Chapitre dernier - L'Autre Monde
La luminosité se dissipa peu à peu, laissant place à un décor vide. Trois Pokémons se tenaient devant moi. À droite, un Absol ensanglanté. Au centre, un petit Malosse mal en point. Et, finalement, à gauche, un Noctali au poil légèrement ébouriffé. Les trois Pokémons me semblaient familiers. Et, soudain, illumination. Que de victimes me regardaient ; Mes propres victimes. Ils ont subi ma rage, ma colère. Ils ne m'ont rien fait ; ils sont si innocents.
L'un était mort étouffé. Je caressai ma cicatrice à l'œil tout en regardant avec désolation la bête souillée par son propre sang. L'autre était mort par ma folie noire, ma vengeance dévastatrice. Son corps était couvert de plaies et de sang séché. Il me fixait, ce qui me rendait d'autant plus mal à l'aise. Le dernier s'était tué en m'utilisant comme…instrument, pourrait-on dire. Soudain, je su par une voix intérieure qu'il fallait que je choisisse entre les trois. D'instinct, je me dirigeai vers le Noctali, seul Pokémon qui n'est pas un mauvais présage dans ma tête et que je n'avais pas réellement assassiné.
Et je me souvins enfin de ce qui m'a peut-être sauvé la vie: «Celui qui t'a tranché te sera utile, mais pas celui que tu as mordu contre ton gré. Le rival de ce dernier sera la solution facile, mais ne t'avise pas de la prendre si tu veux sauver celui qui est enfoui au plus profond de ton âme.»
Alors, je rebroussai chemin et me dirigeai vers l'Absol. Je ne savais pourtant pas quoi lui dire. Mais il fallait que je le choisisse. Il prit la parole d'une voix assez grave, mais naturelle.
-Tu as fait le bon choix. Suis-moi.
-Attends. Je voudrais m'excuser de t'avoir volé ton existence.
Il s'arrêta, se retourna, et me regarda, comme ému de ce que je venais de lui dire. Je ne m'attendais pas à ce qu'il me pardonne, je voulais juste qu'il sache que je suis désolée au plus profond de mon cœur. Que j'en avais un, du moins. Il se remit à marcher. Il m'amena jusqu'à trois autres Pokémons. Il y avait Math, Java et un Démolosse. Math et Java semblaient heureux, mais le Démolosse…je ne le reconnaissais même pas. Il ressemblait à Drakkar comme deux gouttes d'eau, mais ce n'était pas lui. Il semblait plus vieux ; il s'agissait en effet de Mandragore.
Pour suivre l'énigme et sauver ''celui qui est enfoui au plus profond de mon âme'', je me dirigeai vers le chien maléfique. Je fus la première à lui adresser la parole :
-Pourquoi t'es-tu sacrifié pour Drakkar ? Et qu'avait-il fait pour être en danger de mort?
-J'étais vieux, je savais que je ne pourrai plus m'occuper de Colère très longtemps. Il fallait que je lui trouve un père. C'est alors que Drakkar m'a foncé dessus dans un buisson. Il était affolé. Il m'expliqua qu'il venait de tuer une Elecsprint blessée et que son mâle, trop puissant pour lui, avait l'intention de le tuer pour la venger. Nous conclûmes alors un pacte : Je me faisais passer pour lui et il s'occupait de Colère jusqu'à ce qu'il évolue. Aussitôt dit, aussitôt fait. Il s'enfuit avec Colère et l'Elecsprint noir me trouva. Ce fut la fin de ma vie.
Comment avais-je fais pour ne pas envisager cette hypothèse ? Drakkar, le meurtrier de ma mère…
Je savais maintenant qui était celui enfoui au plus profond de mon âme. Le meurtrier de ma mère, celui qui m'a hanté pendant si longtemps. Drakkar. Je m'obstinais à croire qu'ils étaient deux personnes différentes, mais peine perdue. Je pris une profonde inspiration.
-Je ne veux plus le sauver.
Il me regarda, perplexe.
-Tu ne veux plus secourir ton prince charmant ? Tu as pourtant trois personnes à rapporter du monde des morts.
-Alors je ramènerai ma mère.
-Mais…Colère ?
-Ce n'est pas mon problème. Il faut bien croire que c'était sa destinée de mourir. J'aurai beau le ramener à la vie, je déteste les enfants. Je ne l'élèverai pas.
-Si tu fais ça, je me vengerai sur Drakkar.
-Vas-y, amuse-toi.
Sur un coup de tête, je venais de compromettre la vie de Drakkar pour une simple vengeance. Je me mis à courir vers Java, la supposée solution facile. Sans dire un mot, on ne peut plus crispé et mal à l'aise, il me mena à ma mère. Celle-ci semblait si lointaine dans mon esprit. Elle ne semblait pas aussi douce et belle qu'avant. Je fus énormément déçue et blessée de voir qu'elle ne me regarda même pas, même si elle savait que j'étais là. Ce qui me fit remettre en question ma décision.
Ma mère était peut-être destinée à mourir à ce moment. Ça aurait pu être n'importe quel prédateur. J'ai beau ne pas vraiment croire au destin, celui de certains semble tout tracé. En effet, les prédateurs ne s'affrontent habituellement pas, mais une proie blessée, quelle que soit sa position sur la chaine alimentaire, est toujours attirante. Mais une chose est sûre : C'est Drakkar que j'aime. Je dois le sauver.
En adressant un dernier sourire à ma mère qui ne me le rendit pas, je décidai de ramener Colère de l'Au-Delà. J'allais le confier à [ce qui reste de] la meute de Démolosses. Et ainsi sauver l'âme de Drakkar. Plus motivée que jamais, j'allai trouver Mandragore, qui me mena, empli de joie, au petit chiot. Avec Colère, j'allai vers Java et Math. Lorsque nous fûmes rassemblés, une brèche s'ouvrit devant nos yeux. Nous la franchîmes, sans plus d'artifices.
Le pré se traça devant nous, avec un imposant Luxray et un Démolosse au centre. Drakkar courra vers moi, heureux de me voir et d'être libéré. Puis, comme dans les films (Je pense qu'Arceus en écoute trop, d'ailleurs), le temps fut au ralenti. Alors que nous nous rejoignîmes, il m'enlaça (avec son cou quand même, nous ne sommes pas des humains) et ce fut carrément une symbiose de nos âmes. Il ne me cachait rien, je lisais en lui comme en un livre ouvert. Et, dans son cœur, il n'y avait qu'amour et passion.
Les trois autres étaient, il faut l'avouer, un peu jaloux de Drakkar. Mais aucun ne semblait fâché, c'est déjà ça. L'étreinte se desserra, puis je souris à Drakkar. Je me tournai vers les autres.
-C'est lui que j'ai choisis.
-On aura le temps de te faire changer d'opinion, car on ne s'en va pas de sitôt.
Je roulai des yeux, toutefois heureuse de savoir qu'ils resteraient tous les trois. Mon estomac gargouilla.
-J'ai faim, pas vous ?
-C'est au tour de Drakkar d'aller chasser !, s'exclama Math.
-Vous allez y aller…tous les quatre. Drakkar, Java, Colère et Math. Et un gros Girafarig, s'il vous plaît.
Drakkar était un peu hésitant à me laisser seule avec CE-032. Je lui fis un signe de tête lui disant d'aller rejoindre ses compagnons de chasse. Il obéit à contrecœur. Si j'avais choisi CE-032 pour me tenir compagnie, c'était parce que je devais lui parler. Lorsque les autres furent hors de vue, il s'approcha de moi, un peu hésitant. Il faisait deux têtes de plus que moi, mais ne m'intimidait nullement. Un croissant de lune brillait dans le ciel étoilé.
-Pourquoi es-tu resté ?
-Je ne sais pas. Pour toi, sans doute. Je me suis lié d'affection.
-Tu sais que je suis avec Drakkar.
-Oui, je le sais. Mais je ne supporte pas de rester loin de toi.
-Es-tu amoureux ?
-Je dois t'avouer que oui. Mais j'ai compris que je ne devais pas t'approcher de trop près. Et puis, si je ne peux pas être avec toi, je te défendrais, au moins.
-Je ne te remercierai jamais assez. Mais j'ai une dernière question.
-Je t'écoute.
-Pourquoi tes parents t'ont-ils appelés Umbra Solem ?
-Car ils disaient qu'une puissante lumière, un jour, me ferait renaître et qu'enfin je serais heureux et véritablement là. Et cette lumière, c'est toi.
Je restai bouche bée devant ses paroles. Je ne fis qu'observer longuement la lune devant moi, méditant sur ses dires. Chaque fois que je verrais cet astre majestueux, je me promis de me souvenir de ceux que j'aime. D'oublier tous mes tracas pour me concentrer sur ce que j'ai vécu durant ma vie.
Chaque jour est un cadeau de la vie. Vivez-le au mieux, car ce peut être le dernier.
~Fin