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Les Héritiers du Nexirys - Tome I : Black Future de Ayumi-san



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Informations

» Auteur : Ayumi-san - Voir le profil
» Créé le 29/09/2013 à 20:55
» Dernière mise à jour le 09/10/2013 à 15:41

» Mots-clés :   Aventure   Fantastique   Présence d'armes   Présence de poké-humains   Région inventée

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Chapitre VIII : Prise de conscience
____Dans l'ombre du tunnel rocheux, la flamme brûlante de Typhlosion déchirait toujours les ténèbres, vacillant sur la voûte d'une lumière dorée mais restreinte.
_Adossée à la paroi, le dos contre la roche froide, Riolu grignotait sans grande conviction un morceau de Baie, les yeux dans le vague. L'autre Pokémon, ayant accepté l'offre de la petite louve, en faisait tout autant, les paupières plissées et visiblement anxieux. De sa patte libre, il faisait rouler deux sphères bleues les unes contre les autres ; de la taille d'une petite balle de golf, elles émettaient un son discret et cristallin à chaque heurt.
_Riolu avala la dernière bouchée avec difficulté et tourna mollement la tête vers l'inconnu. Après un temps, ce dernier interrompit sa manœuvre. Leurs regards se croisèrent.
_Le Pokémon Volcan referma les doigts sur l'une des billes et admira la deuxième dont la couleur cyan ne parvenait pas à rivaliser avec celle de ses yeux.
_Lorsqu'il prit la parole, la louve bleue sût qu'il s'adressait directement à elle.

___Je ne te force à rien, mais tu peux toujours changer d'avis.
___Je sais, répondit-elle en se relevant.

_Elle épousseta ses bras, passa le revers de sa patte sur sa bouche et repassa le sac autour de son épaule en silence, le corps écrasé de fatigue. Ses paupières alourdies se fermaient parfois toutes seules et elle devait se faire violence pour rester éveillée malgré l'inquiétude pour Diana qui la rongeait.
_Typhlosion avait rangé ses Orbes dans un repli de fourrure, un peu au dessus de sa collerette. Lui aussi semblait fatigué, bien qu'il tentât tout pour le masquer.
_Comme si elle venait d'entretenir une discussion avec elle-même, Riolu reprit la parole, la voix réduite à un murmure rauque.

___Je ne peux pas changer d'avis...
___Préviens-moi dans le cas contraire, acheva simplement le Pokémon Feu en haussant les épaules, un sourire aux lèvres.

_Il ne put s'empêcher de penser au courage et à la persévérance de la jeune créature. Elle tenterait tout pour retrouver cette amie, quitte à refuser le précieux Échaporbe qu'il lui avait proposé et qui aurait pu lui permettre de rejoindre la sortie en moins de cinq secondes.

_« ... Non, je suppose que c'est une réaction normale. » se morigéna-t-il.

_Il reprit son chemin, toujours suivi de près par l'adolescente qui désormais, était plongée dans un état de réflexion intense.


___Voilà, je pense qu'on y est presque.

_Le Typhlosion s'était arrêté et regardait maintenant Riolu, le visage baigné dans l'or de sa collerette. La jeune louve frotta ses yeux brillant de fatigue et leva la tête vers son interlocuteur. Sa frimousse d'enfant avait pâli et s'était creusée de cernes discrètes qui la vieillissait d'un ans ou deux.

___Pardon, qu'est-ce que vous avez dis ? lâcha-t-elle en retenant un bâillement.
___Je disais que je m'arrête-là.

_La créature bleue sursauta et une ombre de panique voila aussitôt ses yeux verts.
_Pour toute justification, le Pokémon Volcan se tourna vers la gueule sombre du tunnel qui lui faisait face et la désigna du menton.

___Si je me fie à ce que tu as raconté et aux différentes directions qu'on a emprunté, alors je peux t'affirmer qu'on est bien remonté. Je crois même...

_Il se concentra un instant et huma profondément l'air confiné, parfaitement immobile.

___Oui, je suis même sûr que c'est le même tunnel que tu sillonnais et qui abrite le Piège Trappe par lequel tu es tombée.

_À ces mots, une étincelle flotta dans son regard et, d'un geste lent, il porta sa patte à sa nuque. Il en sortit une des deux sphères et formula un mot. Au creux de sa paume, le Désarmorbe s'enclencha : un reflet parcourut sa surface polie et il se mit à enfler jusqu'à prendre la taille d'une orange.
_Le Pokémon Feu eut juste à le détruire entre ses deux poings et une série de cliquetis retentirent un peu partout dans le conduit, puis le silence lourd retomba.

___Voilà, comme ça tu ne risques pas de refaire une mauvaise rencontre, dit-il avec son éternel sourire.
___M-merci... articula Riolu en s'avançant à sa hauteur, les yeux rivés sur les ténèbres.

_L'enfant n'en revenait pas. Après avoir cheminé pendant plusieurs heures aux côtés de ce parfait inconnu, traversant des salles immenses, rampant dans des trous à peine plus grands qu'elle, contrainte de rebrousser chemin à chaque fois qu'une galerie était trop endommagée par le temps, elle pouvait enfin voir la fin de ce cauchemar. Elle était abattue et épuisée. Vidée mentalement et physiquement, mais désormais, une boule chaude palpitait au creux de sa poitrine et cela lui procurait un bien fou.
_La gorge nouée et les prunelles luisantes, elle se tourna vers le Typhlosion et, à l'étonnement de ce dernier, lui fit bien face, plongeant ses yeux dans les siens.

___Merci... Merci, merci, je...

_Elle ravala ses larmes ; hors de question de craquer maintenant alors qu'elle n'était pas sûre que Diana allait bien. Si le lien imaginaire qui connectait leurs deux coeurs semblait toujours présent, rien n'était joué d'avance.

___Je ne sais pas... comment vous remercier...
___Pas la peine, fit le Pokémon Feu en haussant les épaules pour cacher sa gène, même si son sourire l'avait déjà trahi depuis un moment.

_Un silence embarrassé s'en suivi puis Riolu finit par se détourner, ne tenant plus en place, comme si sa fatigue s'était en partie envolée avec cette annonce inespérée.
_Elle n'eut pas le temps de faire un pas que le Typhlosion la retint par la patte et y glissa un petit objet rond. En ouvrant les doigts, la jeune louve vit une bille azurée luire au creux de sa paume.
_Elle leva un regard touché vers son interlocuteur.

___Pour être sûr, se justifia-il. Quand tu auras retrouvé la personne que tu cherches, fais comme moi tout à l'heure : active-le de vive voix et, quand c'est fait, détruit-le. C'est tout.

_Riolu hocha la tête et enfonça la bille dans son sac. Elle lança un regard débordant de reconnaissance à son aîné auquel suivi un sourire adorable bien que fatigué. Elle s'élança en courant droit devant elle et les ténèbres se refermèrent sur sa silhouette mince.
_Derrière, toujours entouré de sa lumière vacillante, le Typhlosion eut un sourire soulagé mais empreint d'une certaine peine.
_Il se détourna, le cœur empli d'estime pour l'enfant avec l'impression d'avoir eut droit à une bonne leçon du destin.


_Les vaguelettes bleutées du lac souterrain clapotaient paresseusement contre les berges de pierre lisse. De part et d'autre du bassin, les stalactites rocheux perçaient la surface ondoyante en s'élevant fièrement vers la voûte plongée dans l'obscurité comme autant de lames polies implorant le ciel. Les reflets mouvants de l'eau dansaient sur les parois de la grande salle, brillant dans l'ombre d'une lumière de veilleuse. L'air était frais et humide, le silence quasi-total.
_Diana laissa son regard errer encore un instant sur les murs et le plafond, immergée dans une torpeur agréable, avant de cligner des yeux.
_Elle inspira profondément et attendit de reprendre un minimum conscience, puis se redressa en position assise.
_Sa tête ne la faisait plus souffrir et la douleur qu'elle avait ressentit lors de sa chute avait pour ainsi dire disparu. Seule demeurait la fatigue, lourde et implacable, qui éveillait en elle une sorte de lassitude, une envie d'arrêter tout autour d'elle le temps de se reposer.
_Après un moment, elle tourna indolemment la tête à droite, à l'endroit où le combat contre les Nosferalto s'était déroulé. Son cœur rata un battement.
_Pendant un instant, elle crut qu'elle rêvait encore et, d'un pas chancelant, se dirigea vers l'orifice ténébreux du tunnel. Non, pas d'erreur possible : ils avaient bel et bien disparus. Il ne restait aucune trace des chauve-souris enragées.
_Pire encore, il ne restait aucune trace d'elle.
_Elle avait beau la chercher du regard, s'essouffler à essayer de capter son odeur, rien ne laissait penser que Riolu avait déjà mis les pattes ici.

_« Mais ça voudrait dire que... »

_Perdue, elle ferma un instant les yeux et des lambeaux de son précédent songe lui revinrent aussitôt en mémoire. L'océan de brume. La forêt bleue. la Lune, Cresselia, la chute...

_« ... que tout n'a été qu'un... rêve ? »

___Oh, je ne dirais pas ça, moi...

_Diana fit un bond spectaculaire. Ses prunelles écarlates parcoururent aussitôt l'intégralité de la salle souterraine alors qu'elle tentait d'étouffer au mieux sa respiration par mesure de prudence. Mais le silence était retombé.
_Puis elle comprit que la voix avait résonné directement dans sa tête et écarquilla les yeux.

___... Cresselia ? murmura-t-elle tout haut.
___C'est bien moi, répondit la divinité par la pensée.

_La jeune louve se campa sur ses quatre pattes alors qu'un torrent glacé la pétrifiait sur place.

___Oh putain ! Oh puTAIN ! C'est quoi ce bordel ! s'affola-t-elle en se tenant les tempes à deux pattes. Qu'est-ce que...! Pourquoi je... ?!
___Tu avais dis que tu étais prête, expliqua calmement Cresselia dans son esprit.
___Ah non ! Non, non, non, non ! J'ai dis que j'étais prête à me confronter à la réalité, pas à ça !
___Mais je t'assure que tu es partie pour.

_La jeune louve, hébétée, s'assit lentement, le cœur battant si vite qu'elle en avait presque la nausée. Donc elle n'avait pas rêvé. Cresselia lui était bel et bien apparue alors qu'elle dormait et maintenant, c'est jusque dans sa propre mémoire qu'elle entendait sa voix.

___Je n'ai pas rêvé. Je n'ai pas... (Elle se figea.) Cresselia, est-ce que tu sais où sont les Nosferalto que je combattais avant que tu m'endormes ? Est-ce que tu sais...
___Je m'en suis chargé à ta place, coupa la divinité avec un soupçon de fierté dans la voix. J'ai juste eu à... Diana ? Qu'est-ce qu'il y a ?

_La jeune louve resta muette, la gorge trop nouée pour prononcer un mot. Une pointe d'angoisse et d'incompréhension lui traversa la poitrine et elle se mordit la lèvre inférieure.

___Est-ce que tu sais... où est mon amie...

_Il eut un long silence, puis la voix de Cresselia s'éleva de nouveau, calme et posée.

___Je ne sais pas, mais je suis sûre d'une chose, il n'y avait rien d'autre que des Nosferalto quand je suis intervenue. Je te le jure.

_Diana hocha lentement la tête en se forçant à respirer profondément ; pour l'instant, rien n'était perdu.


_Là... il lui sembla apercevoir une pointe de lumière, loin devant elle. Son cœur accéléra encore, sa course aussi.
Vite, vite...


___Comment se fait-il que tu sois dans ma tête ? questionna Diana qui, à la demande de Cresselia, s'était allongée au bord du lac en attendant de se calmer.
___Oh, mais je ne suis pas vraiment dans ta tête.
___Pardon ?
___Devant toi, à tes pieds.

_La louve des ténèbres se releva, le visage face au miroir translucide, et son regard fut attiré par une étincelle au fond du lac. Elle plissa les yeux en s'avançant de quelques pas, méfiante. Lâcha un murmure de stupeur.
_Dans l'eau, sans-doute apparu alors qu'elle était en état de léthargie, un objet à l'aspect recourbé brillait d'un éclat vert et doré presque irréel tant il paraissait pur. Au centre, un brin ivoire cerclé d'un duvet tout aussi blanc aux reflets rosés traversait la plume dans la longueur. La surface polie, pareille à un miroir, renvoyait le regard émerveillé de Diana.

___C'est...
___La Lun'Aile, oui. Tu en as la charge, désormais, confirma Cresselia de but en blanc.

_Sans demander plus d'explications, sans prononcer un mot, la jeune louve saisit délicatement l'Artefact. Ce dernier était incroyablement léger et semblait pouvoir se briser au moindre geste brusque.

___Non, la Plume Lune ne peut pas être détruite. Tu dois juste veiller à ne pas l'égarer.
___Alors... Tu es... là-dedans ?
___En partie, seulement, répondit la créature divine. Je ne suis plus qu'une âme. Nous sommes liée de cette façon.
___Ah... Eh bien, je suppose... Enfin, l'âme est plus importante qu'autre chose, non...? hésita la louve blanche, complètement désorientée.
___Au moins, Il ne s'est pas trompé, murmura son interlocutrice après un temps, un sourire dans la voix.

_Un silence gêné s'en suivi, puis l'Absol reprit la parole, hésitante.

___On va me prendre pour... une espèce de... malade mentale, fit-elle avec un petit rire embarrassé.
___Tu parleras dans ta tête, je te comprends tout aussi bien.
___Et est-ce que...

_La jeune louve se figea et tendit l'oreille : quelque part dans la grotte venait de résonner un bruit lointain. Non... résonnait toujours.
_Elle se redressa, le cœur battant, et fit face au tunnel noir vide du moindre ennemis. Sa corne demeurait silencieuse, aucune pulsion ne la mettait en garde contre un quelconque danger.
_Le bruit se fit plus distinct. Diana plissa les yeux.
_Les secondes s'écoulèrent lentement, rythmées par le bruit régulier d'une course résonnant dans l'ombre.
_Lorsque enfin la créature émergea des ténèbres, son hurlement déchirant explosa sous les voûtes rocheuses.


___Dianaaa !!

_La louve blanche n'eut pas le temps d'identifier la créature qui courait dans sa direction. N'en eut pas besoin. En moins d'une seconde, Riolu se jeta sur elle en criant et agrippa de toutes ses forces la fourrure de son amie.
_Diana n'en croyait pas ses yeux, la réalité avait un mal fou à s'imposer à elle.

___Tu vois, je te l'avais bien dis... fit la voix de Cresselia dans son esprit avant de se retirer, laissant aux deux amies le temps de se retrouver.

_À présent, Riolu lâchait de grosse larmes qui roulaient sur ses joues en mouillant le cou duveteux de l'Absol, incapable de s'arrêter, étouffée par l'émotion et le soulagement.

___Je suis tellement soulagée, je... je... balbutiait-elle en reniflant.

_Diana, elle, n'en menait pas large : elle essayait au maximum de ravaler ses pleurs mais maintenant que l'attente était terminée et que Riolu était finalement sauve, elle retenait difficilement cette boule coincée dans sa gorge.
_Alors, sans réfléchir, elle referma ses pattes avants autour du corps fin de sa cadette qui lui rendit aussitôt son étreinte. Les deux adolescentes restèrent ainsi un long moment, serrées dans les bras de l'autre. Au dessus d'elles, les ondulations fascinantes du lac reflétaient toujours sur les roches la couleur bleutée de l'eau. Le silence était retombé, uniquement entrecoupé des reniflements de la plus jeune qui gardait le visage lové dans la fourrure ivoire de Diana
_Après un instant, cette dernière se dégagea doucement et saisit la tête de son amie avec délicatesse. Elle plongea ses yeux écarlates dans les siens et Riolu la regarda sans bouger, la mine innocente. Puis la louve des ténèbres sourit et de nouvelles larmes remplirent les prunelles de jade de l'enfant. Diana l'attira à nouveau à elle en caressant lentement le haut de son dos, toujours sans prononcer un mot.
_Au terme d'un long moment, Riolu finit par s'arrêter de pleurer. Seuls les hoquets qu'elle lâchait de temps à autre troublait le calme enveloppant la salle souterraine. Aucune des deux ne voulait lâcher l'autre, trop hébétée, voulant faire durer cet instant. De longues minutes s'écoulèrent encore.
_Pendant un instant, Diana crut que l'enfant s'était endormie mais cette dernière remua dans ses bras et la louve blanche la libéra de son étreinte.

___J'ai eu tellement peur, murmura la Pokémon Émanation en se frottant la truffe, la gorge encore remplie de larmes.
___Non, c'est moi qui aurait dû prévoir que rien ne se passerait comme prévu. Je, euh... je...

_Il y eut un silence.

___Je suis... euh... désolée...

_À ces mots, Riolu renifla et leva son visage creusé vers son amie, les yeux rougis.

___Qu'est-ce qu'il s'est passé, Diana ?
___Comment ça ? répondit cette dernière en feignant à merveille la surprise.
___C'est une des premières fois que tu t'excuses sans broncher. C'est... étrange...
___Elle est perspicace.

_« Très. »

___Je... (La louve blanche hésita.) J'ai... hum...
___Dis-lui.

_« Pourquoi je le ferais ? »

___Parce que c'est ton amie. Et qu'elle a aussi un rôle à jouer dans tout ça.
___J'ai... quelque chose à te montrer, avoua finalement la louve des ténèbres.

_Riolu lui lança un regard interrogatif.
_Pour toute réponse, Diana enfouit sa patte dans la fourure abondante de son cou et en ressortit la Plume Lune qui luisait toujours de sa douce lumière. Riolu, elle, avait sursauté.

___La Lun'Aile... lâcha-t-elle en reconnaissant immédiatement l'objet en question, émerveillée. (Elle plongea son regard dans celui de son amie.) C'est... C'est incroyable ! Mais ça veut dire que... dedans, c'est...
___Cresselia. Elle m'est apparue en rêve, et maintenant, je suis en contact permanent avec elle, nous sommes... liées par l'esprit, en quelques sortes, résuma rapidement l'aînée.
___Waouh..., souffla l'enfant en dévisageant son amie, les yeux brillants.

_Diana paraissait décontenancée.

_« Je ne pensais pas qu'elle réagirais aussi bien. »

___Arrête de penser que les gens vont te blâmer pour la moindre chose. Ou tu le regretteras toujours.
___Et tu es capable... de l'entendre ?
___Oui, ça marche dans les deux sens. Elle voit aussi ce que moi je vois... enfin je crois.
___C'est ça.

_Un long silence s'en suivit. Aucune conversation ne prit de nouveau forme.
_Riolu lâcha un bâillement et frotta ses yeux encore humides.

___Je pense qu'il est temps de rentrer, fit Diana, le visage et les membres écrasés par la fatigue et les événements de la journée qui désormais, lui semblait avoir duré des lustres.
___Je suis d'accord... répliqua mollement l'enfant en enfonçant sa patte dans la besace.

_Elle en ressortit une petite bille azurée et luisante et la fit jouer un instant dans sa paume alors que Diana dévisageait la jeune Pokémon.

___Un cadeau, expliqua l'enfant, répondant à la question muette de son amie.

_Elle referma les doigts sur l'objet en question, le regard dans le vague comme si elle pensait à quelque chose ou quelqu'un en particulier. Elle l'approcha de sa bouche, les yeux clos.

___Échaporbe, activation, murmura-t-elle.

_La sphère s'exécuta en émettant une douce lumière.

___Toi, tu as intérêt à tout me raconter, souffla Diana avec un sourire dans la voix.
___Promis, répondit Riolu sur le même ton en glissant sa patte dans celle de son amie.

_D'un geste vif et calculé, l'enfant écrasa l'Orbe contre son genoux plié. Un halo bleuté s'alluma aussitôt et enveloppa les deux amies. En moins d'une seconde, elles furent happée par une colonne lumineuse.
_Elles disparurent, ne laissant derrière elles que la clarté mystique du lac dont le miroir aux tons nacrés frémit soudainement avant de se rendormir pour toujours.


_Les innombrables étoiles suspendues à la voûte céleste commençaient tout juste à s'éteindre, point par point, et vidaient peu à peu le ciel nocturne. Lui-même commençait déjà à pâlir, loin à l'Est, comme si un doigt imaginaire s'était mis en tête de tirer vers lui le voile sombre de la nuit. L'air ambiant était glacé et il montaient des racines entrelacées et des troncs moussus les premières écharpes blanches de la brume matinale. Sous les rayons clairs de la Lune, les gouttes de rosées déposées précocement sur les feuilles de la litière et les ronces scintillaient doucement. Cresselia avait raison : l'aube serait bientôt là, il fallait faire vite.
_Cependant, c'est d'un pas lourd de fatigue que les deux amies progressaient dans le noir encore bien présent, s'empêtrant parfois entre les arcs épineux des plantes. Elles devaient veiller à ne pas semer de touffes de poils sur les petites griffes végétales, surtout Diana dont l'important pelage étaient devenu humide au contact de l'air. La louve des ténèbres n'avait pu se résoudre à porter sa cadette, elle-même si éreintée qu'un simple pas de travers aurait suffit à la mettre à terre. Mais il fallait avouer que depuis qu'elles avaient quitté la grotte, les deux créatures ne ressentait plus du tout les ondes qui les avaient assaillies plus tôt dans la journée. De ce fait, elles avaient l'impression de pouvoir de nouveau respirer, même si rester en contact aussi longtemps avec ces vagues d'énergie les y avait presque habitué. Jamais les piaillements de la nuit ne leurs avaient parut plus enchanteurs.
_D'un bond souple, Diana traversa un bosquet couvert de mousse givrée et atterrit environ un mètre plus bas. Ses griffes disparurent sous le sol spongieux et elle fit une petite grimace.

___Fais attention, prévint-elle en tournant vers Riolu. C'est humide.
___D'accord, répondit cette dernière en entamant précautionneusement sa descente, s'accrochant aux racines pour limiter les risques.

_Quelques secondes après, elle était en bas, face à Diana qui remuait ses pattes pour en détacher les feuilles collées par la boue.
_L'enfant se frictionna les bras en fermant les yeux, le sac toujours pendu à son épaule mais désormais allégé de la moitié de son contenu.

___Je jure, fit-elle en faisant face à son amie, que dès qu'on rentre, je m'étale sur ma natte et je dors jusqu'au zénith, même plus.
___Mmh... bonne idée, souffla Diana entre deux bâillements. Seulement, on ne va jamais nous laisser paresser alors que les autres participeront aux tâches habituelles.

_Riolu acquiesça lentement et un silence s'en suivi, brisé déci delà par les divers bruits nocturnes de la forêt endormie.
_Puis sa voix s'éleva de nouveau, plus grave.

___Et, euh... qu'est-ce que tu vas faire pour...?
___Cresselia ? Aucune idée. Elle dit que je vais finir par tout comprendre même si pour l'instant, je dois dire que je ne sais absolument pas ce que je dois faire.
___C'est marrant, t'as pas l'air si troublée d'avoir quelqu'un d'autre dans ta tête, qui plus est une divinité, fit-elle remarquer avec un sourire bête.
___Je n'aime pas m'apitoyer sur mon sors, je préfère attendre calmement et voir ce qui va se présenter.
___Menteuse...

_Diana eut un petit rictus et se détourna sans prendre la peine de répondre à la remarque mentale de la créature lunaire.

___En tout cas, pour l'instant, le plus important est d'arriver au village sans ennuis et surtout, d'y entrer discrètement. On ne doit en aucun cas se faire r–
___Remarquer ?

_Les deux amies sursautèrent et se figèrent. La respiration soudainement étouffée, elles dardèrent des yeux écarquillés sur les ténèbres des bois.
_Après un instant, les fourrées devant elles remuèrent et une silhouette émergea des buissons, l'allure chancelante et lourde. Sa fourrure neigeuse accrocha l'éclat blafard de la Lune et sur son visage, le morceau de glace qui entamait à peine sa fonte reluit d'une lumière spectrale
_Diana se pétrifia et Riolu, qui s'était rapprochée de son aînée, plaqua sa patte sur sa bouche.

___Oups...
___Oh putain...

_Polagriffe fit face aux deux fugitives, le regard empli de colère.

___Si c'est bien cela, je vous rassure : c'est déjà fait.


_Pendant plusieurs secondes, aucune des deux amies n'osa bouger, toutes deux trop pétrifiées par l'expression sombre de l'ours polaire qui conservait ses yeux plissés en deux lames d'ardoises. Ce dernier leva la tête ; son regard s'arrêta à peine à la hauteur de Riolu mais s'attarda sur Diana qui eut un frisson imperceptible. Il fit un pas vers elle, sa patte griffue s'éleva en silence.
_Il la gifla si fort que le claquement vif qui résonna entre les troncs endormis fit taire d'un coup les bruits grouillants de la forêt ; ils reprirent à peine quelques secondes plus tard.
_Sous la force du coup, la louve des ténèbres avait chancelé, hébétée et ahurie, alors que Riolu poussait un petit cri indigné. Le regard acéré de Polagriffe la réduit au silence. Lorsqu'il reprit la parole, sa voix était vibrante d'une colère contenue.

___Mais qu'est-ce qui a bien pu vous passer par la tête, au nom d'Arceus ?! Partir du village en pleine nuit, et sur le territoire inconnu, qui plus est ! Vous voulez être attaquées, c'est ça ? Mourir comme ça, de cette façon ?

_Malgré le calme dont l'ours avait toujours fait preuve au sein du clan, il parvenait difficilement à se calmer. Diana, qui s'était relevée, le transperçait du regard, les yeux larmoyants de rage. Elle avait plaqué ses deux pattes sur sa joue qui l'élançait, lui envoyant des vagues cuisantes faisant naître chez elle une honte brûlante. Elle gardait ses pupilles fulminantes verrouillées dans celles de Polagriffe qui adoptait une attitude froide.

___Qu'est-ce qui t'as pris de t'en aller comme une voleuse, Diana ? D'encourager Riolu à prendre part à tes entorses aux lois du clan ?
___C'est pas elle qui–, commença l'enfant.
___Et toi, jeune fille, la suivre impunément en sachant très bien que ce que tu faisais était mal ?

_La louve bleue inclina le visage vers le bas en se mordillant discrètement la lèvre inférieure pour s'empêcher de craquer : elles venaient toutes deux de se retrouver, échappant de peu à de gros problèmes, et voilà qu'on les blâmait presque d'être encore en vie.
_Dans la clarté blafarde des étoiles, le vieil ours eut un soupir las.

___Et comment êtes-vous entrées ?

_Riolu sursauta alors que Diana relevait subitement la tête.

___P-pardon ? fit la plus grande des deux.
___Je suppose que vous étiez à la grotte, n'est-ce pas ? Vous avez forcément trouvé le moyen d'y entrer par l'ouverture la plus proche, sachant que la deuxième est à plusieurs kilomètres au nord d'ici et que vous venez de l'Ouest, il me semble.

_Les deux amies se regardèrent et, d'un commun accord, Riolu finit par répondre :

___Euh... Diana... et moi aussi d'ailleurs, on a, euh... on a détruit l'entrée...

_Polagriffe lâcha un second soupir et ferma les yeux. Lorsqu'il les rouvrit, une lueur nouvelle y brillait, un éclat fatigué.

___C'est tout ce que vous avez à me dire ?

_Dans les fourrées, quelque chose remua soudainement. Diana et Riolu sursautèrent d'un même mouvement et lancèrent un regard nerveux à l'ours polaire qui n'avait pas bougé, l'expression calme et imperturbable. Après quelques secondes, la forme émergea de l'ombre et s'avança vers le doyen, ses beaux yeux rouges ne trahissant aucune émotion.

___Earl, souffla Diana en reconnaissant le chasseur. Mais alors, ça veut dire que...?

_Polagriffe eut un sourire ironique.

___Ha ! Parce que croyiez sincèrement avoir réussi à quitter le village sans vous faire remarquer ? (Il fit un mouvement de menton vers le jeune Absol qui demeurait silencieux.) J'ai demandé à Earl – qui était le Guetteur chargé de la lisière Ouest pour cette nuit, je rappelle – de me prévenir dès qu'il vous verrait sortir.
___Je ne comprends plus rien, là, avoua Riolu. Ça veut dire que vous saviez qu'on allait s'éclipser cette nuit ?
___Évidement, ça ne pouvait pas se passer autrement. Je suppose que vous avez beaucoup de choses à me raconter, surtout l'une d'entre-vous en particulier. Alors ?

_Diana et son amie échangèrent un regard peu certain. Comme à son habitude, la louve blanche décida de jouer la carte de l'ignorance.

___Je... Enfin on ne comprend p–
___Cresselia. Vous l'avez rencontré, n'est-ce pas ? Inutile de me prendre pour un Laporeille de trois semaines*, j'ai quand même assez vécu pour savoir que les astres ne trompent pas.
___Les astres ?

_Le vieil ours leva son regard sage vers le ciel nocturne et ses yeux s'attardèrent un long moment sur la Lune ronde et blanche qui caressait la cime des sapins de sa douce lumière fraîche.

___Elle n'a jamais été aussi belle. Ce genre de chose se ressent facilement pour ceux qui y prêtent un peu d'attention.

_La louve des ténèbres baissa la tête. À ses pattes, le givre des feuilles glacées de la litière luisaient doucement. Earl, en bon Pokémon, s'était assis légèrement en retrait et écoutait la conversation sans intervenir, visiblement pas surpris pour un sou de ce qui se jouait en ce moment.

___Et donc, qu'est-ce que je suis censée faire ? questionna Diana en regardant de nouveau Polagriffe.
___Ah... (Ce dernier riva ses yeux d'ardoise dans ceux de son interlocutrice). Alors c'est toi... Pourquoi ça ne m'étonne pas ?

_Il y eut un bref silence.

___Ce qui est étrange c'est qu'elle ne t'ai rien dit...
___Elle n'a pas voulu. Elle disait que je le saurait bien assez tôt. Je crois... (Son regard se voila un instant, puis elle se reprit.) Je crois que vous pouvez m'aider...

_L'ours polaire ferma les yeux. Sur son visage, la glace incrustée dans son pelage, avec l'arrivée très récente du printemps, commençait tout juste à fondre. Il prit une inspiration alors que Earl s'avançait vers Riolu qui, malgré elle, se laissait peu à peu vaincre par le sommeil. Par mesure de prudence, le loup blanc s'assit aux côté de l'enfant, prévenant ainsi les risques si elle s'effondrait d'épuisement.
_Le silence durant un long moment. Le calme était omniprésent mais Diana ne pouvait empêcher son cœur de battre plus vite que par habitude. La fraîcheur de la nuit enveloppait les bois et, malgré sa fourrure épaisse, elle ne put retenir un frisson. La fatigue gagnait du terrain.
_La voix grave de Polagriffe la sortit de ses pensées :

___Je suppose qu'il avait été décidé depuis bien longtemps que ce serait moi qui te guiderais dans la direction à prendre... Dis-moi, Diana, sais-tu ce qu'est le Nexirys ?

_L'interrogée hocha lentement la tête.

___L'arme suprême utilisée par Arceus lors de la création du monde.
___Exactement. Lorsqu'il a été détruit, entraînant avec lui perte des divinités, le Nexirys s'est fracturé en plusieurs parties. Sept, pour être précis.
___Les... Artefacts ?
___C'est cela.
___Mais je ne comprends pas..., intervint Riolu qui faisait un gros effort pour suivre la conversation. Les objets liés aux divinités comme la Pierre Magma ou l'Argent'Aile, ceux qu'on évoque dans les légendes, ils existaient déjà avant...
___Elle a raison, approuva Diana. Ils étaient là avant que le Nexirys ne soit recréé une deuxième fois.

_Polagriffe hocha la tête. Dans ses yeux argentés, les étoiles dessinaient des centaines de points lumineux qui reflétaient la sagesse dont ils étaient empreints.

___Ces objets ont été détruits en même temps que les créatures légendaires. Tous, sans exception. Les seuls restants sont les sept fragments du "deuxième" Nexirys. Ces fragments en question ont tous été possédés par l'âme d'une divinité.
___Comme la Plume Lune ?

_Le doyen acquiesça.

___Et ce n'est pas pour rien qu'il en est ainsi. Les divinités qui sont revenues se doivent d'aider celui ou celle à qui a été confié l'objet.

_La louve blanche, qui visiblement commençait à comprendre, extirpa la Lun'Aile de sa longue fourrure. Les prunelles anthracite de Polagriffe scintillèrent mais son expression demeura neutre. La jeune louve porta son regard las sur l'objet doré qui luisait doucement au creux de ses pattes.
_Comme elle ne disait rien, le vieux Pokémon jeta un regard à l'horizon lointain que les infimes franges rosées de l'aube commençaient à colorer. Il reporta son attention sur la louve ivoire qui n'avait pas bougé.

___Maintenant tu sais : ton destin est de ramener le Cinquième Artefact sur l'Autel d'Arceus afin qu'il fasse renaître tous ceux qui sont resté là-haut, dans les Cieux. Pour promettre un avenir clair.
___Et les autre objets ? questionna Diana d'une voix absente, peu certaine que ce qui se passait était bien réel.
___Tu dois être une des premières à être éveillée, mais ça ne signifie rien. Tout comme toi, les autres Héritiers prendront bien assez vite conscience de ce qu'ils doivent accomplir.
___Les Héritiers du Nexirys...

___D'un même mouvement, Diana, Polagriffe et Earl tournèrent la tête vers Riolu, visiblement surpris que cette dernière tienne encore le coup contre le sommeil.

___Les Héritiers du Nexirys..., répéta l'enfant en réfléchissant. Ça sonne plutôt bien, comme nom...

_Les aînés eurent un sourire tendre.
_Au loin, un cri nocturne retentit alors qu'autour du petit groupe, les quelques écharpes blanches de brouillard s'enroulaient autour des pattes et des griffes comme un serpent de brume ouateuse et fraîche. Le parfum glacé de la nuit gardait encore la forêt endormie dans un manteau d'ombre.
_Les yeux sages de Polagriffe traînèrent sur l'immensité de la voûte étoilée et redescendirent sur les cimes noires des arbres. Lorsque enfin ils captèrent ceux, pareils à deux braises, de Diana, il sut qu'une question lui brûlait les lèvres.
_La louve des ténèbres n'attendit pas celle du doyen.

___Est-ce que ça veut dire que je vais devoir quitter le village ?
___Oui, répondit simplement son interlocuteur.

_Dans la pénombre, Earl baissa la tête alors que Riolu, qui comprenait tout juste ce qui venait d'être dit, écarquillait les yeux.

___Quoi ? Mais non ! C'est impossible !
___Riolu, s'il-te-plaît..., commença Diana.
___Je viens avec toi ! Je viens avec toi ! répliqua l'enfant en haussant la voix. C'est hors de question de te laisser partir seule !
___On ne sait pas combien de temps mon absence va durer, et puis tu es jeune...
___Je suis plus endurante que la plupart des jeunes du village ! Je peux courir longtemps sans m'épuiser !
___Et s'il t'arrive quelq–
___Non ! Je viens avec toi ! coupa-t-elle en poussant un petit cri.

_Perdue, la louve des ténèbres se tourna vers Polagriffe qui demeurait silencieux sans qu'aucune émotion ne trahisse ses pensées. La Pokémon Émanation lui lança un regard implorant qu'il tenta d'ignorer, se tournant vers Diana.

___C'est à toi de choisir, mais fais vite.
___Avant tout, je veux savoir une chose.

_Étonné, le doyen cligna des yeux alors qu'un désagréable frisson lui parcourait l'échine.

___Je veux savoir la vérité sur Gabor.


_À ces mots, le silence retomba d'un coup. Les bruits variés des bois semblèrent se taire pendant un instant avant de reprendre leur écho, insouciants. Plusieurs expressions se succédèrent sur le visage de Polagriffe qui s'était figé en même temps que Earl. Ce dernier, d'ailleurs, avait baissé la tête comme pour montrer qu'il n'avait pas son mot à dire. Sous le regard insistant de Diana et curieux de Riolu, le vieil ours questionna calmement :

___Pourquoi ?
___Je ne sais pas ce que je risque en partant loin d'ici, se rembrunit la jeune louve. Si... si ma quête est éperdue, je veux au moins comprendre la raison de ce mépris.

_Le doyen soupira alors que ses yeux prenaient une intensité nouvelle, plus sage encore. Il lança un regard vers Riolu qui le lui rendit avec autant de ferveur, visiblement tout aussi décidée à savoir.
_Il prit une inspiration. Il y eut un silence.
_Et d'une voix grave, commença son récit.


_« Depuis toujours au village, il est dit que l'arrivée du printemps est signe de renaissance de la forêt, quand après un hiver rigoureux, elle fleurit de nouveau. À cette occasion, les petits qui sont nés tout au long de l'année, s'ils atteignent l'âge de un ans avant cette saison, partent pour la première fois en forêt, accompagnés d'un des parents. Il est rare que les naissances soient nombreuses ici, et par mesure de prudence, il a été décidé que l'enfant et son proche seraient accompagnés d'un chasseur de la Meute pour assurer leur protection.

_« Peu avant l'automne, il y a environ quinze ans, deux nouveaux petits ont fait leur apparition : Roselia, qui est maintenant la petite fille de Cériflor, et Haruko, le fils de Mentali. Le jour ou ce dernier est né, nous savions déjà qu'il découvrirait la forêt l'année suivante et que le chasseur qui l'accompagnerait, choisis dès le début, serait Gabor.

_« Ainsi se succédèrent les quatre saisons et quand le printemps fut de nouveau là, ce fut le grand jour pour Haruko. Le jeune Évoli, pour ses un an passés, est donc partit une matinée en compagnie de sa mère et de Gabor. Si cela était un événement pour l'enfant, le tout restait quelque chose de normal pour nous, une façon de se rendre compte que la vie continuait d'évoluer. Les heures passaient lentement. Le village était bruyant et les habitants énergiques, huant la foule depuis leur hutte afin de vendre leur récolte de champignons et de baies du jour. Chacun s'occupait de ses affaires, le tout dans une bonne humeur générale. La Meute, malgré le fait qu'il lui manquait temporairement un membre, venait de rentrer de la chasse et les prises étaient plutôt conséquentes. Il flottait en l'air les embruns de la forêt sauvage, ainsi que les effluves tant aimées de la viande qui se faisait départagée entre chacun, au milieu de la grande clairière herbue. Dans le ciel brillait un soleil éclatant et il chauffait de ses rayons la fourrure des Pokémon allongés derrière la place, dans un coin reculé inondé de lumière.
_C'était une journée calme et paisible, une journée comme on voudrait qu'il y en ait toujours. Seulement, ces morceaux de bonheur, dans le monde où nous vivons, sont éphémères.
_Aussi, personne ne s'attendait à ce qui nous tomba dessus au début de l'après-midi.

_« Par l'entrée Sud du village, nous ne reconnûmes pas tout de suite la silhouette qui marchait alors vers nous. Après un temps, un des chasseurs formula un nom, un frisson agita la foule, puis la réalité éclata au grand jour. C'était bien Ambre qui se traînait au centre, la fourrure écarlate, découpée d'entailles si profondes que nous fûmes étonnés de constater qu'elle vivait encore.
_Balfor fut le premier à se précipiter vers elle ; les enfants, effrayés, se mirent à pleurer, certains adultes aussi, les yeux figés sur le visage de Mentali. D'un geste faible, cette dernière déposa le petit corps qu'elle tenait dans sa bouche, l'expression ravagée et le regard si vide et si fixe que moi-même accourus pour l'aider. Je me souviens avoir effleuré la fourrure rougie de Haruko dont le corps, désormais froid, n'était plus agité d'une quelconque forme de vie. Quand Ambre s'est évanouie, la consternation qui étranglait le village s'est muée en douleur, puis, bien après, en colère.
_Car quoi que l'on puisse dire, Gabor avait manqué à son devoir. Pire encore, il était maintenant introuvable.

_« Des jours après, Ambre, qui n'était plus que l'ombre d'elle-même, alitée depuis trop longtemps, nous raconta qu'un peu avant midi, un groupe de Pokémon sauvages les avait attaqué. Gabor avait d'abord tenté de discuter afin d'éviter la violence, puis tout avait mal tourné : les assaillants s'étaient jeté sur le loup blanc pendant que Mentali fuyait avec Haruko. Ils avaient été rattrapé si vite que la jeune mère s'était immédiatement questionnée sur le chasseur. La suite demeura floue : elle n'avait pas eut le temps de réagir ; il y avait eut l'horreur, l'agonie, puis seulement la force de se traîner jusqu'ici.
_Alors la vie avait finit par reprendre son cours mais un froid avait été jeté sur le village ; les gens attendaient le jour où Gabor reviendrait, le jour où ils lui ferait payer sa trahison. Mais rien n'était sûr : il avait pu choisir ne ne plus jamais réapparaître. C'est ce que tout le monde commençait, pour leur plus grand dégoût, à croire. Et pourtant.

_« Environ un an après, il était de retour. Les villageois n'attendirent pas pour se jeter sur lui et, sans l'intervention de Balfor, il ne serait sans doute plus de ce monde aujourd'hui. La première chose que nous pûmes remarquer et qu'il avait été mutilé : ses flancs étaient marqués de longues cicatrices et une ligne blanche zébrait son visage du haut jusqu'au menton. Ses yeux, eux, avaient aussi souffert, mais pas de la même façon : ils étaient honteux, si ternes que le chasseur semblait être désormais vide d'âme. On demanda des explications ; elle furent les mêmes que celles données par Ambre ; Gabor n'avait pas réussi à retenir les ennemis, et le prix à payer en était écrasant. Il n'essaya même pas de se défendre, trop abattu par la faiblesse dont il avait fait preuve au moment des faits. Seulement, rongé par le remord, il s'était exilé pendant un temps pour finir par revenir afin de répondre de ses actes. Et contrairement à ce qu'on avait pensé, il assura que jamais, jamais il n'avait côtoyé d'Humains.
_Prouver qu'il n'avait pas trahi était uniquement ce qui comptait pour lui. Il pouvait bien mourir après.
_Cependant, à la colère générale, je discutai avec Balfor pour empêcher la peine maximale d'être appliquée. La décision finale fut vite prise : on lui laissa la vie sauve, négociant pour que cette histoire tragique ne s'ébruite jamais. On laissa seulement penser que le chasseur avait fui pour fréquenter les hommes ; il s'agissait-là de la seule justification plausible pour expliquer cette haine des villageois.
_Aujourd'hui encore, même s'ils ne le montrent pas, la plupart des villageois nous tiennent rigueur de lui avoir laissé la vie sauve. Parce qu'être docile et obéissant ne changerait rien à tout cela. Et parce que quoi qu'on dise, pour eux, il s'agirait toujours d'un traître. À tort. »


_Diana ne bougea pas, n'émit aucune parole, se contentant de rester immobile, ses yeux fixes rivés sur les feuilles humides. Après un long moment, elle se mit simplement en marche en longeant le grand talus derrière elle, et Polagriffe perçut une lueur dans son regard. Comprenant immédiatement, il la suivit alors que Riolu, pétrifiée, s'asseyait au sol et que Earl, le visage fermé, s'allongeait en travers de son dos.


_Yirume - Moonlight

_La louve blanche progressa entre les arbres pendant deux ou trois minutes puis finit par s'arrêter au bord d'un ruisseau qui charriait dans son courant des brindilles et la lumière du clair de Lune. L'ombre des arbres s'y dessinait avec une telle netteté que l'eau en elle-même semblait plus pure que du cristal.
_Polagriffe restait en retrait, silencieux, l'argent de son regard renvoyant mille fois l'éclat sage de l'astre de nuit.

___Vous plaisantez, n'est-ce pas ? murmura l'Absol face à son reflet, les paupières entrouvertes.

_Se doutant de cette réaction, le vieil ours ne répondit pas. Un souffle frais de vent s'enroula autour des troncs noirs des sapins avant de dessiner dans le cour d'eau des vaguelette qui léchèrent les bords du petit vallon.

___C'est injuste... C'est terriblement injuste...
___Ça l'est. Et au fond, je pense que tout le monde le sait.
___Alors pourquoi ? Pourquoi réagir comme ça encore maintenant ? Pourquoi... après tout ce temps...

_Sa voix qui montait dans les aigus prit un ton misérable. Voulant éviter cela à tout prix, elle se tut. Elle inspira calmement et reprit finalement en un murmure :

___... J'avais quel âge ?
___À peine trois ans. Et tu pleurais. Tu pleurais dans les bras d'un villageois qui te masquait les yeux, sans t'arrêter, sans comprendre. Tu voyais que ton père ne t'accordait soudainement plus toute son attention, et ça te faisait peur.
___Je ne me souviens absolument de rien...

_Il y eut un moment de flottement.

___Je comprends maintenant pourquoi Ambre semblait si fragile, tout-à-l'heure. Ça a dut lui rappeler des souvenirs de son fils, avec la jeune Évoli.
___Pas seulement de son fils. De la souffrance qu'elle a enduré ensuite. En réalité, Gabor... il était aussi le père de Haruko.

_À l'entente de cette dernière confession, une pointe de douleur s'enfonça dans le cœur de Diana. La souffrance de Ambre avait dû être insupportable. La jeune louve se rendit compte qu'elle aussi avait été en quelques sortes abandonnée par le chasseur, bien qu'il ne s'agisse pas de la même chose. Jamais elle ne s'était sentie aussi proche de Mentali. Et Gabor... plus rien ne l'innocentait du massacre découvert dans l'après midi.
_L'histoire s'était répétée une deuxième fois.
_Au loin, un premier rayon de soleil matinal illumina l'horizon d'une infime lueur. Polagriffe, pleinement conscient que le temps continuait de filer, s'avança à la hauteur de Diana qui observa le reflet du doyen dans l'eau.

___Il va être temps pour toi d'y aller.
___Je ne vous ai jamais compris, chuchota la louve des ténèbres, faisant comprendre à sa voix qu'elle évoquait les villageois en général. Je ne vous ai jamais compris, mais merci. Pour la vérité.

_L'ours des neiges hocha lentement la tête et leva son visage sage vers la voûte céleste illuminée par des centaines de points lumineux et la trace éphémère laissée par une comète. Bien en évidence, suspendue dans le ciel nocturne, la Lune déclinante brillait, un flambeau parmi les étoiles.


Le jeune louve, suivant son mouvement, fut frappée par la beauté du ciel nocturne à peine haché par les cimes d'ombres des sapins. Une boule d'émotion se forma dans sa gorge.

___C'est pour sauver cela qu'il en est ainsi. Tu vas faire de grandes choses, Diana.
___Et pour mon père ?
___Je lui expliquerais tout, fit-il en apposant calmement sa large patte sur la tête de sa cadette.

Cette dernière ferma les yeux, expira doucement. Les fines gouttes d'eau qui perlaient à ses paupières tracèrent sur ses joues deux sillons cristallins qui accrochèrent l'éclat lunaire avant de se perdre dans son pelage d'ivoire.


_Allongé contre le bosquet couverts de rosé, Earl releva la tête avant même que les fourrées ne remuent devant lui. Il lança un regard interrogatif à Polagriffe lorsqu'il vit ce dernier réapparaître sans Diana. Une évidence germa aussitôt dans son esprit et le loup blanc baissa tristement les yeux sur l'enfant qui, entre ses pattes avants, s'était endormie par terre.

___Ce n'est pas ça, murmura le vieil ours. Elle est restée là-bas. Elle veut te parler.

_Un peu surpris, l'Absol ne réagit pas immédiatement. Puis il finit par se relever lentement, veillant à ne pas réveiller Riolu roulée en boule parmi les feuilles humides.
_L'abandonnant au doyen, il s'éloigna, longeant le talus, guidé par l'odeur de Diana. Il la trouva finalement assise au bord d'un ruisseau, perdue dans la contemplation de la Lun'Aile nichée au creux de sa patte.
_Lorsqu'elle l'entendit, la louve des ténèbres rangea l'objet en question et fit face au Guetteur.

___J'ai quelque chose à te demander.

_Earl hocha la tête, peu sûr de lui. Dans l'ombre omniprésente, les yeux de son interlocutrice avaient une étrange teinte, un mélange de la tristesse et de supplication.

___Quand je serais partie, mon père va se retrouver seul face à ses obligations envers le clan. J'ai besoin que tu sois à ses côtés.
___Comment cela ?
___Quand il ne sera plus en mesure d'assumer ses fonctions, je voudrais que ce soit toi qui prenne sa succession à la tête du clan, à ma place, lâcha-t-elle d'un bloc.

_Choqué et croyant à une plaisanterie, le jeune loup dévisagea Diana, incapable de formuler un mot. Au loin, les premières lueurs de l'aube brumeuse éclairaient le sommet des arbres d'une lumière grisâtre et froide.

___Tu... plaisantes, n'est-ce pas ?
___Je n'ai jamais été aussi sérieuse, répondit son interlocutrice avec une pointe de peine dans la voix.
___Ils ne le permettront jamais.
___Polagriffe sait, personne ne remettra en cause son autorité.
___Tu parles comme si tu n'allais jamais revenir, murmura-t-il en baissant les yeux.

_La jeune louve s'approcha de lui. Comme elle ne disait rien, Earl reprit :

___Et si tu reviens ?
___On verra à ce moment-là. Tu as l'occasion de passer de Guetteur à futur Alpha, c'est pas tous les jours qu'on a cette chance. Et si ce n'est pas une bonne assez bonne raison... (Elle tendit sa patte ouverte.) ... dis-toi que tu le fais pour moi, pour le clan.

_Le Pokémon sembla réfléchir un instant, dérouté, et son regard croisa celui de Diana. L'échange dura plusieurs secondes, puis il plissa les yeux et une lueur de détermination y naquit en prenant de l'ampleur.
_D'un geste significatif, il passa lentement ses griffes sur sa corne nuit en formulant sa promesse. Il apposa le plat de sa propre patte contre celle de la louve des ténèbres qui sourit alors, reconnaissante.

___Merci.


___Tu es sûre de vouloir l'emmener ?

_Les yeux rivés sur son amie endormie, Diana hocha la tête.

___Ce n'est peut-être pas une bonne idée, mais il n'y a qu'une seule façon de le savoir.

_Earl, en tant qu'éclaireur, montait la garde à quelques mètres devant le petit groupe, perdu dans ses pensées. Étalée au sol, Riolu dormait toujours, imperturbable. À ses côtés, Diana s'était aussi allongée et luttait violemment contre la fatigue, déjà à moitié somnolente.
_Peu après le retour des deux Absol, le petit groupe s'était mis en marche, l'enfant sur le dos du Guetteur, de façon à s'éloigner un maximum du village qui, à cette heure, devait être en train de s'éveiller. On ne tarderait pas à remarquer la disparition de quatre membres du clans et malgré cela, Polagriffe ne s'était arrêté que quelques kilomètres plus loin, près de la frontière avec le territoire inconnu où il disait attendre quelqu'un. D'après ce que Diana avait compris, l'ours des neiges avait prévenu une personne capable de conduire les deux amies à travers la forêt jusqu'aux contreforts des montagnes situées plus au Nord. Le plus important était de sortir des bois avant que les chasseurs ne les rattrapent, aussi la présence d'un guide ne pouvait être que bénéfique.
_Un long moment passa encore. Polagriffe ne semblait pas s'impatienter, confiant malgré le fait que la nuit était à présent quasiment à son terme. Diana n'en pouvait plus d'attendre. Le bruit discret et régulier de la respiration de son amie nichée entre ses pattes avait sur elle un effet enjôleur. Elle ferma les yeux sans même sans rendre compte.
_Au moment même où elle sombrait, Polagriffe se redressa en adressant un signe de tête à Earl qui venait sans doute de le prévenir.

___Le voilà, il arrive.

_Diana se redressa à son tour en s'assénant une claque mentale. Dans sa tête, Cresselia demeurait silencieuse mais la louve blanche sentait bien sa présence dans son esprit. Avec la disparition de la Lune, la divinité semblait s'être plongée dans une phase temporaire de sommeil.
_L'attente dura encore une bonne minute, puis une lumière dorée s'alluma dans le brouillard, vacillant comme la lanterne d'une âme perdue. Entre les arbres, une forme s'avança vers le petit groupe et s'arrêta à la hauteur de Polagriffe.

___Désolé pour le retard, s'excusa le Typhlosion en lui souriant. J'ai eu pas mal de problèmes pour vous trouver.

_« Tu parles d'un guide, grogna mentalement Diana. »

___L'important est que tu sois là. Diana, commença l'ours des neiges en se tournant vers cette dernière, je te présente celui qui va vous guider jusqu'à la lisière de la forêt. Jek.

_La louve des ténèbres, relevant la tête, fut frappée par les yeux de l'intéressé, d'un bleu lagon si intense qu'elle ne sut quoi dire pendant un instant. Puis, se reprenant, elle jaugea le dénommé Jek qui l'observait avec une curiosité déstabilisante.

___En retard, marmonna-t-elle pour masquer son malaise.

_Le Pokémon Volcan eut un petit sourire moqueur. La louve des ténèbres serra les dents.

___Enchanté, fit le Typhlosion avec une moue amusée. (Il se tourna vers Polagriffe.) Dite, je croyais qu'il y avait une deuxième personne ?
___Là, grommela Diana en désignant le sol.

__Jek baissa la tête et ses yeux rencontrèrent le corps de Riolu toujours immobile. Il se figea, une ombre passa dans son regard. L'instant de son trouble dura à peine deux secondes.
_Puis avec une étonnante prévenance, il saisit l'enfant dans ses bras et se tourna vers Polagriffe.

___Elle est pas un peu jeune ?
___Elle l'est.

_La réponse du doyen ne sembla pas surprendre le jeune Pokémon qui hocha la tête. Il regarda de nouveau Riolu puis fit face à Diana, une étrange expression dessinée sur le visage.

___Il va falloir aller assez vite dès le début, ça nous évitera de prendre trop de retard. Tu te sens encore assez vigoureuse pour courir au moins quelques heures ?
___Évidement.

_Le Typhlosion sourit légèrement, apparemment peu convaincu. La louve blanche l'ignora et se tourna vers Polagriffe. Ses lèvres formulèrent un "merci" reconnaissant qui fit sourire le doyen.
_Elle se détourna, suivant le Typhlosion qui, les bras chargés du corps de l'enfant, s'était mis en marche ; inutile d'allonger des adieux déjà assez difficiles à faire.
_En passant devant Earl, la louve des ténèbres lança à ce dernier un regard intense. Le Guetteur le lui rendit, confirmant ainsi qu'il n'oubliait par leur commun accord.
_Le groupe quitta la petite clairière en silence et la brume enveloppa chacune des silhouettes. Des silhouettes qui devinrent des ombres et, l'instant d'après, de simples mirages noyés dans la clarté de l'aube grise.

___C'est fini..., murmura Earl.
___Au contraire, répondit Polagriffe, le regard absent. Ce n'est que le début.


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*Équivaut à "un lapin de trois semaines" (un imbécile, quoi).