Chapitre onzième - La Puissance est mienne
La silhouette se rapprocha. Elle tendit vers moi le fameux bracelet, puis rit. Elle se rapprocha encore un peu plus, si bien que le bracelet était à quelques centimètres à peine de mon museau. Je sentais la puissance s'en dégager, c'était palpable, fascinant.
Je sentis un choc électrique brusquement envahir mes muscles.
-Réveille-toi! Ça va?
-Laisse-moi le prendre…s'il te plaît…
-Mais de quoi parles-tu ? Tes hallucinations deviennent de plus en plus graves.
-J'en ai besoin…
-Hé, regarde-moi dans les yeux. Sort de ta transe.
Il m'avait pris le visage dans ses puissantes pattes. Je fuyais son regard, je me sentais comme un enfant quêtant un jouet trop cher à ses parents. Mais c'était plus fort que moi, le bracelet était comme une drogue. Je le voulais.
-Tu ne m'en empêcheras pas !
Je plantai mes crocs dans sa gorge, puis inclinai la tête. Il ne poussa aucun cri de douleur, malgré les filets de sang s'écoulant. Il me regarda d'un air désolé. Me rendant compte de mon geste, je relâchai aussitôt le muscle de ma mâchoire. Mon regard demandait le pardon. Sa réaction fut inattendue. Il m'enlaça de ses pattes musclées et plaça doucement sa tête sur mon épaule d'un geste protecteur, me laissant un peu confuse. Sa crinière chaude et douce entra en contact avec ma peau, ce qui ne put que m'inciter à se coller contre lui à mon tour. Notre position était si humaine…
Le problème, c'est que je ne savais pas s'il faisait ça entant que mentor ou en tant que gars qui m'aime. Résultat, je ne savais pas si je trahissais Drakkar. Mon premier réflexe aurait été de me dégager, mais je ne voulais pas courir le risque de lui briser le cœur. Alors, je me laisserais peut-être étreindre, mais pas plus. Enfin, je vais essayer. Il faut vraiment que je retrouve Drakkar, sinon ce lion électrique m'envoutera bientôt sans que je puisse y changer quoi que ce soit. Je ne sais pas c'est quoi qui attire les gars comme des aimants, mais je m'en passerais volontiers.
-Comment tu t'appelais avant que tu sois ici ?, murmurai-je dans son oreille.
-J'ai un nom latin, mais il est…étrange.
-Dis le moi quand même.
-Umbra Solem. Ça signifie ''L'ombre du soleil''. Mais appelle-moi CE-032, s'il te plaît.
-D'accord…
Un long silence s'en suivi, sans pour autant qu'il me lâche.
-Mais tu sais, j'aime déjà quelqu'un…c'est mal de faire ce que tu es en train de faire.
-Ah bon ? Si j'étais lui, je ne te quitterais pas d'une semelle, moi.
-Arrête…
-Que veux-tu que j'arrête ?
-CE-032…reprends-toi. Mes hallucinations peuvent recommencer d'une seconde à l'autre.
-T'es pas en train d'halluciner, maintenant ?
-Lâche-moi. Tout de suite.
Il le fit. Mais pas complètement.
-Et pourquoi donc?
-Parce que je dois aller voir Drakkar. Maintenant.
-Eh bien je peux très bien venir avec toi. Oh, attends, je dois venir avec toi.
-Non.
Son sourire légèrement dominant pris moins d'ampleur sur son visage, tout d'un coup. Il haussa l'endroit ou se trouve les sourcils chez les humains et me fixa d'un regard plein de sous-entendus. J'avais besoin de voir Drakkar, tout de suite. J'avais besoin de sentir sa présence. Et puis toutes ces hallucinations n'aidaient pas. On était juste en avant-midi, et il était interdit de faire une sieste avant le coucher du soleil. Je fis donc la seule chose qui me semblait normale de faire dans ma situation. Courir vers l'endroit où je pense que Drakkar est. Le corral.
Je partis au galop. CE-032 parut un peu étonné, puis eu vite fait de courir à mes côtés. Il était sur le point de marcher, et moi je courrais à en perdre haleine.
-Excuse-moi, je sais pas ce qui m'a pris.
-Conduis-moi à Drakkar pour te faire pardonner.
-D'accord. Mais tu auras une mauvaise surprise qui t'attendra.
Je sentis les larmes me monter aux yeux. Et si CE-032 avait donné son accord pour qu'ils fassent du mal à Drakkar ? Je n'en avais aucune idée. Je ne savais même pas si je pouvais me fier à celui-ci. Après tout, je venais juste de le connaître, il pouvait très bien me mentir, aussi naïve que je suis. Les possibilités qu'ils fassent du mal à Drakkar sans le tuer sont énormes. Après ce qu'il a fait, dieu seul sait dans quelle chose il s'est embarqué. Autant le découvrir et arrêter de faire une réflexion sur ce qui est arrivé.
Je suis maintenant arrivée devant la porte d'un bâtiment. Mon niveau d'inquiétude monta d'un cran ; Des hurlements s'en échappaient. CE-032 passa devant moi et mordit une tablette de gelée. Il m'avait appris que c'était un système d'identification pour empêcher ceux qui y étaient interdits d'accès d'entrer. Les portes s'ouvrirent.
-Avant d'entrer, promets-moi que tu n'iras pas vers lui. Ça t'attirerait de graves ennuis.
-C'est bon. Je te le promets, répondis-je, une pointe de stress dans la voix.
Des Pokémons se trouvaient devant moi. Ils étaient attachés et poussaient sans relâche des poignées reliés à un genre de gouvernail. Ils gémissaient, parfois hurlaient. J'en vis tout de suite la cause : Des humains les fouettaient. À mon grand soulagement, Drakkar n'en faisait pas partie. Mais un seul hurlement déchirait tous les autres, et provenait d'un autre coin de la sous-bâtisse. Je m'y avançai à un rythme lent, par peur de savoir ce qui s'y cache.
Quatre petits poteaux. Des cordes tellement solides qu'elle fendait la peau du Démolosse qui y était attaché. Celui-ci avait la patte enflée et une corne fendue. Mais la fissure était plus grande qu'à l'habitude. Drakkar pleurait de peine et de douleur, tellement il forçait. Il tentait simplement de défaire les liens qui le retenaient. Les poteaux ne vacillaient même pas. Il chargeait de temps en temps les poteaux de ses cornes, si fort que j'aurais été projetée à plus de deux mètres.
-Drakkar…
Il n'y prêta aucune attention.
-Drakkar…
-Ils l'ont tué. J'ai échoué, j'ai brisé mon serment. Je serai maudit à jamais.
Il se retourna brusquement et me lança un regard des plus désespérés, les yeux gonflés de larmes. Ses yeux semblèrent normaux à première vue, mais l'indigo vira en rouge. Ses liens se défirent brusquement tandis qu'il s'approchait de moi. Un léger sourire vint accompagner ses yeux terrifiants, et sa démarche ne paraissait aucunement normale. Il lévitait presque. Les hurlements se turent en laissant place à un silence de mort.
Il portait…un bracelet tricolore. Il leva la tête, puis laissa échapper un jet de ténèbres et de feu d'une puissance inouïe comme un simple souffle d'air. J'imagine que ce n'est qu'un centième de ses vrais pouvoirs, avec le bracelet. Je regardai le bijou avec attention.
-Tu le veux ?, dit-il, d'une voix un peu trop féminine.
-Oui.
-Tu devras te départir de ton bracelet actuel, et le choc sera horrible.
-C'est correct.
Mais qu'est-ce qui m'a pris de répondre ça ? De toute manière, ce n'est qu'une illusion, elle n'est pas réelle. Elle ne peut pas me toucher.
-Vraiment ? Je vais te le donner, bientôt. Mais pour l'instant, je crois que je devrais partir.
Je clignai des yeux. J'étais maintenant étendue par terre, et CE-032 me donnait de petits chocs sur la truffe. Je me souvenais d'avoir entendu des rires féminins, avant mon réveil. Le lion parut soulagé lorsque j'ouvris les yeux. La journée était bientôt finie. Mais je suppose que le fantôme viendra dans mon esprit lorsque je dormirai. Et peut-être qu'il me remettra le bracelet tricolore. J'ai déjà dit oui, c'est trop tard pour reculer. Si je me fie au choc que j'ai subi lorsque j'ai recul mon bracelet, il faut absolument qu'on me mette en cage pour la nuit, ou je détruirais le camp au grand complet. Le pire, c'est que je ne sais même pas si ça va être cette nuit.
Nous quittâmes le bâtiment sans que je puisse parler à Drakkar, puis, après une courte patrouille, le moment tant redouté arriva. Il faisait noir, et j'étais fatiguée. Mais je n'allais pas me reposer, c'est sûr. Quand vint le moment de s'endormir, je parlai à CE-032.
-Peut-on me mettre en cage, cette nuit ?
-Pourquoi ? C'est toi-même qui ne voulais plus être dans une cage.
-Eh bien…je ne peux pas vraiment t'expliquer, mais c'est très important.
-Bon, va dans la cage là-bas, je vais te la barrer. Mais demain tu devras attendre qu'un humain te l'ouvre.
Il barra la cage munie d'un champ de force et de 10 centimètres d'acier. Ça devrait être correct.
Puis, je me laissai emporter dans le royaume des rêves…