Geran. J'ai été heureuse de te connaître.

Ad commença à s'éloigner, pour que Geran ne voit pas ses larmes. Diable, très émouvants, ces adieux ! Ad ricana pour elle-même. Voilà qu'elle était devenue l'une de ces nunuches sentimentales qu'elle détestait tant. Des garçons, il y en avait plein. Si elle le voulait, elle pourrait en avoir un autre le lendemain. Pas besoin d'en faire tout un cirque. Mais Geran lui prit la main pour la rattraper, et la serra contre elle. Il ne parla pas, et Ad ne tenta pas non plus de se confondre en paroles stupides et gênées. Elle se contenta de profiter de l'étreinte de son ami, tandis que leurs Dons respectifs se mêlaient, dans une harmonie des plus parfaites.

Mais Ad sentit, au bout d'un moment, que Geran était en train de lui échapper. Ses pieds avaient quitté le sol, et il était aspiré par la Porte du Temps au dessus d'eux. Elle ne voulait pas le lâcher. Elle aurait même été capable d'aller avec lui dans son époque, quitte à souffrir de le voir avec une autre femme. Mais Geran lui prit les mains, et desserra ses doigts sur ses poignets doucement. Il dit alors quelque chose à l'oreille d'Ad.

- Si un jour j'ai une fille, je l'appellerai comme toi.

Ce furent les dernières paroles qu'elle entendit de toute sa vie de Geran Glasbael, tandis que le Gardiens de l'Harmonie, son mentor, son frère d'arme, son ami, son amant, monta vers la Porte du Temps pour retourner d'où il venait, laissant là Ad et ses larmes.


***


- Ce fut une bien rude bataille, Seigneur Archangeos, dit Balterik.

Le Pokemon de l'Harmonie acquiesça.

- Mais maintenant, une autre commence pour toi, Président.

Balterik sourit à l'écoute de son nouveau titre. Deux semaines s'étaient écoulées depuis la bataille d'Odipolis. Balterik avait fini par se résoudre à accepter ce que le peuple désirait de lui : qu'il les guide. En tant qu'ancien maître de la ligue et Gardien de l'Harmonie, l'un des leaders de la rébellion, Balterik avait la confiance du peuple. Mais d'autres que lui aussi. Beaucoup d'habitants de Naya s'étaient attendus - ou avaient espéré - que la jeune Adélie Dialine prenne elle-même les rênes du pays à la place de son frère. Elle était une héroïne nationale en plus d'être une Dialine. Mais bien entendu, Ad avait rit de ce souhait en déclarant que les Ramoloss voleront avant qu'elle ne devienne présidente.

Une autre solution aurait été de renommer la mère d'Adélie, Fastia Dialine, qui avait déjà été présidente il y a une quinzaine d'années. Mais Fastia avait aussi refusé. Elle ne voulait plus se consacrer à la politique, surtout depuis les horreurs que son fils avait engendrées. Narek avait alors proposé le nom de Balterik, accordant à son ancien maître son plein et entier soutien. Il avait œuvré avec lui pour dissoudre le conseil des nobles et instaurer un nouveau régime. Désormais, la séparation entre les nobles et les gens du commun avait disparu. La nouvelle Assemblée serait élue démocratiquement, sans que le nom ou les privilèges de telle ou telle famille n'interviennent. C'en était fini du Triumvirat et du règne des grandes familles.

Bien sûr, il n'y avait pas eu grand monde pour s'en plaindre. Ad et Kelifa, les deux nouvelles chefs de famille des Dialine et des Akenvas, avaient approuvé cette décision. Quant à Eléonore Sochenfort, elle était toujours en prison, donc n'avait pas vraiment eu son mot à dire. Quant au reste des nobles, ils avaient été fort compréhensifs après avoir eu l'assurance de Balterik qu'ils ne seraient pas punis pour s'être rangés aux côtés de Nathan à la fin. Ils conservaient leurs richesses et leurs terres, et c'était suffisant pour eux pour qu'ils renoncent à leur pouvoir politique.

Balterik, en devenant Président de la région, avait aussi renoncé à quelque chose. Il avait demandé à Archangeos de lui retirer le Don. Il ne voulait pas être à la fois un Gardien et un chef d'Etat. Pour la symbolique, c'était important. Les Gardiens de l'Harmonie n'étaient pas censés gouverner les autres, juste les protéger. Et puis, son nouveau poste ne lui laisserait sûrement pas le temps d'aller se battre avec Ad et les autres pour apporter l'harmonie dans le monde.

Killian aussi les avait quitté, mais lui avait conservé le Don. Il était parti retrouver ses frères et sa sœur du Groupe Go-rock, pour chanter partout dans le monde les exploits des Gardiens dans la région Naya. Mais il avait bien signalé qu'en cas de pépin, ils pouvaient l'appeler. Avec la mort de Spam et le départ de Geran, les Gardiens de l'Harmonie avaient donc perdu en effectif, et ce malgré l'entrée de Narek. Ils n'étaient plus que cinq, et Kelifa n'était même pas sûre de pouvoir continuer, car elle allait devoir rentrer dans sa région, à Johkan, pour recevoir les ordres de ses supérieurs de la Team Rocket. En nommant Ad chef des Gardiens de l'Harmonie, Archangeos lui avait donc donné pour mission de trouver de possibles candidats. Les Gardiens de l'Harmonie allaient revivre, comme à l'époque de Geran où ils étaient une cinquantaine.

- Même en tant que président, tu continueras d'œuvrer pour l'Harmonie, poursuivit Archangeos. La bataille contre le Chaos n'est pas finie. Elle est éternelle, comme elle l'a toujours été et le sera toujours.

- Ne gagnerons-nous vraiment jamais ?

- Non, et nous ne le devons pas. Le but de l'Harmonie et du Chaos n'est pas de régner, mais de lutter entre eux. C'est de leur lutte que naît ce qu'on nomme l'Equilibre, et c'est cet Equilibre qu'il nous faut rechercher. Un monde de pleine Harmonie serait aussi absurde qu'un monde rongé par le Chaos. Les deux doivent coexister, en conflit éternel, car les êtres sont ainsi fait : un mélange entre chaos et harmonie. Entre moi et Diavil, c'est un cycle sans fin. Odion a quasiment détruit son époque, mais son départ dans le futur va permettre aux survivants de recréer une civilisation paisible et prospère. Dans cette époque ci, le chaos qu'a engendré Nathan Dialine va nous permettre de créer une nouvelle société. Chaos et Harmonie se succèdent, et c'est ainsi que les individus avancent et progressent.

- Mais... si vous en êtes arrivé à cette conclusion, pourquoi vous battez vous contre Diavil ? S'étonna Balterik.

- Parce que Diavil n'accepte pas l'Equilibre, répondit Archangeos. La nature même du chaos est de refuser l'ordre. Lui et ses Agents voudront toujours tenter de régner, sans songer au désastre qu'ils vont causer. Nous nous battons pour les empêcher. Pas pour les vaincre définitivement, car le chaos est aussi éternel qu'indispensable, mais pour les tenir à distance. Nous avons gagné une victoire contre le Chaos. Une ère d'Harmonie va donc débuter. Mais Arceus seul sait combien de temps elle durera. Peut-être dix ans. Peut-être un seul. Inévitablement, le Chaos ressurgira, et nous devrons être prêts à le combattre à nouveau. Telle est la mission éternelle des Gardiens de l'Harmonie !


***


Ad avait abandonné son atelier en désordre pour revenir habiter avec sa mère, dans la demeure familiale des Dialine. Techniquement, c'était sa maison, à présent qu'elle était devenue chef de famille. Elle l'avait toujours détesté, mais elle se rendait compte que cet endroit lui avait manqué. Elle y avait beaucoup de souvenirs, et elle ne voulait plus se couper définitivement de son passé. Ad avait fini par prendre les responsabilités qui lui incombaient. Elle était la dirigeante de la famille désormais, et elle voulait que son nom toujours prestigieux serve à quelque chose. À elle de mener sa maison dans la direction qu'elle voulait. Kelifa avait fait de même avec la sienne en réclamant de droit l'héritage de son père. Même si leur famille n'avait plus de réel pouvoir politique - et c'était tant mieux - elles comptaient toujours beaucoup dans le paysage de Naya.

Par la même, Ad tentait de se réconcilier avec sa mère. Elle était tout ce qui lui restait à présent. Ad avait appris que la famille était plus importante qu'elle ne le pensait. Elle se sentait une espèce de devoir envers Madison. Celui de faire la paix avec cette famille Dialine qu'elle avait longtemps méprisé. Elle n'était pas simplement Ad. Elle était Adélie Dialine, chef des Gardiens de l'Harmonie.

Alors qu'elle aidait sa mère à dépoussiérer les cartons de vieux souvenirs dans l'immense grenier du manoir, elle tomba sur une vieille photo. Les quatre membres de la famille Dialine, devant leur maison. Son père Guben, fier et rayonnant, avait la main sur l'épaule de Fastia, jeune et belle. Et entre eux d'eux, Nathan, qui devait avoir pas plus de dix ans, tenait le bras d'une petite Adélie de quatre ans. Fastia regarda la photo derrière l'épaule de sa fille, et sourit tristement.

- Tu vas le rechercher, hein ? Demanda-t-elle.

- De qui tu parles ? De père ou de Nathan ?

- Des deux, sans doute.

- Je ne pourchasserai pas Nathan. Il a fait son choix avec le Chaos, tout comme j'ai fait le mien avec l'Harmonie. Tant qu'il ne tentera pas à nouveau de provoquer la merde, je le laisserai tranquille. Quant à père... Madison était persuadée qu'il était vivant, et j'aurai tendance à la croire. Je veux savoir pourquoi il nous a quittées, ce qu'il fait. Je veux le revoir.

Fastia hocha la tête. Adélie rangea la photo.

- Enfin, ce n'est pas pour tout de suite, j'imagine.

- Que vas-tu faire alors maintenant ?

- Eh bien, je dois faire ce qu'Archangeos attend de moi. Créer un nouveau groupe de Gardiens, pour servir le nouveau gouvernement de Balterik. Mais avant, je pense que je vais accompagner Kelifa à Johkan. Il faut que je remercie directement cet Agent 007 qui nous a financé, et probablement que je rencontre la nouvelle dirigeante de la Team Rocket, cette Lady Venamia. Selon Kelifa, il se passe du vilain là-bas, et après tout, les Gardiens de l'Harmonie ne sont pas cantonnés à Naya. Notre terrain d'opération, c'est le monde entier.

Fastia sourit, et attira tendrement sa fille contre elle. Si Ad n'était pas familière des étreintes, elle se laissa faire. Après tout, Fastia Dialine n'avait jamais été ce genre de femme démonstrative non plus, et Ad tenait vraiment à renouer des liens avec elle.

- Je suis si fière de toi, Adélie. Je l'ai toujours été, même quand tu as été t'installer dans ton atelier puant pour construire tes machines. Dès que tu es née, j'ai su que tu serais promise à un grand destin. Ton père aussi. C'est pour cela qu'on a choisi pour toi le nom de la fondatrice de notre famille.

C'est vrai. Ad se souvenait que celle qui avait fondé la famille Dialine, il y a plus de quatre siècles, se nommait Adélie. Elle avait toujours trouvé ça bizarre, car Adélie n'était pas vraiment un prénom si vieux que ça. Et c'est alors, dans un flash, qu'elle réentendit les dernières paroles de Geran à son égard, et elle sut.
Si un jour j'ai une fille, je l'appellerai comme toi.

C'était drôle comment quelque chose de si évident pouvait mettre très longtemps avant d'être compris. La réponse à de nombreuses interrogations tomba sur la tête d'Adélie comme une brique. Pourquoi, depuis des générations, les membres de sa famille avaient le Don dès la naissance. Pourquoi son père avait été le gardien des paroles de la Mélodie de Vie et de la clé du Grand Orgue. Pourquoi il connaissait la musique de la Mélodie de Vie et lui avait souvent chanté. Pourquoi Amelina, la fiancée de Geran, chantait elle aussi cette chanson. Et pourquoi son Don était si similaire à celui de Geran. Ad éclata de rire, et Fastia la regarda comme si elle était folle.

- Qu'est-ce qui te prends ?

- Oh, rien. Je viens juste de me rendre compte que mon premier petit-copain était en fait mon arrière-arrière-arrière-arrière grand-père.





*****

L'aventure des Gardiens de l'Harmonie continuera dans
LES GARDIENS DE L'HARMONIE T.2 :
Le Bouffon Noir