Chapitre quatrième - La Rencontre
Je me mis aussitôt en position d'attaque, et avant d'essayer de le mordre, articulai avec peine «Sauve-toi pendant qu'il en est encore temps !». Des éclairs s'affalaient sur la forêt, éliminant un arbre à chaque fois. Je m'étais presque arrêtée, luttant pour abandonner la poursuite. Lui, avait eu le temps de reculer d'une bonne dizaine de mètres, et me toisait avec interrogation. J'eu été obligée de lui dire «Va-t'en !» pour ne plus mettre sa vie en danger. À contrecœur, il s'en alla. Il m'en voulait, et je le comprends parfaitement. Moi aussi je m'en voulais, mais j'en voulais surtout à ce bijou que je portais.
Il était noir, avec une pierre précieuse, un saphir si je ne me trompe pas, et de forme moderne. Le bijou avait une silhouette très massive, étant donné qu'il couvrait tout mon avant-bras. Il était scellé et presque impossible à enlever. Quand je l'utilisais, ou plutôt qu'il m'utilisait, il en émanait une fumée noire, plus ou moins consistante selon l'énergie transmise par le niveau de fureur. Il était directement lié à mes émotions. Si j'apprenais à les contrôler, peut-être pourrais-je en faire un atout.
Je songeai à mon père. Et à Java. Je devais impérativement le retrouver. Et pour cela, je vais devoir me trouver de l'aide. Mais je ne pense pas que Math voudra m'aider à retrouver son rival et ennemi. Et puis, il faut d'abord que j'apprenne à côtoyer quelqu'un sans le manger. Dure tâche. Tant qu'à mon père, je ne sais pas s'il a appris à se contrôler. Ni même si il est encore vivant. Tant de questions sans réponses qui se bousculent dans ma tête…
Mais avant de comprendre le monde, faudrait-t-il pouvoir se comprendre soi-même. J'ai décidé de m'exercer à contrôler le bracelet. Je courue donc me mettre volontairement devant un Pokémon qui m'inspire colère. Un Démolosse. Je n'ai pas choisi un Malosse à la place car je sais que je peux vaincre ces deux Pokémon aisément avec mon bracelet. Et puis je n'ai jamais haïe la difficulté. Jusqu'à ce jour.
En effet, je ne me retrouvai pas face à ce que je m'attendais. Un imposant Démolosse aux bijoux exceptionnellement noirs comme la nuit, à la corne fendue et au sourire sanguinaire me faisait face à quelques mètres. Un filet de bave mélangée à du sang coulait le long de ses dents carnassières, ses yeux rouges et pétillants me fixaient. Il était toutefois un peu dur à décoder, car il était d'une beauté rarissime malgré son air très cruel.
Je n'eus pas le temps de me poser des questions supplémentaires, puisqu'il avançait déjà à pas de loup vers moi. Il était très silencieux. Étrangement, je ne ressentais aucune peur. Mon bracelet n'avait curieusement pas réagi à date. De temps en temps, il jetait des regards aux rares Pokémons qui avaient eu le courage de rester pour observer, et ceux-ci s'éloignaient à une distance très respectable. Il continuait de s'avancer, et c'est à cet instant que je remarquai son bracelet noir, avec un saphir. Troublant.
Il était si près que je puis sentir son haleine à la fois brûlante et glaciale parvenant à ma truffe, me donnant une sensation réconfortante et inattendue. Moi, je restais de marbre alors qu'il décrivait des cercles autour de moi. Je n'avais toujours pas déchiffré son intention, ce qui m'enlevait beaucoup d'assurance.
Tout en gardant sa démarche silencieuse et apaisante, il alla se fixer en avant de moi et plongea son regard dans le mien. Ça m'a fait un choc indescriptible, si bien que je ne savais pas s'il était positif ou négatif. Son iris était d'un bleu-indigo frappant et de toute beauté. Je n'avais jamais vu de couleur aussi vive et brillante. Une fumée noire émana soudain des ornements propre à son espèce et m'enveloppa si doucement que je ne paniquai même pas. Pendant la fraction de seconde où j'ai pu entrevoir la tête de mort sur sa poitrine, il m'a semblé qu'elle me souriait…
Puis, encore du noir, et que du noir. Rien d'autre. Je sombrai dans un profond sommeil, qui, malgré la situation, s'en trouva extrêmement réparateur. Je ne sais pas combien de temps j'ai dormi, mais ça m'a fait le plus grand bien, puisque je n'avais pas dormi depuis environ deux jours. Je ne sais plus quoi penser de ce qui m'est arrivé…
Le soleil filtrant à travers les branches d'un saule me réveilla doucement, me procurant une sensation de bienfaisance. La brise secouait doucement ma fourrure soyeuse, mais encore de la couleur des ténèbres. Mais la dure réalité eut bientôt fais de me rattraper. C'est seulement à ce moment que je réalisai qu'il y avait un souffle chaud et inconnu dans ma nuque. Mon esprit encore léger, je me retournai et réalisa avec effroi que le Démolosse était étendu à mes coté comme si rien ne s'était passé. J'étais également appuyée sur son flanc chaud avant que je m'en aperçoive. C'était inconcevable.
Toutefois, mon esprit avait grand besoin de s'aéré et j'étais trop faible et endormie pour me lever. Alors, tout ce que je trouvai à faire c'est de me rendormir, ou du moins me relaxer. Il faut dire que c'était agréable d'être à ses côtés. Je me blottis alors contre lui, et il sembla se réveiller un instant. Il me regarda, me fit ce qui semblait être un soupir de soulagement et se rendormit.
Alors que j'étais bien, ce qui ne m'était pas arrivée depuis la mort de ma mère, Math surgit des buissons. Quand il m'aperçut, et surtout quand il remarqua le Démolosse, il arbora une mine vaincue. C'était la première fois que je le voyais ainsi. Le Démolosse le regarda avec un rictus cruel et amusé dont seul les Démolosse ont la capacité de faire. Il faillit s'écrouler de douleur et de souffrance, puis me lança ce que j'interprétai pour un regard d'adieu. Et il s'en alla. Cette fois-ci, je ne crois pas que les blessures seront réparables… Malheureusement je n'étais pas assez alerte pour me rendre compte de ce qui c'était passé.
J'entrepris alors de faire la conversation avec le Démolosse, bien que je n'en aie pas vraiment envie. Après tout, je ne sais même pas s'il parle. Je frotta ma truffe contre la sienne afin de le réveiller. Il leva la tête sans trop broncher. Il me fixa de ses yeux tous aussi beaux que la veille, sinon plus, et prononça le premier mot :
-Salut.
-Tu es qui? Dis-je assez hostilement, contre mon gré.
-Drakkar, dit-il d'un air assez amusé. Original, non?
-Très. Et que m'as-tu fais hier?, toujours aussi froidement.
-À mon tour de te poser une question. C'était qui le Grahyena qui est passé tantôt?
-Pourquoi te répondrai-je? Je ne te connais même pas.
-Peut-être parce que nous avons le même pouvoir. Le pouvoir ultime.
-Mais de quoi tu parles, je n'ai rien en commun avec quelqu'un de ton espèce!
-Oh, à ce que je vois, tu as une dent contre les Démolosses. T'es pas la seule, dit-il en gardant étonnamment bien son sang-froid. Tu dois être la deuxième expérience.
- Je ne comprends rien à ce que tu dis! Et puis, tu fais juste m'attirer des ennuis depuis que je t'ai rencontré. Je m'en vais.
Je me retournai, puis marchai d'un pas assuré vers la montagne. «Je ne te conseille pas de faire ça.» Je me retournai aussitôt pour confirmer que j'ai bien entendu Drakkar. Mais je ne vis que le saule sous auquel nous étions allongés. Stupéfaite, je me retournai pour voir le chemin par où j'étais passée. Mais Drakkar était là, devant moi. Il commença à parler :
«Vois-tu, tu es la première que je rencontre à porter un bracelet comme le mien, et je n'ai pas l'intention de te laisser filer. J'en ai déduis que tu étais la deuxième expérience, puisque jusqu'à maintenant, j'ai été le seul à qui on a mis un bracelet et à m'évader avant qu'on m'élimine. En effet, tous ceux auxquels nous avons mis un bracelet se sont montrés trop agressifs et ont dû être éliminés. Mais certains bracelets très rares ont un défaut de fabrication et sont plus puissants que la normale. Toi et moi en sommes les héritiers, et nous devront rester ensemble pour arrêter ce massacre. Nous sommes les seuls qui possèdent le pouvoir pour renverser cet humain fou. À cause de lui, des dizaines de Pokémons sont réduis en esclavage chaque jour et environ la moitié meurent au bout de quelques jours. Tu dois m'aider, je n'ai pas la puissance nécessaire pour le vaincre. Je t'apprendrais comment contrôler ton bracelet et comment vaincre le Pokémon le plus puissant qu'il soit. S'il te plaît, accepte mon offre.»
Après avoir écouté attentivement son discours-choc, je me mis à réfléchir. Sa proposition est en un sens très alléchante, puisque je vais pouvoir avoir un ami, contrôler mon bracelet, m'endurcir et sauver des dizaines de Pokémons. Mais dans l'autre, mon père, Java et Math ont besoin de moi. Quoique je pourrais quand même les sauver plus facilement avec Drakkar. C'est décidé, j'accepte. Après tout, je n'ai rien à perdre. Moi qui étais sûre que tous les Démolosse étaient damnés. On dirait que je me trompais. Ils ont peut-être une âme après tout.
J'ai toutefois pris un gros risque en acceptant son marché. Je ne le connaissais pas, ni son caractère, ni l'étendue de ses pouvoirs, et je ne le connaissais que depuis quelques heures, je ne savais même pas ce qu'il m'avait fait hier. Ses intentions pouvaient être aussi bonnes que mauvaises, et il avait l'air très puissant. Ce risque était nécessaire, car c'est peut-être lui qui va me redonner le goût de vivre. Enfin, je l'espère, car le suicide n'était pas tout le temps très loin dans mon esprit.
En route vers la montagne, il ne me parla presque pas, se contentant de m'expliquer où nous allions. Il était de plus en plus mystérieux, et de ce fait, m'intriguai. Nous nous arrêtâmes pour passer la nuit. Il m'expliqua le nombre de Pokémons carnivores rôdant dans cette partie de la forêt. Nous allions nous installer dans une grotte très froide, l'air de dehors et l'absence d'autres Pokémons n'aidant pas à réguler la température.
Il se coucha vers le fond de la petite grotte, et moi, n'étant pas très à l'aise avec lui, je me couchai à l'autre extrémité. Je grelottais, ma fourrure n'étant pas adaptée à ce genre de climat. J'avais très froid, et je ne pourrais pas rester ainsi toute la nuit.«Viens» , me proposa-t-il. Il voyait bien que je gelais, et il s'était enveloppé dans un voile de ténèbres pour être confortable. Je me levai d'un pas léger et tremblotant, puis je vins me réfugier entre ses pattes chaudes et protectrices. «Bonne nuit», me souffla-t-il à l'oreille avant de s'endormir…
Un hurlement déchira le ciel environ deux heures plus tard, nous réveillant en sursaut à l'occasion. Nous savions ce qu'était ce hurlement. Une victoire, incluant des morts. En d'autres mots, un carnage. Nous devinâmes vite qu'une bande de Démolosses avaient fait de cette partie de la forêt leur territoire. Et ils ne sont pas très hospitaliers envers les étrangers, même de leur espèce. Sois tu nais dans le clan, sois tu les affrontes. D'après le tapage, ils devaient être une vingtaine. Contre environ cinq Pokémons. Je commençais à avoir peur…
Les jappements et les ricanements se rapprochaient dangereusement. Ils étaient à la recherche d'une autre victime. Nous. Nous étions dans un cul-de-sac et notre seule chance de nous en sortir, c'était de les battre. Drakkar m'expliqua rapidement comment utiliser mon bracelet. Ressentir la fureur, se concentrer sur le bracelet, puis attaquer comme si notre vie en dépendais, ou même pire. Je gonflai mon pelage d'électricité, puis je les attendais, bien décidée à leur donner une raclée…