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A Guy and his Breathtaking Destiny de Drad



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» Auteur : Drad - Voir le profil
» Créé le 05/06/2012 à 23:45
» Dernière mise à jour le 02/07/2014 à 20:30

» Mots-clés :   Aventure   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de transformations ou de change

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XVII - Comme un Oiseau dans l'eau
L'éclat lumineux et le sifflement caractéristique ne durèrent pas plus de trois secondes. Dans l'instant qui suivit, le flamboiement s'estompa alors, et je vis le ciel. D'une fantastique couleur océan, régi par notre astre resplendissant. Surplombant une mer. Cotonneuse et agitée. Donc de nuages.

- BORDEL DE...

Puis je tombai, perçant à travers l'atmosphère, agitant frénétiquement mes ailes dans ce tumulte de bourrasques brusques, avant de me rendre compte que sans avoir pris d'élan, je ne pouvais que me contenter de chuter comme une pierre. Dans une colonne de plumes colorées arrachées par l'air sifflant, outre le fait que mon rythme cardiaque atteignait des records (bien que maintenant, les chutes, je devais m'y être habitué), je vis une sorte de portail couleur or quelques mètres au-dessus de moi, lumière mystique par laquelle j'étais tombé. Je n'eus même pas le temps de dire "Tic" qu'un gros dragon orange en sortit en chutant également, suivi de près d'une moins grosse bête couleur bleu de cobalt et d'un point de chlorophylle, avant que le disque doré ne se referma brusquement. Faisant preuve d'une incroyable dextérité, le Dracaufeu et le Drakkarmin réagirent immédiatement en déployant leurs ailes, stabilisant leur position et contrôlant en un rien de temps leur altitude pour enfin planer comme bon leur semblait. J'aperçus Drak foncer droit sur le pixel vert, le récupérant au vol, et je distinguai Fire qui me pointait du doigt. MOI, JE TOMBAIS TOUJOURS COMME UNE MERDE.

- A L'AAAAAAAAIIIIIIIIIDE !

Mes alentours s'embuèrent alors, un épais brouillard m'enveloppa ; je traversai à ma vitesse maximale de chute le parquet de cumulonimbus qui allait pas tarder à devenir mon plafond. Et je commençai à être humide. Mouillé. Trempé. Avant de me faire littéralement balayé par un courant aérien monumental lors d'un grondement tonitruant, mitraillé par des gouttes d'eau énormes et des grêlons de la taille d'un pouce, et me retrouver face à l'enfer dissimulé par l'anthracite couverture nuageuse : l'océan ardoise, dans une fureur légendaire, ravagé par des lames en engloutissant d'autres, était déchaîné, véritable catastrophe apocalyptique, le déluge d'eau et de glace mêlé à la foudre rugissante régnant sur les cieux obscurs. Emporté par ces vents violents, j'en profitai pour me mettre en position de vol, d'étendre mes ailes, et de commencer à en battre. Élancé cette fois-ci (et pas qu'un peu), je pus planer alors, tout ébouriffé par l'ambiance chaotique mais apte à choisir ma direction. Je fis alors un convenable demi-tour : je gardai mon calme et un maximum de sérénité, bien qu'effrayé et excité par cette première véritable expérience de vol et par l'idée de pouvoir me suspendre au-dessus de ces mers en furie. J'aperçus alors mes compagnons d'infortune, l'une étant portée par l'un, voler à ma rencontre :

- Quel bordel ! Pourquoi est-ce qu'il nous a envoyé là ?!

- J'en sais fichtrement rien ! En attendant, faut retrouver la terre ferme ! criai-je.

On n'en discuta point plus longtemps ; t'façon, on comptait pas trop s'attarder. Drak, agrippant Shaymin qui se recroquevillait sur elle-même, Fire, qui tenait fermement d'une patte la sangle du Sac à Trésor, et moi même, Aéroptéryx quelque peu perturbé, volions à travers la titanesque tempête, frappés par les délires météorologiques mais tenant bon. Drak s'égosilla pour que sa voix rauque nous atteigne dans le boucan océanique :

- C'est pas trop dangereux avec cet orage juste au-dessus de nos têtes ?!

- Tu parles ! Qu'est-ce tu veux qu'il nous arrive ?

- Et en plus, rajouta Fire en se la pétant un peu, je sais parfaitement que les risques de se prendre un éclair en plein vol son un peu près égaux à...

Fdrbcht. Ça a un peu près fait ça, mais c'était tellement assourdissant et aveuglant qu'il n'y a aucune typographie existante pour représenter convenablement l'éclair qui foudroya le Dracaufeu en plein vol, alors voilà. Après la surprise-crise cardiaque, Caverne, Gratitude et moi vîmes Flamme tout carbonisé chuter vers les eaux impitoyables qui mugissaient en contre-bas. Bordel.

- FIRE !

N'écoutant que mon instinct, je plongeai à sa poursuite, et crus voir du coin de l'œil Drak en faire autant. Cette fois consciemment, je filai droit vers l'altitude zéro, recroquevillant mes ailes au maximum et m'étirant de tout mon long pour gagner le plus d'aérodynamisme possible. J'eus alors un flashback en pleine célérité vertigineuse et élan de secourisme. Les eaux sombres et menaçantes. L'abîme inconnu. Le liquide glacé et salé s'infiltrant dans mes narines, mes sinus, montant presque au cerveau. Le danger. La panique. La peur. L'impossibilité de respirer, la condamnation à l'engloutissement et le poids de mon corps alourdi m'entraînant vers le fond, vers les abysses cruelles et monstrueuses... J'avais une putain de peur de l'océan, mais pourquoi alors je filais toujours tout droit ? Pour le sauver. Un Dracaufeu dans l'eau, c'est condamné. Et pourtant. Je ne pouvais rien faire d'autre. Je rattrapai quasiment le Pokémon en même temps que la terrible mer.

Sans voir une de ces vagues gargantuesques se soulever soudain. Le Pokémon Feu qui ne volait plus se fracassa contre la houle avant de couler à pic, je fus plaqué dans le froid bain de sels géant par le mur d'eau. On se fit noyé dans le roulement violent, et je perdis Fire de vue. Définitivement submergé dans le vacarme des trombes aquatiques, je coulai à pic dans une nuée de fines bulles d'air, chaque mouvement tenté vainement demandant mille fois plus d'efforts, cruellement ralentis par toutes ces molécules lourdes qui composaient l'eau. Tout son fut étouffé soudain, devenait de plus en plus inaudible ; le brouhaha des cyclones s'estompa étrangement. Dans un réflexe de survie, allez savoir pourquoi, j'ouvris les yeux. J'avais mon regard reptilien planté droit vers l'immensité infinie des profondeurs océaniques, vides de vie. Le calme horrifiant du néant marin et le cauchemar abyssal inconnu et oppressant me crispa brusquement ; ma respiration s'emballa, mes muscles se tétanisèrent, je ne pensais plus à rien, ni à mon but, ni à pourquoi, ni à comment, ni à ma vie, j'avais seulement extrêmement peur, de l'angoisse à l'état pur sans aucune once d'autre pensée occupant un coin de mon esprit. Je voulus refermer les yeux, trop épouvanté par ce que je voyais, mais rien n'y faisait. Les abysses, gueule grande ouverte, me figeaient, et ne pouvaient que m'aspirer encore plus loin dans ses entrailles. Mon air, bloqué, fut alors brusquement rejeté, comme si mes poumons relâchaient tout, succombaient à une pression trop forte. Je vomis tout mon oxygène par la gueule et le museau, en pleine transe, en un cri brouillon, impossible de faire quoi que ce soit. Les affres et la panique étaient à leurs paroxysmes. Totalement inerte du corps et de l'esprit, ma vision se voila soudain, un froid intense emplit ma poitrine ; je me sentis partir, m'évanouir pour de bon. La dernière chose qui me rattacha au monde fut un tintement cristallin à la base de mon gosier.



Gueuah.

- Ah ! Tu bouges enfin !

Avec grand peine, je gémis, frémis, sentis une terre caillouteuse et sablée sous mon corps, avant de me redresser, me mettant sur mon séant endolori et sollicitant mes muscles pleins de courbatures. Gueuah et aïe.

- Alors ? C'était comment, ce p'tit plongeon sympathique ?

Faut vraiment que tu me parles et me fasses des réflexion à un moment pareil ? J'ai bien le droit de gémir un peu, non ?

- Une Voix de la Raison, c'est censé te raisonner.

Je vois pas le rapport.

- Moi non plus.

Bref, gueuah. Après m'être étiré les pattes, les ailes et la queue, tout froid et humide encore (et en me faisant également plus de mal que de bien), sentant le sel à plein nez, à moins que j'eusse le nez plein de sel, je battis des paupières, mes yeux étant restés un peu brûlés par l'eau iodée. Je les écarquillai ensuite complètement, histoire de me situer géographiquement. Une grotte. Assez grande tout de même ; j'aurais jamais pensé qu'une formation géologique aussi impressionnante en volume pouvait exister. Toujours assis car ayant la grosse flemme de me lever, je remarquai une étendue d'eau là-bas, un peu au fond de cette grotte. Et, chose assez notable, la grotte était éclairée par des torches accrochées aux parois rocheuses par des anneaux de fer : aucune ouverture donc sur le ciel. Une vraie cavité géologique bien comme il faut, avec un grand point d'eau, et éclairé pour pas qu'on se marche sur les pattes. Le cliché de la grotte dans n'importe quel œuvre vidéo-ludique, quoi. Ah oui, et ça sentait le Pokémon Poisson. Assez fort, même. Je me grattouillai assez fortement la cuisse avec une de mes griffes histoire de voir si c'était pas un rêve à la con. Fallait croire que non. A part ça, je me sentais vachement bizarre. Comme si je sortais d'une machine à laver, littéralement.

- Tu m'étonnes Phione ! T'as du te faire bien essorer avec ce temps ! C'est trop la classe, hein ?

- Heu... Ouais, si tu veux, répliquai-je à haute voix.

Puis, regardant le plafond ruisselant en remarquant que le bruit des vagues du morceau d'océan avoisinant résonnait dans l'excavation, j'ajoutai :

- N'empêche que je sais toujours pas comment je suis arrivé là.

- C'est problématique, en effet, souligna la Voix tellement sérieusement que ça en devenait ridicule.

- Bon ça va hein, j'ai un peu le droit de me poser des questions quand mon Destin me suit pas en mode gros stalker.

C'est parti pour le moment réflexion.

- Ça m'étonnerait que le courant m'ait emporté jusqu'ici... En plus, j'étais en train de crever... J'étais mort, même... Enfin, mon corps était mort... Un peu comme après l'accident de métro quand j'étais dans l'ambulance... Étrange, vraiment très étrange... Ou alors... Quelqu'un m'a amené là ? Mais qui ?

La Voix plaisanta (alors que bon, dans ces moments-là, des gens normaux évitent) :

- Un Pokémon trop méga hyper puissant ?

T'es en forme toi dis-donc.

- Tu m'as demandé de plus t'emmerder avec ta mission cruciale - et j'te rappelle au passage que tu perds du temps, là - alors j't'emmerde plus avec, répliqua la Voix, un peu blasée. Mais faut bien que je te guide vers la Raison.

- Bon bah ça va, je crois que j'ai compris ! soulignai-je, escagassé. Si tu dois me guider vers la Raison, apporte moi la raison de ma présence ici, et tu m'aideras, tiens !

- Quelle bonne idée fantastiquement inutile ! Mais bon, vu que t'as définitivement l'air pas très malin, j'vais t'aider un peu, parce que sinon je crois que tu vas me bassiner avec la question du "oh mon dieu comment je suis arrivé là ?!" pendant encore longtemps.

Tu m'imites mal.

- J'suis pas imitateur. Bref. T'as regardé autour de toi au moins, histoire de voir si tu peux pas récolter un indice ou deux ?

J'vois pas en quoi regarder autour de moi m'aiderait.

- J'en sais rien, moi, je propose. Essaie, ça te coûte rien.

Si, justement. J'ai mal au dos.

- AH, C'EST PAS LE MOMENT, HEIN ! TOURNE-TOI, J'TE DIS !

- MAIS J'AI PAS ENVIE ! protestai-je.

- TOURNE-TOI, MERDE !

- OK, C'EST BON, J'ME RETOURNE, CALME-TOI !

Je me levai en grommelant contre cet abruti qui me donnait encore des ordres, retirait le sable de mes plumes de cuisses, et me retournait, sachant pertinemment que je n'allais pas trouver...





[...]





O_o





... un gros Pokémon Oiseau à la titanesque carrure couleur nacre, au ventre outremer, aux puissantes et non moins pharaoniques ailes repliées, au long cou déployé pour que sa tête légendaire d'au moins un mètre de diamètre soit pile en face de moi, à me fixer avec des yeux abyssaux chacun surmonté d'un très délicat aileron bleu marine, me touchant presque du bout de son simili-bec d'où dépassait deux crocs ivoires. Le concerné agita son magnifique appendice caudal également terminé par deux ailerons saphirs dans un scintillement argenté, frappant le sol de son antre avec délicatesse et déploya ses larges écailles dorsales elles aussi teintées d'un bleu profond, avant de les replaquer aussitôt sur son dos histoire de se la péter et de me lancer, un sourire en coin :

- Je préfère le terme de gardien des mers, seigneur des abysses, Pokémon trop méga hyper puissant ou Voix de la Raison pour ta part... Voire même Lugia, tiens. Tout est dans le nom, après tout, non ?


Y a de quoi rester le souffle coupée.

- Mais... Mais... Mais...

- Rah la la, je sais, t'es sans voix, mais qu'est-ce que tu veux ! C'est la classe, c'est tout, lança le Pokémon légendaire en haussant les ailes. Et puis, pas beaucoup de gens s'attendent à ça ; même si, faut l'avouer, avec tous les indices que t'avais à ta disposition y a même pas deux minutes, ça coulait de source.

Je restai tout de même perplexe :

- Ouais, m'enfin, tu te tapes le thème de Grodoudou, quand même. C'est vachement dégradant.

- Ta gueule ; c'est pour accentuer le comique de situation.

Mais bien sûr. Foutue rédaction.

- Et donc, je... Me suis fait sauver d'une noyade par un Lugia ?

Le concerné de cinq mètres et demi rétorqua, un peu vexé :

- Hé ! Par THE Lugia, okay ? Des comme moi, y en n'a pas 36.

- Ça explique toujours pas POURQUOI.

S'asseyant enfin dans un bruit sourd notable (parce que rester la tête penchée sur ma petite personne, ça doit faire mal au cou à un moment), le seigneur des abysses se justifia :

- Une Voix de la Raison, ça aide. Puis t'avais un Glas Tempête sur toi, alors voilà.
Un Glas Tempête ?

- La mini cloche argentée ? m'étonnai-je, prenant l'objet en question entre mes pattes, pendouillant à mon Ruban Joie.

- Ouais. Elle marche que sous l'eau ; c'est un modèle spécial, en plus d'être réduit et facile à transporter !

Ah oui ? Merci Goyah. Cela dit, encore quelqu'un qui en savait plus que moi sur moi. Ca m'énerve. Puis je fus pris d'un doute ; sous l'œil amusé du gardien des océans qui savourait toujours sa surprise, je regardai une nouvelle fois mon plumage et l'état de ma queue, me raclai la gorge, me tâtai mon écailleux crâne, bref, fis un bilan santé rapide, avant de songer :

- Mais... J'étais vraiment dans une merde pas possible, rempli d'eau, frigorifié, paralysé, voire même complètement out...

Le Pokémon Plongeon (si ma mémoire est bonne) éclata de rire :

- Si tu crois que j'allais rester à bâiller aux Cornèbre pendant que t'essayais de battre ton record d'apnée au lieu d'accomplir ta mission, tu fourres la griffe dans l'œil jusqu'à l'Hypotrempe !

Ça se tenait.

- N'empêche que je vois toujours pas comment j'ai été vidé/réchauffé/revigoré sans m'en rendre compte, demandai-je curieusement en contemplant de haut en bas mon sauveur.

Lugia pencha alors doucement sa tête vers moi avec un regard cachotier et licencieux :

- Je sais m'y prendre.




[...]




C'ÉTAIT PAS TRÈS TRÈS RASSURANT.

- Mais... Mais... Mais... Attends, attends, balbutiai-je, perturbé par les récents événements. Tu veux dire qu'après avoir rencontré mon Destin suivie de la fille qui est là bien qu'on sait pas pourquoi et avoir assisté à l'exécution d'un Pokémon Légendaire par de mystérieux connards apparemment hérétiques, je me fais sauver par un... Par LUGIA d'une noyade certaine, même Lugia qui est donc la putain de voix que j'entends dans ma tête depuis que je me suis réveillé en Pokémon ?

- Yep, sourit-il de tous ses crocs. Le seul, l'unique, le beau ! enchaîna-t-il en gonflant ses muscles certes impressionnants.

- Faut que je me rassoie, là, suffoquai-je un peu, éberlué, faisant retomber mon derrière et ma queue emplumé sur le sol sablonneux.

Lugia (j'me rendais toujours pas bien compte, ça faisait tout de même vachement bizarre O_o) enchaîna :

- Les autres sont d'ailleurs pas encore réveillé, mais ça ne devrait tarder, m'apprit-il en relevant la caboche, regardant à sa gauche.

Et là, allongés à même le sol, un Dracaufeu, un Drakkarmin et un Shaymin étaient étendus ainsi. Le premier gisait, le second ronflait, la dernière bronzait à la lueur des torches. Je me précipitai, soudain alerté :

- Merde ! Drak ! Fire ! Shaymin ! Ça va ?!

J'accourus au chevet de chacun, les auscultant tous, vérifiant dans quel état la tempête les avais mis. Faut dire que Caverne et Gratitude n'étaient pas à plaindre :

- Hm ? Quoi ? bégaya le premier, somnolant encore.

Quant au buisson fleuri :

- Laisse-moi ! Tu vas tout défaire c'que j'ai fait !

J'enchaînai avec l'émotion "stupéfait" :

- Mais... Vous...

- On s'est juste ré-endormi, souligna Drak, se frottant les paupières rugueuses avec ses pattes griffues. Comme tu n'étais pas encore remis de notre chute, et donc étant donné du fait que toi et ton nouveau pote Dragon étaient encore dans les vapes, on a préféré récupérer un peu plus en attendant votre réveil.

- T'es tout excusé, le rassurai-je. Je suppose qu Shaymin aussi... ?

Elle rétorqua, restant allongée sur son ventre lilial :

- Ouais, j'ai clairement profité de votre état qui faisait pitié pour me la couler douce !




[...]




Elle parut surprise :

- Bah quoi ? C'est pas ce que l'autre macho vient de t'expliquer ?

- Si, si, la foudroyai-je du regard.

Puis je me tournai vers le cas Flamme : le Sac à Trésor posé à ses pattes, le pauvre était quand même salement amoché et respirait extrêmement difficilement. Sans compter la flamme au bout de sa queue qui n'y était plus. Façon de parler, heureusement ; seule une faible lueur, aussi frêle et fragile qu'une flammèche d'allumette, vacillait fébrilement. Je tressaillis tout de même :

- Attends... Me dites pas qu'il est...

- Il est pas crevé, me coupa Lugia. Il est juste très très très très très très mal en point. Mais il tient bon. Pour le moment. Enfin je crois. Mais comme je sais des tonnes de trucs, mon savoir et ma raison me disent qu'il est pas crevé. Normalement. Si tout va bien.

Je bondis sur le meneur infaillible des W.T.F. en lui tâtant le pouls, regardant ses pupilles et prenant sa température avant de m'exclamer, inquiet :

- J'suis pas médecin, mais je dis quand même qu'il est vachement mal ! Il est frigorifié !

Le gardien des mers souligna :

- J'ai eu beau user de tous mes formidables talents, il est resté aussi inerte qu'un Magicarpe après un maëlstrom. Il a du sacré plomb dans l'aile.

Faut dire qu'il s'était pris la grêle ET la foudre ET chuté brutalement ET fait un plat monumental ET noyé. Moi aussi, mais bon, moi, j'suis le héros. J'pouvais pas crever. JUSTE SOUFFRIR.

- Y a vraiment aucun moyen de le remettre sur pattes ? demanda le Drakkarmin, tout sympathique qu'il était, pendant que Mynshia retournait se synthétiser de la matière organique.

Lugia parut pensif, se frottant le bout du bec de sa main-aile, et songea avec un air de scientifique gourou perplexe, avant de lâcher :

- Mmmmmmmmmmmmmmmmh... Y aurait peut-être bien une certaine espèce de corail bien précise qui, une fois réduit en poudre et mélangé à un peu d'acide acétylsalicylique dissout dans un grand verre de solution iodée aluliminigimineuse et trifordiafolique, aurait sans doute des effets probant sur la santé de notre cher invité, agissant sur son système immuno-réceptif de son organe producteur de méthane, accélérant ainsi la production et la montée de température corporelle, ce qui permettrait donc de le sauver d'un décès probablement pas obligé...

- T'as vachement changé par rapport à dans ma tête, rétorquai-je.

- Vu que le suspens quant à qui j'étais est retombé, j'peux me permettre d'être naturel, rétorqua-t-il à son tour en haussant les ailes.

Ok. Bon. Bien que je trouvai cela un peu trop facile et un peu trop prétexte à laisser penser qu'il y a toujours une plante médicinale mystique qui guérit les malades cheloues, je devais me rendre à l'évidence que c'était une info à prendre ou à laisser.

- Un corail miracle ? Où on le trouve ? continua Drak, décidément prêt à aider n'importe qui.

Je sais pas vous, mais moi, j'attendais l'endroit bien chiant et inaccessible.

- Bien pensé ! sourit fièrement Lugia à mon adresse. Le Zyvalabaïakedeycahirah Edeycucurbitacennesoupus ne pousse malheureusement que dans les grands fonds bien au fond des mers les plus profondes. Enfin, quand on le trouve, ça vaut quand même le coup d'avoir ramé pour le trouver, vu le trésor de la nature que c'est !

Caverne parut décidé à sauver Fire quel qu'en était le prix ; moi, je frémissais. Le seigneur des profondeurs océaniques me regarda en coin et surtout de très haut :

- Après, s'il y en a qui ont trop peur, ils peuvent toujours attendre à rester planter là comme des Simularbre, ne pas écouter sa Voix de la Raison qui le guidera sur le chemin crucial de la Raison et attendre que son ami secouriste - qui aurait déjà, depuis fort longtemps, parcouru monts et vaux pour soigner son fidèle camarade à l'heure qu'il est - périsse dans d'atroces souffrances et meure. A tout jamais.

Il marquait des points, le légendaire emplumé. Je tournai mon museau vers le Pokémon malade, souffrant, gémissant faiblement, alors que Drak me regardait avec insistance. C'est clair que je devais lui venir en aide. Je quémandai de plus amples informations, en simple signe de prévoyance :

- Et... C'est très profond ?

L'Oiseau de la Raison approcha son bec du mien d'un air menaçant trahit par son sourire sadique en coin, puis, toujours à cette distance (trop) petite, déploya ses ailes immenses en agitant ses sortes de doigts plats les finissant, mimant de cruelles mains crochues et démoniaques :

- C'est les infinies profondeurs abyssales inconnues, noires, froides, et flippantes avec pleins de gros Pokémon encore méconnus des vivants qui seraient prêt à bouffer le premier bout de chair venu s'aventurer malencontreusement.

Drak frémit à son tour, et moi je jurai. Damned. Pourquoi, mais pourquoi ?! Puis soudain, une petite question supplémentaire totalement anodine me vint à l'esprit, question à laquelle je répondis moi-même, et dont la réponse me rassura aussitôt. Je poussai un soupir soulagé et un peu fier d'avoir démasqué le bluff de Lugia :

- Ah mais non mais ça se peut pas ! On n'a pas à y aller puisqu'on peut pas !

Lugia ne fut aucunement déstabilisé dans son air satisfait, mais le Pokémon Dragon altruiste ne comprit pas :

- Hein ?

Je haussai les ailes, un grand sourire cette fois pleinement fier se dessinant sur ma gueule reptilienne :

- C'est simple. On respire pas sous l'eau, nous. Quel dommage, franchement. Ah la la la la. Zut alors.

La réaction ne se fit pas attendre. Drak s'en souvint soudain, songeant "ah, c'est vrai", avant que le gardien des océans explose de rire :

- Haha ! C'est ça ton problème ?! Mais tu me prends pour qui, ma parole ?! J'ai tout prévu !

Puis il tourna la tête vers le point d'eau, et il siffla (chose impossible pour un Lugia, me
direz-vous, jusqu'à ce que je l'entende faire. Et il siffle mieux que moi.). Ni une ni deux, de fébriles remous se firent observer à la surface brillante sous la lueur des torches, puis deux têtes roses parurent soudain hors des flots.

- Ra... Mo... Losss ?

Deux Ramoloss, souriant bêtement, leur Q.I. transparent à travers leur vocabulaire fantastique d'ingéniosité, et la manière dont ils penchaient idiotement la tête ne pouvant que témoigner de leur INCROYABLE lucidité.

- Sages petits ! sourit Lugia, limite en leur tapotant pas la tête.

Et enfin, se tournant vers nous, feignant de nous porter une quelconque considération en exagérant une référence extraordinaire :

- Les carrosses de messieurs sont avancés.

Ah mais non. Non mais non mais non. Je suis pas trop d'accord.

- T'as pas le choix, me rembarra l'Oiseau de la Raison. Tu vas nous faire une petite Plongée avec ces vénérables camarades, vu que c'est le seul moyen de sauver le Dracaufeu souffrant ici présent ; et puis, ils sont aussi gentils et innocents qu'un Rozbouton naissant, ce sera une gentille petite pérégrination océanique !

J'étais quand même bien décidé à éviter d'affronter ma peur. Le principe d'une peur, c'est que t'en as peur, alors pourquoi j'aurais sauté sur l'occasion ?

- Mais... Attends, tu peux pas y aller, toi ? T'es grand, t'es beau, t'es puissant, t'as la classe, t'as le powa inné, alors pourquoi tu peux pas y aller ? déblatérai-je en voulant gagner du temps. Tu connais bien les abysses, en plus, c'est un peu ton royaume, donc ça serait plus logique que t'y ailles TOI, tandis que nous, on veillera sur nos amis, et...

Se penchant soudain sur moi de tout son être impressionnant comme à son apparente désagréable habitude, il plissa les paupières comme pour sonder mon esprit, ce qu'il n'avait pas arrêté de faire cela dit depuis qu'il me causait par télépathie, avant de prononcer la question qui tue en articulant bien comme il faut :

- Aurais-tu... Peur ?




[...]




- Naaaaaaaaan ! niai-je en bloc, faisant signe que ce n'était qu'un foutaise, la peur, surtout pour des gars comme moi, qui en ont vu d'autres.

- Bon ! Alors il n'y a aucun raison que ce ne soit pas vous ! s'exclama-t-il. Moi, je dois me reposer. Ma méthode de sauvetage et toutes ses surprises sont éreintantes ; et en plus, j'dois peut-être aller manger, après...

Pendant que Drakkarmin s'en allait hardiment vers les deux Crétins qui nous attendaient, cette fois convaincu de sa mission du jour, Lugia me poussa littéralement vers les Ramoloss patients, alors que je griffai le sol de mes pattes, cherchant une autre excuse :

- Mais... Si on se fait attaquer ? Si on a des problèmes ? Si on se fait attraper par un Dresseur ? Si y a un paquebot flambant neuf réputé insubmersible qui rallierait deux villes connues et qui s'échoue juste au-dessus de nous pile lors de son premier voyage ? Si...

- Pas de manières, allez, allez ! Ce sera une toute gentille petite pérégrination ! Vois cela comme une épreuve ! Une épreuve pour te prouver qui c'est le patron ! Une épreuve pour te surmonter, quoi !

Je fus à moitié balancé dans l'eau, et Drak, s'agrippant fermement à sa monture rose bonbon un peu bêta, chevauchant le Ramoloss comme un véritable cow-boy des mers, assura avec un air de secouriste chevronné beau gosse aux lunettes de soleil :

- On vous ramène le médicament corallien de suite ! Notre mission sera accomplie en un rien de temps par des pros comme nous, alors attendez-nous sagement sans trop faire de bêtises !

- Je n'en doute pas une seconde, cher ami ! répliqua le gardien des abysses, tout sourire, pendant que, trempé, j'essayai tant bien que mal de trouver une position adéquate sur mon Pokémon poisseux.


Un petit tunnel sous-marin à traverser, et nous arriverions à déboucher sur le disque bleu qui pointait au fond. Les Ramoloss, nonobstant leur petit quotient intellectuel, ne posaient effectivement aucun problème, et se contentaient de nager habilement et efficacement, gardant leur sourire un peu désespérant gravé sous leur museau beige. Ils resplendissaient tous les deux d'une douce lumière blanche, nous enveloppant chacun dans un halo brumeux, où nous pouvions respirer tout à fait normalement, créant une sorte d'invisible bulle d'oxygène où conditions de surface étaient globalement garanties. Ma première Plongée. Faut dire que, même lors de mon voyage à Hoenn, j'avais évité d'apprendre la fameuse CS à Colhomard, vu que de une, il m'écoutait jamais, et que de deux, j'avais pas l'intention d'aller plonger, vu mes sentiments. Drak et son Ramoloss nageaient à côté ; lui et moi nous tenions fortement à la petite créature serviable (facilement contrôlable par quelques pressions sur leurs épaules, en passant). Je, et donc je supposais nous, ressentions une étrange mais non moins apaisante sensation de flottement, notre halo protecteur tiré avec une force contrôlée entre les molécules qui constituaient chaque millilitre d'eau salée, et étions transportés ainsi, nous rapprochant de plus en plus du bout du tunnel. Fallait avouer que l'idée de Lugia n'était pas nulle.

- Un peu qu'elle est pas nulle ! C'est de moi, quand même !

Hé, ça va, hein. Tu vas me faire chier pendant toute la plongée, aussi ?

- Ah. Moi qui comptais t'aider et te soutenir face aux épreuves totalement anodines qui t'attendent dans le merveilleux monde des océans... Faut croire que je crois que je vais aller me piquer un petit roupillon maintenant !

Arrête avec tes expressions de vieux ! Et nan, reviens !

- Allez, à tout' ! Revenez entier !

Puis plus rien. J'avais beau l'appeler mentalement, que dalle.

- Tout va bien ? me demanda Drakkarmin, qui avait dû m'apercevoir jurer.

- Ouiiiiiiii, tout va pour le mieux ! répondis-je avec un grand sourire énervé.

Moi et ma grande gueule. Pourquoi est-ce que je le sentais mal, ce plan foireux ?


Portés encore quelques mètres plus loin, nous débouchâmes alors de ce boyau rocheux percé dans une véritable falaise sous-marine : à peine avions nous sorti le bout de notre museau hors du long et gargantuesque tunnel que l'infinie immensité bleue me prit à la gorge. Je dirigeai mon Ramoloss aussitôt avec BEAUCOUP d'empressement vers la surface miroitante et plutôt lointaine, à en considérer par la sombre eau qui nous enveloppait et les reflets loin au-dessus de nous. Drak, dirigeant son Pokémon, me suivit ; moi, je pédalai des pattes encore plus vigoureusement pour nous faire accélérer, n'espérant et ne comptant rester, tant que nous le pouvions, qu'à quelques mètres sous le niveau zéro. Remontant ainsi toute la falaise, je constatai, avec un peu de recul et surtout pour ne pas me faire penser à ce que j'avais sous mes pattes, que le mur de roche, qui s'enfonçait dans les profondeurs obscures, était creusé en maintes parts, le fond de chacun de ses étranges cratères verticaux étant d'un noir si réaliste qu'on eût dit que chacun était ouvert sur un tunnel semblable à celui par lequel nous étions sortis. Cela embrouillait totalement ; la multitude de trompes-l'œil faisait voir des dizaines de tunnels ombrageux engloutis, si bien que l'on ne les distinguait aucunement de celui conduisant à un des points de repos du Légendaire Pokémon abyssal. Je fus finalement content de ce que j'apercevais, la nage toujours dirigée vers les cieux : la corniche de cet escarpement magistral se dessinait dans une nuance de bleu déjà plus propice à la "gentille petite pérégrination" promise.


Finalement, nous atteignîmes victorieusement le rebord de cet impressionnant talus continental, et, redressant notre nage et nous sentant déjà plus léger et moins engourdis par la pression, reprîmes une stature horizontale. Mais à peine nous étions nous remis de cette montée vertigineuse que nous eûmes le souffle coupé par la magnificence enchanteresse des lieux. D'un mouvement plus apaisé (et paresseux, peut-être) les Ramoloss ralentirent, nous laissant contempler les merveilles océaniques qui recouvrait le plateau continental. Dans une eau calme aux teintes navigantes entre celle des mers du sud et d'un bleu azur, des flopées de Pokémon aquatiques flottaient ci et là, surplombant de leur vol majestueux les roches granuleuses et couvertes de coraux bariolés. Entre les rais de lumière solaire pénétrant d'eau voilée de particules scintillantes, des groupes de Luminéon et d'Ecayon batifolaient, côtoyant des Tentacool plus réservés et des Lovdisc fourmillant autour des Corayon dissimulés entre les algues aux couleurs de jade ou d'améthyste qui dansaient avec le courant marin. Les récifs coralliens abondaient entre plusieurs mares de sable blanc ; le granit bleu de Prusse, couvert d'anémones par endroit, abritait Coquiperl timides, claquant leur coquille à la moindre menace, et Hypotrempe s'amusant gaiement entre les plantes mucilagineuses semblables à des écoulements figés d'émeraudes fondues dans un océan fourmillant de beautés. Au loin, par delà ce véritable éden océanique, les fantômes si petits mais si gargantuesques de trois Wailord se mouvaient doucement dans l'intensité outremer. La splendeur inodore et muette de ce monde submergé époustouflait par tant de colorations, de grâce, et de détails fourmillant tout autant que ravissant ; géants et minis s'épanouissaient si harmonieusement dans cet univers féérique que le silence oppressant en devenait mélodie imperceptible, dominée par les chants des Cachabouées, seulement troublée par les bulles d'air que notre enceinte de survie relâchait. Drak et moi nous regardâmes avec un grand sourire, émerveillés par ce spectacle fantasmagorique de la nature comme protégé des horreurs de la surface, en comparaison.


Plongeant côte à côte, toujours tractés par nos Ramoloss respectifs, le Dragon exagérément anguleux et ma personne de représentant plumé officiel du lien unissant sauriens et oiseaux ne pûmes nous empêcher de s'extasier devant tout ce qui nous entourait. A chaque brassée de plus dans cet océan de merveilles (de surface, hé hé) s'en dévoilaient d'autres, frémissantes de vie entre rochers curieux et flore aquatique. A ce moment là, je rêvais de pouvoir partager ce moment avec tous ceux que je chérissais dans ma vie. Mes parents, mes Pokémon... Mais, partager ce moment avec Drak, tout sourire, comme à son agréable habitude, me réconfortait un peu. Allez savoir pourquoi, en baladant mon regard sur les fonds marins fourmillant, j'eus un flash soudain, et repensai à Zekrom. Zekrom... Dire qu'il était dans le Sac à Trésor de Fire. Avec Reshiram. Zekrom... A cet instant, je fus décidé : il fallait que je regarde ces Galets monochromes bizarres de plus près ce soir-là. J'avais bien envie de lui passer un petit bonjour, à ce bon vieux Zekrominou. Je dis "ce soir-là", car, à en croire les reflets miroitants qui tournaient vers l'ambre au-dessus de nos têtes, le soleil n'allait pas tarder à éclairer une autre partie de la planète. Nous nous avancions donc dans la mer dans un cadre enchanteur lorsque Drak s'exclama :

- Hé ! Regarde là-bas !

Il pointa d'une griffe un groupe de Démanta, planant superbement au-dessus d'un banc de sable, un peu en retrait de la barrière de récifs que nous traversions. Les grandes créatures, tels des planeurs sous-marins, nageaient pour la plupart sereinement, seulement voilà : plus en profondeur, à l'écart des autres représentants de l'espèce, un Démanta semblait en découdre à coup d'arguments violents dans les branchies avec un petit Pokémon Poisson. DE UN, on ne savait pas du tout où aller pour chercher ce fucking corail, et DE DEUX, à part nous réjouir de ces merveilles, on foutait pas grand-chose de bien utile, surtout que l'un des nôtre se crevait. Alors lui et moi nous mîmes d'accord pour aller voir ce qu'il se tramait, et aussi sans doute pour avoir quelques renseignements.


- T'es qu'un connard ! On peut même pas te faire confiance !

- Tu parles ! T'as vu tout ce que je te fais ?! Si t'es aussi clean qu'une perle de nacre, c'est grâce à bibi !

- Tu manques pas d'air ! C'est qui qui profite à longueur de journée de l'autre et qui se laisse tracter comme si de rien n'était ?

Après avoir plongé un peu plus et viré à tribord, nous étions arrivés dans une zone légèrement plus profonde, qui consistait en une sorte de dune de sable blanc submergée. Voletant juste à l'étage du dessus, des Démanta nous survolaient de leurs larges nageoires ailées, à savoir Drak, moi, et un autre de leurs confrères qui se querellait avec un Rémoraid dans cette immensité bleue. J'incrustai mon Ramoloss (et donc moi-même, par déduction) dans la conversation :

- Excusez-moi...

Le Pokémon Jet me balança :

- Vous voyez pas que vous dérangez ?!

Il fut de suite repris par le Pokémon que l'on appelait parfois diable des mers, qui dirigea ses cornes céphaliques vers nos quatre petites personnes :

- Ne vous inquiétez pas, chers touristes, la Parade Démanta a un peu de retard ; c'est juste le temps que cet incapable de première me rende ce qu'il me doit.

L'autre d'à côté ne se fit pas attendre :

- MAIS J'TE DOIS RIEN !

Aucunement gêné, j'allais demander où est-ce que l'on pouvait trouver du Zyvalabaïakedeycahirah Edeycucurbitacennesoupus quand Drak, intéressé par la scène de ménage aquatique, voulut savoir :

- On peut peut-être vous aider ? De quoi s'agit-il ?

Je lui lançai un regard insistant sur la fait qu'on avait autre chose à foutre, mais il me rembarra direct devant les concernés, l'air naturel :

- Écoute, quand une personne a des problèmes, c'est le devoir à tous de lui porter secours, non ? C'est la moindre des choses ; et c'est d'ailleurs ce que nous sommes en train de faire. Ils pourront toujours nous aider après, en retour.

Le Démanta s'expliqua aussitôt :

- Ce sera avec joie qu'on vous portera assistance, si vous arrivez effectivement à nous aider. Voyez-vous, lors de nos virées pour épater Pokémon, Plongeurs alentours, il se trouve que maints touristes ont l'occasion de nous laisser quelques Baies. Ce Rémoraid ici présent devait garder un œil sur elles, et voilà qu'à peine revenu, je le vois là, tout innocent, sans rien entre les nageoires.

Il enchaîna en envoyant un regard glacé au Rémoraid criant au scandale :

- Pensez-vous donc que ce ne peut être que le suspect numéro un, et le seul qui plus est.

- PUISQUE JE TE DIS QUE J'Y AI PAS TOUCHE !

Drakkarmin, songeur, son Ramoloss et lui toujours dans une sorte de lévitation marine, accroché à l'impassible monture qui souriait toujours, quémanda plus de renseignements à l'accusé :

- Qu'avez vous à dire pour votre défense ?

- Que je ne ferais jamais une chose pareille ! argua le Rémoraid. J'étais là, juste à surveiller ses "précieuses offrandes", quand j'ai été distrait par les Démanta qui nous survolait. J'les ai à peine regardé dix secondes qu'une des Baies avait disparu.

- Mais bien sûr ! lança le Cervolant, qui n'en croyait pas un mot.

- Le temps de me demander ce qu'il se passe, de me tourner et d'épier les alentours, poursuivit-il sans relever, à chaque fois que je revenais, de plus en plus disparaissaient, comme ça ! Puis le plaignant est revenu, et il m'a accusé. SANS AUCUNE PREUVE !

Puis l'un recommença à traiter l'autre de profiteur et de félon, l'autre à insulter l'un de diffamateur et de calomniateur. Le Pokémon Dragon qui m'accompagnait prenant cette affaire au sérieux, je me résolus à y chercher une solution. Pendant que j'ordonnai à mon Ramoloss serviable de descendre au raz du sable, Drak commença à mener son enquête :

- Elles n'ont pas pu être emportées par le courant ?

- Pensez vous ! s'exclama le Démanta. Si nous avons choisi cet endroit pour nos parades, c'est que c'est bien l'endroit idéal pour les vacanciers : le Grand Récif est juste à côté, et les courants marins ne sont véritablement puissants qu'au large.

Je scrutais attentivement les formes et ondulations qui cernaient le petit bout de désert sous-marin : les minuscules grains de roche, pareils à des cristaux d'or posés délicatement l'un après l'autre au fond des eaux aigue-marine, avaient été en effet creusées très légèrement par plusieurs objets sphériques de la vraisemblable taille d'un Baie. Le sable qui portait la marque des fruits était d'une brillance un peu moins nette que les étendues sablonneuses d'à côté ; ce devait être dû au fait de la nature même du minéral.

- De plus, l'océan est étrangement calme depuis quelques jours, ajouta le Rémoraid d'un ton inquiet. A ce qu'on dit, on aurait attaqué notre monarque...

Je relevai la tête (enfin, celle de ma monture) :

- Kyogre ?

- A ce qu'il paraît, répéta le Pokémon Poisson.

Ouais, bon, j'en étais maintenant sûr. Encore un coup des enfoirés qui aime le noir et faire chier la planète. C'était aussi assez surprenant, ce terme de "monarque". Chez nous, on aurait tendance à dire "putain de Pokémon Légendaire", ou quelque chose d'approximatif. Bref. Drak poursuivit, intéressé par le problème également, puisque apparemment au courant lui aussi :

- Ça n'aurait pas pu avoir un effet plus drastique que rendre l'océan "calme" ?

Ce fut le Démanta qui prit la relève :

- Écoutez, à long terme, peut-être, mais si ça se trouve, ce n'est qu'une rumeur infondée. Ca m'étonnerait que le premier Pokémon venu puisse s'attaquer aussi facilement à un dieu de l'envergure de notre monarque.

Je ne répondis pas ; ça ne valait pas le coup de les inquiéter pour rien. En tout cas, leur affaire personnelle était curieuse. Le Dragon qui m'accompagnait dirigea son Ramoloss à mes côtés, observant également le lieu du crime :

- Dites-moi... Vous ne vous seriez pas fait voler, par hasard ?

Surprise DU SIÈCLE. Le Rémoraid nous regarda d'en haut, l'air stupéfait :

- Par qui ? Comment? En même pas dix secondes ?!

- Il n'a pas tort, répliqua la Démanta. SI mon camarade dit la vérité - et SEULEMENT SI celui-ci dit la vérité, ce dont je doute fort - je ne connais aucune créature qui serait passée à une vitesse aussi folle sans même faire ressentir à mon ami quoi que ce soit.

J'eus alors comme un déclic. Si un Pokémon portait la responsabilité d'un tel vol, soit celui-ci était un excellent nageur, soit il était positionné à un point stratégique... Je m'exclamai soudain :

- AH HA !

Avant de demander cordialement à ma monture de donner un bon gros coup de patte sur les traces laissées par les baies. Ce fut chose faite. Ramoloss asséna aussitôt un brutal coup dans un nuage de sable, puis un violent Coud'Jus nous fut offert gracieusement en réponse dans un grésillement électrique mélangé à un rire gras. ZBZTKLZAïe.

- Chris ! (<= fameux cri de surprise du seul témoin plongeur qui connaît mon nom et qui ne réagit bien sûr pas plus que ça)

Comme j'étais toujours paralysé par le choc électrique et balbutiais toujours "Gueueuh keuwah ?", le Limonde fourbe qui s'était camouflé sur le sable se tortilla et s'en alla aussitôt en rase-mottes, profitant du brouillard de sable dissimulé par l'action et rigolant d'un rire encore plus gras et lamentable, sans dire mot. Heureusement que mon Ramoloss était un tant soit peu résistant et concentré sur un seul et même objectif à la fois. Brave Pokémon.


Les deux comparses de Type Eau (Eau/Vol pour l'un d'entre eux, mais on s'en fiche un peu, car si je le précisais, ça foirerait mon début de paragraphe par une tournure beaucoup trop lourde et extrêmement mal gérée), après être restés dans l'incompréhension de la situation et s'être réconciliés comme deux vieux frères après une simple brouille, nous avaient vaguement indiqué la direction d'un "endroit" où il y aurait bien un "trou" qui serait susceptible d'abriter le corail miracle. "Merci beaucoup pour cette aide immense et précieuse que vous nous offrez après que deux Pokémon passant par là aient perdu du temps à résoudre votre problème minable et que l'un d'entre eux se soit fait électrisé", voulus-je rajouter en leur lançant des Coquiperl, mais Drak ne jugea pas utile une telle action, se contenta de les remercier et de me pousser à partir vers l'endroit indiqué. Nous traversions donc toujours l'océan qui retrouvait peu à peu son incomparable profondeur, bien que notre distance à la surface fusse toujours raisonnable pour moi (hé hé hé). Bon, disons que le stress se faisait sentir progressivement, mais tant que j'y voyais quelque chose et que j'avais en ligne de mire un sol d'un certain bleu pas trop ténébreux et un tant soit peu net sous mes pattes, notre situation me convenait. Mais je regardai plutôt avec quelque insistance l'orange vif qui tournait au rouge dans le ciel : fallait IMPÉRATIVEMENT que je revienne avant la tombée de la nuit. Je n'osais rien imaginer d'autre comme situation.


Drak, lui, avait la manie de rester concentré et totalement naturel. Il épiait scrupuleusement les fonds, regardant bien en bas, pas du tout impressionné en apparence, au cas où le "trou" supposé par ici se creuserait brusquement sur les fonds océaniques flous mais relativement visibles. Il ne semblait pas remarquer mon mal-être ; bah, tant mieux, au moins, j'avais pas à m'expliquer, en plus du fait que j'avais pas spécialement envie de parler de ça. Puis il me demanda soudain, toujours la tête penchée et le corps rivé sur le flanc du Crétin qui nageait tout droit et faisait persister le halo de survie :

- Dis-moi... Il va bien ce... Comment il s'appelle déjà ? "Genesect" ?




[...]




Shit.

Voyant que je ne relevais pas la remarque et que je m'extasiai soudain sur la beauté des flots nous submergeant, il se redressa, alerte, avant de vouloir une précision :

- Que... Qu'est-ce qui lui est arrivé ?

Je lui fis un grand sourire un peu (très) gêné :

- Mais rien, rien, voyons ! Bon, y a peut-être eu un tout pitit pitit accident de métro où j'ai perdu sa trace, m'enfin, c'est un brave gars, il va bien !

D'abord figeant son regard sur mon museau en mode O_o et restant silencieux pendant quelques longues secondes, il s'écria soudain :

- MAIS T'ES MALADE ! T'AS LAISSE UNE MACHINE A TUER INSTABLE ET PAS MISE A JOUR EN LIBERTE ?!

- OH, C'EST BON, HEIN ! C'EST PAS MA FAUTE SI...

Puis je me stoppai net. Si. C'était ma faute. C'est moi qui l'avais sorti. C'est moi qui lui avais ordonné le TechnoBuster fatidique. Je perdis mon regard sur la peau collante rose bonbon de mon Ramoloss, voilée par les reflets des vaguelettes de l'étendue maritime. Je soupirai :

- On... On était en situation critique... Y avait aucun moyen de stopper le métro... Je... Je ne sais pas... J'ai réagi sur le coup... Je...

- Si tu n'avais pas le choix, je comprends, me coupa Drak, le ton qu'il prit l'excusant de s'être emporté. Tout ce que j'espère, c'est qu'il va bien, où qu'il soit... Et que les personnes qu'il aurait pu rencontrer soient encore aptes à nous dire s'il va bien.

- J'espère aussi.

- Ça serait tout de même con qu'il retombe entre de mauvaises pattes, soupira mon Drakkarmin. Après tout ce qu'on a fait pour prendre sa défense... Même si, je ne sais toujours pourquoi, il s'est retrouvé en ta compagnie dans cette Poké Ball...

- Honor Ball.

- BREF, dans cette Honor Ball, c'est notre - enfin, ton devoir de savoir ce qu'il vaut mieux pour lui.

- Oui... Je sais, marmonnai-je, le regard toujours planté dans le vide rose.

Comme un soudain coup du Destin, mon Drakkarmin s'exclama presque aussitôt, pointant d'une griffe ivoire les profondeurs qui s'assombrissaient avec le Soleil fuyant :

- Là ! Regarde !

Bon. Bah j'avais plus qu'à regarder. Je jetai un coup d'œil par dessus ma monture... Au fin fond de cette densité céruléenne de plus en plus oppressante, une sublime faille éventrait la croûte océanique dans un éclair d'encre. Des gouttes lumineuses de tailles variable aux teintes chrome phophoresçaient fébrilement aux alentours de la déchirure rocheuse, témoignage de la présence de maints Loupio ou autres Lanturn, assurément. Toutes mes plumes se hérissèrent dans un frisson me parcourant l'échine ; c'était mystérieusement et fantastiquement impressionnant. Je voulus recueillir d'autres impressions de la part de mon ami, mais il descendait déjà à pic dans la nuit marine, devenant de plus en plus sombre. Je m'empressai de faire plonger plus en profondeur mon Ramoloss, dans cet océan de plus en plus noir. Je commençais SÉRIEUSEMENT à flipper et à faire face à ma pire phobie. Bordel de bordel de bordel de... ! J'le sentais tellement pas...


Brrr. Fascinant par la voie lactée sous-marine mais effrayant par tant de noirceur menaçante. Les tailles "variables" des appendices lumineux des Pokémon Poisson et Lumière s'expliquaient tout simplement par leur plus ou moins grande distance par rapport à la surface désormais argentée par les éclats réfléchis par la Lune. L'opacité translucide de l'océan étrangement paradoxale avec la fluidité de la matière complétait cette descente semblable à celle d'enfers dissimulés par le mystère et accessible au plus téméraires. J'avais insisté pour que Drak ralentisse, mais il se trouva que je dus accélérer à la place, sous prétexte totalement justifié que nous n'avions "pas plus de temps à perdre en précautions futiles, vu qu'un Pokémon était en danger". Il voyait pas que j'avais peur, bordel ?! Enfin, je n'eus heureusement pas l'occasion de le lui faire remarquer ; rapidement, notre présence fut remarquée et quelques Loupio vinrent nous aider dans notre Plongée. Drak les remercia cordialement, je fis de même en tremblant, et, poursuivant notre descente obscure progressive vers la faille, ils nous questionnèrent :

- Qu'est-ce que des touristes comme vous peuvent venir faire ici à un heure pareille ? Une petite visite des abysses lors d'une Plongée nocturne ?

Toutes ces petites créatures nous entourant, nous illuminant ; cette situation m'apaisait quelque peu. Au moins, nous étions en agréable compagnie. C'était moi ou... Je me sentais curieusement bizarre... ?

- Et bien, débuta Drak, nous sommes à la recherche d'un corail ayant des propriétés médicinales extraordinaires, selon Lugia...

- Le Zyvalabaïakedeycahirah Edeycucurbitacennesoupus, ajoutai-je aussitôt rapidement, perturbé par l'angoisse qui était tout de même présente.

Les Pokémon aquatiques relevèrent immédiatement la précision du Dragon :

- Quoi de quoi de quoi ?! Le grrrrrrraaaaaand Maître des Abysses, Gardien des Océans, Seigneur d'Argent, Splendide Lugia ?

On voit qu'il avait fait passé le mot, le grand piaf de la Raison. C'était d'ailleurs assez notable, cette remarque : apparemment, Kyogre et Lugia avait chacun leur domaine. Et leurs fans.

- Bah... Oui, lui, répliquâmes-nous.

Un des Poissons usant de ses antennes adaptées à ce milieu de vie nous rassura avec un sourire amical :

- Bon, et bien, si c'est le Maître qui vous envoie, on vous rassure, vous êtes sur la bonne voie ! On va vous conduire dans la Fosse d'Argent en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire !

J'éclatai soudain de rire, pris d'un vif élan de joie :

- De toute façon, moi, je veux bien sauter le premier gros truc venu ! Et même Julie en maillot !



*Boudiboula !*



- Je veux pas y aller, lançai-je en éclatant de rire. Mwahaha ~ !

Mes compagnons restèrent sans voix, sans parler de Drak. Je me mis à rire de bon coeur, puis à danser en faisant tanguer mon Ramoloss, toujours aussi con !

- Et nan, je veux pas ! AH lal lal lalalala ! T'façon, on s'en fiche, de toute façon, on s'en moque ! On va tous mourir ! Tralala ! Mais ça sonne, en plus de tout ça.

Le Pokémon Dragon m'accosta avec son truc rose qui nageait, moi, je faisais du rodéo-voiture de compétition sur mon Pokémon en hurlant, puisque je me sentais tellement...

- Heu... Ça va ?! me demanda des grosses griffes toutes grosses qui, du Pokémon, étaient là.

Puis je fondis en larmes, me rendant compte ainsi de son geste outrageusement cruel :

- Beeeeeuuuuuh ! T'es méchant ! De toute façon, vous allez tous mourir, na ! JE VOUS HAIS TOUS ! ALLEZ TOUS VOUS FOUTRE UNE MOTO ÉLECTRIQUE OU SINON, JE PENSE ! hurlai-je à la mort du temps.

Je me plaquai d'un coup contre mon Ramoloss tout doux et pas chaud, tournant la tête de tous les côtés, épiant méchamment et hargneusement les alentours noirs, protégeant corps et âme et esprit mon torse :

- Gné ! Gné ! De toute façon, personne m'approche... Personne... Non, personne... JE VEUX DU CHOCOLAT ! Ah, non ! PAS DE L'EAU ! Du noir ! Boudi ! Gnééééééééééééé. Gné. De la soupe ! De CALEMBOURS, OUI ! BOUAH. Miéé. Mié. Mi. Mm...oh.

Rester concentrer. En alerte. Tout le temps. Muerf. Muerf. Beuah, de l'eau. Oh, de l'eau toute crade! Beeeeeeh. Et on m'attrape la queue ! ~ Tralalalalala !


Un picotement sur l'intégralité de mon corps emplumé me fit brusquement revenir à moi. Je me redressai, alerte, hébété, enfourchant toujours mon Ramoloss, tout le monde toujours en pleine Plongée. Me sentant plus léger, je remarquai que, au-dessus de la tête du Drakkarmin qui me faisait un grand sourire réconfortant, les flots qui nous séparaient de l'immensité, cette-fois céleste, n'étaient qu'à quelques mètres. Autour de moi, quatre Loupio, soulagés. Au-dessous... le vide opaque complet, seuls quelques points jaunes brillaient au fond. Nous étions revenus... au point de départ ?

- C'est bon ? Tu t'es remis ? demanda un des frêles Pokémon luisant, prêt à y retourner.

Drak continua dans sa gentillesse et de sa voix rauque :

- Bah mon vieux ! On digère pas la pression ?

- Que...Qu'est-ce qu'il s'est passé... ? demandai-je, me tenant le crâne écailleux entre mes griffes, restant convenablement bien dans le halo de la Plongée.

Un autre Loupio s'approcha et m'expliqua tout simplement, dans son continuel mouvement de flottaison et d'approximation d'entre deux eaux :

- C'est fréquent chez les touristes comme vous. Vous avez beau faire les malins avec votre Plongée, même si celle-ci vous permet de respirer potentiellement convenablement et permet de ne pas avoir à faire aux quelques désagréments dû à la pression, on n'y échappe quand même pas trop, à l'ivresse des profondeurs.

Je rétorquai :

- Hein ? L'ivresse des profondeurs ? Mais je croyais que c'était à cause de la pression, et que l'attaque Plongée permet justement d'éviter les effets de la pression...




[...]




- PUISQUE JE TE DIS QUE C'EST L'IVRESSE DES PROFONDEURS ! s'écria le Poisson. Tu t'en es remis ? On peut y aller, c'est bon ? Doucement, cette-fois !

Je demandai à Drak ce qu'il s'était passé exactement, vu que j'avais la tête qui tournait encore un peu et que les minutes qui venaient de s'écouler étaient un peu floues ; il me fit un grand sourire de tous ses crocs en se contentant de me répondre qu'il éviterait d'en parler à Shaymin.


Noir, c'est noir, qu'est-ce que vous voulez que je vous dise ? On n'en était même pas à un stade bleu/marine/nuit/sombre ou tout autre adjectif que vous voulez, c'était juste NOIR, zéro couleur, nada. On avançait progressivement dans ce noir, donc, liquide incolore, chaque courageux sauveteur inébranlable sur le dos de son fidèle Crétin qui se laissaient conduire docilement, entouré de quatre Loupio qui avaient décidé de nous escorter jusqu'au fameux corail qui nous aura bien fait chier. Nous arrivâmes après une assez longue descente à l'entrée de la Fosse d'Argent, selon les Pokémon. Le fond marin, nous apparaissant blanc et comme vierge de toute vie sous cet éclairage de fortune, nous présentait désormais son escarpée déchirure béante d'au moins cinquante mètres de largeur, s'enfonçant encore plus profondément dans les abysses. J'vous parle pas de sa longueur, estimable seulement depuis la hauteur des flots, donc inestimable à notre hauteur du plancher des Krabboss. Et encore, même depuis la surface...

- Vous savez, nous apprit un des Loupio, ici se trouve un des points de repos des plus utilisés de Maître Lugia.

- Ah oui ?

- Oui.

- C'est épatant, renchérit Drak.

- Oui, n'est-ce pas ?

- Bah... Oui. C'est bien.

- Bah oui.

- Très bien.

- Bah oui, oui.

- Hm.

- Hm, hm.

- ...

- ...

- ...

- ...

- On descend ?

- Ouais, on descend.

Nous descendîmes donc dans la faille. Le fait, je crois, que l'océan ENTIER soit complètement noir m'avait en quelque sorte calmé de ma peur de ce que je ne voyais pas ; enfin, je dis ça, mais c'est surtout parce que j'étais pas seul. Enfin je crois. Brrr.


- Tout va bien ?

Drak venait de remarquer que je serrais la mâchoire comme un débile au fur et à mesure que l'on s'enfonçait dans les ténèbres aquatiques. Faut dire aussi que rester près de la paroi en s'y accrochant à moitié et flipper comme un malade en se tournant et retournant pour chercher l'invisible origine de chaque mouvement de houle, ça portait pas à croire que tout baignait.

- Oh, mais oui, tout va bien ; se faire engloutir ainsi dans l'inconnu oppressant et aller à la rencontre de monstres flippants des abysses, c'est la grande joie ! balançai-je sarcastiquement.

- T'as pas peur alors ?

- Mooouuuuuaaaaaahhh ? Naaaaan... ironisai-je sérieusement, bien qu'il prit cette remarque pour vraie malgré tout.

Les Loupio, ne nous lâchant pas d'une semelle (et tant mieux), me regardèrent avec insistance. Je renchéris :

- Ah mais c'est bon ! Je vais pas vous refaire une de vos narcose à l'azote ! Gnéééééé !



[...]



- Mais je rigole ! Rho la la ! me débattis-je, repoussant les Pokémon qui pensaient sérieusement que j'étais de nouveau touché.

- Mouais, pour beaucoup, ils nient également être touché, alors qu'ils le sont, rétorqua l'un des Poissons éclairant sur un rayon d'un mètre.

Je me contentai de hausser les épaules, étant bien entendu sûr de ce que j'avançais. J'étais quand même pas débile à ce point. Gnéé.

- J'crois qu'on va toucher un truc ! lança soudain le Pokémon Caverne qui plongeait à mes côtés.

Un peu effrayé, je jetai un furtif coup d'œil en contre-bas : effectivement, l'escarpement que je longeai au point de manquer d'écorcher mon Ramoloss sur le mur de roches argentées se terminait momentanément sur une sorte d'étage, comme une curieuse marche creusée naturellement par l'érosion ou semblait persister un fébrile écosystème abyssal. Évidemment, ce petit relief horizontal n'était pas le fond de la faille, car la profondeur reprenait ses droits après quelques mètres carrés de palier blanc comme neige.

La vue et l'approche d'un nouvel élément du décor me rassura, tant par le fait que nous ne faisions que plonger encore plus profond depuis un certain moment, et que les têtes commençaient sérieusement à tourner. Je ne voulais même pas chercher à connaître les véritables effets sans l'atténuation de l'attaque Plongée de nos montures. Somme toute, nos quelques pattes se posèrent sur cette aire de repos improvisée. Je vis alors, entre étranges coraux et anémones blanches, des formes de vie absolument minuscules ; des Pokémon ridiculement fragiles par leur petitesse que je n'avais jamais vus arboraient avec peine et grattaient de leurs membres crochus la fine poussière qui recouvrait le sol marin sous pression : sortes de Krabby immaculés curieusement adaptés pour certains, d'autres semblables à des spécimens combinés d'Anorith et de Phione sans couleurs qui semblaient se dépatouiller entre les fins et rares coquillages. Parfois, je remarquai la présence d'espèces de micro-Migalos des abysses, sortent de crustacés aux membres sur-dimensionnés comparés au corps, qui effleuraient sans s'en rendre compte certains abracadabrantesques Pokémon, simili-Viskuse difformes ou sortes de créatures venues d'un autre monde aux formes, particularités et proportions absentes de la surface. Tout ce petit monde, éclatant de leur carence de coloration sous les organes lumineux des accompagnateurs, qui fourmillait sous le regard émerveillé d'un Drakkarmin qui ne regrettait pas le voyage et d'un Aéroptéryx qui pensait pour une fois à autre chose qu'à ses plumes, contrastait avec le sombre manque crucial de photons qui régnait sur les eaux mésopélagiques.

- Hé ! Les touristes !

Un des Loupio nous avait appelés et nous découvrait de l'une de ses antennes salvatrices un groupement d'insolites coraux plantés sur la roche opalescente : d'un agencement tarabiscoté, ils avaient la particularité de scintiller suivant l'inclinaison des lumières pendantes des Poissons. Drak et moi dirigeâmes nos Ramoloss jusqu'au remède tant convoité, suivis de près par les trois autres Pokémon Eau/Électrik.

- Fantastique ! s'écria Drak. On l'a trouvé ?

- C'est le Zyvalabaïakedeycahirah Edeycucurbitacennesoupus ! m'exclamai-je à mon tour tout à fait naturellement, soudain fasciné par le médicament immarcescible et trônant royalement en ces lieux hostiles. J'en suis certain, vu comme ça brille !

C'était un bien bel objet de fin de niveau, vraiment. Je demandai à mon Ramoloss de prendre une des branches désarticulée, ce qu'il fit en brisant la moitié de l'intégralité du précieux corail visé. Bref. Une fois le fameux bout rugueux obtenu et tenu fermement dans la patte droite et rosée du Crétin que je chevauchai, je souris gaiement :

- Allons-y !

- Parfait ! enchaîna Drak.



[...]



- On y va, hein ! insistai-je.

Je regardai les Loupio, ils nous regardèrent, Drak me regarda.



[...]



- HUM, HUM, Ok ! C'est bon, j'ai le corail, on peut quitter ces abysses ! renchéris-je, plus fort, après m'être raclé bruyamment la gorge.



[...]



Toujours rien. Du silence étouffé à l'état pur, l'eau ténébreuse stagnant comme il y a cinq minutes.

- C'est reparti ! lança cette fois un des Loupio, élevant la voix. On va partir, genre, maintenant ! On n'est pas prêt de revenir !



[...]



RIEN. LE NÉANT NIVEAU ANIMATION. NADA. PEANUTS.

- ON VA PARTIR ! hurla Drak, faisant peur aux autres minuscules Pokémon non-identifiés.



[...]



BON.

- Je suppose que la grosse créature méchante des abysses qui fait bien flipper sa maman n'est pas dans le coin ? hasardai-je aux Poissons qui se résignaient eux aussi.

Nous commençâmes donc à nous éloigner de cette aire de vie en bordure de falaise sous-marine, faisant nager nos Crétins vers la surface indiscernable depuis notre position.

- Faut croire que non, répondit Drakkarmin en haussant les épaules dans la pénombre. Enfin bon, tant mieux hein, on va pas s'en plaindre non plus.

- Moi le premier, renchéris-je. Moi qui pensais être pas gâté par le Destin ! Il a foiré son coup, pour le coup !

Je demandai ensuite à ma monture, à tout hasard, si elle n'avait rien perçue d'étrange dans les mouvements voisins des courants, ou même peut-être une présence ; elle me répondit niaisement par un gentil "Ramolooooooossssss" en se grattant la tête de sa patte droite, chose que je pris pour un non, clair, net, précis, justifié et clairement supporté d'exemples totalement...

WAIT. WHAT. "En se grattant la tête" ? Genre, avec sa patte ? DROITE ? GENRE AVEC LA PATTE AVEC LAQUELLE IL TENAIT LE CORAIL ?!

- NAOOON ! criai-je, voyant le bout de médecine frais et lilial couler à pic vers le centre de la Terre avant de disparaître dans l'ombre maudite, lâché connement par le Crétin de première.

J'eus à peine le temps de signaler que je fonçai le récupérer que j'ordonnai à mon Ramoloss de plonger aussi vite qu'il pût. Bon, j'aurais peut-être pas dû dire ça, mais au moins, les Loupio me suivant, Drak put me suivre également, guidé par les signaux lumineux. Disons qu'un Ramoloss, c'est sans doute lent sur terre, mais en mer, c'était CLAIREMENT autre chose quand on lui demandait d'aller à fond les Nanab. Alors, forcément, le bout convoité (et ne cherchez pas, il était très joli ce bout de corail, je voulais donc CELUI-LA ET PAS UN AUTRE, non mais franchement j'vous jure), une fois en vue dans cette abrupte descente foudroyant le crâne et l'équilibre, fut immédiatement intercepté par un vaillant Loupio. Je le remerciai en geignant des effets de la pression, ici de mieux en mieux ressentis :

- Oh, c'est rien ! Tu nous auras juste fait perdre notre temps ! Et le temps, c'est de l'argent ! me sourit-il et tendant l'échantillon de Zyvalabaïakedeycahirah Edeycucurbitacennesoupus.

Je ne relevai point. Non, ce qui avait attiré mon attention, malgré un de ces perçants mal de crâne qui se sentait venir parce que j'avais une fois de plus trop forcé, ce fut une couleur sur la paroi aux éclats métalliques de la Fosse Argent. Une couleur. Dans cet univers englouti de noir et de blanc. Le pigment incrusté dans l'abrupt canyon reluisant à la lueur des antennes fonctionnant par bioluminescence des Loupio arrivant un par un, suivis du deuxième Crétin-porteur qu'avait Drakkarmin. Je décidai d'approcher ma monture pour mieux observer ; et, à la lumière d'un des quatre Poissons, j'eus une extraordinaire surprise outrepassant mes maux de tête : comme peinte par un artiste antédiluvien, une fantastique et délicate fresque aux milles couleurs chatoyantes, verdoyantes, océanes et florissantes était soigneusement dessinée sur un bon cinquante centimètres carré, ici, à des dizaines et dizaines et dizaines et des dizaines (des centaines ?) de mètres sous la surface. Ce qui était remarquable, outre que la délicatesse du trait dans un espace si restreint, c'était le véritable intérêt de cette découverte archéologique : un texte en Zarbi, en plein milieu semblait orné par cette fresque splendide.

- Qu'est-ce que c'est ? me demanda Drak, bien qu'un peu mal en point par la pression, lui aussi.

- C'est... C'est formidable ! m'extasiai-je devant ces écritures bénites. Ce... Ce doit bien être un message prophétique datant d'au moins de plusieurs centaines d'années ! Si ce n'est un millénaire minimum !

Exclamations générales. Je sais, j'ai la classe en mode India Najones.

- Mais, genre.... Comment tu sais ça ?!

- J'te signale, au cas où, que tu parles à un mec ayant envoyé sa candidature de Professeur Pokémon et spécialisé en Mythologie et Légendes Pokémon, rétorquai-je à mon Pokémon Dragon en scrutant encore plus attentivement le texte Zarbi, faisant signe à un Loupio de s'approcher plus encore.

Caverne siffla (mieux que moi) d'admiration pendant que les Pokémon se demandaient de quoi que j'parlais, avant d'ajouter en souriant malgré les inconvénients ambiants :

- Ça, j'en savais rien ! Tu m'épates, Chris !

Je fus flatté, pour une fois. J'l'aime bien, Drak. Vraiment. Je me frottai alors les yeux, afin d'enlever l'étrange engourdissement qui me prenait les paupières soudain. Mais ma tête me tourna assez violemment à ce moment précis, et j'eus à peine le temps de reprendre mes marques par rapport à l'environnement que je remarquai un effet extrêmement chiant et désagréable : à la réouverture de mes paupières, ma vue était comme modifiée. J'avais la horrible impression de tout voir au bout d'un tunnel flou, comme si tout m'était éloigné et inaccessible. J'entendis Drak demander si ça allait, puis je répondis que :

- AAAH ! NAN, CA VA PAS ! J'VOIS TOUT BIZARRE !

J'ouïs une des petites voix des Loupio qui résonna dans la Fosse :

- Ah, ça, c'est un autre effet de l'ivresse des profondeurs, cher monsieur. Vous êtes bizarre vous, hein, vous avez soit tout, tout de suite, ou un peu, plus tard. Ça vous réussit pas. En plus avec le nom que vous vous tapez, je vous plains.

J'avais une folle envie de manger du poisson pané.

- DIS-DONC, POISCAILLE DE MES DEUX, SI JE T'EMMERDE, DIS-LE TOUT DE SUITE, ÇA T'ÉVITERAS DE M'INSULTER !

Je gémis, me plaignant de mon mal aux yeux, avant de reprendre :

- ÇA FAIT MAL, EN PLUS ! CONNARD D'ÉGOÏSTE !

Drak me repris aussitôt :

- Chris, calme-toi, voyons... On va remonter, ça va passer, et on va de ce pas guérir ton ami le Dracaufeu.

- IL S'APPELLE FIRE !

J'avais vraiment putain de mal. C'est pas possible, pourquoi, là, maintenant, à je ne sais combien de mètres, de centaines de mètres, sans doute, de la surface ?! J'entendis entre mes plaintes Caverne qui était un peu perturbé en s'étant pris un telle volée de bois vert :

- Heu... Excuse-moi si je ne le connais pas depuis un certain temps...

Je tournais et retournais mes yeux, clignant incessamment des paupières, mais sans non plus tomber bêtement de mon Ramoloss con comme une patte. Vraiment, on devait remonter.

- Ok, pardon, mais je suis un peu mal en point, là, ok ? On remonte now ! m'écriai-je.

Ma vision s'améliorait certes un peu, mais bon, je voyais toujours assez flou. C'était juste à peine si je pouvais distinguer un truc bleu sur un truc rose avec six petites lumières, donc trois Loupio, puisqu'un Loupio = deux lumières... Puis je frémis. Vraiment. Beaucoup. Sérieusement. TR... TROIS ?!

- C'est moi ou... Quatre Loupio étaient avec nous il y a même pas cinq minutes, et là, y en a que trois ?

Ou alors je savais pas compter. Mais bon, je penchais plus sur la disparition flippante.

- Heu... Nan, c'est vrai, y en avait quatre, frémit le Pokémon Dragon. C'est flippant, là.

- TRÈS flippant.

- Loupio numéro quatre ? Loupio numéro quatre ?! appela fébrilement Drak, portant sa voix avec ses mains (sous l'eau).

- Il... Il s'appelle Michel... nous apprit bien heureusement un des autres Poissons, commençant à prendre peur pour ses propres écailles.

Vérifiant les miennes par un frisson, j'approchai mon Ramoloss du Drakkarmin altruiste, toujours avec ma vue déglinguée, embrouillée et avec un mal de Ponchien :

- Michel ! Michel !

Rien. Absolument rien.

- Il a dû... remonter, voilà tout ! fit comme faux sourire le Dragon, avec un faux air rassuré sur son faux Pokémon intelligent.

Nous nous tournâmes donc vers les trois qui restaient :

- Bon, on... On va remonter maintenant, non ?

- Oui, à ce propos... J'avais oublié de préciser que, pour les touristes, fallait éviter de traîner près des fosses océaniques, la nuit... Il arrive que, parfois, mais vraiment très parfois, quelques Pokémon abyssaux remontent pour chasser...




O_o




C'ÉTAIT PAS TRÈS TRÈS RASSURANT.

- Super ! Franchement, c'est génial ! Au moment où on n'y était pas préparés, en plus ! protestai-je. Franchement, on s'y attendait pas du tout ! Il nous prend vraiment au dépourvu !

Avant de remarquer que je ne parlais qu'à DEUX Loupio.

- Où... Où est numéro trois ?

- HEEEIN ?! se tournèrent et retournèrent les deux autres comparses aquatiques, en alerte et plus effrayés que jamais. MICHELLE ! MICHELLE !

Drak rétorqua aussitôt :

- Oh. Si c'est une fille, pas de soucis alors... Elle a dû se perdre.

Je fus choquée par sa réplique. Je le repris aussitôt, bien décidé à ne pas laisser passer ce qu'il venait de dire comme une lettre à la poste et avoir des explications quant à ses paroles osées :

- Comment tu sais que c'est une femelle ?

- C'est Michelle avec deux "L" "E", expliqua-t-il tout simplement comme si c'était évident.

- C'est pas évident, hein. On l'a pas vu écrit.

- Ça s'entend, précisa-t-il d'un air connaisseur pendant qu'un autre Loupio se faisait soudain happer dans notre dos dans un petit cri.

La tension commençait vraiment à monter. Puis l'eau qui nous submergeait se mit à nous secouer, à se mouvoir terriblement, battue par de puissants membres ; quelque chose était VRAIMENT là. Tout près. Nous tournant autour.

- C'est quoi ÇA ?! Lu... Lugia ?! C'est... C'est toi ? hasardai-je, ma respiration devenant de plus en plus rapide et entrecoupée, ma tête me tournant dans toute cette frénésie affreuse et horrifiante.

Ça ne pouvait pas être lui. C'était... Autre chose. Je le sentais. Et quand le héros sent, il sent forcément vrai (<= formulation assez moisie).
Dans le silence des abysses, seuls, éclairés uniquement à la lueur d'un tout petit Loupio, la réaction en se fit pas attendre ; je hurlai :

- IL FAUT QU'ON...

Lorsque je sentis une frêle mouvement marin qui me coupa net. Très doux mouvement, pourtant. Comparé aux précédents, qui étaient plus houleux. J'eus alors un putain de pressentiment. Je ruai mon Ramoloss sur Drak, rentrant dans le sien à toute berzingue en quelques millisecondes, hurlant le fameux "ATTENTION !" de la dernière seconde. Juste le temps de voir à la lumière du dernier Poisson tremblant les éclats cruels d'une mâchoire de trois mètres de diamètre appartenant à je ne sais quel gros truc carnivore, vilain, disproportionné, difforme, flippant et colossal des abysses, qui, se mouvant vif comme l'éclair, goba des litres d'eau à la place de ce cher Caverne. Avant que le noir se fasse complet dans un claquement sourd de grosse gueule. Plus aucune lumière. The last Chinchou. Bouffé. Par le gros truc. Juste LA. DANS LE NOIR COMPLET DES ABYSSES.

PEUR INTENSE.

BORDEL, CA EXISTAIT VRAIMENT, UN POKÉMON COMME CA ?!

- A LA SURFACE, NOOW !

Dans une grosse remontée de colonnes bulles venant d'en-dessous, j'attrapai la patte de Drak dans le noir total et nous nous égosillâmes à demander à nos montures de dépasser la vitesse de la lumière en remontant ILLICO. Le Pokémon prédateur des abysses était bel et bien à notre poursuite, là, juste derrière nos quatre petits corps dont deux qui nageaient à tombeau ouvert. A entendre les gargouillis répugnants et autres résonances douteuses entre les coups de crocs mal formés et les coups violents sur le flanc rocheux de la Fosse d'Argent, ce qui créait de petits éboulis EXTRÊMEMENT pas visibles... Il était vraiment pas croyable de penser même à concevoir un tel truc, qui pouvait faire n'importe quelle taille. C'était la pure horreur, sans compter mon coeur qui n'arrêtait pas de danser la java sur un rythme de techno endiablée dans ma cage thoracique, et Drak qui se mettait à paniquer lui aussi. La plus horrible des expériences dans ma vie, je crois que c'est celle-là, à tout casser. Les pierres qu'on se prenait (qui ralentissait heureusement notre poursuivant, se les mangeant comme un con), la vitesse faramineuse de nos Crétins, la pression qui baissait de seconde en seconde, la menace invincible et titanesque que l'on ne pouvait qu'ouïr à force de vacarme sous-marin inouï, tout combiné dans le noir le plus complet, il n'y avait rien de plus horrifiant, c'est tout.

- PLUS VITE ! PLUS VITE ! PLUS VIIIIIIITE ! BORDEL DE PUTAIN DE...

Bref, c'était la grosse merde. Drak eut soudain une idée, là, comme ça, dans cette montée fulgurante et aveugle pour notre survie. Idée débile certes, mais balancée comme ça, dans le noir, en pleine action de boss de fin de level :

- ON VA LUI BALANCER DES CAILLOUX A LA GUEULE !

- ON EST DANS L'EAU, ABRUTI ! rétorquai-je aussitôt.

- ON VA LUI FAIRE DES ATTAQUES !

- ON EST DANS L'EAU, ABRUTI !

- ON VA LE BRÛLER !

- ON EST DANS L'EAU, ABRUTI !

- ON VA L'INSULTER !

- ON EST DANS L'EAU, ABRUTI !

- ON LE NOIE !

- ON EST DANS L'EAU, ABRUTI !

- RHAAA, MAIS ON PEUT VRAIMENT RIEN FAIRE ?!

- PRIE ARCEUS !

Lorsque je vis, de ma vue progressivement rétablie mais presque de suite brouillée par diverses larmes et poussières, un espèce de pixel lumineux persistant loin, très loin... Et il y eut un énième éboulis. Un peu plus voyant, celui-ci. Étrangement, d'ailleurs. Car scintillant. Non moins content de pouvoir l'esquiver facilement par son éclat, il se passa quelque chose qu'on n'aurait jamais pu prévoir. Sigh. Alors qu'on déboulait comme des timbrés, moteurs Ramoloss à fond, de l'ouverture béante de la Fosse d'Argent avec le gros machin non-identifié toujours collé au cul, il se trouve qu'il fut touché par cet éboulement luisant. Comme les autres, me direz-vous. Sauf que là, dès l'impact (assez brusque, au passage), il y eut un éclat. Une fabuleuse lumière aveuglante soudain émana juste à nos arrières, illuminant toute une parcelle d'océan d'une mystique illumination bleutée ; un coup d'œil rapide en arrière me suffit pour voir une forme gigantesque reluire d'une lueur tristement célèbre dans ce cas. POURQUOI, MAIS POURQUOI EST-CE QUE LE CRÉATEUR A VOULU QUE CETTE CHOSE PUISSE ÉVOLUER ?! AVEC UNE SEULE FUCKING SIMPLE PIERRE ?!

- WHAT THE...

On en oublierai presque notre remontée en fusée. Les Ramoloss, toujours aussi Crétins, ne faisaient que nager à toute allure droit vers le ciel. Mais, comme chacun sait, à un moment ou à un autre, ON ARRIVE AU BOUT. Donc on vola. Perçant la surface soudainement et étouffés d'une puissante bouffée d'air, nous fûmes comme éjectés au-dessus du niveau de la mer, lévitant pendant une demi microseconde avec vue sur le ciel étoilé, le délicat bruit des vagues fracassées par l'émergence tonitruante du mastodonte des abysses en grande nouvelle forme. Et nous retombâmes. La dernière chose que nous vîmes, ce fut la pleine Lune, brillante d'un éclat argent et semblant gouverner la Voie Lactée. Bien entendu, la "dernière chose", car, lorsqu'on retombe sur quelque chose qui surgit, on rentre en collision. A moins que la bestiole gargantuesque n'ait la gueule grande ouverte à ce moment là, dans ce cas là, on retombe dedans, dans un foudroyant claquement de mâchoire.

J'en ai marre. Nan, vraiment.