Chapitre dixième - Rêve et illusion
La journée est finie, et CE-032 a parlé aux humains. Ils ont accepté, je ne serais plus obligée d'endurer le métal froid des structures d'aciers, mais dorénavant affronter le plein air. La nuit venue, je m'endormis comme prévu à moins d'un mètre de la bête, après qu'ils m'aient attaché correctement. Le vent étant de la partie, je me suis glissée furtivement dans la boule d'énergie de mon mentor, afin de recevoir la chaleur qu'il cultivait.
J'entendis un chant étrange. Une sorte de plainte. Quelque chose d'envoûtant. J'étais dans le noir total. Seulement un joyau écarlate luisant au loin dans l'obscurité. Il se rapprochait, le chant aussi. Une force inconnue dominait les lieux. J'aperçu deux yeux tournés dans ma direction. Ils étaient effrayants, mais rassurants en même temps. Ceux-ci étaient rouges et jaunes. Une voix lisible entra dans mon esprit.
-Ton âme est-elle pure ?, demanda une voix apaisante et féminine.
Mais c'est quoi cette question ? Si on m'enlevait mon bracelet, les problèmes que j'ai sur le dos, les tas de gars en amour avec moi, le lieu où je me trouve et les meurtres que j'ai commis, oui, je pense bien qu'elle serait pure.
-Oui.
C'est sorti tout seul.
-Alors tu peux avoir un indice. Le voici : Celui qui t'a tranché te sera utile, mais pas celui que tu as mordu contre ton gré. Le rival de ce dernier sera la solution facile, mais ne t'avise pas de la prendre si tu veux sauver celui qui est enfoui au plus profond de ton âme.
Bah oui. C'est fou comme ça m'aide. On dirait une énigme impossible à résoudre, du genre avec des sens chimériques et des personnages que t'es même pas sûr de connaître. Je ferais quand même mieux de le mémoriser, on ne sait jamais. Le noir se transforma soudainement en une clarté aveuglante.
-Ça va ? C'est le temps de te réveiller, on a trois tâches à faire aujourd'hui.
C'est bien CE-032 pour me parler des tâches qu'on a à faire avant que je me lève.
-Hmm-hmm…Tu sais, j'ai fait un rêve très bizarre cette nuit.
-Ah oui ? Tu me raconteras ça quand on sera en patrouille. En attendant, on a une séance d'entraînement dans dix minutes.
-Compris.
Je me levai, puis me dirigea vers l'enceinte d'entraînement avec CE-032. C'était un bâtiment à ciel ouvert, délimité par de grandes poutres fixées avec des tiges de métal. Lorsqu'on y entre, on peut y voir des dizaines de Pokémons s'exercer au combat au corps à corps entre eux. Seules les techniques physiques y sont permises. Ainsi, la force y est privilégiée au pouvoir. Les combats se font jusqu'à l'abandon, et si il n'est pas émis, les combats sont arrêtés juste avant la mort d'un des deux ou à la perte de conscience.
Chaque patrouilleur est convoqué quotidiennement à l'enceinte d'entraînement. Mais dans le complexe où l'on me retient, les patrouilleurs et les chefs patrouilleurs ne sont pas les seuls travailleurs. Il y a aussi les gardes et, plus haut dans la hiérarchie, les missionnaires. Ceux-ci sont les seuls postes permettant aux oiseaux et aux Pokémons bipèdes de travailler. Ils travaillent souvent en dehors du complexe, et ce sont eux qui posent les pièges, espionnent, et à la limite, étudient les mutants dans la nature. Ces mêmes pièges qui ont eus mon père, Math et Java.
J'espère être promue au titre de missionnaire pour pouvoir m'évader. Mais je ne suis toujours qu'une simple patrouilleuse. J'entrai dans l'enceinte, et un humain m'indiqua d'un geste de la main le deuxième ring, où m'attendais un Noctali aux bandes grises. Nous nous fîmes une révérence l'un à l'autre, puis il bondit, toutes griffes dehors. Je l'esquivai d'un geste judicieux, puis lui jetai un regard, ce qui me stupéfia. Je vis un Pokémon ressemblant à un fantôme, qui lévitait. Puis, je clignai des yeux et le Noctali réapparut.
Celui-ci se déplaça si rapidement que je n'ai rien vu. Il me mordit la patte, puis je répliquai en lui mordant l'oreille. Il me griffa sauvagement à la tête et enfonça ses crocs dans le haut de ma tête. Ce qu'il ne savait pas, c'est que la bosse sur ma tête, c'est ma plus grande réserve d'électricité de tout mon corps. Électrocution. Son poil s'ébouriffa, puis il tomba durement sur le sol. Dans sa tête, il devait encore être en chute libre. Je perçu clairement le dernier battement de son cœur résonner dans ma tête. Puis, le choc força son cœur à arrêter de battre.
-Je n'ai rien fait, il s'est tué tout seul. Je vous le jure.
J'essayais de m'expliquer au Persian qui supervisait le combat. Il m'a finalement donné raison, mais seulement grâce à l'absence d'amis du défunt Noctali. J'ai ensuite passé au prochain combat. Un majestueux Feunard se tenait au milieu de l'arène suivante. Nous fîmes la révérence, puis il ne réagit pas. Il me fixait, visiblement en attendant que je l'attaque. J'avançai en sa direction. Il baissa la tête, semblant fuir mon regard. J'étais à environ deux mètres. Il releva brutalement sa tête, exposant ses yeux devenus jaunes avec une pupille rouge, comme dans mon rêve.
Son expression était horrifiante, elle me glaçait le sang. Un joyau rouge luisait sur sa poitrine, mais le bijou semblait léviter en avant du Pokémon. Un rire étouffé et féminin retentit autour de moi. Je regardai derrière moi, cherchant désespérément la source du bruit. Lorsque je me retournai, le Feunard digne d'un film d'horreur semblait voler devant moi, tous crocs dehors. Il était en plein bond, mais au ralentit. Le rire reprit de plus belle, la source du son courant autour de moi, à mon grand désarroi.
-J'ABANDONNE !, hurlai-je à l'égard de l'Absol qui supervisait afin de faire cesser le cauchemar.
-Stop ! Abandon déclaré !
Le Feunard parfaitement normal me dévisagea. Je m'aperçus alors que j'avais halluciné, qu'il n'avait pas bougé d'un poil. Je m'étais humiliée autant que j'aurais pu le faire. Heureusement, les moqueries ne sont pas source d'amusement ici. De plus, il n'y avait eu aucun témoin, hormis l'Absol et le Feunard. Je sortis de la place néanmoins assez secouée de mon expérience. Quelques minutes plus tard, je vis enfin CE-032. Il venait de parler avec l'Absol. Zut.
-Je pense que tu as des choses à m'expliquer. D'abord ton adversaire meurt, puis tu déclares forfait sans te battre. T'es certainement pas dans ton état normal.
-Tu sais, mon rêve de tantôt ? Ça n'était pas un simple cauchemar. J'ai d'abord entendu des chants étranges, puis des yeux effrayants suivis d'un joyau lumineux. Depuis, j'ai des hallucinations horribles. Je vois un fantôme sortit de nulle part, puis mon adversaire change soudainement d'apparence devant moi. Il bondit devant moi, mais est immobile dans la réalité. J'entends des rires étouffés qui résonnent dans mon esprit. Je n'en peux plus.
-Oh non…
-Quoi ? S'il y a quelque chose, tu dois absolument me le dire.
-J'ai eu les mêmes hallucinations que toi il y a maintenant sept ans. Moi aussi ça avait commencé par un rêve. J'avais besoin d'aide, mes parents venaient de me quitter, j'étais maintenant autonome. Mais un Démolosse m'a attaqué, il m'a brisé une côte. Mes parents étaient déjà loin. Je m'en suis sortis de peine et de misère, puis ils m'ont mis le bracelet. J'ai paniqué, puis la nuit suivante, j'ai fait un rêve, le même que toi. Mais il s'est fini trop vite. On m'avait réveillé avant qu'elle puisse me dire l'indice, me laissant en proie à de violentes hallucinations plusieurs heures plus tard. C'est allé jusqu'au poignard planté dans la poitrine. Crois-moi, ce n'est pas fini. Je serais là pour te supporter. D'abord, essais de…ne pas t'endor…ça…réveille-toi ! Hé, ouvre les yeux !
Mes pattes étaient devenues molles, tout à coup. De l'énergie entra soudainement en moi. Il m'avait électrocuté faiblement pour que je reste éveillée. Une main glacée effleura mon dos. Je me retournai, en sursaut. Je voyais double. Une silhouette fantomatique, un joyau, des yeux luisants et un rire. Mais un objet brillant que tenait la silhouette attira mon regard. Un bracelet tricolore, incluant saphir, rubis et émeraude. Trois fois plus puissant, trois fois plus dangereux.