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A Guy and his Breathtaking Destiny de Drad



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» Auteur : Drad - Voir le profil
» Créé le 24/03/2012 à 17:17
» Dernière mise à jour le 02/08/2015 à 18:39

» Mots-clés :   Aventure   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo   Présence de transformations ou de change

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XIII - Une de ces fameuses nouvelles aurores
Et voilà. Nous y étions. J'y étais. Mon évolution ; enfin. Faut dire qu'un tel chamboulement hormonal, physiologique et biologique, ça vous laisse un peu tout chose : la vive lueur qui me recouvrait se dissipa en une myriade scintillante de petites poussières, ma vision fut de nouveau nette (et non poussée à son niveau maximum d'éblouissement, car ça illuminait vachement malgré tout), et je me trouvai sur ces nouvelles serres, avec ces grandes pattes avant VÉRITABLEMENT bien ailées, bien que le fait que je sois dans un corps de Pokémon ancêtre des Pokémon Oiseaux se voit (comprenez par là que comparé aux ailes d'un Gueriaigle, c'était pas encore ça). Sans compter la transformation on peut dire complète de mon gros bec en pleine face, avec maintenant une délicate et effilée figure reptilienne, décorée d'une plus pratique et plus puissante mâchoire. Sans compter ni oublier mon sublime appendice caudal d'une bonne quarantaine de centimètres avec son panache de plumes bleues à son extrémité, j'atteignais maintenant facilement le mètre quarante. Aussitôt contemplé, je tournai ma nouvelle face vers Bouledisco, complètement affolé par ce qu'il venait de se passer et qui manquait de trébucher avec la faramineuse vitesse du métropolitain, et ne lui laissai pas le temps de faire quoi que ce soit d'autre :

- AH HA ! TU T'Y ATTENDAIS PAS, HEIN ?!

Pas de réponse. Se sentir supérieur, c'est grisant. Pour une fois que je pouvais me le permettre.

- Maintenant, je roxxe tellement plus que je peux envoyer balader quoi que tu m'enverras pour m'arrêter ! Vise un peu ces griffes, ces ailes, ces plumes, ché kwohs ! me vantai-je en titillant d'une griffe chaque partie fantastiquement plus développée que précédemment, concluant donc par mes crocs.

D'un mouvement de cou, j'envoyai alors en l'air mon Ruban Joie, l'attrapai au vol, et dénouai facilement le nœud entourant la Compèt Ball :

- Genesect ! On va en finir rapidement ; à toi !

Je lançai un peu maladroitement la sphère en grande partie blanche immaculée, puis cette dernière s'ouvrit, laissant tomber sur le sol métallique du train fou Paléozoïque, en mode éteint, vu son recroquevillement et son air déconnecté de la réalité.

- Genesect, connexion !

Un son électronique se fit entendre, ses yeux s'allumèrent peu à peu, clignotèrent, et il se redressa. Il se retourna vers ma voix, et je le rembarrai en prévision de certaines remarques :

- Oui, c'est moi, Chris. J'ai évolué !

Le temps que le Pokémon installé sous Windows ou je ne sais quoi parte en reconnaissance vocale, Bouledisco avait eu le temps de se recoiffer et de bondir dans la salle des commandes. Je l'entendis alors crier :

- Fausse note totale ! Ce Pokémon, c'est le gars que veut le patron !

Je n'eus pas le temps de chercher à comprendre quoi que ce soit, le Pokémon violet, bipède, informatique et aux yeux lumineux me coupa dans mes pensées :

- Analyse terminée. C'est bien Chris. Salutations, dresseur.

- Salut, Genesect ! Tu pourrais me rendre un petit service ? souris-je, en trouvant tout ce micmac un peu trop facile à dé-micmaquer. Arrête moi ce train ! Coupe les circuits !

Silence. Le train qui se secoue violemment, les passagers qui n'en finissent pas de hurler, les crissements de rails, mais ça, ça ne change rien. J'entendais des gémissements venant de derrière, signe probable que l'équipe de secours et Ludwig sortaient de leur évanouissement. Rien n'empêche que Genesect restait là, à me fixer, comme une vulgaire machine inanimée.

- Heu... Alors ?

Quand, dans un brusque son de problème informatique :

- *insérer un bruit exaspérant* ERREUR 404 : nom de commande inconnu. Veuillez réitérer votre demande ultérieurement dans les conditions favorables à son déroulement.

J'en ai marre. J'agitai les ailes, protestant :

- MAIS NAN ! Denice t'avait ordonné de couper les circuits à la Sylphe Sarl, et t'as pas bronché ! Alors coupe moi cette putain d'électricité ! C'est le seul moyen pour pas qu'on se crashe !

Pas de réponse. Pas de mouvement. La situation commençait vraiment à devenir urgente, mais, sachant que je devais être le héros, je savais pertinemment que je ne pourrais mourir ainsi ici. Ce serait vraiment trop bête. Bon, ok, réfléchis : normalement, ça doit marcher, alors pourquoi ça marche pas ? Qu'est-ce qu'il y avait de plus à la Sylphe ? Je m'en arrachai presque mes plumes toutes récentes, puis concentrai mon regard reptilien sur le problème : la voilà, la solution. Quand un truc marche pas, vérifiez d'abord s'il est branché.

- Bon, Genesect, tu peux m'ouvrir cette porte qui mène à la salle des commandes ? Ça urge un peu, s'il te plaît.

Aussitôt dit, aussitôt défoncé. Le pan de mur bloqué (si ce n'est toute la paroi métallique) valsa sous l'impact d'un furieux coup de griffe lacérant l'acier peint de blanc, de la part de notre cher ami le Pokémon Paléozoïque. Les morceaux de métal déchiquetés retombèrent avec fracas sur le sol du métro secoué, ébranlé par la vitesse. Le vacarme réveilla le dresseur de Renouet et les secouristes, ils eurent à peine le temps de se rendre compte de l'Aéroptéryx qui ordonnait au Genesect de virer les incapables flippettes habillées en noir (voire or pour certaines) de là. Les sbires, le chauffeur du train compris, et Bouledisco, hurlants, s'enfuirent à l'autre bout du wagon, trébuchèrent à cause d'un léger virage à 100 à l'heure, puis s'explosèrent la face contre une des portes latérales. Je n'avais pas le temps d'admirer la scène ; je me ruai sur le tableau de bord, trifouillai tout et surtout n'importe quoi, abaissant et remontant leviers, martelant boutons et manettes. Rien à faire, rien ne changeait ; et, à en croire le fait que nous venions de débouler à l'air libre, avec une atmosphère d'une fin de soirée d'été, dans le rugissement du métropolitain surgissant des entrailles terrestres, Rotombourg, le terminus, n'était plus très loin. Je me tournai alors comme une furie vers G :

- PUTAIN ! Y A RIEN POUR TE BRANCHER SUR LE SYSTÈME ! TU PEUX RIEN FAIRE ?!

- Je ne crois pas. Vous devez brancher l'unité centrale au...

- MAIS Y A PAS LE MOINDRE FIL QUI PEND, NANAB ! vociférai-je en piétinant et désignant vaguement la table noire électronique qui clignotait en alertant une situation critique.

- MÊME LES FREINS D'URGENCE SONT BLOQUÉS ! hurla Ludwig, pendu et excité sur le système d'alarme du wagon.

Eh ben, ils s'étaient réveillés, eux. Pas trop tôt. Les W.T.F. tentaient également les systèmes, imitant le dresseur, ou alors essayaient vainement de ralentir le train en attaquant de tous les côtés (bien que je mettrais plutôt cette dernière réaction sous l'effet de l'anxiété). Bref, c'était la grosse merde. Et les hangars de la ville-gare qui allaient pas tarder à se faire percevoir. PUTAIN DE BORDEL DE...

- GENESECT ! TECHNOBUSTER SUR CET ENFOIRÉ DE TABLEAU DE BORD ! rugis-je soudain.

- Bien. Risque de dégâts importants. Pertes matérielles considérables. Mise à feu.

Paléozoïque se courba, pointa son canon dorsal droit sur le complexe électrique qui surchauffait et fit rayonner l'armement. Je bondis en me griffant malencontreusement la queue sur une paroi de fonte déchirée, oubliant momentanément que je possédais désormais un nouveau membre, mais, vu la situation, je me contentai de roulés boulés, m'éloignant comme je pus le plus rapidement du point d'impact. Il y eut un silence d'une microseconde, durant laquelle je me demandai si ce n'était pas un peu trop puissant pour un simple circuit électronique. Genesect tira la fabuleuse radiation argentée faite maison à bout portant du cerveau du Seviper fou. Il y eut une détonation herculéenne, un effroyablement puissant coup de vent, un dantesque crissement électrique et métallique, annonçant un déraillement monumental, dans les hurlements de tous les honnêtes voyageurs. Je crois que c'était un peu trop puissant.




- Professeur ! Professeur !

- Quoi ?! Vous l'avez enfin retrouvé ?!

- Oui, mais...

- Arceus soit loué ! Il va bien, au moins ?

- Pour aller mieux, c'est sûr qu'il va mieux, beaucoup mieux...

- Mais il y a un problème, c'est ça ? J'en étais sûr ! Sûr à 100 % ! Le laisser sortir, c'est vraiment une idée de merde de ce connard de petit vieux ! "Faut qu'il prenne l'air, le pauvre, gna gna gna..." ON NE JOUE PAS AVEC LA SCIENCE, BORDEL ! MÊME SI C'EST POUR CONTRÔLER LE MONDE !

[...]

- Bon, c'est quoi le problème ? Un mort ? Une installation détruite ?

- Non, c'est bien pire. L'effet secondaire du virus...

- Oh non... Ne... Ne me dites pas que... Que quelqu'un... En dehors de nos cobayes... Quelqu'un... De l'extérieur... Ne me dites pas que quelqu'un a été... Ne me dites pas que...

- J'ai bien peur que si, Professeur.




- Bougez-vous ! Allez ! Allez !

Des sirènes hululant. Du brouhaha ambiant. Le bruit de la pluie. Elle tombait en cordes. Je sentais de grosses gouttes s'éclater sur mon museau, puis ruisseler le long de mes plumes ; j'étais trempé jusqu'aux os. J'avais l'impression de me faire... transporter ?

- Montez-le là-dedans !

Le matelas fin sur lequel j'étais allongé fut brusquement soulevé, un soudain choc, et je me sentis chuter. J'atterris la gueule la première dans la boue, et manquai de crever noyer ainsi, suffocant et m'étouffant, ne pouvant strictement rien bouger question membres.

- Putain de merde ! Ramassez-le ! Faites gaffe, à la fin !

Je sentis de fortes poignes me saisir, m'enlever dans les airs puis me reposer comme une vulgaire chaussette sur le matelas mouillé duquel j'étais apparemment tombé de par leur faute. Le niveau sonore ambiant se couvrit alors, des portes se refermèrent en coulissant et en claquant. Un léger bout de quelque chose de mou se posa sur ma poitrine pendant que l'on murmura "T'as vu l'état de son crâne ?", puis j'entendis, d'un air glacial :

- C'est fini pour lui.



O_o WHAT ?!



- Notez l'heure du décès : 20h50.

Puis, tentant une petite blague noire :

- Tiens, c'est l'heure des Experts, justement.


MAIS NAN ! JE SUIS PAS MORT ! C'EST PAS POSSIBLE ! JE SUIS... JE SUIS VIVANT !

- Bon, on y va, y en a d'autres à sauver.

- NAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAN !!

Je me redressai subitement, raide comme un revenant, hurlant à la mort, me plantant à moitié mes griffes dans ce putain de crâne qui me torturait atrocement. J'entendis crier de surprise ou d'horreur, enchaîné d'un puissant :

- PUTAIN ! L'EST VIVANT !

Puis des pas se précipitèrent, et de multiples mains se tâtèrent sans cesse, m'agrippant de toutes parts. Moi je m'explosais les cordes vocales en essayant de compenser la douleur incommensurable et horriblement intense qui régnait au plus profond de ma boîte crânienne, me broyant la cervelle à grand coup de pilon. Mon cri rauque de Pokémon préhistorique résonnait ; je ne me sentais presque plus, je n'entendais rien à part mon rugissement, et de multiples flashs colorés, désordonnés et défilant à la vitesse du son couvraient mon champ de vision. C'est comme si je me sentais mourir. Et un coup sur la caboche dans un grand grondement écrasant. Violent. AÏE.


- Frère Plume ? Frère Plume ?

Je fus pris d'un frisson. J'ouvris grand les yeux, et vis la figure de Reptincel de Fire penchée sur moi, avec un plafond de feuilles d'arbres caduques en background. Je me redressai progressivement et lentement, quand même vachement faible, faut bien le dire, tout tremblant et manquant de m'évanouir plusieurs fois, mon esprit voulant incessamment recommencer un tour de grand huit. Je me reconcentrai sur la situation, et revins à la réalité : je m'écroulai dans les bras de Fire, gémissant :

- Oh mec, putain mec ! Si tu savais le cauchemar que je viens de me taper !

Je sanglotai légèrement, retenant quand même ma frousse, et me répétant qu'après tout, ce n'était que des images dans ma tête que ce n'était qu'un mauvais rêve flippant...

- Heu... Frère Plume ?

Je reniflai, m'essuyant rapidement le museau avec mon aile, et je gémis :

- Hein ? Qu... Quoi ?

- Tu... Tu devrais...

Flamme faisait tourner sa griffe pointée vers ma face déplumée et mon être à coloré mi-ambre mi-chair ; je me retournai comme il me l'indiquait, et fis face à l'horreur. A en croire l'état de la voie, le TechnoBuster avait, en plus d'anéantir l'avant du train, éparpillé un bon monceau de surface terrestre avec les rails qui vont avec. Donc le métro avait été éclaté au niveau de la loco, sans compter sur la vitesse qui l'avait fait foncer dans le cratère précédemment créé. Ce devait être un accident plutôt compliqué à décrire et spectaculaire, mais la déflagration et la collision avec le trou béant avait fait quasiment voler la moitié du train, les wagons qui suivaient s'étaient pliés et étaient passés sur ceux qui avaient précédé, concassés les uns sur les autres et d'autres arrachés, et le tout expulsé dans la forêt avoisinante, ayant dévalé le talus au sommet duquel était la défunte voie ferrée. Le spectacle infernal et cruellement inhumain de la carcasse de fonte du métropolitain et des corps amoncelés ici et là, des flaques de sang, sous la pluie ruisselante, des morceaux de métal plantés ci et là, dans ce corps-ci et ce corps-là, sans parler de ceux en pièces détachées, le tout parsemé de bons hommes habillés de rouge, fourmillant et constatant avec terreur l'ampleur des dégâts, et d'ambulances tous gyrophares dehors et sirènes hurlantes, qui constituaient des abris de fortune pour les restes humains et Pokémon qui survivaient et hurlaient sur de vulgaires brancards. La scène était apocalyptique. J'étais dévasté.


En contrebas de l'orée du bois où nous nous trouvions, une des ambulances avait été écrasée par un arbre qui s'était laissé choir de tout son poids sur la camionnette salvatrice ; un mille-feuilles d'acier rouge et blanc était cloué au sol sous le tronc massif. Je remarquai alors des traînées de boue qui s'en échappaient et qui laissaient une trace jusqu'à mes pattes. Déduction : j'avais été sauvé, sans aucun doute par l'équipe de secours dont je faisais partie. Je reculai, toujours aussi anéanti par cette vue terrorifiante, et me retournai vers l'équipe de secours Pokémon : Fire, le Sac à trésor avec la bretelle déchirée puis renouée, une éraflure sur le flanc, Lilas, un pétale en moins sur la tête et toute boueuse qui berçait Bisou, sans goutte au nez, qui grelottait et présentait des hématomes, tous avec des têtes de déterrés, d'aliénés et encore choqués par les récents événements. Je bredouillai :

- Mais... Que... Vous... Ils...

- On sait rien pour Ludwig. J'ai pu nous protéger un minimum avec Abri... susurra Lilas, terrorisée. Quant à vos blessures, j'ai pu les guérir un tant soi peu, mais...

Et elle se tut, le regard planté sur le Polarhume, faible au possible. Je ressentis une furieuse douleur qui me piqua la queue ; mon appendice caudal sérieusement blessé, tout comme mes ailes légèrement endolories par les éclats métalliques qui s'y était plantés, sans parler de ma tête enveloppée dans un bandage, écarlate à en voir les pupilles de mes compagnons d'infortune, et du mal de crâne effroyable qui revenait me dire bonjour peu à peu. J'étais à moitié dans un état second d'hébètement et d'incompréhension qu'autre chose, en plus de me sentir effroyablement coupable. D'ailleurs, allez savoir où était Genesect, maintenant.

- Allez, il faut rejoindre Parsemille, la ville est à côté, selon les dires de vos secours humains, souffla le Reptincel en me mettant sa patte sur l'épaule.

Tenant fermement mon Ruban Joie déchiré entre mes désormais trois griffes de l'aile droite, auquel était resté accroché la clochette d'argent fêlée mais pas la Compèt Ball, je suivis le groupe de survivants Pokémon qui se dirigeait à bout de force vers les bâtiments visibles à l'horizon entre les troncs, la pensée que nous étions tous mortels étant revenue vivement à mon esprit. Mais je suppose que les héros de toute cette merde ne doivent pas décéder maintenant, juste souffrir pour mieux crever plus tard. J'suis pas prêt de remonter dans un hélicoptère de sitôt, c'est moi qui vous le dit. Saleté de Destin.


Ne tergiversons pas, hein. Je le sais très bien. Moi aussi, j'ai l'impression qu'à chaque fois que je décide de me déplacer par un moyen tout simplement autre que la marche à pied, il m'arrive des choses complètement... improbables. A croire que les héros ne doivent se déplacer qu'avec leurs pattes. Et, rien qu'à l'idée de prendre l'avion... Arf.

- Tu reprendras bien un peu de feuilles d'arbre ?

- C'est pas drôle, Fire.

- MAIS C'EST TRÈS NOURRISSANT ! s'exclama-t-il en gobant et mâchouillant avec acharnement le bout de plante verte. Et en pluch... Ch'est chans gras ! Miam miam ! Che me régale ! gémit-il avec une bonne tête de gars prêt à rendre à tout bout de champ la feuille amère, fileuse et autre chose sûrement qui viendrait du fond du cœur.

Nous nous étions posés tous les quatre en cercle à côté d'un pan de grillage longeant la piste d'atterrissage et de décollage de la ville d'Unys si longtemps désirée. Un grand projecteur parmi tant d'autres éclairant la piste nous servait d'éclat lumineux pour cette nuit, le soleil venant de se coucher dans un ciel encore un peu nuageux et les lampadaires géants venant de s'allumer. Nous préférions éviter de faire un feu, notre dernier foyer ayant carbonisé une forêt entière, pour rappel. Un silence macabre régnait sous la lumière fade et blanche de l'éclairage artificiel ; seuls les bruits tonitruants des moteurs d'un aéroplane-cargo au décollage rugissant juste à côté brisaient la tranquillité sonore dans de grands souffles mécaniques. La puissante lueur artificielle éblouissait nos faces livides, épuisées et affamées ; les quelques baies qu'il nous restait, on venait de les finir rapidement. Les frères gérants du magasin Kecleon de la ville, d'après Fire, avaient bien voulu nous offrir gratuitement, en geste d'amabilité et de soutien entre Pokémon, nourriture, mais seulement contre de l'argent. Alors bon, le Reptincel chef d'équipe était rentré bredouille après avoir, bien évidemment, clashé comme il se doit les vendeurs, mais n'entrons pas dans les détails.

- Bon, Fire, t'as trouvé autre chose qui puisse nous intéresser ? demandai-je au frimeur en remettant convenablement un bout de ma bandelette qui m'entourait le crâne en place.

Le concerné recracha (enfin) la feuille qu'il mâchait inlassablement, avant de fouiller dans la sacoche censée être consacrée aux "Trésors" et de brandir fièrement un prospectus :

- Tadaa !

- Mais... C'est quoi, ça ? demandai-je en pointant de la griffe le bout de papier dégueu.

Il rétorqua :

- ÇA, c'est vachement cool, monsieur ! Y a une grosse image de ce que t'appelles "avion", alors ça doit avoir forcément un rapport avec !

Puis, scrutant plus précisément l'objet en question :

- Et y a aussi des images de boîtes marrons, si je ne m'abuse.

- Donne-moi ça, soupirai-je, constatant que la culture humaine, c'était pas son fort.

Fire me tendit le papier, et je remarquai qu'il s'agissait d'une publicité pour le Service de Fret Aérien de la ville. Une représentation de l'un des avions de la ville, justement, surplombait le prospectus, puis le logo de la compagnie, leur slogan "Rapidité et sécurité à votre service !", leurs prix... Ainsi, j'appris que l'aéroport de Parsemille était uniquement utilisé pour le fret, et que la ville comptait plusieurs avions-cargo, des plus grands modèles construits à ce jour, les uns volant pendant que les autres restaient à terre, pouvant ainsi livrer en grande quantité loin pendant que d'autres se chargeaient abondamment. La taille de leur gargantuesque soute surplombant l'appareil avait été prévue pour pouvoir transporter d'autres pièces d'avions, permettant ainsi le transport de matériel imposant ou de grande quantité de colis. Sur le papier trouvé sûrement dans une poubelle éventrée par terre étaient aussi indiqué les horaires de décollage et d'atterrissage des avions de la société, les destinations desservies étant également précisées. Je lançai, tout frissonnant d'excitation que le rythme s'accélère :

- Bon, on se glisse dans un colis ou deux, on est embarqué, et le tour est joué ! Ok ?

Reptincel semblait perplexe, Fragilady me faisait une tête dans le genre "T'es sérieux ?", je déchantai rapidement, et rétorquai qu'on improviserait, puisque, apparemment, ça nous connaissait. Dans tous les cas, grâce à Fire, nous visions désormais le vol 650, départ 8h08, à destination de Hoenn, débarquant sa marchandise à Poivressel, 12h12 heure locale. Pourquoi j'avais peur ?


- J'espère qu'on ira tous mieux demain...

- Pour aller mieux, faut dormir, Frère Plume. Alors bonne nuit.

- Ouais, m'enfin on récupère pas d'une tempête, d'un tsunami, d'une prise d'otages et de deux accidents de métro en une nuit.

- C'est pas ma faute ; c'est depuis qu'on t'a suivi qu'il nous arrive ces merdes, rétorqua le meneur. Alors on dort, parce que demain, je sens qu'on touchera rapidement terre... APRÈS AVOIR VOLÉ ! JE VAIS VOLER ! ajouta-t-il, les yeux scintillants.

Lilas ajouta, se tournant vers moi :

- Et j'ajouterais par ailleurs que, bien que nous soyons fortement éprouvés, nous tiendrons parole et iront ensemble jusqu'au bout, quoi qu'il advienne. Nous sommes une équipe de secours, et hors de question d'abandonner une mission de sauvetage en cours ! Même si celui qu'on doit sauver nous accompagne !

Je souris :

- Effectivement, c'est assez paradoxal.

La secouriste, cajolant le Polarhume endormi entre ses feuilles, me rassura gentiment :

- Ne t'en fais pas, demain, nous aurons tous les quatre bien récupéré. Je vous soignerai encore un peu s'il le faut, mais après ce que je vous ai donné, vous devriez gambader comme de jeunes Ponchiot dés la matinée !

Je me relevais lentement, un peu flippé :

- Heu... Tu nous as donné quelque chose ? Quoi, au juste ?

- Bonne nuit ! rit-elle en se retournant, fermant ses yeux d'or et s'installant confortablement.

- Bonne nuit les We Tackle at Foes ! Demain, on débarque dans une autre région ! Notre rang va en être triplé ! s'exclama le Reptincel, bâillant, s'étirant, puis enroulant légèrement son appendice caudal enflammé sur lui-même, avant de s'endormir dans de fabuleux rêves aventureux, à n'en point douter.

Notre cercle d'amis passa la nuit ainsi sous le disque de lumière blanche émis par le projecteur, qui s'éteignit quelques secondes plus tard, signe de fermeture de la piste. Prudence étant mère de sûreté, le Service de Fret Aérien préférait ne plus faire décoller d'avions après une certaine heure. Et tant mieux, dans le cas où un groupe de Pokémon aurait eu l'idée de dormir à côté de la piste.


J'avais beaucoup de mal à m'endormir. Je me tournai et retournai sur moi-même, cherchant vainement une position agréable sur l'herbe rase avoisinant la mare de bitume délimitée par une simple grille. Ma queue écailleuse et toute de bleu plumée était quasiment complètement guérie, ma tête me faisait moins mal, mais comment trouver le sommeil ? Je me sentais coupable du dernier accident mortel, j'ai été apparemment momentanément décédé, et demain, il ne me restait plus que six jours à vivre ; voire moins, après ce que j'avais vécu aujourd'hui. Et puis Genesect qui n'était plus là... Genesect... D'ailleurs, pourquoi et surtout COMMENT Genesect s'était retrouvé dans cette Compèt Ball ? D'après Dialga, tout a été effacé ; je veux dire, tout ce qui s'est passé avec Zekrom ne s'est en fait pas passé, puisque j'ai empêché l'équilibre du monde de sombrer *gonfle le torse*. Mais, allez savoir pourquoi, je m'en souviens. Et Genesect, là, dans une de ces Compèt Ball, pour moi. Et puis, même s'il était avec moi, pourquoi a-t-il accepté de rester à mes côtés ? Après tout, je ne suis pas spécialement différent de quelqu'un d'autre. Peut-être se souvient-il que je l'ai défendu du mieux que je pouvais de Denice, et peut-être me considère-t-il alors comme quelqu'un de juste... Lui qui l'était tellement... Je le revois encore atomiser Noctunoir avec son Ultralaser légendaire, jeter Drak dans le vide, puis regretter ses actes et se pacifier dans la suite. Quand je pense qu'il s'agit d'un Pokémon préhistorique ramené à notre époque et modifié pour en faire une machine de guerre, et qu'il a malgré tout des... réactions... humaines ? Pokémon ? D'ordinateur ? Allez savoir. Maintenant, il était lâché dans la nature, peut-être blessé ou endommagé par l'explosion de la voie ferrée... Par ma faute... Comme tous ces morts...

Et mes Pokémon ? Qu'étaient-ils devenus, à l'heure qu'il était ? Et maman ? Allait-elle bien ? Et Julia ? Elle n'était qu'une petite gamine de dix ans ici, et elle s'est prise une balle dans la tête... Coïncidence ? Et puis, si Julia existait ici, qu'en est-il de Juliette ? Et... De Julie ? Sont-elles en vie ? Sont-elles menacées ? Est-elle... Toujours aussi... Et si je la revoyais... N'y a-t-il pas eu d'autres événements bizarres autre part sur la planète ? Que se passe-t-il, à la fin ? Je me mis sur le dos, toujours aussi pensif et désemparé, dépassé par les événements. Les étoiles inondaient par des milliers de flots stellaires les cieux couleur nuit, cette voie comme lactée dans ces éclats célestes brillait et resplendissait, dominant tout l'hémisphère planétaire endormi. Allez. Ce n'est pas ma faute. J'étais obligé d'arrêter ce train. Soit c'était ça, soit c'était la mort de tout le monde. J'étais obligé. Obligé... De... Tuer... J'avais... J'avais peur. Peur de faire du mal à d'autres gens. Peur d'échouer. Peur de décevoir. Peur de tuer tout le monde. Peur de perdre ma famille, mes Pokémon, mes amis. Peur de mourir. Peur de ce qui allait advenir. Peur d'un destin foireux. Je sentis ma vue se brouiller, mes yeux cernés d'Aéroptéryx se couvrant peu à peu du liquide lacrymal, témoin de mon apparente détresse. Dans les moments comme ça, Bastiodon s'approchait. Il venait me voir, il me réconfortait, me remontait le moral. Il l'avait fait, les soirs d'angoisse, de crainte, de tristesse, la veille du tournoi de la Ligue Pokémon Mondiale. La veille de chaque combat important mené dans ma vie, aussi bien Pokémon que personnel. Il avait toujours été là. Comme Torterra... Mais là... Je n'avais même plus mon véritable corps.
Je fermais fortement les paupières, faisant couler les larmes sur mes tempes écailleuses et sur mon bandage, je serrai les griffes, et me recroquevillai, tourné vers l'est, vers la direction du soleil qui se lèverait, voulant me lever au plus tôt, voulant me retrouver au plus vite à demain, voulant accélérer les choses, le temps, voulant que tout cela se finisse, le plus rapidement.




Où... Où suis-je ? Cet endroit... Je m'y sens... Je m'y sens incroyablement bien... J'ai... J'ai l'impression de flotter... Tout... Tout est chatoyant, relaxant... Des couleurs roses, jaunes, orangées, couvrent mon champ de vision... De fabuleux dégradés... Qu'est-ce qu...

- ... A... A... Al...

Je demandai, hasardeux, répondant aux faibles sons qui me parvenait :

- Y a quelqu'un ?

Ma voix étrangement humaine, ma vraie voix, celle du bon vieux Chris que je connaissais depuis tout ce temps, cette voix-là, avec laquelle j'avais prononcé ces mots, résonna.

- Al... All... Allô ? Allô ? Que quelqu'un me réponde ! Si je me suis trompée de personne, dites-le moi !

- Heu... Allô ?

- Ah, quelqu'un ! Excusez-moi, mais je suis pressée, répondez juste à cette question : qui est réellement Solarius ?

Cette voix féminine, douce, rassurante et pleine de tendre gentillesse. Ne me dites pas que...

- G... Gardevoir ?

- Hé non ! Bon, merci quand même !

Je réagis au quart de tour :

- NAN ! Attends ! Gardevoir ! C'est toi ?!



[...]



- C... Chris ?! *jubilations extérieures* Chris ! Chris ! C'est toi ?!

- Gardevoir ! Oh, Gardevoir !

- Chris ! C'est bien toi ! *jubilations multipliées*

- Gardevoir !! Gardevoir ! Je suis tellement heureux de t'entendre ! Tu peux pas savoir à quel point je suis heureux !

- C'est réciproque, Chris ! J'ai mis tellement de temps à te retrouver !

Je jubilai ; c'était la première voix dans ma tête que j'aimais autant entendre. Je m'empressai de me renseigner :

- Comment tu vas ?! Et les autres ?! Vous êtes où ?!

- Je vais bien, ne t'en fais pas ! Les autres... Tu veux parler de ceux qui se sont fait kidnapper avec toi, je suppose ? voulut-elle préciser, un peu soucieuse.

- Oui ! Tu.. Tu as de leurs nouvelles ?

- Eh bien, heu... Non...

Merde.

- Ah ok... Et toi ? Et Latios ? Qu'est-ce qu'il se passe ?

Quand une voix masculine que j'avais bien connu à forces de remarques exaspérantes s'interposa soudain :

- Hey, gamin ! Moi, ça va !

Gardevoir s'énerva :

- Latios ! Repasse-moi mon dresseur immédiatement ! C'est méga top trop urgent, là !

- Ok, ok ! Tiens ! Merci quand même d'avoir posé la question, Chris !

- Pas de quoi, souris-je.

- Merci. Allô ? Chris ? Bon, ouais, j'te disais que non, j'ai pas retrouvé leur fréquence... A vrai dire, j'ai été au courant de votre enlèvement par les infos... Mais pour ce qu'il t'est arrivé, j'ai su que tu étais en danger, qu'il t'était arrivé un truc de pas normal. Je l'ai ressenti.

- Pour un truc de pas normal, il m'est arrivé un truc de pas normal. Tu vas pas le croire ! J'ai été...

- Transformé en Pokémon, je sais. En Arkéapti. J'ai vu les infos, j'te dis.

Zut. Moi qui voulais faire mon effet surprise, ça a foiré.

- Bon, bah voilà. J'en sais trop rien sur ce qui m'est arrivé, et la meilleure, c'est que j'ai été embrigadé dans une équipe de secours et d'exploration.

Elle éclata de rire, suivie de Latios.

- Pas possible ! Toi, dans une équipe de secours !

Son compagnon rétorqua :

- Tu dois servir à tellement de choses !

Lui non plus, l'a pas changé.

- Et alors ? me demanda le Pokémon Étreinte, se remettant de ses émotions.

- Et alors ? Eh bah, ça serait vraiment trop trop long à t'expliquer, déjà que moi-même, j'm'embrouille dans toute c't'histoire... En gros, j'ai failli crever plein de fois, j'ai failli me faire violer, j'ai explosé un tsunami et deux métros, j'ai fait cramer une forêt, j'ai volé des trucs, j'suis recherché par la Police Internationale et par des pétasses, j'ai une dette qui s'élève à plus de plusieurs milliards de Poké envers la Guilde de Farfaduvet, j'ai évolué, je suis accompagné par une Fragilady qui s'est fait battre par sa dresseuse, un bébé Polarhume qui chiale constamment et un Reptincel entreprenant et assumant désormais son homosexualité, et je ne sais toujours pas comment tout ça est arrivé. Je fais des rêves chelous, aussi, mais ça, c'est un peu moins excitant. Et demain, j'prends l'avion.

- Ah. Ok.

Puis elle me demanda, curieuse :

- Heu... Tu dis que tu fais des rêves ? Comme celui-là ?

Donc j'étais bien dans un rêve. Super.

- Disons oui et non. C'est plus des sons et des dialogues sans images souvent. Sauf quelques fois, où c'est tellement vrai et flippant... Mais tout est désordonné, étrange, et sans sens... Je n'arrive même pas à savoir si c'est mon esprit qui déconne, ou...

- Ou des sortes de souvenirs de ce qu'il t'est arrivé ? finit-elle précipitamment. Tu sais, Chris, faut pas déconner avec les songes. Surtout quand t'es un humain transformé en Pokémon.

- Ah oui ? Parce que ça arrive souvent, peut-être ?

- Nan, mais justement. Ton "toi" intérieur, ton esprit, ton âme, ton subconscient, si tu veux, ce qui fait de toi ce que tu es dans ta tête, a été comme "transféré" dans une autre enveloppe charnelle, je suppose. Donc tout peut avoir un lien avec ce "déplacement", et tout doit être digne d'intérêt. Sans compter que tu peux même délirer, alors fais gaffe !

J'eus un frisson.

- Délirer ? Comme quoi ?

- J'en sais rien, moi... Genre t'entends des voix que personne n'entend, des voix dans ta tête...



[...]



- Ah oui ? Et... Ça serait quoi, ces voix ?

J'entendis Latios souffler, trouvant sûrement toutes ces explications chiantes ; Gardevoir m'expliqua tranquillement :

- Soit c'est un délire complet, genre un dysfonctionnement de ton esprit dû à ton "transfert" dans un autre corps, soit c'est, dans les cas très rares, une sorte de représentation de ton subconscient qui te parlerait à toi-même...

- Hein ?

- Nan, mais c'est très rare. Ou alors c'est quelqu'un, mais, à part moi, je vois pas qui pourrait chercher à te joindre comme ça, facilement, et se taper la discute avec toi ! rit-elle.

J'étais bien avancé. Si ça se trouve, j'étais en plein délire, avec cette "voix de la raison".

- Bref, fais gaffe aux rêves que tu fais, parce que c'est sans doute vachement important.

Lorsque quelqu'un d'autre s'incrusta soudain :

- Mais cela peut être un rêve comme un autre aussi, n'est-ce pas ? J'entends par là, un simple méli-mélo de pensées et d'images sans aucun sens réel ? C'est très souvent le cas, dans les esprits lambdas.

Cette voix... Une voix calme, profonde, une voix de sage et de gars sympathiquement mégalomane, qui ressort sa science s'il en a l'occasion...

- Mais... il est avec toi aussi ? demandai-je, agréablement surpris.

Elle répliqua, s'exclamant :

- Qui ça ? Kyurem ? Bah ouais !

Ah ok. Sympathique, tout ça :D

- Excuse-moi si j'ai pas reçu de photo de famille, souris-je alors sarcastiquement. Il fait qui ? L'amant ?

Kyurem partit dans un grand éclat de rire ; elle et Latios mirent un certain temps à comprendre, avant de s'écrier :

- AH MAIS NON MAIS IL VIT PAS AVEC NOUS HEIN !

- Ah bah j'en sais rien moi hein, vous faites ce qu'il vous plaît... continuai-je, toujours aussi gentil. Et tu vas me dire qu'il passait par là au moment où tu m'appelais ?

- Non, j'vais pas te dire ça ! On fait une réunion extraordinaire pour essayer d'avoir de tes nouvelles, c'est tout.

- Une... Une réunion extraordinaire ?

- Bah ouais. Latios, Latias et Kyurem sont avec moi, et certains autres Légendaires nous écoutent par un ingénieux système de hauts-parleurs.

- Tu... Tu veux dire qu'on a entendu TOUT ce que j'ai raconté ? Arceus et tout ?

- Bah oui.

J'avais envie de me pendre.

- HM HM HM, BON, OK, D'ACCORD. Et... Latias aussi est avec toi, alors ?

- Oui, enfin, elle devrait bientôt revenir, soupira Gardevoir.

- C'est-à-dire ?

- C'est-à-dire qu'elle s'est absentée.

- C'est-à-dire ?

- C'est-à-dire qu'elle va revenir.

- C'est-à-dire ?

- C'est-à-dire qu'elle était obligée de s'absenter momentanément.

- C'est-à-dire ?

- Écoute, fais pas chier, hein ! J'te dis qu'elle va pas tarder à revenir !

J'entendis Latios balancer :

- Elle est aux chiottes !

Ah. D'accord. J'avais pas compris. Mon Pokémon femelle reprit immédiatement, rectifiant :

- Nan, mais elle est partie se repoudrer le museau, se remettre de ses émotions, elle est un peu subjuguée par ses sentiments en ce moment, quoi ! Tu comprends...

- Heu... Ok... Mais, à part ça, t'as quelque chose à m'apprendre, toi ?

- Bah, pas que je sache... Beaucoup de choses me sont pas dites, tu sais, mais par rapport à ce que moi je sais, tu dois déjà tout savoir...

- Nan, je sais rien, justement, répliquai-je, soupirant.

- Tu sais pas ? Pour Zekrom et les autres ?

Je sursautai, et m'écriai, flippé :

- HEIN ?! De quoi ?! Qu'est-ce qu'il est arrivé à Zekrom ?

Elle soupira avec peine :

- Bah, c'est pour ça que Latias est à bloc et à tendance à fondre en larmes... Zekrom a disparu.



O_o WHAT ?!



- COMMENT CA, "ZEKROM A DISPARU" ?! m'écriai-je.

Gardevoir ajouta tristement :

- C'est pas le seul. Quatre autres Pokémon légendaires ont disparu, et plusieurs MOCLASM manquent à l'appel.

Putain de bordel de merde. Je restai un moment silencieux, et demandai, à tout hasard :

- Et... On peut savoir quels domaines fondamentaux de l'univers ont perdu leur maître ?

- Respectivement les océans, les continents, les cieux, l'Idéal et le Réel. On est sans nouvelles de Kyogre, Groudon, Rayquaza, Zekrom et Reshiram depuis plusieurs jours, annonça Gardevoir.

Je restai muet un autre moment. Zekrom... Et Reshiram, et Rayquaza, et les deux autres... Je me souvins effectivement de Kyogre, le Pokémon Bassinmarin, et de Groudon, le Pokémon Continent, ces Pokémon dont j'avais appris les légendes dans les livres mythologiques. Rayquaza gouvernait les cieux, lui, et serait juge et pacificateur lors du conflit opposant les titans de la mer et de la terre... Mais... Pourquoi ? Où pouvaient-ils tous bien être ? Et Zekrom et son collègue ? Pourquoi avaient-ils disparu ? Leur avait-on... fait... Quelque chose ? Si les rêves que j'ai fait sont... vrais, alors Rayquaza serait...

- Je sais, c'est choquant, poursuivit cette chère Gardevoir. Ainsi, de multiples événements météorologiques bouleversent les régions, les mers peuvent devenir déchaînées en moins de deux et retrouver tout aussi rapidement leur calme, des séismes et des vagues de chaleurs naissent un peu partout et disparaissent comme elles sont venues...

Kyurem renchérit :
- Sans compter les naissances qu'on ne peut plus assurer, étant donné que Zekrom et Reshiram manquent à l'appel pour créer les âmes... et de... pour... qui... puis... f... mo... de...

J'essayai de discerner ses dernières paroles, mais elles étaient entrecoupées. J'appelai :

- Kyurem ? Gardevoir ? Gardevoir !

Un crépitement se fit entendre. Des grésillements ; puis plus rien. Le vide total. La sensation de bien être disparut soudain ; les couleurs chaudes aussi. Tout devint noir et sombre. Froid et inquiétant. Le silence le plus profond régnait. Je fus figé, ne pouvant plus faire le moindre geste, expirer le moindre souffle, transit de peur. Je commençais sérieusement à flipper, à vouloir me réveiller. Je savais que quelque chose n'allait pas. Puis, tout doucement, tout légèrement, un frisson glacial me remonta le long de la colonne vertébrale, et une faible voix susurra :

- Me voilà... Encore et toujours...

- Qu... qu... quoi ? Qu... Qui est là ?

Puis, soudain, ma gorge se serra brusquement, une présence glacée m'étranglant avec une poigne funeste. Plus aucun filet d'air ne passait dans ma trachée, et l'enserrement était de plus en plus violent. Je ne pouvais plus rien dire, restait la bouche ouverte, immobilisé, et ne pouvant me débattre. Je crevai à petit feu, on me tuait froidement, quand un souffle gelé fut expiré sur mon cou tenaillé :

- Je suis partout, Chris... Je te vois, Chris... Je te sens, je te suis, je te sais, Chris... Tu sais très bien que je vois tout... tu le sais... Tout comme toi, tu le sais, ce que je suis... Et ce que je ne suis pas... Après tout... Je suis en toi... Tu vas finir avec moi... pour l'éternité... Je saurais parfaitement... quoi faire... quand je... serais aux commandes... Car... après tout... je suis fait pour ça... Je veux tout détruire... Annihiler... Et j'en suis capable... Tu en es capable... Toi... Tu seras... à jamais... tu seras mien... puisque... après tout... j'ai toujours été.... et suis...

- LÀ.




- NAN ! LÂCHEZ-MOI !

Je redressai mon dos soudain, me débattant comme un débile mental, battant de l'aile, envoyant des plumes à tout va, ma face écailleuse couverte de sueur, avant de rouvrir les yeux tel un fou, comme obnubilé par le monde. Je toussai violemment et grassement, reprenant de l'air dans mes poumons endoloris, me secouant abruptement la tête, avant de me l'immobiliser manuellement, m'agrippant la boîte crânienne avec douleur, sous l'effet des hochements forcés. J'étais là, à côté du grillage de la piste, à côté des W.T.F. qui roupillaient, les premiers rayons du Soleil qui n'allaient pas tarder à rayer le ciel jaune et bleu, rosé à l'horizon orientale. Le temps de reprendre mes esprits après ce rêve qui s'était terminé en véritable cauchemar, je fus apaisé par le fabuleux tableau qui peignait sereinement le paysage à l'aube : les quelques maisons derrière la piste de l'aéroport et la tour de contrôle qui trônait, éclairés par les rayons naissants sous un ciel limpide et coloré, et des Poichigeon qu'on entendait piailler dans les arbres feuillus avoisinants... Une petite brise fraîche me soufflait dans les plumes ; je me sentis de nouveau frais et dispo, comme revigoré. J'avais appris que le danger était réellement présent, que ce n'était pas qu'une partie de rigolade. J'étais déterminé. Tournant la tête vers l'équipe, je vis Bisou qui ronflait presque, faisant vibrer délicatement une nouvelle goutte de morve glacée, et Fire qui devait, à voir ce que je voyais, faire un rêve avec un Pokémon dragon mâle dedans. Je remarquai alors l'absence de Lilas. Je la cherchai du regard, tendant le cou et redressant le torse, épiant les alentours, mais ne la trouvai pas. Je me dressai alors sur mes pattes plumées reptiliennes d'Aéroptéryx, bondis doucement au-dessus du Reptincel heureux puis du Polarhume insouciant, et aperçus alors, là-bas, à l'écart, le regard rivé sur les cieux enchanteurs, Chef-Fleur. Je m'approchai alors, longeant le fin filet d'acier tendu entre les bois tranquilles et l'infinie mare de bitume tachetée de blanc, et, après plusieurs mètres, je n'avais pas eu pas le temps d'atteindre la secouriste qu'elle se mit soudain à crier vers le ciel, agitant ses magnifiques fleurs un peu abîmées et hurlant désespérément :

- Pourquoi ?! Pourquoi a-t-il fallu que vous me fassiez naître ?! Si je n'étais pas de ce monde, je n'aurais pas eu à supporter tout ce que j'ai enduré ! Cette salope m'a renfermée sur moi-même, m'a gâché cinq années de ma vie, et... et... Je... Je ne veux pas souffrir encore plus ! J'en ai plus qu'assez de devoir toujours encaisser, et devoir me la fermer... Je veux l'ouvrir, mince ! Mais à quoi ça sert de l'ouvrir, hein ?! A QUOI ÇA SERT ? Puisqu'on aura beau se plaindre, puisqu'on aura beau crier que ce que nous vivons est insupportable ou infect, ce ne seront que des plaintes criées vainement ! Car elles ne changeront rien ! Personne ne les écoute ! Alors à quoi ça sert de se plaindre ? A QUE DALLE ! Donc on emmagasine, on subit, on se referme, et on se pourrit la vie ! J'aimerais savoir, moi, j'aimerais savoir ce qu'on peut faire, hein ?! DITES-LE MOI ! ON Y PEUT RIEN, C'EST ÇA ?! MAIS J'EN AI MARRE DE NE RIEN POUVOIR Y FAIRE, VOUS COMPRENEZ ?! JE VAIS PERDRE QUELQU'UN QUE J'AIME, SI ÇA CONTINUE !

Elle s'arrêta net, la voix troublée, baissant la tête, exténuée et désemparée. Je restai derrière elle, immobile, figé par une telle réaction et une telle haine déversée. Lilas, elle qui est si discrète et réservée... Si gentille et maternelle... Elle murmura alors, avec un filet de voix cassé :

- Je... J'ai... J'ai peur de... De faire une bêtise... Ma vie... Ma vie est gâchée... Fire... Fire est autonome, maintenant... Il gagne en assurance... Il y a toujours Bisou... Mais ça ne change rien... Je ne... Je ne suis pas sa mère... Je ne... Je ne suis rien... Puis... il y a... Chris... Chris... Ce... Cet... Un... humain... Un... Pokémon... Que penser ?

Puis, criant au bord des larmes :

- EST-IL NORMAL POUR UN POKÉMON D'AIMER UN HUMAIN ?!


[...]


- Même.. Un humain... Transformé... En Pokémon ? conclut-elle, le regard perdu, tout comme ses paroles, les fleurs relevées vers un azur silencieux.

Et elle resta ainsi, pensive et plantée sur place, comme enracinée. Je ne bougeais pas pendant un court instant, essayant de réaliser ce que je venais d'entendre, et décidai de faire demi-tour, très silencieusement, reculant de quelques mètres. Puis je trépignai sur place, et fis mine d'arriver essoufflé vers elle :

- Hé ! Lilas !

Elle se retourna vivement, alerte, ses gouttes d'or qui soulignaient parfaitement son couvre-chef florissant semblant humides, et s'étonna de me voir débarquer maintenant, arrivant d'assez loin en sprintant :

- Oh ! C'est toi... Je... Je me suis réveillée un peu tôt... Les autres sont réveillés ?

- Oh non ; Fire et Polarhume dorment comme des bébés - m'enfin surtout Polarhume. J'ai fait un mauvais rêve, et les rayons du soleil ont dû aussi participer à mon réveil...

Je la rejoignis, me tenant debout à ses côtés, le museau relevé, le regard fier, les ailes vigoureuses, la queue relevée, les plumes bleues et safrans ébouriffées par la brise matinale, gonflé à bloc pour la suite de notre aventure. Je ne voulais pas paraître troublé par ce que je venais d'apprendre, vu que je n'étais pas censé l'avoir appris. Je la vis essuyer furtivement ses yeux, puis se redresser fièrement, réajustant ses fleurs, et regardant droit devant elle, évitant mon regard d'ancêtre de piaf qui la regardait en coin. Je tournai le regard, contemplai également l'astre qui se levait progressivement et illuminait la planète, les humains et les Pokémon. Nous restâmes ici, ainsi, immobiles, l'un à côté de l'autre. Je lançai alors :

- A partir d'aujourd'hui, j'assume ce qu'il m'arrive.

Lilas fut troublée, et me regarda, essayant de comprendre cette réaction soudaine. Regardant vers l'horizon matinal, l'aube de ce nouveau jour, je certifiai, me sentant invincible :

- Le Destin a beau jouer les connards avec moi apparemment, eh bien, j'arrête de gueuler contre. Aujourd'hui est le jour où je relève le défi. Si nous nous plaçons dans l'optique que tout ce que nous vivons comme tragédie et rencontrons comme embûches n'est là que pour nous barrer la route, et bien, il suffit d'aller de l'avant et de les contourner. Le Destin a beau me retarder, je le défie de m'arrêter !

Et je rugis vers notre étoile, sentant la chaleur des rayons de l'astre sur mon museau :

- Je suis déterminé ! Je n'ai pas peur ! Je sauverais ceux que j'aime, et je combattrai pour faire régner la paix sur le monde ! Je remplirai ma mission coûte que coûte, quoi qu'il advienne ! Car c'est le devoir de tous, et en particulier celle d'un secouriste !

Fragilady ne bougea point, et finit par tourner la tête, contemplant elle aussi l'immensité céleste. Il y eut un long moment de silence, nous deux fixant notre avenir droit dans les yeux, et elle remarqua soudain :

- Le ciel est si beau, à cette heure-là...

En tout gars (minablement) romantique que j'étais, je répondis fièrement :

- Ouais ! C'est beau, l'aube !

Aucune remarque. Ayant dû me foirer avec cette réplique, j'enchaînai, tout aussi fier :

- Et en plus, c'est... heu... joli... ? Et puis, ça réveille bien, au moins ! Tu te réveilles, là, avec le soleil... C'est plaisant !

Fragilady sembla alors esquisser un sourire, puis s'en retourna vers les deux pionceurs, faisant tournoyer sa robe végétale, en riant :

- Mais bien sûr ! Bon, je vais aller me reposer un peu, on ne part que dans deux heures !

Je rétorquai, voyant vraiment pas ce qu'il y avait de drôle :

- Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ?

Elle me sourit, tournant son visage de nouveau enjolivé et éclatant de vie :

- Nan, rien !