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Les Arcanes de l'Aube de Domino



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» Auteur : Domino - Voir le profil
» Créé le 29/06/2009 à 03:13
» Dernière mise à jour le 29/06/2009 à 19:14

» Mots-clés :   Action   Aventure   Présence de poké-humains   Région inventée

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1-1 : Geroro
Doucement je sors de ma hutte de paille, de boue et d'herbe séchée. Je marche tranquillement avec mes chaussures neuves - On ne dirait plus comme ça, mais elles l'étaient - sur le sol humide du Marais Noir. La boue, les algues et la vase les a peu à peu recouvertes. Autour de moi des centaines de huttes similaires à la mienne. Je les observe de mon œil jaune et torve.

Je m'appelle Geroro, je suis un guerrier Cradopaud. Je suis un humain aussi. Enfin c'est compliqué. L'humanité a bien changé depuis les temps anciens. A une époque, nous vivions en harmonie avec les Pokémon. Enfin, ça, c'est ce que nos reines nous ont raconté. Maintenant nous sommes aussi des Pokémon. Je ne saurais trop vous dire comment ça s'est passé, c'est toute une histoire d'évolution un peu compliquée. Toujours est-il que je suis à la fois un humain et un Pokémon. Les Pokémon existent toujours mais sont plus rares et généralement utilisés à des fins d'élevage et d'exploitation, mais les humains normaux, eux, n'existent plus. Mon apparence est majoritairement humaine. Ma peau est légèrement brune, mes cheveux sont pourpres, je ne porte qu'un pantalon violet troué aux genoux pour plus de confort et deux gants noirs et amples qui m'arrivent légèrement sous le poignet. Mes baskets sont noires et oranges, et autour de mon diaphragme on peut voir une ceinture noire qui soutient des bandages de guerrier avant la ceinture orange qui cerne les bords de mon pantalon.

Côté physique… Bah, l'entrainement ça arrange pas mal ! Je suis plutôt musclé, je suis un bon sauteur aussi (Je suis un Cradopaud, quoi !), mes doigts gantés filent à toute allure pour injecter du poison à l'ennemi. Le majeur de nos gants est orangé, c'est trompeur. Ce doigt là est un avertissement mais en réalité c'est le moins toxique. Par contre il sécrète une matière gluante qui empêche l'ennemi de se débarrasser du poison par simple démangeaison.

Je porte sur les joues des maquillages rituels, oranges et violets. J'ai également des piercings, qui, comme à tous les membres de la tribu, me donnent un air effrayant. Trois anneaux à la lèvre inférieure, un « fer à cheval » aux narines, quelques piercings aux arcades et beaucoup de bijoux aux oreilles. Nulle coquetterie, les piercings font partie de notre rituel initiatique, notre passage à l'âge adulte. A la naissance, on nous plonge dans un bain de venin pur avant de nous couper le cordon ombilical, et à l'âge de un an, on nous circoncit. On aime bien les rites. Un peu trop je crois.

Laissez-moi maintenant vous expliquer où je me trouve. C'est mon habitat à moi et à ceux de mon espèce, le Marais Noir. Nous sommes dans une région du Pays du Bois. Le pays du bois est une enclave gigantesque dans laquelle se retrouvent les élémentaires Insecte, Plante, Poison. Evidemment il y a une hiérarchie du sang qui a cours dans ce monde : Les Plantes, florissantes et variées, sont supérieures. Les Insectes, graciles et capables de vaincre les Psychiques redoutables, sont au dessus de nous mais doivent allégeance aux Plantes qui les nourrissent. Enfin, nous, les Poisons, sommes plus bas que terre - C'est le cas de le dire, je vis dans un marais. Mais il y a pire. Je n'évoquerais pas ceux qui vivent sous le marais.

Evidemment, vous devez vous demander ce qu'il en est des doubles élémentaires. Ils ont le choix, mais contrairement aux élémentaires uniques, les élémentaires qui pourraient choisir entre une nation et une autre n'ont droit à aucune indulgence en cas de faute dans l'enceinte de la nation qui les accueille : La mort immédiate. Par chance, il n'existe pas de nation du combat, donc notre peuple est épargné de tout soupçon de trahison.

Il existe une Nation du Feu qui ne regroupe que les élémentaires Feu. La Nation du Bois s'en méfie comme la peste. Ils ne sont guère belliqueux, mais terriblement puissants. Ils sont généralement très neutres mais très vénaux aussi. Proposez-leur des monceaux d'or et ils font n'importe quoi. Par chance, leur Roi est un Feunard très avisé et sage, consulté par les autres nations sans aucune anicroche diplomatique. Leur devise est « Ceux qui se reconnaissent en chaque rayon du soleil »

La Nation de l'Eau est un gigantesque lac profond, comprenant un archipel sur lesquels reposent des temples de diverse nature. Ce sont des pacifistes par nature mais aussi de puissants guerriers et des monstres de résistance. Ils ont une culture très particulière : il faut leur parler avec infiniment de soin car on les offense facilement. Ils sont très prétentieux et ne résistent pas à un peu de flatterie. Ils rassemblent les peuples de l'Eau, de la Glace et du Dragon. Leur reine est une odieuse Tentacruel très caractérielle qui n'admet aucune opposition.

La Nation de la Terre regroupe créatures du Sol et de la Roche. C'est une nation rustre, peu moderne, extrêmement belliqueuse. Elle a un marché immense concernant la guerre, mais la visiter est loin d'être une sinécure. Et puis ce pays n'est qu'un immense désert montagneux. Bref je ne les aime pas du tout. En plus leur Roi est un immonde Ossatueur qui vit retiré dans son temple, c'est un guerrier farouche et incapable de raisonner comme vous et moi, mais selon des principes arbitraires et totalement à côté de la plaque. Heureusement pour nous, il ne sort que rarement de son trou. Coutume étonnante : Afin de donner signe de vie il envoie par le tunnel un de ses enfants, alors assez âgé, pour confirmer son existence, sa royauté et son pouvoir. La Nation de la Terre est officiellement gouvernée par un Conseil du Sable.

Enfin il y a la Nation du Métal. Alors là c'est la grande inconnue. Elle est l'habitat, je le sais, les élémentaires d'Acier, et leur Reine est un Archeodong terrifiant, mais je n'en sais pas plus. C'est une nation ultra secrète, dont on ne sait rien, dont on n'a pas ou peu de nouvelles, tout juste de quoi remplir les brèves d'un livre d'histoire. Ce mystère est une épée de Damoclès au dessus de la tête de tout un chacun en ce bas monde.

Certains élémentaires non cités ici sont des cas à part. Les Electriques habitent les souterrains de toutes les nations. Les Psychiques sont des nomades marchands vivants dans le désert sous l'égide d'un pacte entre eux. Les Spectres habitent dans toutes les nations, c'est une espèce de sous-race - Loin de moi l'idée de les insulter, mais il est vrai que leur statut est peu clair. On les trouve partout, ils ne vivent nulle part et n'ont aucune réelle autorité en leur sein. Certains double-typés cherchent à avoir une vie normale dans une nation affiliée. Les Volants sont tous double-typés, théoriquement ils ont soit une nation à laquelle s'affilier, soit la possibilité de devenir messagers pour le compte d'une nation. Mais ils n'auront jamais la possibilité d'en devenir citoyen. C'est triste mais c'est une nécessité en fait. Les Normaux sont un cas particulier, ils ne sont refusés nulle part mais ne sont pas des citoyens à proprement parler. Des règles spéciales s'appliquent à eux dans toutes les nations. Par exemple ils n'ont pas le droit d'ouvrir un commerce, ni celui d'être propriétaire. Les élémentaires des Ténèbres sont également placés sous un régime particulier. On les engage généralement comme chair à canon quand ils ne sont pas citoyens d'une nation qui englobe un double type. Les élémentaires de Combat sont des renégats et des voleurs.

Ce matin là était le début d'un jour prometteur. Aujourd'hui, nos reines arrivent sur la Place Sylvestre pour honorer le Jour des Saisons. Le Jour des Saisons c'est un jour que personnellement je déteste mais qui en fait réunit les citoyens de la Nation du Bois dans un but très important (Ironie) : Déterminer la délimitation temporelle de nos saisons cette année. Grossièrement, nos adorables Altesses sérénissimes vont nous bassiner avec des dates sans intérêt juste pour contenter ou mécontenter la population. Là ou c'est intéressant, c'est qu'on va rencontrer toutes les autres populations du pays. L'inconvénient c'est qu'on a interdiction stricte et formelle de manifester quelque opinion en ce jour. C'est festivités un point c'est tout. Un silence de mort doit régner en quelque situation que ce soit sous peine d'emprisonnement. Le seul bruit permis est un applaudissement. Cette règle a été instaurée il y a dix ans alors qu'une banderole avait été déployée, dénonçant la grosseur des cuisses de la reine Chelarra. Sous-entendu : Le Duo Royal se bâfre tandis que dans les bas quartiers on meurt de faim. Cette dénonciation satirique avait tant outré Nos Altesses qu'elles ont instauré cette loi idiote. Des festivités où personne n'a le droit de parler durant la cérémonie principale ?! Moi je crie « Scandaleux ».

J'ai l'air d'en savoir beaucoup sur nos pratiques politiques mais je ne vous répète là que ce qui se dit durant l'Agora de la Boue Noire. Chez nous, les habitants du Marais Noir, Cradopaud et Coatox se réunissent chaque semaine dans une Agora de la Boue Noire, autour d'un feu sombre, chaud mais peu lumineux, sur la place principale du Marais Noir qui est une étendue boueuse noire. D'où le nom. C'est un peu notre lieu d'information. On s'y raconte la vie telle qu'on l'a perçue ces derniers temps. Moi j'aime pas ça. C'est ennuyeux, et il y a trop de risques qu'on me passe un bébé dont j'aurais à m'occuper toute la semaine suivante si jamais je n'arrive pas à le repasser. Oui parce qu'ici c'est la communauté qui s'occupe des bébés. Personne n'a de parents à proprement parler. On peut croiser sa mère et son père tous les jours sans le savoir. Troublant !

Une question que vous devez vous poser : Mais pourquoi on a deux reines ? La réponse pourrait être simple, en fait elle est compliquée : A la base, chaque Reine choisit quelqu'un pour lui succéder de façon officielle. Chelarra, la Torterra, avait été désignée comme Reine à Venir lors de la cérémonie du Hublot de Sève Blanche (Qui consistait à tenir 15 verres de sève alcoolisée du grand Arbre Sacré sans s'écrouler) Sur son lit de mort, la Reine Salemsilla, une Cotovol, avait sur son lit de mort brusquement changé d'avis et voulu Okokobe, une Noadkoko très forte en gueule et braillarde. Les Sages avaient été témoins de ce revirement et la reine du coton avait rendu l'âme avant même d'avoir explicité son choix, ce qui aurait donné lieu à des délibérations plus argumentées. Deux semaines terribles durant lesquelles nous avions tous vécu dans un climat instable et effrayant, les sages ont délibéré, jusqu'à ce que les deux reines se rencontrent et décident d'un compromis. Elles régneraient toutes les deux (D'autant qu'elles étaient devenues très copines suite à une beuverie). Bref, nous sommes la risées de ce monde, puisque nous sommes gouvernés par deux folles qui n'effraient personne, qui sont plus connues pour leurs frasques que pour leur direction guerrière et stratégique, qui font des fêtes à n'en plus s'amuser, et qui sont incapables de se tenir dans un sommet diplomatique. C'est affreux quand d'autres nations disent de vous « Ah, c'est vous qui êtes dirigés par ces deux folles qui se sont biturées lors du Sommet pour la Paix entre les Nations au point de rire pendant la déclaration sur le désarmement des enfants soldats ? ». Résultat nous sommes ridicules et nos enfants partent encore à la guerre actuellement.

Ce jour, donc, comme tous les autres habitants du Marais Noir j'allais vivre l'exode vers la grande Cité Centrale de Floreole, cité qui ne comprenait que le gratin du peuple Plante. Pas question de voir un mécréant Insecte ou un vil Poison habiter ici sans bénéficier au moins d'un Double Type Plante. Laissez-moi vous dire que pour les Paras ou Bulbizarre, le choix était vite fait entre vivre comme un Plante ou comme un Poison/Insecte. C'est le seul jour de l'année où l'on se mélange vraiment. Parce que bien sûr en tant que Citoyens de la Nation, nous avons tout droit de circuler librement dans les villes, mais pas d'y habiter, tout juste d'y séjourner (Nous payons des suppléments dans les hôtels Plante). Je sais, ça fait envie. Même moi j'estime ma chance d'être dans la caste la plus basse qui soit en ce pays.

Chacun se préparait à suivre le chemin menant à la grande jungle où nous nous déplacerions en groupe serré. Ce n'est qu'une fois là bas que nous nous séparerons âprement, chacun rentrant par ses propres moyens. Partir ensemble et Revenir seul. On pourrait croire à un manque de solidarité. Pas du tout. Cette solidarité est inexistante. Surtout quand on a mon âge (Vingt-deux étés tout rond), les autres considèrent que vous savez-vous débrouiller. Cette règle a deux exceptions : La nourriture et les bébés De même, mais c'est commun au monde entier, la communication est rare. On se passe un saladier de nourriture. Les plus goulus le dévorent à terre. C'est une purée de maïs épaisse qui colle aux pattes et qui tient au ventre. J'ai pris mes précautions et me délecte d'un pain d'algues. On m'en quémande un bout que je concède à contrecœur. Prenez vos précautions quoi…

Les femelles m'observent avec émoi, tout comme elles convoitent les autres mâles de la tribu. Il devient urgent selon elles que je participe à la survie de l'espèce, tout comme les autres mâles. Les vielles Coatox, obèses et tenant à peine sur leurs grosses pattes, vont probablement bientôt procéder à cette dégoutante cérémonie des couples. C'est tellement répugnant que je préfère encore ne pas y penser. Je préfèrerais qu'on m'en exclue même. Certaines jeunes Cradopaud ne cachent pas qu'elles attendent ça impatiemment et dansent pour émouvoir les mâles. Très peu pour moi. Certains mâles qui semblent trouver ça amusant, paradent avec fierté, montrant leurs muscles sous le nez ébahi des demoiselles. Je préfère encore détourner les yeux. Des femelles Coatox, amusées, observent en tenant des enfants qui assistent à ce spectacle. C'est un comportement que je ne comprends pas. Voilà qu'on me tend un autre bébé que je parviens à refuser en feignant l'avoir ignoré. Tout ce fatras ça n'est pas pour moi.

Je suis un peu iconoclaste, je sais. Je n'ai pas vraiment l'esprit grégaire auquel on nous destine. Certes j'ai tété au sein de la plupart de ces femmes, certes je suis destiné à féconder certaines de ces jeunes demoiselles, certes je suis un guerrier dont la mort sera tout juste une mort, mais bon sang, certes je suis un homme, un Pokémon, un Citoyen de la Nation du Bois, un élémentaire du Poison et du Combat, mais j'estime juste, avec prétention, avoir un peu plus d'importance que ça. Je dois être le seul ici à savoir que Moi, j'existe. Et ça, c'est flippant. Je suis juste un atome de la communauté. Eux me voient régulièrement sans me connaître. Je voudrais plus. Un nom, ça ne me suffit pas. Je suis Geroro, elle c'est Agroak, lui c'est Moassbati, elle c'est Dokubi… On se dissocie et alors ? Est-on pour autant des individus à part entière ? J'en doute fort.

La route commence, au coassement énergique des grands guerriers Coatox du village. Je pousse un gros soupir en faisant carrément la tronche : A quoi ça sert d'arriver en avance ? Qui se soucie de savoir que la Grande populace des crapauds empoisonnés arrive ? Qui nous attend ? Personne ! J'ai presque envie de leur coasser ça aux oreilles mais ils me rangeraient au rang des parias. Je suis iconoclaste mais pas fou. Une idiote de femelle me caresse le dos. J'avance un peu pour semer l'infâme. Quelque chose me dit qu'au retour je vais passer un sale quart d'heure. Pourvu que cette cérémonie dure éternellement.

La route est quelque peu longue mais comme nous voyageons avec d'autres populations, les jeux absurdes de « séduction » cessent. C'est-à-dire qu'entre nous c'est très bien vu, cela favorise des « rencontres » prometteuses, mais devant les autres peuples : bouh que c'est mal vu ! Pourquoi les peuples se créent-ils des occasions débiles d'être embarrassés devant les autres peuples ? On n'a qu'à cesser ces enfantillages ou alors les assumer aux yeux de tous, ça sera clair au moins. Je suis à côté d'un groupe d'Empiflor, les femelles sont de simples gourgandines avec une longue queue de cheval brune vêtues d'une robe jaune et verte, un kimono noué par deux feuilles de taille moyenne. Les garçons n'ont qu'un paréo noué par deux feuilles bien plus grandes. Tous sont quelque peu laids, notamment les Boustiflor, adolescents crapuleux à grande bouche. Etonnant que des Pokémon si affreux soient si hauts dans la caste. Des Rafflesia et leur famille nous passent au travers, le groupe se retrouve scindé. Les vieilles Coatox en semblent scandalisés. Les plus jeunes s'en amusent presque. Je ne peux pas réprimer un sourire en voyant le regard grognon d'un Coatox adulte face à un Mystherbe qui lui a marché sur le pied.

Arrivée dans les rues de Floreole. Joyeux bazar. Plus personne de chez moi en vue. La foule est magnifique, appréciable, bruyante mais sans heurts. Bien sûr il arrive qu'on s'entretue mais c'est temporaire et les esprits se calment quand les protagonistes sont morts ou ont étanché leur soif de violence. Le rassemblement attire toute sorte de marchands qui vendent des âneries aux passants. Notre monnaie, la Couronne de Fleurs (sic) passe de mains en mains et le commerce est florissant. Ironie, là encore. Je suis très ironique, vous avez remarqué ? C'est un bon moyen de dire tout haut ce qu'on pense tout bas sans que les gens ne s'en rendent compte tout de suite. Non franchement je trouve le nom de cette monnaie ridicule et cette hégémonie du commerce Plante idiote. Et la société de partage, ça vous dit rien ? Ou est passé le temps où nos ancêtres, alors Pokémon, ne connaissaient pas la monnaie ni le consumérisme ? S'être mélangé avec les humains n'était visiblement pas du meilleur goût. Enfin on aurait pu réfléchir, ce jour là.

Nous y voilà. La Place Sylvestre. J'essaie de me trouver un bon coin. Je me retrouve en fait dos aux grands rideaux qui ornent les façades des immeubles. Rideaux verts en satin couverts de fleurs blanches de velours cousues avec du fil de Migalos. C'est beau, c'est joli, c'est somptueux, c'est pas croyable comme je peux être ironique. Ce vert est immonde ! Un vert Joliflor tout simplement atroce. Franchement de qui se moque t-on ? C'est comme ça qu'on nous considère, au point de nous imposer cette couleur affreuse ?!

A mes côtés se trouve un Papilord. Veste orange à manches brunes, pantalon brun, bottes et gants grisâtres, écharpe crème et orange, il arbore une crinière grise, et porte sur le front des lunettes brunes avec des verres oranges. Sa veste légèrement ouverte laisse entrevoir son écharpe enroulée autour de sa gorge. Les deux mèches de sa chevelure au devant de son front sont teintes en leur extrémité d'un orange sombre du plus bel effet. Il était grand et particulièrement charismatique. Son visage plutôt simple me fixa un instant de ses yeux orange. En sa bouche il tenait une brindille de quelque arbrisseau. Mais il était particulièrement bien nippé pour un tel spectacle. Presque trop bien. Je décidais, pour la fierté du peuple Cradopaud, de déplier mes jambes pour espérer l'égaler au moins en taille. Pleinement debout, je vis le spectacle qui s'annonçait. Jetant un regard vers Papilord, je vis qu'il eut un sourire narquois : Je lui arrivais à peine au dessus de l'épaule. Un peu éhonté, je retrouvais la Contenance qui caractérise le Bois, notre patrie, et me contenta de regarder bras croisés ce qui allait se produire.

Nos complices Majestés arrivèrent après vingt bonnes minutes d'attente durant lesquelles je n'avais échangé aucun mot avec mon voisin de gauche, avec lequel pourtant une étrange complicité silencieuse était née. Sa Régente Solaire Chelarra arriva sur le dos d'un véritable Torterra, portée par la créature dont l'arbre était minuscule - Non pas qu'on ait voulu castrer l'animal, mais il avait été élevé dès son plus jeune âge au transport de lourdes charges - mais dont les pointes étaient grandes. Il portait notre maîtresse qui nous salua indifféremment - mais à ce jour aucun souverain ni souveraine n'était arrivé à se souvenir du prénom de chacun de ses sujets - d'un bras levé. Elle portait un chasuble vert dont le goût expliquait ces horribles étendues de tissu sur la façade des immeubles, ceinturé par une lanière de satin noir. Son corps était couvert d'une combinaison brune qui la boudinait par endroits - On la croyait grosse à tort, et elle préférait le terme « plantureuse » - mais dont les bouffantes étaient du plus bel effet. Dans sa chevelure noire, autour de ses manchettes et sur ses chaussures à talons se trouvaient des rochers, résurgences de son type Sol qu'elle ne pouvait cacher. Chelarra proclamait aimer toute sorte d'arbres, même les plus laids, et portait régulièrement en sa main un petit arbre pur, né de la parfaite harmonie entre la reine et la nature. Je la regardais d'un air à peine bienveillant, ce que mon voisin sembla constater.

L'autre Reine arriva. Okokobe, allongée sur un lit porté par des bataillons de Noeunoeuf. La Reine Noadkoko était une grande femme toute de marron vêtue, avec une robe à froufrous aux manches très longues (Personne n'a jamais vu ses mains et les plus folles rumeurs prétendent qu'elle les a mangées durant l'hiver de famine qui a eu lieu il y a trois ans). La reine Okokobe est très séduisante avec ses petits seins fermes et sa taille de guêpe. On la jurerait taillée pour chacun de nous. Son visage est très particulier, en fait elle en a plusieurs, mais les deux autres sont des masques. Et que dire de cette magnifique et brillante chevelure verte qui vole au vent telle la printanière fougère luisante drue du Marais Noir. Elle salua en criant par saccades des « Eh », « Ah » et « Oh » car c'est la coutume chez les Noadkoko.

A la lueur de ces deux descriptions, difficile de dire laquelle je préfère. moi-même je ne saurais dire.

Mon voisin applaudit mollement, tout comme moi. Nous sommes entourés de Plantes, d'Insectes et de Poisons. C'est un environnement très forestier mais aussi très stimulant. L'ambiance est bon enfant dans les rangs, à part quelques bébés qui pleurent c'est le calme plat mais tout le monde se réjouit de voir les reines en pleine forme. Je lance un coup d'œil à mon voisin qui semble lassé. Tant mieux, moi aussi. Elles grimpent sur scène et exécutent la Danse-Flore rituelle qui consiste en une gigolette adroite, jolie pour les puristes, barbante pour ceux qui comme moi viennent chaque année à cette fumisterie. C'est-à-dire tout le monde. Mais non, eux ça a l'air de les amuser, toujours autant. J'ai envie de parler à mon voisin, mais j'ai la nette impression que nos silences sont plus explicites que tous les mots qu'on pourrait trouver à se dire.

Elles commencèrent à énumérer des dates sans queue ni tête - cette année le printemps commencerait en octobre et l'hiver s'annoncerait le 15 de Décembre - juste pour plaire aux badauds - Un long été de février à septembre, ça vous dit ? - ce qui ne voulait strictement rien dire, et tout le monde en reviendrait à ses habituelles prévisions personnelles pour déterminer le temps pour la saison. Cela devait durer encore longtemps étant donné que chacun devait assister maintenant au serment de purification qui consistait à dire combien les trois types habitant la nation du bois étaient sa sève constituante, unie et ensemble devant toutes les adversités. Ai-je le droit d'émettre encore un doute ironique ou bien en ai-je déjà trop fait ?

La lumière est souvent invisible à nos yeux. Je veux dire par là qu'elle est tellement forte qu'on n'en perçoit pas toujours les rayons. Eh bah là pour le coup, ce rayon de lumière là, tout le monde l'a vu. Il a traversé le ciel au dessus de la foule qui a tout vu. Et il est venu s'écraser entre les deux Sacrosaintes Reines qui tressaillirent, effrayées. Je sursautais comme tout le monde. Mais pas un mot, de personne. Ce silence, lourd, pesant, terrible, angoissait encore plus la variée population de la nation du Bois. Mais personne n'osait dire quoi que ce soit. La prison était plaisante mais pas à ce point. La seule voix qui eut le droit de s'élever fut celle de Reine Chelarra qui hurla à la garde, garde qui n'accourut point, point qui mérite d'être souligné. Je regardais mon voisin Papilord, aussi intrigué que moi. Pas de garde, un rayon de lumière destructeur…

Autre rayon. Réflexe immédiat : Je lève la tête, en même temps que mon complice insecte. C'est juste au-dessus de nous. Mon œil s'emplit d'une agréable lueur : Un peu d'action, enfin… Et pas un entrainement cette fois. Ni une ni deux, ignorant complètement les consignes interdisant quelque mouvement durant ce lassant cérémonial, je m'accroupis, contracte mes cuisses, serre les poings et effectue le bond le plus grand que j'aie jamais exécuté, m'agrippant aux affreuses draperies - fanfreluches - couvrant les immeubles. On me regarde, et une clameur outrée s'élève. Puis une deuxième : Papilord, ayant étendu dans son dos de grandes ailes tout à fait similaires à celles de l'espèce dont il est originaire. Jaloux, je continuais à bondir sur cette immonde pièce de tissu géante tandis que l'inconscient tireur d'élite continuait ses semonces. Je me posais plein de questions comme : C'est qui ? Pourquoi ? Comment fait-il pour rater deux grosses dames sur une scène au milieu d'une place ? Ne me dites pas que toutes les femelles Cradopaud regardent mes fesses d'en bas ?! Qu'est-ce qu'ils doivent penser en bas ? Vais-je aller en prison pour ce mouvement ? Comment il fait pour aller si vite celui-là ?

Parce que oui, Papilord me distance légèrement malgré mes multiples bonds. Mais je trouve vite le bon rythme et parviens en même temps que lui au sommet de l'immeuble. L'instant du saut, nous échangeons un regard unique, mêlant complicité et rivalité. Arriver en même temps, c'est quand même assez extraordinaire pour être au moins mentionné. Notre regard suivant se porte sur l'enfant.

Car c'est un enfant.

UNE enfant, pardon.

Là le temps s'arrête. Je tords mes sourcils, plus que surpris par cette expectative inédite. C'est une enfant ! Une jeune fille. Une Metalosse.

C'est une ATTAQUE de la NATION DU METAL !!

Elle est forcément un de leurs soldats ! Elle a attaqué le trône ! Si on l'attrape elle se fera sûrement exécuter par la garde ! Ou alors on la capturera et la torturera ! Quoi qu'il en soit c'est un soldat envoyé par une nation ennemie !

Elle nous regarde avec ses grands yeux rouges, son visage est cerné par une croix de tissu métallique, elle a des cheveux bleu marine, une robe bleu ciel et porte à ses bras deux griffes. Sous ses chaussettes, on constate deux autres griffes. Elle peine à marcher mais visiblement elle est contrainte de rester là, sans fuir, obligée à se battre.

Papilord la regarde avec les mêmes yeux effarés que moi. Devons-nous l'affronter ? La garde ne se bouge pas les fesses, les autres ont trop peur de l'arrestation. Finalement si on ne fait rien on risquera encore plus la prison. Alors maintenant qu'on est là…

Papilord a déjà commencé. Il balance par ses gants une poussière jaunâtre qu'il éparpille à coups d'aile. Cette mixture censée paralyser la créature, est repoussée par un pouvoir psychique de haute volée balancé par la fille bleue. Papilord semble vexé que son attaque soit repoussée. Qu'importe, à moi la main. Je fonce vers l'intruse et l'assaille de Direct Toxik. Mes doigts courbés en crochets la frappent de plusieurs coups répétés. Elle les prend sans sourciller. Normal, ils sont immunisés contre mes attaques de type Poison. Je dois passer à un autre type d'offensive, mais trop tard, je me prends un coup de griffe. Repoussé en arrière, je ne dois mon salut qu'à Papilord qui me rattrape dans mon vol incontrôlé. Ah si j'avais des ailes !

En face, la fille Metalosse nous observe, livide, semblant à peine coupable ou même consciente qu'elle vient de porter une attaque au Duo Royal d'une Nation. Duo qui certes ne brille pas par sa réputation mais c'est notre duo de reines ! Elles sont reconnues par au moins trois des quatre autres nations !

Comme si… C'est horrible ce que je vais dire, mais c'est comme si elle s'en moquait éperdument de nous. De la généralité de nous, de notre nation dans son entièreté. Nous ne sommes rien. Mourir pour tuer nos reines ? Qu'importe. Elle n'était qu'une pièce de métal dans un rouage complexe qui allait au-delà de notre compréhension. Papilord semblait s'en apercevoir également. Il la fixait avec le même sentiment d'impuissance que moi. Une enfant que l'on regarde avec impuissance, découragement… Quelle sorte d'enfant est-ce ? Finalement, après ce flottement, il me repose. Je fonce sur elle, non sans balancer dans sa direction mes Dards-Venin. Usant de ma chevelure pourpre bien fournie, je lui projette mes cheveux rigides et pointus. Elle ne cherche pas à les esquiver, évidemment. Papilord me soutient en balançant un Vent Argenté sur les côtés, agitant ses ailes pour projeter de ses gants une poudre grise. Ce faisant il la bloquait, car ces courants aériens créés artificiellement pouvaient la faire tomber de l'immeuble. Une fois en bas elle serait lynchée. Je souris de cette appréciable contribution et préparais un bon coup Combat pour l'atteindre. S'il y avait un peu de boue j'aurais pu confectionner une efficace Boue-Bombe mais ce n'était pas le cas malgré la saleté des immeubles locaux. Je cours vers elle, elle prépare un Luminocanon entre ses griffes. L'attaque me touche, puissante mais pas tant que ça. Echappant à la fureur énergétique, je m'approchais d'elle, le regard fiévreux. Et de mes deux mains unies, je la frappe de ma Vendetta. Elle est projetée par ma puissance. Je me retourne vers Papilord qui fait celui qui n'a rien vu - et ça m'énerve assez j'avoue.

Elle se relève - Rien d'étonnant à cela mais ça m'énerve aussi un peu quand même - et nous fixe. La trace du coup reste sur sa joue. Elle nous fixe quelques instants. Papilord semble comme subjugué par le fait que ce ne soit qu'une enfant. Moi ce qui m'étonne c'est sa résistance, son aplomb, sa témérité. Comment peut-on… attaquer un souverain avec une telle froideur ? Comment peut-on oser, à moins de nous voir comme de vulgaires minables qu'il faut écraser ?! Nous sommes si insignifiants qu'une enfant suffit contre nous ? C'est une offense terrible.

Je n'aurais pas le temps de disserter là-dessus plus longtemps et Papilord non plus : Nous sommes ligotés par deux arbres instantanés. Et en face, Metalosse se fit transpercer la chair humaine des bras et des jambes par une Végé Attak surpuissante. La poudre sous le feuillage des arbres instantanés nous endormit moi et Papilord. A notre réveil, nos vies allaient changer.