Chapitre treizième - L'Exil
J'allais infliger une morsure fatale à un Démolosse blessé qui me bloquait le passage, mais deux Pokémons vinrent se mettre à ses côtés. Un Arcanin et un Grahyena. Je commençai à grogner pour qu'ils s'ôtent de mon chemin, mais ils restaient plantés là. Puis, je fis le lien avec les Pokémons qui étaient devant moi et trois de mes quatre meilleurs amis. Ainsi la furie fut terminée. Enfin.
-Les gars…
Un sourire se dessina sur mon visage. J'étais au bord des larmes. Voir trois rivaux faire équipe pour atteindre celle qu'ils aiment ; Moi. Java pris à cet instant la parole.
-Mais qu'est-ce qui t'arrive ?
-C'est long à expliquer. En gros, ça se résume à un bracelet.
Je levai la patte pour leur montrer la cause de mon choc. Ils parurent tous les trois assez curieux et impressionnés. Sauf Drakkar, qui était…en état de choc, on peut dire. C'est vrai qu'il a passé trois jours à essayer de s'enfuir de ses cordes. Il était maigre et sa peau était lacérée sur tout son corps. Je ne l'avais jamais vu dans des conditions pareilles…
Il leva le regard vers moi. C'était terrifiant, j'ai vu la mort en lui. Il devint…translucide. Comme un fantôme. Il commença à léviter en venant vers moi, le regard vide. Il prit une voix… tout simplement possédée.
-Tu l'as tué. Tu ne mérites pas de vivre plus que lui, si innocent. Tu m'as abandonné, moi.
J'avais un nœud dans l'estomac, j'avais peur. Les sanglots inondaient mon visage.
-Pourquoi tu ne m'en as jamais parlé ? Si je l'avais connu, j'aurais peut-être pris la décision de l'épargner dès le départ, tu sais. Mais j'ai appris à ne pas avoir pitié de tous ceux qu'on croise, et avec raison. J'ai déjà assez de problèmes comme ça, va-t'en.
-Sois damnée…
Le fantôme s'évanoui en poussière.
-Il y a quelque chose de pas normal, chez toi.
CE-032 était arrivé sur les lieux. J'éclatai soudainement en larmes.
-Arrêtez de vouloir tout comprendre ! Je sais, je ne suis pas normale. Mais, s'il vous plaît, donnez-moi un répit. Vous n'avez AUCUNE idée de ce que je vis.
Je m'en allai pour de bon. Hors du camp. Tout le monde me laissa passer, sous peine d'être électrocutés. Je me retrouvai alors dans la forêt, bon endroit pour s'aérer l'esprit. Je ne sais pas si tout ce qui m'arrive est relié, mais une chose est sûre ; Ça me fout vraiment la trouille. Je sais pas combien de temps ça va durer, mais j'ai hâte que ça finisse. Suite à ma réflexion, mes lourdes paupières se fermèrent, alors qu'on était encore qu'en avant-midi.
Tandis que mon intention était de me reposer, elle vint me rendre visite.
-Es-tu prête à recevoir l'émeraude ? Déjà ?
-Ai-je vraiment le choix ?
-Non. Mais sans tes amis, personne ne te réveillera de ta transe. Tu coures un énorme risque.
-Je n'ai pas d'amis.
-C'est mauvais signe, car, justement, l'émeraude ne forme qu'une avec tes émotions. Bonne chance.
-Non, attendez !
C'était trop tard. Mon univers bascula, la forêt s'embrasa devant moi. Un éclair frappa chaque arbre autour de moi, et même plus. Je commençai une course effrénée vers l'opposé de la montagne. Parfois, le sol était très abrupt et je tombais carrément en chute libre. Mais je retombais tout le temps sur mes quatre pattes et continuait au même rythme. Quand je sautais, je volais presque. J'allais à une vitesse presque impossible pour un quadrupède. À chaque pas, le sol tremblait.
Toute cette puissance faisait des allers retours entre mon corps et mon esprit, mais elle était insaisissable. Je ne sentais ni le souffle me manquer, ni mes jambes presque s'effondrer de fatigue. Des nuages noirs emplissaient le ciel. Des éclairs continuaient de tomber ici et là. Mais de toute cette mascarade, je n'étais que la spectatrice.
Une nouvelle vague de puissance décupla mes sens. Je sentais maintenant le battement de cœur des Pokémons autours de moi. Ils n'étaient certes pas nombreux, mais je lisais dans leurs âmes, sentais leur souffle dans mes poumons. Je ne faisais qu'un avec ce qui m'entourait. Chaque parcelle de terre croulant sous mes pattes laissait une empreinte unique dans mes coussinets. J'escaladai maintenant un arbre. Mes muscles me hissaient sans problèmes à la branche suivante, puis à l'autre.
J'entendis clairement un bruissement dans les buissons en bas de l'arbre. J'ai sauté de plus de cinq mètres et j'ai retombé sur mes pattes comme si je tombais de dix centimètres. Un Elecsprint noir surgit alors des buissons. Il me ressemblait étrangement. Mon père. Il avança un peu, sans démontrer de l'agressivité. Puis, il parla.
-C'est toi ?
Je peinais à y croire. Mon père, devant moi. Vivant, correct. Jamais je n'aurais cru vivre assez longtemps pour voir ce jour. Mais il fallait que quelque chose tourne mal. Tout devint soudain sombre autour de nous, je distinguais à peine les buissons qui m'entouraient. Des joyaux rouges sang apparaissaient et disparaissaient derrière mon père. Ma tête commença à tourner. Mon père commençait à s'inquiéter, je le voyais à son expression ; je titubais, maintenant.
Je savais parfaitement que le rire que j'entendais n'était présent que dans ma tête. Je savais que nul Pokémon dans cette forêt ne voyait ni entendais les mêmes choses que moi. Et même sentais, à la limite. L'odeur de sang séché parvenait à mes narines comme si un cadavre était devant moi, à mes pattes. Le monde tournait autour de moi. Une petite boule d'électricité se forma au creux de mon ventre. Je la sentais grandir, peu à peu.
-Enfuis-toi, papa. Vite.
Il ne semblait pas réaliser le danger qu'il courait. Ce danger pouvant être fatal pour lui et n'importe qui sur mon chemin. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine. Le sien aussi, il résonnait dans ma tête. Il était hésitant à me laisser, maintenant qu'il m'avait retrouvé. Mais il le fallait. Une silhouette qui n'était pas mon père vint en face, me coupant tout contact visuel avec mon père.
-Tu ne me remercie pas pour le cadeau que je t'ai fait ? Quelle ingratitude !
-Mer-merci, bégayai-je à contrecœur.
-Ah, c'est mieux. Il y a un secret concernant ton bracelet. Observe-le attentivement, et si tu le découvre, tu pourras l'obtenir.
-Bien…Mais l'indice que vous m'avez donné il y a quelques jours, qu'est-ce que ça signifie ?
-Mais de quoi tu parles ? N'importe quoi ! C'est tout pour les questions ?
-Non…Qui êtes-vous ?
-Il était temps que tu me la pose, celle-là ! Je suis une Magirêve en quête de divertissement, et c'est toi qui le constitue. Pour l'instant, en tout cas. Tant qu'à mon nom, mystère et boule de gomme ! Bon, je n'ai plus beaucoup de temps pour te parler, il faut que j'y aille…
Un sourire arrogant se forma dans le noir tandis qu'elle finissait sa phrase. Elle me foutait littéralement la trouille. Puis, devinez…du noir. Encore. Rien d'autre. J'avais l'impression que j'attendais des heures entières. Alors autant patienter en réfléchissant. Ça me tentait de déchiffrer l'indice que j'avais obtenu. Alors, le voici :
«Celui qui t'a tranché te sera utile, mais pas celui que tu as mordu contre ton gré. Le rival de ce dernier sera la solution facile, mais ne t'avise pas de la prendre si tu veux sauver celui qui est enfoui au plus profond de ton âme.»
OK, celui qui m'a tranché. J'ai été blessée plusieurs fois, mais tranchée… Oui, ma cicatrice ! Un Absol m'a balafré l'œil il y a quelques mois. Mais, le problème, c'est que je l'ai tué. Quoiqu'avec tout ce que j'ai vu, ça m'étonnerais même pas de le rencontrer… Bon, reprenons. Celui que j'ai mordu contre mon gré doit être Math, forcément. Et puis son principal rival, c'est Java. Mais celui qui est enfoui au plus profond de mon âme, ça pose problème.
C'est mon père, Drakkar, CE-032, Math ou Java ? Nulle réponse.