Smirnoff : Renaissance de Domino

- Aide ton père à débarrasser la table, Noémie !

La petite Noémie Finsbury (Charlie avait tenu à ce qu'elle porte le nom de Léopold), 12 ans, portait les plats. Léopold la regardait attentivement. Il n'avait clairement plus vingt ans, mais il était encore relativement bien conservé. Charlie portait ses désormais éternelles lunettes. Le temps faisant, il avait bien vieilli, et à quarante-sept ans, il se sentait encore d'attaque pour élever leur fille.

- Très bien, très bien.

Noémie regarda Léopold. Charlie plissa les yeux.

- Euh… tu pourrais… la laisser faire sans commenter ?
- Je ne commente pas, je dis qu'elle le fait très bien !

Noémie mit les plats à l'évier. Elle alluma le robinet et commença à faire la vaisselle.

- Mais ! Qu'est-ce que tu fais !
- C'est moi qui lui ai dit de faire ça… marmonna Charlie.
- Noémie, la vaisselle c'est moi qui la fait, tu comprends ? Tu n'as pas des devoirs à faire ?!

Noémie regarda Léopold et acquiesça.

- Oui papa…

Léopold regarda la jeune fille partir dans sa chambre. Charlie regarda Léopold.

- Félicitations, Joseph. Encore une belle recrue pour le goulag !
- Oh ça va…
- Pourquoi es-tu aussi dur avec elle ?! Léopold, c'est notre fille !
- Pas tout à fait et tu le sais très bien !
- …

Léopold fit sa vaisselle, qu'il faisait toujours à la main. Charlie soupira.

- Oh seigneur comme les rôles se sont inversés…
- Pardon ?

Charlie regarda Léopold et tendit les mains face à lui.

- Rien. Rien.
- Ah c'est parce que je suis amer depuis la mort de Norbert, c'est ça ?!
- Léopold, c'est juste que…
- Eh bien EXCUSE-MOI de regretter que notre second enfant soit… la fille de Rachel et de Roland dont Rachel ne voulait plus ! Elle n'est pas venue la voir UNE SEULE FOIS en douze ans, pas plus que nous d'ailleurs ! Où est-elle, cette femme, au juste ?!! Ah ça, Roland, on sait où il est, mais…
- Chut, Léo !

Le blond se ravisa.

- Pardon, pardon…
- On ne sait jamais !
- Oui, oui, oui, je sais bien…
- Pour ce qui est de Rachel, David est le seul à avoir de ses nouvelles, tu le sais bien.
- Où est-il celui-là, aussi !
- Il habite à Ogoesse, tu le sais très bien et on a été dîner chez lui pas plus tard que le mois dernier.
- Oh oui, et Firmin a « Tellement grandi » ! Pschhhhhhhh !

Charlie plissa les yeux.

- Tu fais peur, Léo.
- Excuse-moi… soupira le blond. J'ai des cheveux blancs, Charlie !!!
- Ce qui chez toi a le même effet que les règles chez les femmes. Je t'ai déjà fait subir ça, j'accepte sans sourciller. On est pareils, toi et moi, ça me rassure. Oh, tu n'as pas oublié le spectacle de fin d'année de Noémie ?
- Non je n'ai pas oublié… Je suis une enflure avec la petite, Charlie, vraiment ?
- Il y a des moments où tu es très bien, mais… il faudrait que tu règles ce petit… souci vis-à-vis de ses origines…

Léopold acquiesça.

- Je sais, je sais, je… je ne lui ferais jamais rien de mal, c'est ma fille malgré tout, je l'adore cette petite…
- Le ciel soit loué ! souffla Charlie.
- Mais quand même, j'aurais préféré qu'elle ait… un passif moins lourd !! Chaque fois que je la vois, je vois… Roland et Rachel ! Elle ne connait même pas son frère !

Charlie hocha la tête.

- D'après David, le petit Ethan Heine a réussi son voyage itinérant avec les honneurs et sans problème.
- Ça me fait une belle jambe !

Charlie ricana. Léopold se retourna vers lui.

- Tu… te moques de moi ?
- Non, c'est marrant de te voir en colère. Ça ne te va pas du tout. Tu es trop mignon pour te mettre en colère.

Léopold sourit, les yeux embués de tristesse.

- Excuse-moi d'être aussi chiant !
- Ca va, ça va. Tu es pardonné. Comme toujours.

Léopold sourit et alla embrasser son mari.

- Hmmm… Léopold, salopard, tes mains sont trempées !
- Mmm c'est fait exprès !
- Papa…

Léopold se releva, et les deux regardèrent Noémie qui portait une robe.

- Il faut que tu m'aides à repriser ma robe…
- Tout de suite ma puce ! s'empressa Léopold qui alla se laver les mains.

Noémie regardait Charlie qui était gêné.

- Ton père et moi…
- J'avais compris… marmonna Noémie.
- Héhéhé… enfin, nan, pas Héhéhé.
- Vous faites ce que vous voulez, je m'en fiche…
- Brave petite ! sourit Charlie.

Noémie sourit. Charlie sembla songeur. « Il a raison, on revoit vraiment Roland et Rachel dans ses yeux… »

Charlie secoua la tête. « Enlève ces pensées idiotes de ta tête… »

***

- Je peux émettre, disons une… supposition malsaine ?

Léopold regarda Charlie alors qu'ils étaient dans les gradins pour le spectacle de la classe de Noémie.

- Quoi ? Quelle supposition ?
- Je te soupçonne d'avoir usé de ton influence au conseil des parents d'élèves pour avoir transformé le spectacle de fin d'année en Concours Pokémon.
- Ca n'est pas ma faute si j'ai d'excellentes idées.
- Léo, on devrait parler de Noémie.
- Avec tout le temps que j'ai passé sur son costume…
- Je suis très content que toi et elle soyez réunis par cette passion du concours Pokémon, mais notre fille a besoin que tu sois à 100% derrière elle.
- Je suis derrière elle !
- Ca implique que tu ne la considères pas comme une étrangère, ou qu'à la moindre engueulade, tu arrêtes de la regarder comme si c'était une intruse.

Léopold se mordilla les lèvres. Charlie soupira.

- Tu sais, Léo, tu as la capacité d'être très méchant quand tu veux. Je pense qu'elle le sent.

Léopold grimaça, gêné.

- Tu dois dépasser ça.
- … c'est difficile, Charlie.
- Mais pourquoi ? C'est une adorable et innocente petite fille !
- IL T'A FRAPPE, CHARLIE !!!

Le brun à lunettes regarda Léopold et hocha la tête.

- C'est… c'est à cause de lui et de son foutu Tartard que tu as tous ces problèmes avec ton dos !!
- Léo…
- Quand le médecin a dit que tu avais une vertèbre légèrement déplacée, si tu savais comme j'ai eu mal pour toi !!

Charlie serra les dents.

- Ecoute, Léo, ça n'est pas le moment ni l'endroit, notre fille va se produire avec ses camarades, dans cet amphithéâtre, on doit la regarder et la soutenir !
- Charlie… si tu savais comme ça a été dur pour moi…
- Je me doute…
- De… D'accueillir Rachel chez nous c'était une chose mais de réceptionner sa fille et de devoir l'élever !!! Ma première réaction ça a été de la balancer !
- LEOPOLD !!! cria Charlie.
- Je sais, c'est mal mais… Toute cette haine, ça a été difficile de faire avec. J'ai supporté, j'ai assumé… mais… parfois ça remonte et j'ai peur de faire du mal à notre petite Mimi, et… ça me bouffe !

Charlie soupira.

- Léopold, je vais bien, je dois juste éviter de me baisser trop vite et de temps en temps tu dois juste m'aider pour me lever. A part ça tout va bien ! Ok ?

Léo acquiesça.

- Quant à Noémie, ça n'est pas elle qui m'a frappé, qui nous a insultés ou qui a quitté Rachel et Ethan comme la pire des saloperies. C'est une fillette adorable, courageuse, et je voudrais que tu acceptes enfin qu'elle soit notre fille à nous, notre petite fille.

Léopold hocha la tête, incertain.

- Charlie, je suis désolé d'être aussi…
- C'est aussi un peu pour ça que je t'aime, quand tu réagis, tu as tes raisons et elles sont toujours plus qu'honorables.
- Hm…
- Et puis, tu as été jusqu'à laisser Sorbébé à Amy, je me doute que c'est sérieux, ces griefs…

Léopold acquiesça, repensant au Pokémon crème glacée.

- Oooooh ! Mais n'est-ce pas Charlie et Léopold !!

Le couple se tourna vers deux hommes.

- Oh non… grommela Léopold.
- Chut, Léo… grommela Charlie. Ooooh, Hubert et Albert ! « Genre on avait pas déjà assez l'air d'être frères, fallait en plus que nos noms riment ! »

Léopold se leva et serra la main du couple. Charlie leur tendit le bras. Hubert s'étonna.

- Vous ne pouvez toujours pas vous relever ?
- Pas sans aide, non…
- C'est dur, la vieillesse !

Léopold fulmina.

- Oh Albert, voyons, tu sais bien qu'il a presque cinquante ans !
- Quarante-sept… grommela Charlie.
- Ca fait presque cinquante ! rappela Albert.
« Mais quelles pétasses… » songea Léopold.
- J'espère que Cherry va éblouir le public ! Elle s'est tellement entrainée !! sourit Hubert.
- Ca c'est sûr qu'à côté de toutes les autres pimbêches, elle va assurer ! admit Albert.

Léopold s'efforça de ne pas exploser.

- A ce propos, comment se porte cette chère Noémie ?

Léopold lança un regard sinistre aux deux folles. Charlie lui tapota l'épaule.

- Léo, mon Léo…

***

Noémie se préparait en coulisses, elle ajustait ses gants et ses bas blancs. La fillette se regarda dans le miroir.

- Tiens, tiens ! Mais c'est cette affreuse Noémie !
- … Cherry…

La fillette blonde regarda sa rivale d'un air hautain.

- Tu es tellement laide, heureusement que ton père est au conseil des parents d'élèves parce que sinon c'est à peine si tu aurais pu jouer un arbre dans le spectacle !

Noémie se mordilla les lèvres. La fillette blonde face à elle était maquillée, cheveux laqués, robe de princesse…

- Et c'est quoi cette affreuse robe blanche, tu vas te marier ?
- … non, c'est…
- Peu importe, tu es ridicule. Et c'est quoi cette coiffure en couettes… Oh, et mes papas disent que tes papas sont rien que des vieux croulants ! Nananananère !

Elle partit, suivie par ses amies qui riaient à sa suite. Noémie baissa la tête, découragée.

- Ne les écoute pas…

Noémie se tourna vers un garçon qui laçait ses chaussures.

- … Oh c'est toi Martin…

Le gamin avait un faux air taciturne, c'était un petit brun grand et maigre, mais Noémie le voyait comme le prince charmant. Il était très bien habillé ce soir d'ailleurs.

- Noémie, je suis certain que tu vas assurer. Ne la laisse pas t'écraser comme ça…
- Que veux-tu que je fasse, depuis le début de l'année c'est comme ça…
- Tu devrais répondre !
- Cela ne servirait à rien. Et puis je ne veux pas faire de tort à mes parents. J'ai déjà bien assez l'impression de leur en faire comme ça.

Martin regarda Noémie qui arrangea un peu ses cheveux.

- Ca va être l'heure…

Martin hocha la tête et regarda Noémie partir.

***

- Et évidemment, Cherry bénéficie de mes grands talents de styliste et de l'argent que nous gagnons en faisant des défilés de mode, avec mon Albert !
- Oui, c'est très enrichissant de diriger une agence de mannequins !
- A part ça, toi, toujours prof en faculté ? Et ton mari, toujours champion d'arène ?

Léopold retenait ses envies de meurtre.

- Oh, oui mais nous aimons beaucoup ce que nous faisons ! Vous savez l'important ça n'est pas de gagner beaucoup d'argent, c'est de prendre du plaisir. Au travail comme à la vie ! sourit Charlie.
- Hmph !
- Certes, certes… marmonna Hubert.
« Prenez ça, bande de mal baisés ! » songea Charlie, satisfait.

Les lumières s'éteignirent, et les parents dans la salle firent un grand « Aaaaaah ! »

- Désolés, on arrive tard !

Charlie et Léopold se tournèrent vers Yann et Amy.

- Yann ! Et ma belle-fille préférée !
- Je suis la seule et encore heureux, je ne suis pas prête à ce que Yann devienne polygame… marmonna Amy. Vous allez bien ?
- Très bien ! Heureux que vous ayez pu venir !
- Il a fallu faire garder Anatole, il était intenable… soupira Yann.
- Heureusement que Dimitri était disponible… souffla Amy.
- Mais qu'est-ce que vous lui faites prendre au déjeuner ?! soupira Charlie en souriant.
- J'en sais rien mais qu'est-ce qu'il me tape sur les nerfs ! soupira Yann.
- Yann quand même ! grommela Amy.
- Désolé mais c'est comme ça.
- Toujours professeur à domicile ?
- Yep. C'est plus ou moins réjouissant selon les gamins.
- Et toi Amy, Madame la Proviseure Adjointe !
- Si on m'avait dit que je travaillerais dans une école ! soupira Amy.
- Tout arrive, regarde-moi, champion d'arène, toujours !
- Vous n'avez pas trop de mal à le rester... marmonna Amy.
- Et comment se porte la sœurette ?
- Elle va bien, elle va bien… Léo…

Léopold tentait toujours de tuer Hubert et Albert avec ses yeux, comme Cyclope des X-Men.

- Léoooooooooo ! grommela Charlie.
- Hein ? Bonjour Yann, Amy…
- Monsieur Finsbury… sourit Amy, amusée par la distraction du blond.
- Où est le petit Anatole ?

Yann et Charlie se frappèrent le front.

- Ca va, ton dos, papa ?
- De mieux en mieux. Je ne suis plus sous médicaments, déjà, tant mieux parce que je commençais à me prendre pour un séropositif avec tous ces médocs…
- Oh papa… soupira Yann, pas vraiment amusé.
- Et je me fais opérer dans deux mois !
- Oh la vache… T'en sortiras jamais !
- Après l'opération je pourrais me déplacer normalement, ce sera toujours ça de pris ! Je ne pourrais rien porter de lourd mais je pourrais bouger !
- … tant mieux… marmonna Yann.

Léopold regarda tristement Charlie. Les projecteurs s'allumèrent dans l'arène. Les enfants étaient alignés. La salle applaudit.

- Cherryyyyyy !
- Allez ma belle !!!

Léopold regarda le couple à côté d'eux, méprisant.

- Vas-y Noémie ! Explose-les ! cria Léopold.
- C'est un simple spectacle !! grommela Charlie.

Les enfants se mirent en cercle. Ils sortirent leurs Pokémon. Martin sortit un Viskuse mâle. Cherry envoya un Mélancolux. Noémie inspira et sortit Chinchidou.

- Berk, on dirait un rat ! ricana Cherry.

Noémie n'écouta pas. Les Pokémon firent la ronde et se replacèrent face à leurs dresseurs en tournoyant.

- C'est trop mignon ! sourit Amy.

Chacun leur tour les Pokémon lançaient une attaque. Un Ratentif sauta dans les airs en faisant Queue de Fer, un Tritonde envoya des Vibraqua qui explosèrent en l'air, un Couverdure balança des fils de sécrétion…

Viskuse utilisa Châtiment et il manipula la fumée noire au-dessus de lui dans un enchaînement sinistre.

Cherry demanda à son Mélancolux de s'élever et de lancer Rebondifeu. Le Pokémon créa des feux d'artifice au-dessus de lui. Albert filmait tout.

- Waouh, waouh, waouh !! Ça, c'est ma Cherry !!

Ce fut au tour de Noémie.

- Chinchidou, Météores !

Le Pokémon s'avança et agita sa queue… avant de recevoir un Rebondifeu.

La salle inspira d'horreur. Noémie regarda son Pokémon, évanoui et blessé.

- Ouuuuuuuups ! Désolée ! Je croyais que c'était un parasite !
- Cherry, c'est vraiment… vraiment… grommela Martin.

Noémie le somma de ne rien faire. Chinchidou se releva, patraque.

- Ma chérie… geignit Léopold, tout bouleversé.

Chinchidou lança des météores en l'air. Le Pokémon sauta ensuite en arrière, créant des arcs étoilés. La salle applaudit, ainsi que les autres enfants autour. Une pluie de Rebondifeu s'abattit sur Chinchidou. Noémie le rappela rapidement.

- Mais… mais… geignit Léopold.

Les élèves reculèrent. Les spectateurs pensaient que cela faisait partie du spectacle…

- Va-t'en, petite peste ! Personne ne veut de toi ici ! grommela Cherry.
- …

Léopold et Cie ne pouvaient entendre ce qui se disait. Mais les regards échangés en disaient long.

- M… ma petite fille !!! pleurait presque Léopold.
- Mais enfin qu'est-ce qui se passe ?! s'étonna Charlie.
- Tout porte à croire que Noémie a insulté Cherry… marmonna Hubert.

Léopold poussa un grognement canin en direction de Hubert et Albert.

- Hiiiiiiiiiii !! Protège-moi, Albert, cet homme n'a aucune éducation !!
- Tu vas voir mon éducation !!! grommela Léopold.
- Caaaaaaaaaaalme toiiiiiii !!! grommela Charlie.
- Papa… soupira Yann.

Noémie regarda Cherry face à elle.

- Allez ! Pars ! Va-t'en !

Noémie regarda autour. Les autres élèves semblaient comme désolés pour elle. La fillette resta impassible. Elle prit une Pokéball et envoya Lakmécygne. Le Pokémon était parfaitement assorti à la robe de Noémie. Cherry haussa les sourcils devant l'insolence de sa rivale.

- Comment…
- Ma Cherry !! geignit Hubert.

Léopold se leva.

- Vas-y !!! COGNE-LA !!!

Charlie tira sur le bras de Léopold et le fit se rasseoir.

- J'dois vraiment te tenir en laisse, hein !
- Mais Charlie, ma petite fille est toute violente !
- Et ça fait longtemps que je n'avais vu autant d'amour et de bonne volonté envers quelqu'un dans tes yeux ! Au moins depuis qu'on a adopté Yann !
- Han nan, j'étais sûr qu'on aurait droit à un mélo sentimental… soupira Yann.
- Tu savais à quoi t'attendre ! admit Amy.

Léopold regarda Charlie qui haussa les épaules.

- Tu ne peux pas la détester, Léo ! Tu as beau être en colère contre lui, tu ne me feras pas croire que cette colère coule sur elle ! Non.

Yann regarda Léopold, embarrassé.

- P'pa, sérieux, douze ans après tu penses encore à tout ça ?
- … un peu…
- Vous avez la rancune tenace, beau-papa ! sourit Amy.
- … je… j'arrivais pas à me dire que c'était ma fille, jusqu'à… jusqu'à ce qu'elle me dise qu'elle voulait faire des concours comme moi…

Yann plissa les yeux. Charlie sourit.

- Je m'en doutais…
- Mais après y'a eu la mort de mon père, j'étais paumé, je savais plus trop où j'en étais…
- Léo… geignit Charlie.
- Encore en train de chialer ? soupira Hubert.

Charlie regarda Yann.

- Tu m'aides à me lever, fiston ?

Yann prit la main de son père qui se leva en s'appuyant sur lui.

- Ma colonne vertébrale te remercie. Eh, la pouffiasse !

Hubert regarda Charlie qui sortit Frison qui se plaça derrière les deux zazas en soufflant des naseaux.

- OH MON DIEU !!!
- Compris ? J'ai rien à dire, ni à redire, et je ne me répèterais pas ! Si-LENCE ! grogna sévèrement le champion de Jadielle.

Tenant toujours la main de son fils, Charlie se rassit comme une princesse britannique.

- Voilà, voilà.
- Bah papa… sourit Yann.
- Je sais fiston, je sais. Trop de violence tue la violence !

Lakmécygne agita ses ailes. Cherry fronça les sourcils.

- Sale garce ! Shaofouine !!

La fouine de combat agita ses traines face à Noémie. Léopold, Charlie, Yann et Amy observèrent.

- Elle… est balaise la frangine ?
- Elle a appris l'art des prestations avec son père… marmonna Charlie.

Cherry leva un doigt obséquieux.

- BLUFF !

Shaofouine s'étendit de toute son allonge et claqua dans ses mains, effrayant Lakmécygne qui recula, affolé.

- Et…
- Nyahaha ! Forte-Paume !

Shaofouine frappa Lakmécygne à répétition.

- … pour ce qui est du combat…
- Météores !

Shaofouine agita ses mains pour frapper Lakmécygne de multiples météores.

- … c'est moi qui m'en suis chargé.
- Tranch'Air !!

Lakmécygne se ressaisit, et dans de grands mouvements de ballet, elle dissipa les météores de Shaofouine. Cherry et l'assemblée autour s'étonnèrent.

- Bulles d'O !

Lakmécygne poussa un vif cri, claqua du bec et, avec infiniment de grâce, envoya une flopée de bulles sur Shaofouine.

- Acrobatie !! grogna Cherry.

Shaofouine sauta et esquiva les bulles, prête à frapper. Le professeur arriva.

- Mais enfin que se passe-t-il ?!!
- LAME D'AIR !

Lakmécygne trancha violemment l'air face à elle de ses longues plumes pointues. Yann, Charlie et Amy observaient, sidérés, Léopold qui mimait les mouvements de Lakmécygne avec ses mains.

Shaofouine était frappé de toutes parts, assommée. Le mammifère retomba, défait par les coups d'air de Lakmécygne. Noémie souffla, soulagée. Les élèves applaudirent. Léopold sourit, tout fier de sa fille. Le professeur grommela alors que Cherry partait pleurer en coulisses.

- Ok, ok, une pause et on reprend ensuite ! Vous êtes crevants, les enfants, CRE-VANTS !

***

En coulisses, Léopold aidait Noémie à se rhabiller. Charlie, Yann et Amy attendaient derrière.

- Vous êtes sûrs que c'est bon pour un petit restaurant ?
- Dimitri est le parrain du petit, il se fait un plaisir de le garder… marmonna Amy.
- Non, il le fait parce que tu lui as dit que c'était son rôle en tant que parrain !
- J'ai juste oublié de préciser « Définitivement après notre mort ! » souffla Amy.
- Oh que c'est joyeux ! soupira Charlie en souriant.
- C'est bon ma chérie ?
- Oui oui !

Noémie sortit de la cabine, habillée comme tous les jours.

- Voilà…
- On va pouvoir y aller ! sourit Charlie.

Ils commencèrent à partir. Noémie croisa Martin, ils se saluèrent. Léopold regarda Noémie.

- Qu'est-ce que tu fais ?
- Rien, je disais bonjour…
- A qui ? grommela presque Léopold.

Charlie regarda Léopold, grognon. « Surveille le ton avec lequel tu lui parles, bon sang ! »

- … à un camarade de classe…
- Ok, ok…

Noémie regarda Léopold qui lui tenait la main.

- Papa…
- Oui ?
- Euh… Désolée d'avoir perturbé le spectacle… marmonna Noémie.

Léopold stoppa, ainsi que Charlie, Yann et Amy.

- Quoi ?
- J'ai… j'ai gâché le spectacle que tu voulais nous voir faire, je suis désolée…
- Mais non, mais non…

Léopold s'accroupit devant sa fille, choqué.

- Ne sois pas idiote, tu n'as rien perturbé ou gâché, c'est cette petite bécasse qui n'a pas respecté le règlement… Hop ! Voilà ! Là, ton col est parfait !

Noémie regarda son père en souriant.

- Merci papa.

Léopold regarda sa petite fille.

- De rien, ma grande, c'est normal, je… je suis ton père après tout…
- … euh… papa…
- Oui ma puce ?
- … pourquoi tu te mets en colère tout le temps ?

Charlie grimaça. Yann et Amy penchèrent la tête. Léopold plissa les yeux et s'éloigna.

- Mais je… je suis comme tout le monde, ma chérie, parfois je me mets en colère, c'est tout…
- Pas seulement contre moi…

Léopold blêmit.

- … contre papa aussi, et…

Charlie voulait dire quelque chose. Léopold regarda sa fille droit dans les yeux, chose qu'il faisait très rarement.

- M… Ma puce, ma petite Noémie… Je vous aime beaucoup ton père et toi, et… à chaque fois que je me mets en colère, c'est parce que… je suis… je suis stupide. Quelqu'un qui n'arrive pas à voir… à quel point les gens autour de lui l'aiment et qui se laisse consumer par sa colère, c'est quelqu'un de stupide…

Charlie ne put qu'acquiescer, tout comme Yann et Amy. Léopold avait les larmes aux yeux.

- J… Je veux pas devenir comme ça !
- Léo… soupira Charlie.
- Yann, Papa va pleurer !
- Je sais, ma grande, papa pleure souvent ! admit Yann. Mais c'est comme ça qu'on l'aime.

Léopold se mit à pleurer et il serra Noémie dans ses bras. Charlie sourit, attendri.

- Je t'aime ma puce !
- … je t'aime aussi papa…
- Bouhouhou !

Noémie regarda Charlie qui sortit rapidement un paquet de mouchoir et le passa à la fillette qui le garda jusqu'au moment où son père se releva de son épaule.