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A l'aube du pouvoir (T.1) de Raishini



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Informations

» Auteur : Raishini - Voir le profil
» Créé le 14/09/2012 à 16:07
» Dernière mise à jour le 16/11/2013 à 14:44

» Mots-clés :   Fantastique   Hoenn   Présence de poké-humains   Sinnoh

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Chapitre 18 : Faire le deuil
Des lambeaux de tissu voletèrent en même temps que des éclats de roche. Une odeur âcre de sang et de brûlé se répandit. Aveuglé, Jérémie hurla indistinctement le prénom de Cyril et tendit une main hésitante devant lui. Il sentit ses doigts ankylosés se refermer sur l'épaule de ce dernier et le tira à lui.

Brusquement, un choc violent le fit vaciller vers l'arrière. Ses pieds cherchèrent un point d'appui mais ne rencontrèrent que le vide : il tombait de la falaise. Jérémie sentit que Cyril en faisait de même et tenta de ne pas le lâcher. Des gravats les accompagnaient dans leur dégringolade vertigineuse tandis que la lueur noire s'estompait...

Jérémie devait agir. Trente mètres plus bas, les récifs aiguisés attendaient de nouvelles victimes. Un détail lui apparut aussitôt. La pente abrupte de la falaise s'incurvait et offrirait une cachette idéale s'ils parvenaient à l'atteindre.

Le pouvoir de de Jérémie était peut-être une solution. Il tenta de se concentrer malgré le vent qui sifflait à ses oreilles. Le sol devait se rapprocher...

Ouvrant les yeux, Jérémie créa un mince filet de glace qu'il dirigea vers la falaise. L'instant d'après, une planche fleurissait à l'oblique depuis la pente raide et amortissait douloureusement sa chute. Des craquelures prirent source au point d'impact, mais la glace tint bon et il finit par heurter du pied l'escarpement.

Jérémie haleta et toussa. Bien que leur chute se résumât à cinq mètres tout au plus, il avait mal. Très mal. Quand il vit le corps inanimé de Cyril entre ses bras, cependant, ses forces parurent renaître.

Alerte, l'adolescent scruta la falaise. C'est alors qu'il aperçut une anfractuosité à sa droite. Instantanément, il créa une lisière de glace le long de la paroi et souleva Cyril. Dynamo risquait d'apparaître pour s'assurer qu'ils était bien tombés. Jérémie se hâta donc de rejoindre cette ouverture naturelle. Leur survie à tous deux en dépendait.

Il marcha donc sur le rebord artificiel en priant pour ne pas perdre l'équilibre.

Plus que trois mètres... Plus que deux... Il y était !

Soulagé autant qu'il pouvait l'être en de pareilles circonstances, Jérémie allongea précautionneusement Cyril sur le dos. L'espace mis à disposition était à peine plus grand que deux cabines téléphoniques, mais cela suffisait amplement pour que les garçons s'y abritent. Maintenant que le danger semblait passé, Jérémie s'inquiéta de l'état de Cyril et l'examina. Il poussa alors un cri d'horreur aigu, très différent de celui qu'il aurait pu lancer en temps normal.

Sur le torse de Cyril mis à nu, une plaie s'étendait. Cette morsure informe et sanguinolente laissait la poitrine du garçon exsangue. La chair était lacérée et gravement brûlée, à un tel point que Jérémie se demandait par quel moyen son ami respirait encore.

Pétrifié par la détresse, il dévisagea le teint blême, les traits contractés qu'il connaissait si bien. Son ami encaissait en silence, perdu dans un océan de souffrance dont il n'avait même pas idée. Et tout cela... il l'avait fait pour lui, pour le sauver.

- Jérémie... articula Cyril en levant une main tremblante vers le garçon. Je suis content que tu n'aies rien...

- Ne te force pas à parler, tu gaspillerais tes forces, lui recommanda Jérémie.

Le ton du blessé ressemblait fort à un râle et il n'aimait pas ça. Pas du tout. De plus, ils couraient le risque que leurs voix portent.

- On va attendre que l'autre allumé s'en aille, puis on volera un bateau pour rejoindre le continent, reprit Jérémie en parlant précipitamment et à voix basse, comme si ce simple fait épargnait la douleur à Cyril. Et là, on te fera soigner, par la force si nécessaire.

- Franchement, l'interrompit ce dernier en laissant échapper un rire entrecoupé de quintes de toux, tu... tu crois vraiment que c'est réalisable ? Effectuer un tel t... trajet serait long. Bien... plus long que ce je p... pourrais supporter.

Jérémie renifla, contenant le flot de larmes qui se bousculait à l'encoignure de ses yeux. Non, il ne pouvait pas le laisser dire de telles âneries... Ils avaient vécu tant de choses, affronté plus de défis que quiconque. Et tout cela, ils l'avaient surpassé ensemble.

- Tu ne peux pas dire ça ! assura le garçon d'un ton en demi-teinte. Tu es toujours aussi borné ! Tu veux toujours faire passer les autres avant toi ! Tu...

- Je suis... ce que je suis, acheva Cyril en souriant tristement. Tout comme t... toi tu es le bon s... samaritain qui croit pouvoir régler les problèmes et p... protéger chacun des dangers.

Les poings serrés, Jérémie sonda son ami. Une détermination sereine se peignait par-delà ses grimaces. Cyril était prêt à accepter son départ, mais lui ne l'était pas. Pas encore. Trop de choses restaient à faire, trop de choses restaient à découvrir...

- Oui, et j'ai aussi peur de la solitude, je hais la pluie et les hypocrites, je ne sais pas montrer aux autres mes vrais sentiments, je suis un égoïste, je mange comme quatre et le soir avant de dormir, je m'imagine en tenue de super-héros ! déclama-t-il sans reprendre son souffle. Et alors, qu'est-ce que ça y change ? Je ne veux pas que tu me laisses. Je ne veux pas... être tout seul, sans toi à mes côtés !

- Dans ce cas... p... pardonne-moi, mais je vais devoir te trahir. Il est t... temps que tu voyages s... seul. J'ai tout f... fait pour t'aider. Je ne v... voulais pas que Dynamo tue mon m... meilleur ami, alors q... qu'il avait déjà fait de ma v... vie un enfer. Savoir que je t'ai é... épargné ce sort me contente largement. Désormais... t.. tu ne pourras compter que sur toi -même...

Chaque mot, chaque syllabe se détachait tel un glas et transperçait le cœur de Jérémie. Quelque chose sous ses pieds paraissait s'être effondré, comme un pilier de son existence qui s'effriterait et le laisserait désarmé.

- Arrête tes sottises, répliqua-t-il à Cyril d'une voix au timbre inégal. Tu te souviens de ces gamins qui te tapaient à cause des rumeurs sur ta famille ? Et bien j'étais là pour te défendre, quitte à prendre des coups. Aujourd'hui, c'est pareil, je ne te lâcherai pas, quoi que tu en penses.

Cyril inspira difficilement et cracha un véritable flot de sang. Jérémie s'agenouilla à son chevet d'un air inquiet, mais le garçon le stoppa d'un geste du doigt. Puis il dit :

- Tes propos m... me touchent, mais je n'en a... attendais pas m... moins de toi. C'est bien c... ce que je disais, tu p... penses encore régler mes p... problèmes. Pourtant, c'est c... certain : j... je vais mourir.

Cette vérité proférée sur un ton d'intime conviction ébranla les maigres espoirs de Jérémie. C'était fini, Cyril venait lui-même de sceller son destin fatal.

C'était fini.

- Avant que n... nous nous quittions, j... j'aimerais que tu sache u...une chose, expliqua Cyril en laissant percer une lueur farouche dans ses iris d'azur. Je voudrais... que tu survives. Oui, que t... tu survives. Et q... que tu dises à A... Ariane... que je l'aime. Je voudrais aussi que t... tu veilles sur nos c... camarades. Seul toi peut le f... faire, j'en suis persuadé.

Un sourire s'étendit sur son visage empli de larmes tandis qu'il fixait Jérémie d'un air fraternel.

- Me promets-tu d... de faire ce q... que je t... te demande ?

Manifestement, Cyril avait de plus en plus de mal à respirer. Jérémie pinça les lèvres comme un enfant troublé et hocha finalement la tête. Malgré tout, il avait l'impression de précipiter son ami vers les bras de la mort, car il sentait que celui-ci se retenait pour converser une dernière fois avec lui.

-Tends t... ta main, dit Cyril - tout en crispant la sienne sur sa poitrine écarlate. Je voudrais t... te faire u... un dernier c... cadeau.

Jérémie s'exécuta silencieusement, trop absent pour se soucier de quoi que ce soit. Le mourant lui saisit alors le poignet et comprima délicatement son pouls.

Ce fut assimilable à une explosion interne : Jérémie sentit courir de minces filets d'énergie dans son corps et l'air se déformer autour de lui. Plus que vivant, il était dynamisé.

Ce regain considérable n'allégea pas pour autant son affliction. Suite à cela, Cyril avait laissé sa main retomber lamentablement. Secoué de légers spasmes, il peinait à engouffrer de l'air dans ses poumons. Jérémie éclata alors en sanglots à la pensée que tout allait se finir dans cette grotte sinistre et perdue. C'était loin de constituer le plus digne des tombeaux.

Picoté désagréablement, Jérémie découvrit son épaule droite et se tordit le coup pour mieux voir. Il eut une exclamation horrifiée : une marque en forme d'éclair bleu barrait sa peau, à l'instar de celle qu'il avait sur l'autre épaule. Se pourrait-il que...

- Fais b... bon usage d... de ce p... pouvoir que j... je t... te lègue, marmonna Cyril en souriant de plus belle, tendu par l'effort. Au... m... moins, j... je continuerais d... d'être avec t... toi d'une c... certaine f... faç...çon.

- Attends ! hurla Jérémie sans se soucier de la discrétion.

- A... dieu, m... mon frè.. re d'â...me... Mes p... pensées r... rester... ont av..ec toi.

Paniqué, Jérémie s'empara du bras de Cyril comme pour éviter qu'il ne disparaisse. Il commença alors à le secouer faiblement mais sûrement pour le maintenir conscient. Tous ses efforts parurent bien futiles : Cyril se détendait progressivement et laissait sa respiration s'espacer.

Non, il ne pouvait pas l'abandonner... pas maintenant !

Jérémie ne savait plus quoi faire... Tout ce qu'il entreprenait paraissait voué à l'échec. Quelques souvenirs remontèrent alors qu'il cherchait confusément un espoir auquel se raccrocher. Rien n'y faisait. Il ne pouvait plus rien faire.

La main tremblotante de Cyril tâtonna dans le vide pour chercher son contact. Enfin, le garçon empoigna Jérémie au collet avec une force surprenante et il haleta :
- Jé...ré...mie.

Avant qu'il ait pu dire ou faire la moindre chose, la prise se desserra et la main retomba mollement. Les yeux bouffis, le corps agité de sanglots étouffés, Jérémie contempla alors Cyril. Son regard vide s'aventurait vers un monde qu'il ne pouvait désormais plus voir. Son souffle avait vacillé comme la flamme d'une bougie et l'immobilité seule animait son corps. Le sourire éternellement figé sur son visage évoquait une beauté éteinte, un rire qui plus jamais ne percerait parmi les ténèbres.

Jérémie poussa une lamentation déchirante, si puissante qu'il crut que sa gorge allait se fendre. Mais peu importait. Il se sentait consumé par un brasier de tristesse. Et il avait mal... là, quelque part au niveau de la poitrine.



Son corps roué de coups lui causait grandement tort. Chacun de ses pas était telle une pelote d'épingle enfoncée dans sa chair. Tant et si bien qu'il claudiquait anormalement en montant les marches.

Hyde soupira de déception. Il avait eu a chance d'en réchapper face à son frère. Mais ses hommes n'avaient pas eu droit à la même bénédiction. Violemment - si ce n'est sauvagement -, Orion les avait annihilés, réduits à rien.

A présent Hyde était contraint de venir annoncer la mauvaise nouvelle au directeur. Certes, il avait blessé son cadet suffisamment pour le forcer à fuir, mais il ne l'avait pas capturé. En ce cas, fort était à parier que Monsieur Notfair entrerait dans une colère froide. A l'avis général, elle n'était comparable à aucune fureur connue. Dans ces moments là, son supérieur se montrait plus éruptif qu'un volcan.

Aussi Hyde marqua-t-il un temps d'hésitation avant de pénétrer le bureau directorial. Il se sentait à l'image d'un chien battu qui craignait la venue des coups. Rassemblant son courage, l'homme poussa la porte et franchit le seuil.

Monsieur Notfair, les mains croisées dans le dos, observait le paysage d'un air pensif à travers sa fenêtre. Quelques signes d'irritation venaient agiter compulsivement les pointes de sa moustache. Hormis cela, il respirait un calme total, presque dérangeant pour qui le connaissait.

- Encore des mauvaises nouvelles ? le devança le directeur en tournant une face aux mâchoires serrées vers lui. Allez-y Hyde, je suis prêt à tout entendre, plus rien ne me choquera de toute façon.

En dépit de cette assurance, Hyde sourcilla nerveusement. Il sentait que son directeur pouvait exploser d'un instant à l'autre. Après un long débat intérieur, il expliqua :

- Lors de ma patrouille dans la jungle, j'ai rencontré le criminel Orion. Après un dur combat, j'ai fini par le mettre en fuite sans parvenir à le capturer. Malheureusement, il a tué tous mes hommes dans la foulée. Selon mon expérience, il dispose du pouvoir de Type Spectre, car il peut absorber l'énergie vitale et traverser la matière, devenant intangible. A signaler aussi que tous les évadés ont réussi à emprunter un bateau pour fuir. Les défenses mises en œuvre n'ont pas suffi. En revanche, ajouta-t-il d'un ton plus assuré, les Pokémon des évadés ont pu être transférés à temps. Pour des raisons de sécurité, nous avons changé leur destination d'origine. Ils attendent désormais à Vörtung.

Essoufflé d'avoir parlé sans discontinuer, Hyde marqua une pause et prit place sur la première chaise qui lui tomba sous la main. Il avait vraiment très mal, que ce soit du crâne jusqu'à la pointe des pieds.

Monsieur Notfair trahit un air de lassitude extrême et soupira. Sur son siège, Hyde manqua de perdre l'équilibre, intimement persuadé qu'il allait hurler. Cependant, loin d'être impétueux, le directeur tourna vers lui un regard mélancolique. Hyde y lut quelque chose de sombre, d'incertain, une sorte de hantise mêlée à l'accablement.

- Hyde... je ne vous cache pas que la situation est très grave, dit-il en pinçant les lèvres. Nos hommes comme mon Sulfura n'ont pas su les stopper, ni même la jungle et les barrages navals. Ces Pokéman sont une véritable plaie. Et vous seul ainsi que les Orokami pouvez leur tenir tête. Désormais, ils ont l'avantage du terrain. L'immensité de leur aire de " jeu " leur permettra de se soustraire à nous comme bon leur semble. Et si nous ne sommes pas suffisamment forts pour les abattre quand l'occasion nous est donnée, le monde courra à sa perte.

Dévasté par ce flot de réflexions tristement exactes, Hyde garda le silence. Ce qu'il redoutait depuis tant d'années se réitérait. Le train était lancé, dramatiquement lancé. Et rien ne semblait capable d'entraver sa course folle.

- Nous avons trouvé le cadavre de Murdoch Attali, reprit Monsieur Notfair en décroisant les bras pour enrouler l'extrémité de sa barbe. En tout, il reste douze indésirables à rechercher, en plus d'une vingtaine d'autres criminels très dangereux. Ce ne va pas être tâche facile que de les attraper. Le Gouvernement risque d'être fort mécontent à l'annonce de cette évasion massive et les sanctions seront alors immédiates et cruelles.

Hyde suivit ce quasi monologue d'une oreille distraite. Ses pensées allèrent à Naïa, dont la voix mélodieuse l'avait un peu réconforté lors de sa dernière annonce ; aux adolescents qu'il avait libérés et dont il ignorait le sort exact ; et aussi à la population encore tenue dans le doute vis-à-vis de la menace. Plus il réfléchissait, et plus il s'enfonçait dans de sombres déductions qui le minaient.

Une toux exagérée le tira de sa rêverie. Monsieur Notfair voulait lui montrer quelque chose, de toute évidence. Pointant du doigt son bureau où s'étalaient douze avis de recherches, il récita :

- Tobias Dihyllis, dit la " Lance d'or " ; Xavier Solrei, dit le " Faucheur d'ébène " ; Cyril Seko, dit " Raishini " ou encore Jérémie Marchal, dit les " Névés écarlates ". Voilà quelques uns des indésirables et les primes jointes à leur capture. Veuillez avoir l'obligeance de faire apposer ces fiches dans tous les Centre Pokémon, Hyde. Je compte sur vous.

- Très bien, je vais lancer une recherche de grande ampleur... commença ce dernier en s'inclinant poliment.

- Non, je mènerai personnellement le front, l'interrompit le directeur d'un ton sec. Convoquez tous les gardiens. Il est temps que l'Orokami en Chef reprenne du service.

- Comme vous voudrez, monsieur.

Hyde s'apprêta à tourner les talons lorsque son supérieur l'avisa du regard et lui demanda d'un ton moins formel :

- Il me semblait avoir compris que vous disposiez du pouvoir de Type Eau, Hyde. La veille, une colonne d'eau a balayé l'attaque de mon Sulfura. Était-ce vous ?

- Peut-être, avoua l'homme en se grattant le front. Ce devait être une attaque perdue, veuillez m'excuser. Soyez assuré que c'était involontaire si tel était le cas.

Alors que Hyde tendait une jambe pour montrer qu'il comptait sortir, il fut de nouveau arrêté dans son élan :

- Si vous l'aviez fait de votre propre initiative, je suppose que vous ne me le diriez pas ? Est-ce que par hasard... vous tenteriez de venir en aide à ces gamins ?

- En aucun cas je ne vous mentirais, monsieur, assura Hyde de son ton le plus convaincant. Je ne sers que la justice du Gouvernement, et non la mienne.

Retenant son souffle, il planta son regard dans celui du directeur. Sans ciller ni trahir une quelconque émotion. Enfin, Monsieur Notfair parut se décider après quelques secondes d'attente :

- Parfait, c'est tout que je voulais savoir.

Et d'un geste, le directeur congédia Hyde.