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A l'aventure, Willelmina de Soundlowan



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» Auteur : Soundlowan - Voir le profil
» Créé le 13/08/2013 à 02:40
» Dernière mise à jour le 13/08/2013 à 02:40

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Amitié   Fanfic collective   Humour   Médiéval

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Chapitre 2 : Sombracine, la forêt pourrie
La voix de mon ancien professeur et nouveau maître me vrillait les tympans.
Depuis combien de temps, je ne saurais le dire. Trop longtemps, de cela j'étais certaine. Ma tête me faisant encore souffrir depuis le coup qui m'avait assommé la veille, je sentis une monstrueuse migraine pointer. A me donner l'envie de retourner me coucher aussi sec. Mon crâne me semblait prêt à se détacher, cela s'ajoutant au rouge qui me montait aux joues ainsi qu'au nœud qui se formait lentement mais sûrement au creux de mon estomac.
Les reproches de mon supérieur, qu'il semblait prendre plaisir à vociférer, résonnaient douloureusement pour mes oreilles par la faute de ce plafond bien trop haut qui amplifiait tous les sons. La bouche pâteuse et l'esprit vide, j'avais bien du mal à trouver quoi répondre à ses remontrances. Que dire à quelqu'un qui me hurle que je ne suis qu'une incapable et une honte pour ma guilde ? Ma façon de dresser mes pokémons, mon pokémon d'ailleurs, ne me semblait pourtant pas si différente de celles des autres membres de la guilde Ténèbres. Dents serrées, je me répétai mentalement qu'il finirait bien par s'arrêter. Il ne pouvait pas avoir un nombre infini de reproches à me faire. C'était impossible. Bien que je commençais à avoir quelques doutes.
Ma tenue non plus n'était pas à son goût. Qu'est-ce que ça pouvait bien lui faire, la couleur que je portais ? Cela ne changerait rien à la réputation de la guilde que mes vêtements soient bruns ou noirs, et déprimant pour déprimant… Autant choisir le plus passe-partout des deux. J'eus l'envie, l'idée de protester mais seul un son ridiculement faible et inarticulé sortit de ma gorge. Entendant cela l'homme qui ne cessait de me hurler dessus eut un rictus méprisant et referma enfin la bouche. Il me toisa encore de haut quelques longues secondes puis m'autorisa finalement à quitter la pièce. Onix m'emboîta le pas, preuve qu'il n'était tout de même pas si mal dressé que cela.


En rejoignant les jardins de la guilde pour m'asseoir sur un banc, je ne cessais de me répéter entre mes dents les paroles de mon maître. Je n'étais qu'une incapable, une honte, je ne méritais pas ma place au sein de la guilde Ténèbres, à se demander comment une petite gourgandine pas fichue de trouver des vêtements décents avait bien pu réussir ses examens… Bien sûr, j'en profitais également pour marmonner toutes les réponses et toutes les objections que je n'avais pas osé prononcer lorsqu'il était temps de le faire. Je n'étais pas une honte mais une nouvelle recrue encore inexpérimentée, ce n'était pas du tout la même chose. Je ne dressais pas mal mon malosse, je lui laissais simplement plus de liberté que les autres membres de la guilde qui traitaient leurs pokémons comme des objets ou des outils utiles mais pas indispensables et surtout, remplaçables. Ma tenue n'était pas inappropriée mais pratique. Onix restant sagement à mes pieds au lieu d'aller saccager les parterres comme à sa bonne habitude, je me massais les tempes pour tenter d'atténuer mon mal de crâne encore très virulent. Mais qu'est-ce qui autorisait cette brute arrogante et mal dégrossie à me faire tant de reproches ? Qu'est-ce qui motivait une critique si acerbe, à part notre dernier et unique échec ?
- Mais je vais lui faire voir ! Allons-y Onix !

Mon pokémon releva la tête en entendant de nouveau ma voix. Toute à ma colère ainsi qu'à ma détermination retrouvée, je ne m'étais pas rendue compte que j'avais parlé tout haut. Ni que je m'étais levée d'ailleurs. Je profitai de ce regain d'énergie pour me diriger vers le hall de la guilde où étaient affichées toutes les demandes de quêtes et de services que les membres pouvaient rendre à la population locale. Onix m'ayant emboîté le pas, je me plongeai sans plus attendre dans ma lecture et laissai mon pokémon sans surveillance.
Ma recherche d'une mission dans nos cordes m'absorba totalement. Il s'agissait de ne pas choisir de lieux où nous risquerions de croiser des ennemis face auxquels mon Onix serait démuni, ni d'objectifs que je serai incapable d'atteindre. Plusieurs personnes recherchaient des espèces de pokémons précises dont je ne connaissais pas l'environnement favori ou qu'Onix ne pourrait vaincre afin de le conduire jusqu'à la ville. Je laissai donc de côté toutes les missions demandant d'explorer des lieux aquatiques, pour me concentrer sur les demandes que je pourrai facilement satisfaire. Faire fondre un bloc de glace trop résistant, s'aventurer dans un nid de pokémons plantes…


J'entendis soudain une voix furibonde exploser en jurons et autres formules d'impolitesse diverses derrière moi. Je me retournai donc, pour tomber nez à front avec un gros membre de la guilde chauve au visage plus rouge qu'un reptincel. Il vociférait, postillonnait avec virulence, et en articulant si peu que je ne parvenais pas à comprendre un traître mot. En revanche je vis très bien son doigt boudiné désigner Onix, qui venait manifestement de se soulager sur le socle d'une statue de moufflair. Sans doute la plus hideuse du hall d'ailleurs, bien que le sculpteur chargé de la décoration de la guilde ait, semblait-il, réalisé toutes ses œuvres les yeux bandés avec les mains attachées dans le dos. Et en sautant à cloche-pied encore. Mon malosse toujours serviable ajoutait l'odeur à l'image du pokémon, par souci de réalisme sans doute, et on osait le brimer ?
Enfin, j'étais déjà trop fatiguée de me battre et sans excès aucun, j'aurai bien détaché mon crâne afin de le poser près de moi le temps que passe ma migraine pour le replacer ensuite sur mes épaules. Je me demandai distraitement si, entre la figure bouillonnante et dégoulinante de sueur du gros membre en noir (que d'originalité !) d'une part, et d'autre part ses doigts qui semblaient sur le point d'éclater sous la pression des chairs boudinées sous la peau, j'aurai plus de chances de le faire cuire ou exploser en le poussant à bout. Pour qu'il arrête de me hurler dans les oreilles je me tournai vers Onix et lui lançait un regard noir. Il était vrai que je ne l'avais pas élevé comme cela. On se soulageait dehors ou l'on se retenait, je croyais pourtant qu'il avait retenu au moins cette leçon-là.

Mon malosse me lança alors son regard le plus apitoyé et son museau le plus contrit. Avec ses couinements je ne parvenais jamais à lui résister. Soupirant intérieurement je me mis donc en quête d'apaiser monsieur je-brûle-à-l'intérieur-et-ça-se-voit-à-l'extérieur. Une fois la tâche accomplie et le petit chauve reparti, je mis enfin la main sur une mission simple et à notre portée. Il s'agissait juste de trouver une certaine plante pour l'apothicaire du coin, rien de bien sorcier. Je décrochai donc l'annonce avant de quitter en vitesse le bâtiment. Je connaissais ma destination, mais n'étais pas particulièrement enthousiaste à l'idée de m'y aventurer.
La place de la ville, d'ordinaire calme du fait d'une faible fréquentation, se trouvait être le lieu d'un attroupement essentiellement composé de midinettes gloussantes. Prête à tourner les talons, je vis au milieu de la foule un bellâtre endimanché se pavaner en usant de nombreux gestes de bras. Il semblait accorder une grande importance à ses cheveux qu'il ne pouvait s'empêcher de toucher, de caresser, de remettre en place à chaque instant. Avec son pokémon, un kirlia affublé d'une tiare rutilante ainsi que d'une de ses capes si peu pratiques, ce chevalier de pacotille bourré d'or jusqu'aux yeux formait un tableau aussi mièvre qu'écoeurant. Sans doute un Indépendant, le genre de dresseur m'as-tu-vu assez orgueilleux pour se croire au-dessus des enseignements que prodiguait une guilde. Réputés pour être à la fois les mieux payés et les plus polyvalents des aventuriers du fait de l'absence de règles les contraignant à se spécialiser dans un type de pokémon précis, les Indépendants étaient dans la majorité des cas de jeunes aventuriers naïfs persuadés que la vie de dresseur seul serait formidable. Bien entendu, la plupart d'entre eux était ravi de retourner en courant chez leur mère poursuivre leur carrière initiale dans la réparation de chaises en bois au bout d'une semaine. Décidée à ne plus accorder une once d'intérêt à un tel prétentieux, j'émis un soupir de lassitude avant de m'écarter afin de poursuivre ma route.
Onix toujours derrière moi comme le pokémon formidablement obéissant qu'il était, je sortis de la ville pour me diriger vers le sous-bois.


La Forêt de Sombracine. Je détestais cordialement la Forêt de Sombracine. Pourquoi les missions à ma portée devaient se dérouler dans ce genre d'endroit ?
Je tentais bien de me concentrer sur le sentier, le bruit de mes pas, mon souffle de plus en plus court… Rien à faire, je ne pouvais m'empêcher de penser aux histoires affreuses qui circulaient au sujet de cet endroit. La disparition du jeune fils de la boulangère un soir de pleine lune, alors qu'il venait dans ces bois rencontrer une mystérieuse jeune femme… On racontait que l'inconnue était un spectre vengeur qui avait emporté le jeune homme corps et âme. Cette histoire demeurait la moins horrible de toutes cependant.
Je décidai de me concentrer tant bien que mal sur le paysage, plutôt que sur les malédictions abominables. L'idée aurait pu être bonne, dans n'importe quel autre endroit. Ici les arbres semblaient avoir des mains crochues prêtes à m'attraper, la lumière ne parvenait quasiment jamais jusqu'au sol tant le feuillage était dense au-dessus de ma tête, et les nombreuses plantes dont la plupart étaient urticantes à l'orée de la forêt devaient vraiment avoir été placées afin d'empêcher les gens de pénétrer plus loin. Autrement elles ne seraient pas si peu espacées ni si denses. Je me dépêchai de passer les premiers arbres en tentant de surveiller mes arrières tout en occultant totalement mon environnement, ce qui ne donna pas de résultats extraordinaires. Une fois cette première étape franchie, une odeur atroce me prit à la gorge. Moisissure peut-être. A moins que quelqu'un ait laissé dans le vent toutes ses chaussettes sales de l'année. Je me forçai à lever le nez de mes pieds pour découvrir un parterre nauséabond de champignons multicolores. Cela aurait pu être splendide, si la très faible lumière du sous-bois ne colorait pas tout d'un marron boueux. Entre l'odeur des champignons et celle de ma sueur qui me collait au corps, l'angoisse de s'aventurer dans un lieu hanté sans doute, je mourais déjà d'envie de rentrer.
- Allez Onix ! Courage. Ce n'est qu'un tas d'arbres un peu sombre. Pas de quoi s'inquiéter... On peut le faire. Il faut juste aller au centre de la forêt au bord d'un étang pour ramasser une espèce de fleur-champignon... Juste une stupide plante ou deux... Et puis tu es de type feu. Pas de quoi avoir peur des plantes, hein ?

Parler à mon pokémon devait sans doute me rassurer, bien plus qu'Onix en tout cas. Lui était bien trop courageux pour avoir peur d'une forêt, qu'il pouvait carboniser d'un éternuement. Il avait l'air vraiment très à l'aise, au point de me lancer un jappement enthousiaste. Onix était sans doute ravi de cette promenade loin de la guilde, contrairement à moi. Je lui adressai un sourire peut-être un peu trop accentué, à peine rassurée par son aplomb.
- Merci pour ton soutien, Onix !


Malgré toute la bonne volonté de mon malosse, je ne parvenais tout simplement pas à avancer. J'aurai pu rester là toute la journée, tétanisée, si Onix n'avait pas fait preuve d'initiative en tentant d'ouvrir la marche. Au moment où j'allais le laisser passer devant par lâcheté autant que par confiance envers mon pokémon, les paroles de mon maître me revinrent en mémoire. Le sermon qu'il m'avait servi le matin même me laissait un goût amer dans la bouche, et mon attitude passive du moment me rappela cruellement ses réflexions mesquines au sujet de ma façon de dresser mon équipe ou mon incapacité à commander.
- Attends, Onix ! Il vaut mieux que je passe devant ! Après tout, les autres dresseurs sont toujours devant leurs pokémon alors de quoi j'aurais l'air si les autres se mettaient à penser que c'est toi qui dirige ?

Onix accepta bien volontiers de me laisser la place. Je respirai un grand coup avant d'adopter une démarche plus assurée afin de poursuivre ma route.
A ce moment précis, mon pied s'enfonça dans quelque chose de mou qui éclata sous mon poids. Mon cri fut un pur réflexe. J'avais immédiatement fermé les yeux en éprouvant un tel contact sous ma semelle. Désormais je n'osai plus les rouvrir.
- Onix... J'ai... marché sur un truc.... Tout mou et tout gros... C'est horrible.

J'ignorai ce que mon pokémon pouvait bien faire d'une telle information, mais je commençais à envisager les pires situations. Que j'ai réussi à écraser un pokémon mou, ou plante… éventuellement un petit œuf d'une espèce indéterminée. Sans compter que si je n'ôtais pas mon pied, Onix ne pourrait pas brûler ou envoyer valser l'hypothétique pokémon plante coincé sous ma chaussure. J'attendis une seconde. Puis deux, puis trois. Au bout d'une dizaine de respirations, j'osai enfin ouvrir précautionneusement une paupière, prête à la refermer en hurlant à la moindre alerte. Par chance, je ne découvris qu'un inoffensif champignon aplati dont les spores se collaient lentement à ma botte.
- Oh ! Ce n'était qu'un champignon normal... Allons-y Onix !

Bien, n'écraser… aucun… champignon, aucune chose bizarre ou non identifiée. Même s'il fallait que je fixe pendant cinq secondes chaque minuscule parcelle de cette maudite forêt avant d'y poser le pied, je ne marcherai plus sur aucune de ces immondes choses gluantes qu'on osait appeler des plantes. Bien évidemment, cette résolution aurait été plus facile à tenir dans un endroit autre qu'une forêt tapissée de champignons dont je ne connaissais pas le dixième. Je me concentrai sur mes pieds et le sol en dessous, tant et si bien que j'oubliai le reste de mon environnement.
Soudain, un bruit suspect. Un craquement, un murmure, un frottement peut-être ? Au-dessus de ma tête. Je bondis avec un hurlement, regrettant tout à coup d'avoir pris l'initiative de passer devant.
- Qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que c'est ?

Onix ne semblait pas effrayé, aussi je supposai qu'il n'y avait pas de danger véritable. Au moment où je commençai à me rassurer, un nuage jaunâtre de spores peut-être nocif fut projeté vers mon visage. Un nouveau bond, en arrière cette fois, vers mon malosse adoré, qui me permit de l'éviter. J'avais failli marcher sur un pokémon camouflé sous la végétation, qui émergeait avec lenteur. Malgré toutes mes précautions, j'avais été à deux doigts de l'écraser. Fichu endroit maudit, pourri, moisi en profondeur. Impossible de se repérer, de savoir où marcher, quand venir… La seule chose qui me paraissait claire était le moment opportun pour partir : maintenant.
A défaut de pouvoir le faire, j'éprouvai l'irrésistible envie que ce paras au moins, nous laisse en paix.
- Onix ! Fais le partir s'il te plaît !

J'attendis ensuite que mon pokémon règle le problème. Ce paras n'avait pas l'air agressif, cependant l'expérience désastreuse du psykokwak m'avait au moins appris la prudence. Je restai donc immobile et silencieuse, les yeux rivés sur l'ennemi afin de surveiller ses moindres mouvements ou fermés par peur. Heureusement Onix se montra à la hauteur, grondant et jappant jusqu'à ce que le paras soit parti se dissimuler ailleurs.
- Il est vraiment parti ?

J'avais posé la question d'une toute petite voix. Mon malosse chéri me répondit d'un cri, distraitement, comme si tout cela n'avait pas d'importance. Son calme commençait à avoir raison de mes angoisses, et je lui répondis avec plus d'assurance.
- Beau boulot Onix. En route. Moins de temps on passera dans cette maudite forêt, mieux ça vaudra !

C'était plus qu'une constatation, une conviction que je venais de proférer. Je n'osai même plus penser aux prochains pièges qui m'attendaient dans la forêt. M'efforçant de détailler le sol sur lequel j'allais marcher tout en observant l'ensemble du paysage, je faillis m'étaler dans la mousse et les racines plus d'une fois.
A ce moment béni de bonne humeur, mon pied s'enfonça de plusieurs centimètres dans une matière spongieuse. Après les champignons ramollis, les spores colorés et les fausses plantes vrais pokémons, le sol me dévorait maintenant. Ce fut sans doute par la faute de cette accumulation de mésaventures récentes, que je perdis légèrement le contrôle de mes nerfs.
- Mon pied ! On me dévore le pied, à l'aide Onix ! Aah, mon pied ! Je veux pas d'une jambe de bois !

Je commençai à m'agiter, à remuer le pied, en bref à tout faire pour me dégager de là. La réaction d'Onix ne se fit pas non plus attendre, il saisit entre ses crocs un morceau de ma tunique et me tira en arrière. Il se montra d'ailleurs plus efficace que moi et mes gestes désordonnés, mon pied sortit de nouveau du sol brusquement avec un affreux bruit de succion. Ne m'y attendant pas, je ne pus éviter la chute où Onix démontra une autre de ses formidables qualités, en l'occurrence ses talents de matelas amortisseur.
- Oh pardon Onix !
- Lossse…
- Oh, je suis contente que tu ne m'en veuilles pas ! Désolée. Je suis un peu nerveuse. Cette forêt n'est vraiment pas rassurante hein ? J'espère que je ne t'ai pas fait mal...
- Malo, losse losse, répliqua Onix avec joie. Malmalosse !
- Bien, si tu n'as rien alors on peut y aller... Moins de temps on traînera ici, mieux ça vaudra...


Nous reprîmes péniblement notre marche, lentement afin que je puisse vérifier que je ne risque de marcher ni sur un pokémon camouflé, ni sur une plante toxique, ni de m'enfoncer dans cette immonde boue gluante. Je savais où je devais aller, à peu près au centre de la forêt, mais je n'avais aucune idée de la route à emprunter pour y parvenir ni du temps que cela prendrait.
J'eus pour toutes ces raisons la pénible impression de tourner en rond longtemps, très longtemps. Lorsque nous finîmes enfin par tomber tout à fait par hasard sur l'étang près duquel poussait la plante qu'il nous fallait, j'étais lassée, furibonde et même écœurée. Surtout à l'idée de savoir qu'il nous faudrait refaire le même chemin en sens inverse pour revenir à la ville. J'écartai les branches sans ménagement, pressée d'en finir au plus vite.
Une fois au centre de l'espace dégagé près de l'étang, je décidai de mettre à contribution mon pokémon pour mes recherches de cette plante tant convoitée. Je sortis donc le parchemin sur lequel se trouvait l'illustration qui devait me servir à accomplir ma quête pour le mettre devant le nez d'Onix. On y voyait nettement une sorte de gros champignon fleuri, une particularité qui semblait le rendre extrêmement rare et précieux.
- Regarde bien Onix ! Nous devons trouver cette plante ! Ouvre bien les yeux d'accord ? C'est une plante très rare et il faut qu'on la rapporte en entier, parce qu'ils ont besoin des fleurs qui poussent sur ce champignon.

Nous nous mîmes donc sans attendre à explorer les lieux. J'avais pensé à quadriller méthodiquement le moindre recoin, avant que mon impatience n'ait raison de mon esprit pratique. Je finis donc par me contenter de regarder vaguement le sol, secouant de temps en temps quelques brindilles ou feuilles mortes du bout du pied. Libérée de la crainte de marcher accidentellement sur une chose inconnue, la lumière perçant plus facilement ici, je portais moins d'attention à ce qui pourrai m'agripper le pied, me le faire éclater ou me le dévorer. Erreur impardonnable dans cette forêt démente, qui me chargea bien de me le faire payer.
Je me retrouvai soudain suspendu au-dessus du vide, prisonnière d'un filet que je n'avais ni vu ni soupçonné. Mais enfin, qui avait eu l'idée stupide de placer pareil piège à cet endroit ?! Si c'était pour la cueillette au champignon, l'effort était peut-être un peu superflu ! Je fermai vite les yeux, nauséeuse par la faute du mouvement de balancier qui agitait le filet.
- Oniiix ! A l'aiiiide ! Fais-moi desceeeendre !

Je recommençai immédiatement à crier, frustrée de n'arriver à rien sans compter toutes les mésaventures qui nous tombaient dessus les unes après les autres. Les aventuriers ne devaient-il pas accomplir de nobles quêtes, triompher d'ennemis implacables avant de revenir couverts de gloire et de joyaux ? Où était la noblesse, le danger ou l'honneur dans le fait d'aller ramasser une stupide plante ? Et pourquoi fallait-il toujours tomber dans un piège, même quand la situation ne s'y prêtait absolument pas ?
Je finis par me calmer, attendant que le filet cesse de tanguer de cette façon. Lorsque le monde arrêta de zigzaguer sous moi, je me mis à réfléchir sur la manière de me sortir de ce mauvais pas. Onix restait en dessous, l'air intéressé mais pas exactement efficace. Peut-être n'avait-il pas plus d'idées que moi. J'observai le mécanisme qui permettait à ce piège de fonctionner, simple mais bien conçu. Plusieurs cordes étaient nouées à un tronc proche, mais une seule permettrait de me dégager si seulement on pouvait la dénouer. Une fois le bon lien repéré, je décidai de mettre à contribution mon pokémon resté en bas.
- Onix ! Regarde la corde là-bas ! Si tu la brûles ça devrait libérer le filet ! Non, plus à gauche ! L'autre gauche !

Le temps qu'Onix comprenne mes indications et trouve la corde que je lui désignai, je songeai avec satisfaction au plan brillant que je venais de mettre au point. J'avais réussi à trouver comment me servir des compétences naturelles de mon pokémon afin de me sortir de ce mauvais pas et de redescendre en douceur… Minute. Avec cette technique, je n'arriverai pas en douceur. Je risquais de m'écraser sur le sol après une chute aussi rapide que brutale.
- Non attends ! Si tu brûles la corde je risque de tomber et de me briser un truc !

Je méditai quelques instants sur mon plan. L'idée n'était pas mauvaise, mais son application laissait à désirer. Il fallait freiner cette chute, après avoir éliminé la corde. Avec quelque chose d'assez lourd…
- Onix ! Ronge la corde et reste-y accroché ! Comme ça tu feras contrepoids et je descendrais sans me faire mal !

Il ne semblait pas très enthousiaste pour une raison inconnue, mais s'exécuta sans protester. Une fois la corde rongée et dans sa gueule, il apparut évident que nos poids auraient dû être idéalement identiques pour que la manœuvre fonctionne. Je me retrouvai par terre, couverte de poussière, après une chute bien trop rapide à mon goût.
- Aie... je crois que j'me suis cassé quelque chose...

Le bas de mon dos m'avait laissé entendre un léger craquement, et je sentais à présent une sorte de malformation désagréable. J'avançai ma main vers l'endroit en question, et en ressortit un champignon fin et brisé en deux, collant à souhait sur mes doigts. Priant pour qu'il ne soit pas nocif pour ma peau, je le laissai retomber près de moi avant de m'essuyer sur la mousse du sous-bois. J'en avais vraiment assez maintenant, je suais, j'étais décoiffée, sans doute rouge comme un coxyclaque et débraillée pour ne rien arranger. Onix qui gémissait derrière moi, devait également avoir hâte d'en finir. Je me relevai et ôtait les plus grandes traces de ma tunique, au bord de la crise de nerfs. Cette plante avait intérêt à ne plus être loin.
- En avant Onix.

J'examinai la partie de la végétation que je n'avais pas eu le temps d'aller voir avant de me retrouver piégée, m'aidant du dessin pour ne pas faire d'erreur. Je repérai enfin le champignon fleuri qui avait motivé cette escapade, au pied d'un arbre au tronc noueux.
- Oh regarde Onix ! Elles sont là !

J'espérai seulement qu'il s'agissait de la bonne espèce de plante et pas d'un cousin proche ou de fleurs similaires… Une fois le champignon entre mes mains, il me sembla pourtant que l'illustration correspondait parfaitement. Mis à part la couleur pour laquelle je ne pouvais pas être sûre, puisqu'il s'agissait d'un dessin tracé à l'encre noire sans ajout aucun, je pouvais cueillir ma trouvaille sans risque.
- C'est bien ça Onix.

Au moment de ramasser notre ticket pour une récompense coquette, je vis le reste des champignons fleuris. Une petite garantie ne pourrait nous faire de mal. J'allongeais donc la main et en saisit un second que je rangeais avec le premier.
- On est jamais trop prudent. Mieux vaut en ramener un de secours, hein Onix ?

Pressée de retrouver la civilisation et de m'éloigner de cet endroit maudit, je me dépêchai de refaire notre trajet en sens inverse. Onix se pressait sur mes talons, mais je sentais qu'il n'allait de si bon train qu'à l'aller. La lassitude sans doute, sans compter qu'une fois encore la végétation ne nous aidait pas. Nous nous prîmes les mêmes branches en pleine figure, j'évitai les mêmes pokémons ainsi que les mêmes champignons gluants, et nous bataillâmes ferme de nouveau avec les orties et autres végétaux urticants à l'orée des bois. Enfin, nous reprîmes le chemin du village avec un immense soulagement.


Revenus sur la Grand-Place, je me dirigeai sans attendre vers la boutique d'apothicaire. Le destinataire serait sans doute ravi de recevoir son champignon, moi ma récompense et Onix son repas puis son coussin moelleux.
La boutique était propre bien que petite, tout l'inverse de son tenancier élancé à la tenue miteuse. Il nous accueillit avec cette affabilité propre aux commerçants.
- Oui ? Que puis-je pour vous demoiselle ?
- Je viens pour l'annonce.

Je posai d'abord le parchemin détaillant la quête sur le comptoir afin qu'il sache bien de quoi je parlai. Les yeux du commerçant s'éclairèrent, et son sourire s'agrandit. Lorsque je montrai le champignon fleuri en revanche, il disparut à la vitesse de l'éclair et son visage se ferma.
- C'est une plaisanterie, demoiselle ?
- Non, c'est bien cette plante. Regardez elle est comme sur le dessin, et on l'a trouvé là où c'était indiqué sur le papier... Donc je viens chercher la récompense.
- Elles sont fanées mademoiselle ! m'informa l'homme furibond. Complètement inutiles ! Vous croyez que je vais empoisonner mes patients avec une plante pourrie ?

Un frisson glacé me parcourut le dos. J'aurai voulu expliquer, mais de ma gorge sortit un son minuscule et pathétique.
- Mais...
- Mais rien du tout ! La récompense était promise pour celui qui me rapporterait une plante correcte et utile !

J'avais envie de hurler, de l'envoyer balader avec tout son magasin. Je voulais argumenter, m'énerver, négocier, hausser le ton. Rien à faire, je ne pouvais élever la voix même pour défendre ma cause.
- Mais comment j'aurais pu savoir ?
- Parce que les fleurs sont oranges pas marrons !
- Mais on a pris des risques pour la rapporter !
- Et vous croyez que je vais payer pour ne rien avoir au final ? Vous me prenez pour un poichigeon ? L'annonce spécifiait, un champignon fleuri ! Il ne l'est pas ! Pas de champignon fleuri, pas de récompense ! Maintenant du balai !

Mes yeux m'irritaient, ma vision se troublait. Je sortis du magasin avant de fondre en larmes devant l'apothicaire. J'entendis le bruit des pattes d'Onix sur les pavés derrière moi. Mais que s'était-il donc passé ? J'avais réussi, nous avions réussi une mission et voilà que tout volait en éclats pour la seconde fois… Et comment pouvait-on se permettre de quérir de l'aide pour une quête sans donner les informations les plus utiles ? Le dessin ne comportait pas de couleurs, et à aucun moment il n'était stipulé dans l'annonce que les fleurs devaient être oranges.
Je voulais me réfugier dans ma chambre afin de pester contre cet arrogant personnage tout à loisir, quand je tombais par malchance sur un autre égocentrique que je ne voulais surtout pas voir les larmes aux yeux : mon maître, drapé dans son rideau habituel. Bien entendu il voulut savoir ce qui provoquait mes pleurs. Je n'eus d'autre choix que de lui dire que j'avais accepté une mission, ce qui lui donna l'occasion de me demander un rapport détaillé de ma journée entière. Je le suivis en silence, une boule au creux de l'estomac à la seule idée de ce qu'il pourrait dire. Bien entendu, ses reproches à l'issue de mon compte rendu furent pires que ce que j'avais imaginé :
- Et vous vous êtes laissée faire par ce marchand ! Vous croyez que nos services sont gratuits, qu'on fait la charité ? Qu'on peut se permettre de perdre du temps sans être payé ? A quoi vous sert votre pokémon, à faire joli ?

Je ne supportai plus d'entendre sa voix méprisante, pourtant son laïus s'étira en longueur. Chaque fois que je pensai voir arriver la fin, il trouvait un nouveau sujet de remontrances. Je ne pouvais qu'attendre, les joues brûlantes et les yeux baissés, que ses cordes vocales aient raison de sa rage. Sans cesser de me reprocher mon échec, il convoqua un membre plus ancien qui, à l'aide de son grahyena, se trouva chargé d'aller quérir la récompense que je n'avais pas su décrocher. Bien entendu, il n'était pas question que j'en espère une miette.

Le cœur gros et l'esprit encombré de tous ces hurlements, je passai le reste de la soirée à ressasser mes désillusions. Je touchais à peine à mon dîner, et restai allongée dans le noir sans trouver le sommeil longtemps après être allée me coucher.