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A l'aventure, Willelmina de Soundlowan



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» Auteur : Soundlowan - Voir le profil
» Créé le 26/09/2013 à 21:50
» Dernière mise à jour le 27/10/2015 à 22:03

» Mots-clés :   Absence de poké balls   Amitié   Fanfic collective   Humour   Médiéval

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Chapitre 3 : Traque au compagnon
Je tournais et retournais dans mon lit. Les paroles de mon maître m'avaient heurtée plus que de coutume, sans compter qu'il m'avait sermonnée non pas une mais deux fois au cours de la même journée. Plus le temps passait depuis que j'avais achevé mon apprentissage, et plus la dresseuse en herbe que j'étais le trouvait arrogant, méprisant et hautain. Je ne me souvenais plus pourquoi je l'admirais à mon entrée dans la Guilde Ténèbres, au moment où il m'avait pris sous son aile pour que je devienne son élève.
Pourtant, je voulais encore obtenir son approbation à tout prix. Comment lui prouver qu'il avait eu tort ? Que je méritais ma place au sein de la Guilde, que je n'étais pas destinée à ne collecter que des échecs ?
Je me redressai brusquement sur mon lit, manquai de m'assommer contre le bois au-dessus de moi (dortoirs de guilde signifiant bien entendu lits superposés), pestai en silence pour ne pas réveiller les autres dormeurs et rejetai enfin mes couvertures. Je me changeai rapidement puis secouai Onix qui lui, dormait à poings fermés sur son coussin moelleux.
- Debout Onix, on repart !

Le pokémon secoua la queue, ouvrit un œil paresseux pour regarder par la fenêtre. Il faisait nuit noire. Les autres dresseurs qui partaient en mission nocturne prévenaient peut-être leur équipe avant. Onix ayant constaté qu'il s'agissait environ du milieu de la nuit, me bâilla ostensiblement à la figure avant de se retourner sur son coussin. Je ne lui laissai pas le temps de se rendormir, passant les bras sous son ventre pour le prendre et l'emmener hors du dortoir. Onix résista, enfonçant ses griffes dans le rembourrage moelleux pour assurer sa prise, mais j'eus finalement le dessus et emportai mon pokémon. Avec le coussin.


La Guilde Ténèbres fourmillait d'activités malgré l'heure, ou plutôt à cause de l'heure. Moi qui plaçais l'idée de vivre la nuit plutôt que le jour au même rang que celle de se draper dans des capes longues et lourdes, ne m'étais jamais rendue compte du nombre de dresseurs qui entraient et sortaient du bâtiment la nuit. Onix semblait aussi enclin au sommeil que moi une fois le soleil couché, il restait fermement agrippé à son coussin et ne semblait pas avoir l'intention de le lâcher. J'eus beau argumenter, convaincre, intimider, supplier, quémander, rien n'y fit. Onix ne bougeait pas.
En désespoir de cause, je posai le coussin à côté de moi sur un banc et commençai la conversation avec mon pokémon comme si de rien n'était. Il ferma immédiatement les yeux, mais je savais qu'il ne pouvait s'endormir aussi vite.
- Onix, je sais pourquoi nous n'arrivons pas à réussir nos missions !

Le pokémon se contenta d'émettre ce qui semblait être un soupir, bien que je n'en jurerai pas. J'annonçai donc mon idée avant de perdre l'attention du malosse.
- Il nous faut des coéquipiers.

Cette fois Onix ouvrit les yeux, bondit de son coussin et m'observa d'un air hagard, parfaitement éveillé. Je supposai qu'il se montrait surpris de l'idée, ainsi que du fait que je puisse avoir d'aussi brillantes illuminations à deux heures du matin.
- L'union fait la force comme on dit ! Alors nous allons chercher un pokémon de type ténèbres, auquel nous prouverons notre vaillance jusqu'à ce qu'il nous suive. Il faut partir maintenant parce que les pokémons ténèbres se trouvent plus facilement la nuit. Alors, tu viens ?

Si Onix ne pouvait qu'être enthousiaste à cette idée, il semblait moins persuadé du bien-fondé de la mettre en pratique durant ses heures de sommeil. Après quelques grommellements supplémentaires, il se roula de nouveau en boule sur son coussin et s'apprêta à ne plus en bouger.
- Très bien, comme tu veux. Je vais donc partir toute seule, en pleine nuit, à la merci de tous les pokémons sauvages et autres dangers divers. Si ça ne te pose pas de problèmes de conscience de ne pas m'accompagner, je te laisse dormir...

Je commençai à m'éloigner, sans me retourner bien entendu. Un mètre. Deux mètres. Trois mètres. Toujours pas de mouvement derrière moi.
Alors que j'atteignais la grande porte du hall, éclairée par des lampes taillées pour former des crocs (difficile de faire plus cliché pour une guilde Ténèbres), j'entendis les griffes de mon Onix cliqueter sur le sol carrelé. Je me retournai pour le voir arriver en trottinant, son fameux coussin entre les crocs. Il y tenait beaucoup, ce coussin était si moelleux que d'autres pokémons passant par là auraient pu lui piquer et j'avais eu assez de mal à en trouver un qui convienne parfaitement à mon malosse.
- Je savais que tu ne résisterais pas à une nouvelle aventure avec moi ! Bon, je range ton coussin dans mon sac et on y va.

Onix ne lâcha qu'un autre grognement, accompagné d'une flamme pour faire bonne mesure, avant de m'emboîter enfin le pas.


Nous avions presque atteint la sortie de la ville. A cette heure, nous ne croisions que des magasins fermés, des ivrognes titubants, des volets clos ou encore une ou deux jeunes femmes peu habillées. Suivies de près par des hommes sentant bon le vin et la sueur généralement. Sans oublier ces saletés de dresseurs de la guilde Spectre, dont les pokémons s'amusaient à traverser les murs ou se fondre dans les ombres. Mon Onix ne semblait pas non plus les porter dans son cœur, un Fantominus poisseux qui s'amusait à le frôler d'un peu trop près en fit l'expérience lorsqu'il sauta en l'air dans l'intention de le mordre. Les pokémons ténèbres étant toujours victorieux face à des spectres, ces derniers prirent très au sérieux l'éventualité d'une morsure de malosse.
En quelques claquements de mâchoires, Onix avait dégagé la route devant nous de toute présence inconnue. Les dresseurs des pokémons spectres se montraient agacés de voir leurs pokémons s'évaporer près de moi, mais en voyant mon pokémon aucun n'avait l'envie d'insister. Onix s'éclatait comme un fou à courser un feuforêve, jeu qui dura jusqu'à ce que nous arrivions à la porte Ouest. Au-delà s'étendait la route serpentant à travers champs qui nous conduirait jusqu'au lieu de nos recherches.

J'hésitai. Le chemin était large, encore bien éclairé par les lueurs de la ville, et pourtant j'hésitai.
Onix, qui marchait déjà loin devant, s'arrêta plusieurs mètres après que je ne l'ai pas rejoint comme j'aurai dû le faire, observa les alentours, me repéra juste après la porte et revint vers moi en trottinant. Il se planta près de mes jambes et adopta la moue qu'il avait lorsqu'il ne comprenait pas pourquoi une chose qui devrait être faite ne se faisait pas. Je lui adressai un sourire un peu tremblotant avant de retrouver enfin le mode d'emploi pour mettre un pied devant l'autre.
Un mètre. Deux mètres. Cinq mètres. Dix mètres.
Au bout du quinzième mètre environ, j'estimai que les lumières de la ville n'éclairaient plus suffisamment. Certes elles s'étendaient loin dans la campagne sans rien pour les stopper à perte de vue, mais je préférai tout de même pouvoir distinguer chaque brindille, chaque gravier que je risquerai de piétiner. Je sortis donc de mon sac une lanterne dont j'allumai rapidement la flamme qui m'éclaira d'une lueur orangée. Onix me fixa de nouveau d'un air mi-interrogateur mi-agacé.
- Ben quoi ? Je ne risque pas de faire fuir un pokémon ténèbre si près de la ville, et encore moins avec cette ridicule lumière tout de même ! Je l'éteindrai lorsque nous commencerons à chercher ton coéquipier dans la forêt.

Onix ne semblait toujours pas convaincu de la nécessité de ma lanterne, néanmoins il n'insista plus et se remit à trottiner devant moi. Je levai bien haut ma lumière avant de le suivre.
Nous nous enfonçâmes dans la campagne profonde. A gauche, des champs. A droite, des champs. Je risquai d'être lassée assez vite. Malgré le paysage résolument plat, raison de la monotonie du voyage d'ailleurs, je commençai à me sentir oppressée. La lumière ne portait que sur quelques mètres devant moi, me laissant à la merci de tous les dangers tapis dans l'ombre. Certes mon pokémon pouvait me protéger, mais il marchait trop loin devant pour être en mesure de réagir rapidement si on se mettait en tête de m'attaquer.
- Attends-moi Onix, tu vas trop vite ! Reste plus près de moi s'il te plaît.

Mon malosse stoppa sa course une fois de plus, puis revint jusque dans la lumière devant moi. Cette fois il paraissait non seulement intrigué de mes exigences, mais également agacé.
- Ben quoi ? Il ne faut pas qu'on se sépare, si jamais on m'attaaaaaaaaah ! Qu'est-ce que c'est que ça ? Qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que c'est ?

Une grosse touffe d'herbe bougeait de façon très inquiétante, juste à côté de ma botte. Je me raidis dans l'attente de la créature qui n'allait pas manquer d'en sortir. Je détestai par-dessus tout ne pas voir les choses ! On ne m'y reprendra plus, à faire des missions nocturnes !
Sous mes yeux inquiets, et ceux lassés d'Onix, sortit un terrifiant... laporeille. Le petit pokémon nous regarda avec une drôle de tête, avant de détaler à travers champs. Il était soit bien trop matinal, soit insomniaque, mais n'avait rien d'un pokémon nocturne. En revanche je commençai à me demander si ce n'était pas le cas d'Onix, qui paraissait plus alerte en pleine nuit que durant la journée. Il me fixait d'ailleurs avec l'air de se demander si je n'étais pas tombée sur la tête sans qu'il s'en rende compte.
- Je ne pouvais pas deviner que ce n'était qu'un laporeille ! Je n'ai pas une aussi bonne vision que la tienne je te signale.

Il eut un rictus qui découvrit ses crocs, l'air plus désespéré que jamais. Onix n'insista pourtant pas, restant bien dans la lumière, ce qui m'empêcha de pousser d'autres hurlements. Avec lui à mes côtés, je savais que je ne courais pas de grands risques. En pleine campagne tout du moins.
Nous arrivâmes bientôt à l'orée de la Forêt Labyrinthée, bien plus grande que celle de Sombracine. Les sentiers y étaient plus larges, les champignons ne s'y trouvaient qu'en quantité négligeable, on pouvait y croiser de bien plus grandes variétés d'espèces de pokémons. Je tentai de me persuader qu'il s'agissait d'un endroit idéal, où j'avais par-dessus tout envie de me trouver.

Malgré mes bonnes résolutions ainsi que ma volonté, mes mains demeuraient moites et je sentais une faiblesse au niveau des genoux. Onix semblait prêt à s'aventurer dans la forêt, il ne manquait plus que moi. Mon pokémon s'approcha du couvert des arbres, je restai tétanisée.
- Attends Onix, on est pas pressés... Il fait drôlement sombre non ? J'aime pas bien ça... Le noir, je veux dire.

Onix, qui ne s'était pas arrêté, se stoppa brutalement. Il reposa la patte qui était restée en l'air, puis se retourna vers moi très lentement. Comme quand quelqu'un n'arrive pas à croire ce qu'on vient de lui dire, ou s'imagine ne pas avoir entendu.
- Oh arrête, je ne suis quand même pas la seule membre de la Guilde Ténèbres à avoir peur du noir.

Mon pokémon ne se remettait pas de sa surprise, il m'observait gueule bée avec les yeux prêts à sortir de leurs orbites.
- Bon d'accord, peut-être pas de la Guilde Ténèbres... Mais en tout cas je ne suis pas la seule humaine à avoir peur en pleine nuit, dans un endroit inconnu et très effrayant.

Le malosse semblait se retenir de rire, jusqu'à ce qu'il n'en puisse plus et laisse échapper un ricanement. Je plissai les yeux, l'agacement face à sa réaction chassant pour quelques instants ma peur. Onix tentait toujours de demeurer impassible, mais il commençait à rire franchement. Chose qui ne s'arrangea pas lorsqu'il désigna de la patte ma lanterne, dont la lumière pourrait faire fuir les pokémons ténèbres. Il faudrait donc que je m'enfonce dans cette forêt si sombre sans aucun éclairage, ce que j'appréhendais avec un sursaut d'angoisse.
- C'est bon, je l'éteins... encore cinq minutes.

Onix n'avait pas pu résister plus longtemps et se roulait carrément par terre. Je savais que les pokémons ne pouvaient pas exactement pleurer de rire, cependant le mien paraissait tout prêt à apprendre. J'hésitai encore plusieurs secondes, ce qui ne fit qu'accentuer le fou rire de mon malosse. Finalement je soufflai brusquement sur la flamme, ce qui nous plongea dans le noir. Mes tremblements s'accentuèrent, le rire d'Onix également.
- Ouais, enfin on y voit carrément mieux avec la lanterne...


Je manquai de m'étaler de tout mon long une fois de plus, me rattrapai à une branche basse. Manque de chance, il s'agissait d'une ronce dont les aiguilles s'enfoncèrent allégrement dans ma paume. Jurant et gémissant, j'entrepris d'ôter les plus grosses. Impossible de distinguer les éclats, ou celles logées sous la peau dans cette semi-obscurité. La seule lumière venait des étoiles, dont l'éclat perçait difficilement la voûte des arbres.
Je ne voyais rien, ne percevais rien de ce qui se passait autour de moi. Même Onix, dont le pelage si noir ne réverbérait pas le moindre reflet, se fondait parmi les ombres. Détail contraignant que celui de ne pas savoir où est son propre pokémon.
- Onix... où es-tu ?

Quel fantôme était réel ? Quelle ombre était celle de mon malosse ? Où se cachait le vrai, où s'arrêtait l'illusion ? Ma bouche était sèche, mes lèvres et mes mains répétaient un numéro de claquettes ensembles, mes genoux s'étaient gélifiés depuis mon entrée dans le sous-bois, mon cœur tentait à grands coups de tambourinements de s'envoler de ma poitrine.
Un souffle dans mon cou. Je me raidis. Une forme ténébreuse de l'autre côté. Mon cœur rata un battement. Un son étouffé au-dessus de ma tête. Je relevai les yeux si vite que ma nuque resta douloureuse. Pour parfaire le tout, un frôlement le long de ma jambe. Je ne résistai pas plus longtemps et hurlai à plein poumons.
- AAAAAAAAH ! ONIX, DEBARRASSE-MOI DE CETTE CHOOOOOOOSE !!!

Une trouée de lumière s'étendait juste devant moi. J'eus bien l'idée d'aller m'y mettre, et surtout de ne plus en bouger, mais je me rendis compte au même instant que la chose inconnue qui venait de me sucer le mollet s'y dirigeait aussi. Je me figeai donc très obligeamment, une expression épouvantée sur le visage et un pied en l'air.
J'attendais, refusant consciencieusement de respirer, que la créature veuille bien se montrer. Elle hésita encore un peu, s'arrêta au seuil de la lumière, puis se dévoila enfin. Je vis alors sortir de l'ombre un pokémon noir de jais, marchant sur quatre pattes, avec une tête renforcée d'une plaque d'os blanche...
- C'était toi Onix ! Imbécile, tu m'as flanqué la trouille !

J'avais vraiment besoin de passer mes nerfs sur quelqu'un à présent. Je balançai mon pied vers son flanc, coup qu'il esquiva aisément bien entendu, mais qui m'emporta dans mon élan. Je terminai ma lancée par terre, les coudes et les genoux durement éprouvés. J'entendis le ricanement d'Onix, mais décidai de ne pas y prêter attention. Je me préparai à me relever, quand mon regard croisa celui d'un medhyena tout petit, qui me regardait avec de grands yeux. Il se tenait à quelques mètres de moi, tapi dans les racines d'un arbre.
- Regarde Onix, un medhyena ! Vite, attrape-le !

Mon pokémon bondit vers l'autre à toute vitesse, espérant le coincer entre le tronc et lui-même. Malheureusement pour Onix, le medhyena se montra plus rapide et se sauva derrière l'arbre avant que le malosse n'ait réussi à l'avoir. Emporté par son élan, Onix alla s'écraser sur le tronc avec un grand bruit. Heureusement pour lui, la plaque osseuse de son crâne amortit le choc. Il chancela pourtant quelques minutes, apparemment sonné. Le temps qu'il se remette du choc, je m'étais redressée sur mes coudes encore endoloris.
- Bon, alors récapitulons nos performances de cette nuit. Avec ce medhyena ça fait trois que nous laissons filer, en plus de quatre cornèbres, de deux chacripans et d'un moufouette.

Alors que je tentais de me remettre sur mes pieds, je remarquai mon état général. Tout comme celui d'Onix, il n'était pas glorieux.
- En revanche j'ai écopé de deux bosses, d'une bonne douzaine de bleus, d'égratignures sur toute la surface de mes genoux et de mes coudes ainsi que plusieurs ampoules probables. Avec mes coupures sur les bras en plus des épines que je viens de me prendre dans la main, je crois que j'ai la collection complète.

Je regardai mon pokémon dans les yeux, avec un regard lassé. L'endroit était effrayant, nos captures se soldaient immanquablement par un échec, je n'arrivai qu'à me blesser moi-même et Onix n'avait pas plus de solutions que moi.
- Tu sais quoi ? Une pause s'impose !


Elle était très bien cette clairière. Idéale même. Presque parfaite.
Le fait qu'elle soit au centre de la forêt par exemple. Les pokémons s'y rendaient tout naturellement, sans que nous ayons besoin de les chasser. Pourquoi se fatiguer à courir après un futur coéquipier lorsqu'il pouvait venir de lui-même ? De plus, la clairière était parfaitement ronde, ce qui permettait de repérer tous les dangers venant de n'importe quel côté.
Enfin, le feu que j'avais allumé en plein milieu motivait peut-être mon enthousiasme pour l'endroit, au demeurant paumé comme pas permis. La lumière ne portait malheureusement pas très loin, mais au moins je distinguai mes pieds. Lorsque j'avais annoncé à Onix que nous trouverions bien un pokémon ténèbre en journée et qu'il valait mieux attendre l'aube tout bien réfléchi, mon malosse était parti bouder. Avec son coussin-qu'on-n'a-pas-le-droit-de-piquer. Au moins son refus de me suivre lui avait permis de sauver un peu de son confort. Il s'était installé juste après le périmètre de la lumière, ce qui ne m'aidait pas à savoir où il se trouvait.

Même avec un feu pour éclairer, la forêt ne devenait pas particulièrement rassurante. Il y avait toujours des bruits pour me flanquer la frousse, des chuchotements, des petits cris de pokémons invisibles. Avec le vent qui soufflait irrégulièrement pour me glacer au mieux, je me fis la réflexion que les gens qui dormaient à la belle étoile pour le plaisir étaient vraiment des tarés.
Soudain, j'entendis un glissement sur le sol. Juste devant moi, dans l'ombre. Je me demandais quelques instants si ce n'était pas encore Onix qui s'amusait, avant de me rendre compte que le bruit ne correspondait pas. Les pattes d'un malosse se posaient l'une après l'autre sur le sol avec un son feutré, alors que j'entendais nettement un long murmure régulier. J'espérai très très fort qu'il ne s'agissait pas d'un insecte répugnant qui rampait vers moi, ou je ne répondais plus de rien.
- Onix, c'est quoi ça encore ?

Je tentai de me rassurer en me disant que mon pokémin si courageux saurait me défendre contre une menace réelle, néanmoins je me demandais pourquoi il ne faisait pas déguerpir la créature inconnue.
Je me figeai, ainsi que mon souffle, tous mes muscles crispés par l'attente. Le glissement s'intensifiait, je commençai à reculer tout doucement. Mon cœur s'affola dans ma poitrine, je me raidis à la vision de...
Quatre longues pattes fluettes, d'un beau bleu. Une boule pour faire office de corps, surmontée d'un chapeau de navet jaune criard. Deux billes noires qui me regardaient fixement.

Je contemplai l'arakdo plusieurs secondes. Le pokémon ne fit pas mine de bouger. Mes doigts blanchis par la pression se décrispèrent légèrement, mon cœur revint à un rythme relativement normal, je laissais échapper une longue expiration avant de reprendre mon souffle. Ce n'était qu'un tout petit insecte, pas le plus immonde d'ailleurs. Celui-ci était presque mignon. J'hésitai encore à le caresser tout de même, malgré ses petits yeux adorables. Je n'osai toujours pas bouger.

J'observai l'arakdo. Lui me regardait. Je ne bougeai pas. Il lança un long jet d'eau en plein sur le feu, ce qui l'éteignit aussitôt.
- HIIIIIIIIII, ONIIIIIIIIIIIIIIX !


Le cornebre observait avec suspicion, ainsi qu'une pointe de dérision me semblait-il, mon Onix qui se tenait le museau. Un méchant coup de griffe l'avait obligé à battre précipitamment en retraite, permettant par la même occasion à l'oiseau de se mettre hors de sa portée. Cornebre ne s'était pas encore sauvé, se contentant de surveiller les gestes d'Onix du haut de la branche sur laquelle il se trouvait perché.
Mon malosse grogna encore un peu, son museau rougi par les traces de serre. Manifestement énervé par l'attitude supérieurement arrogante de ce qui restait tout de même un poulet encore plumé, Onix prit son élan et bondit vers Cornebre. Il faillit bien l'attraper grâce à sa vitesse, malheureusement le pokémon sauvage s'envola juste à temps. La mâchoire du malosse claqua à moins d'un centimètre de sa patte, lui arrachant une plume au passage. Onix retomba sur la branche alors que Cornebre disparaissait dans le ciel illuminé d'un soleil qui se montrait enfin. Je soupirai, une autre tentative échouée.
- Tu peux redescendre Onix, on aura pas celui-là non plus.

Mon pokémon s'exécuta avec un grognement, sautant de la branche sur une grosse racine puis enfin jusqu'au sol. Nos regards se croisèrent, aussi noirs l'un que l'autre. Onix conservait la truffe d'une intéressante couleur rougeâtre, il semblait avoir encore mal depuis son coup dans le tronc d'arbre et il boitait légèrement depuis une chute dans les règles de l'art au cours de la poursuite d'un énième medhyena. Pour ma part, mes bleus ne s'arrangeaient pas, sans compter que je ne cessais d'agrandir ma collection. Mes genoux et mes coudes n'étaient plus que d'immondes cloques boursouflées, mes bras ressemblaient à du steak haché depuis un passage par un bosquet entier de ronces. Pour achever le si charmant tableau, deux bosses ne cessaient d'enfler sur mon crâne.
Malgré tout cela, je tenais à rester positive. Bien entendu, il était également très important de motiver les troupes en la personne d'Onix.
- Allez, je sens qu'on tient le bon bout ! Mon père disait toujours que la relation avec un pokémon, c'était comme un mariage : pour le meilleur, comme pour le pire. Bon là, manifestement on a eu le pire... Si on essayait de passer au meilleur maintenant avec ce nouveau coéquipier ?

Onix ne semblait pas particulièrement emballé, il se remit pourtant courageusement à marcher devant moi. Dans quelques instants nous allions tomber sur un pokémon ténèbres parfait, qui se laisserait éblouir par nos compétences et qui nous suivrait sans faire d'histoires...
Bon là, je venais surtout de tomber sur un rocher bien dur que je n'avais pas vu. Je serrai ma main contre mon genou qui s'était pris le choc, grimaçante. Au bout d'une ou deux minutes je sentis une jolie petite bosse se former juste au-dessus de la rotule. Chose qui tombait très bien, on n'avait jamais assez de bosses.
- C'est pas grave, c'est pas grave... On continue...

Ma voix tremblante ne devait plus tromper personne, mes yeux me picotaient également. Onix devait avoir compris que les choses n'allaient pas aussi bien que je le voulais, il ne s'amusait plus à me faire peur. Avec cet éclairage du jour nouveau, cela lui était de toutes les manières devenu difficile. A moins qu'il ne soit lui-même trop lassé de cette escapade pour me faire des blagues.
Plus loin sur notre route, le chemin s'élargissait pour former une immense flaque de boue gluante. Avec toutes ces saletés de pokémons eau dans le coin, ça ne m'étonnait qu'à moitié. Je croisai de nouveau le regard d'Onix. L'avantage de connaître son pokémon par cœur était qu'on n'avait pas besoin de se parler pour se comprendre. D'un commun accord, nous contournâmes l'obstacle.
Nous tentions de le faire tout du moins, lorsqu'un minuscule cri derrière nous me fit sursauter. Je me retournai donc, pour voir le minuscule museau d'un moufouette de l'autre côté de la flaque de boue.
- Vite Onix, attrape-le ! Celui-là ne pourra pas s'envoler au moins !

Argument qui sembla convaincre mon malosse, déjà parti à la poursuite du pokémon sauvage. Bien évidemment ce dernier tenta de filer sans demander son reste, mais Onix avait trouvé un bon rythme et lui coupait toute issue chaque fois qu'il croyait en trouver une. En désespoir de cause, le moufouette me fonça droit dessus, processus de défense assez discutable. Le pokémon devait être taré, je me demandai subitement si il était raisonnable de le prendre avec nous. Même si un moufouette était un pokémon de taille modeste, il restait assez grand pour me déséquilibrer lorsqu'il me passa entre les jambes pour s'enfuir. Entre l'état de mes genoux, de mes muscles et le fait que je ne m'y attendais pas du tout, je décidai de me montrer très obligeante en chutant d'une masse.
Comme il fallait s'y attendre, j'atterris en plein dans la boue qui se trouvait bêtement là. Il faudra un jour que je m'explique ce phénomène qui me fait tomber systématiquement au pire endroit possible.

J'étais non seulement tuméfiée, cabossée et écorchée, mais en plus je collais à présent. Le temps qu'Onix revienne sur ses pas, bredouille, je m'étais péniblement relevée pour contempler les dégâts. Je me couvrais donc très uniformément d'une couche de terre brune gluante sur la moitié du corps, qui hélas ne masquait pas les tâches violacées ou bleues sombres marbrant le reste de ma petite personne. J'avais simplement réussi à salir le peu de vêtement encore intact qui me restait.
Je sortis le plus dignement possible de ma flaque de boue, sous le regard inquiet d'Onix. J'avais dans l'idée d'atteindre un arbre tout proche et de faire une pause contre son tronc, histoire de faire le point. Malheureusement, je ne vis pas l'une des racines qui sortaient du sol et je m'étalai bien plus que je ne m'assis sur le sol. Mes yeux qui ne faisaient que me picoter il y a quelques minutes, se mirent à me démanger. Ma vue se brouilla, et pour achever mon sentiment de honte je me mis à sangloter.

Je me roulai en boule et enroulai mes bras autour des mes jambes. Enfin, j'enfouis ma tête dans ce cocon improvisé pour laisser mes larmes couler tout à loisir. J'avais faim, sommeil et parfaitement mal assez uniformément dans tout le corps.
Après quelques instants, je sentis la truffe d'Onix se presser contre mon bras. Il devait vraiment être très inquiet pour me toucher malgré la boue qui ne partait pas. J'eus un faible, minuscule sourire pour lui, je dégageai ma main pour le caresser derrière les oreilles. J'arrêtai très vite pour dissimuler de nouveau ma tête, encore trop honteuse. Les gémissements et les tentatives de mon malosse n'y firent rien.

Au bout d'un moment, je n'entendis plus mon pokémon. Pas un cri, pas un souffle de lui, rien. J'hésitai un peu, puis je relevai la tête. Il n'était plus là.
- Onix... Onix ? Où es-tu ?

Splendide. En plus de ma dignité, mon pokémon m'avait abandonné. Le seul point positif était que les pokémons sauvages ne me sautaient pas dessus non plus. Pour le moment tout du moins.
Je me terrai entre les racines noueuses, tout contre l'écorce. J'avais plus qu'à attendre que la faim ou une créature encore inconnue m'achève. Ou un gang d'arakdos psychopathes, tiens.


Il s'écoula presque une heure avant qu'Onix ne revienne. Mes larmes avaient fini par sécher sur mes joues, et j'avais réussi à enlever une bonne partie de la boue qui collait à mes vêtements. J'étais ensuite retournée sous mon arbre, d'où je vis apparaître mon malosse. Il s'assit devant moi, avec un regard assez peu expressif.
- C'est toi Onix, mais t'étais où ? Je me suis fait un sang...

La fin de ma phrase s'étrangla dans ma gorge, lorsque je vis qui accompagnait mon pokémon. Sortant du même buisson, un splendide pifeuil s'avança jusqu'à sa hauteur et resta planté là. Il ne semblait ni agressif ni effrayé, mais au contraire parfaitement calme. A voir l'air de fierté qu'affichait Onix et puisque ce pokémon sauvage ne semblait pas vouloir s'enfuir, je sentis mes yeux s'écarquiller.
- Onix, tu... tu as trouvé ton coéquipier... tout seul ?

Mon malosse hocha la tête de haut en bas, sans se départir du contentement qu'il montrait.
- Malosse !

J'eus mon premier vrai sourire de la journée pour Onix, avant de me concentrer sur le pifeuil inconnu.
- Bonjour toi ! Je suis Willelmina, la dresseuse d'Onix. Tu voudrais intégrer notre équipe si je comprends bien ?

Les deux pokémons échangent un regard. Il fallait vraiment que je demande à mon malosse comment il s'y était pris pour convaincre pifeuil. Toujours était-il que ce dernier hocha affirmativement la tête, ne montrant toujours aucun signe de quelque émotion que ce soit. Onix revint près de moi, me laissant observer mon nouveau compagnon tout à loisir.
De ce que je savais des pifeuils, celui-ci paraissait être en bonne santé. Il ne semblait pas particulièrement vif, mais il était encore tôt pour les pokémons diurnes après tout. La feuille de sa tête était d'un beau vert éclatant, apparemment emplie de sève, autre signe de vitalité chez les pokémons plantes. Pas le moindre défaut apparent, ainsi qu'une docilité qui me faciliterait sans doute la vie. Je décidai de m'approcher afin de voir sa réaction.
Il n'en eut aucune. Pifeuil faillit bien faire un pas en arrière, mais il se contrôla et resta à sa place. Soit il était d'un sang-froid extraordinaire, soit il était blasé de tout. Ou encore il pouvait être à deux doigts de la mort cérébrale, ce qui n'allait pas arranger mes affaires.
- Je peux te toucher ?

Pifeuil haussa les épaules, ne s'y opposant d'aucune manière. Confirmation, il se fichait bien d'à peu près tout. J'étais toujours à genoux, je tendis donc la main et caressai l'arrière de la tête. Sa peau était incroyablement lisse, presque aussi douce que la fourrure de mon malosse.
- Il faudrait te trouver un petit nom, ce serait injuste qu'Onix soit le seul à en avoir... Il faut que j'y réfléchisse.

Je pris alors conscience qu'il me manquait une information très importante au sujet de mon nouveau pifeuil. Un petit détail qui pouvait avoir son importance pour plein de choses, comme le choix d'un surnom. J'observai plus attentivement le pokémon.
- Au fait, tu es un mâle ou une femelle ? Comment on fait pour savoir avec les pokémons ?

Cette fois une lueur de panique dansa quelques secondes dans les yeux de Pifeuil. Il se mit à désigner frénétiquement Onix, qui avait laissé échapper un autre de ses étranges cris évoquant un ricanement.
- Tu es comme Onix... Un mâle ?

Pifeuil hocha affirmativement la tête, soulagé que j'aie compris aussi vite. Onix en revanche, fit entendre un léger soupir désolé. Il semblait s'amuser de la situation bien plus que moi.
- D'accord, alors dans ce cas... L'onyx est une pierre précieuse, il faut donc que je trouve un nom de joyau qui serait vert... Laisse-moi réfléchir. Je sais ! Tu t'appelleras Malachite !

Une toute petite lueur se dévoila dans l'œil de Malachite, avant de s'évanouir aussi vite. Il ne semblait pas follement enthousiaste, je me tournai donc vers Onix. Ce dernier hocha de la tête, il appréciait ce surnom. Rassurée par cet assentiment, je me relevai enfin.
Si l'expédition nocturne s'était très mal déroulée, elle s'achevait sur une note positive. J'avais trouvé mon nouveau pokémon, sans avoir à le poursuivre ou à livrer de combat. Quoi que sur ce dernier point je ne pouvais être sûre de rien, Onix l'avait peut-être affronté avant de revenir avec lui. Le fait qu'il s'agisse en plus d'un pokémon évolué allait sans doute ravir mon maître, je n'aurai peut-être pas que des reproches à me mettre sous la dent cette fois.


Je me tenais face à mon maître au sein de la Guilde, parfaitement droite. J'avais eu le temps de prendre une douche avant de venir faire mon rapport, faisant définitivement disparaître la boue. La nouvelle tenue que j'avais enfilé dissimulait avantageusement mes articulations mises à mal ainsi que la plupart de mes bleus. J'avais ainsi presque l'air d'avoir passé une bonne nuit dans mon lit.
Mon supérieur notait soigneusement ma capture d'un nouveau pokémon ainsi que son espèce. Cela fait, il releva la tête de son livre pour contempler pensivement mon pifeuil immobile à mes côtés.
- Ainsi tu as réussi à le capturer, Willelmina. Je t'avoue être agréablement surpris, cette action rehausse tes derniers résultats moins glorieux.
- Je vous remercie de votre compliment maître.
- En revanche il ne s'agit que d'un pifeuil, seulement le deuxième stade... Tu as intérêt à le faire rapidement évoluer en tengalice, il s'agira alors d'un pokémon véritablement apte à susciter l'admiration qui sied à la Guilde Ténèbres. Nous ne voudrions pas laisser penser que nos membres se sont reconvertis dans la botanique, n'est-ce pas ?

J'étais estomaquée d'un tel manque de respect envers Malachite, sans compter les biens maigres encouragements après une telle nuit. Ainsi un pifeuil n'était pas assez bien pour lui, mais son évolution en revanche faisait l'affaire ? J'avisai le pokémon dans l'ombre derrière mon supérieur hiérarchique. Un sourire cynique étira mes lèvres.
- Et pour votre farfuret maître, vous comptez bientôt le faire évoluer également ? Il ne faudrait pas qu'on pense que les membres de la Guilde Ténèbres ont le cerveau gelé par la bêtise !

Sur cette ultime remarque je tournai les talons, sans saluer. J'entendis Onix lâcher un rire peu respectueux derrière moi, avant qu'il ne me rattrape par le côté gauche. Malachite lui, m'avait immédiatement suivi et se portait à ma droite d'après ses bruits de pas. En revanche je n'entendis plus mon maître avant de quitter la salle, sans doute trop estomaqué de tant d'impertinence de ma part.