Les Chroniques des Univers: [Tome 3] Le Cristal du destin de imhotep43

"Jess, on y va ?"

Une seconde.

Jess ne sentait rien.

Deux secondes...

Pas plus que d'habitude, dirons nous.

Trois secondes...

A y réfléchir, le bruissement incessant dans sa tête avait repris tout doucement, comme un murmure,… Il ne se passa qu'une demi-seconde entre la réapparition du chuchotement et le comportement bizarre d'Evoli.

"Qu'est ce que tu as senti ? demandait-il avant d'avoir la réponse juste après."

Quatre secondes...

Le bruit éclata dans toute sa violence, comme si la digue qu'il avait érigé avec l'aide de Nina venait de s'effondrer d'un coup, et les cris déferlaient sur lui avec une pression inconnue jusqu'alors.
La violence du bruit était devenue insoutenable. C'était comme si sa tête explosait de l'intérieur.
"Jess ? Quelque chose ne va pas ?"
Il perdit connaissance à ce moment là. La suite, il n'en eut aucunement conscience...

Cinq secondes.

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"A l'aide, quelqu'un !"

Cyrus depuis plusieurs minutes courait dans le couloir long comme un jour sans pain. L'infirmerie était si loin que ça ? Il ne se rappelait pas que les médecins qui l'accompagnaient aient mentionné un endroit à l'autre bout du couloir circulaire. Bon sang, si Jess ne s'en sortait pas, il s'en voudrait éternellement. C'était lui qui l'avait amené ici après tout. Et ce n'était certainement pas un hasard, si après avoir manqué de devenir fou à cause de ce mal de crâne, il s'écroulait quelques minutes plus tard devant lui. Il l'avait peut-être perdu de vue pendant quatre, voire cinq heures. Qui savait ce qui avait pu se passer pendant ce temps là ? S'il était atteint de quelque chose de grave, ça avait eu tout le temps de faire des dégâts irréparables dans son corps.

"Et merde, il n'y a personne ou quoi ? Jess est en train de mourir !"

Comme si on avait exaucé sa supplique, un bruit, d'abord sourd, puis plus sec, plus métallique se fit entendre. Cyrus reconnut la forme du brancard, avec, autour, des médecins de l'Arche.

Quand ils arrivèrent à son niveau, ils ralentirent l'espace d'une seconde, juste le temps pour Aurore de lui demander:
"Où est il ?
-Labo informatique. J'ai cru que vous ne viendriez jamais.
-On a été mis au courant par Antoine via la radio. Suis-nous, je commencerai mon diagnostic en chemin avec ce que tu as vu."

La folle course reprit. Cyrus attrapa le cadre du brancard vide et aida à le tirer pendant qu'Aurore lui posait une série de questions génériques auxquelles il était bien incapable de répondre.

"Ecoutez, tout ce que j'ai vu, c'est qu'il s'est effondré. Juste avant, Morph a manifesté un comportement bizarre. Je pense qu'il a vu venir ce qui s'est passé, mais ça a été tellement foudroyant qu'on n'a rien pu faire.
-Je comprends, ce n'est pas non plus ton boulot de tout savoir. Il a des antécédents ?
-Je ne le connais même pas depuis 24 heures... Quoique... attendez. Il a justement eu des maux de têtes violents quand on était à la serre. Nina a réussi à le calmer un peu, mais j'ai l'impression que c'est lié à ce bracelet qu'il porte. Les premiers symptômes sont apparus quelques minutes après qu'il ait été posé.
-Le... bracelet ? hoqueta Aurore. C'est impossible..."

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On lui aurait posé la question quelques minutes plus tôt, elle aurait répondu que c'était impossible. Mais le fait était que Raphaël ne pouvait désormais plus respirer tout seul. Sur le lit de l'infirmerie, il était dans un état critique. Et puis, elle savait que Raphaël n'était pas quelqu'un de tout à fait normal. Elle triturait son chignon brun avec le dard venimeux qui le maintenait en place. Elle remonta ses lunettes à la monture tellement fine qu'elle en était presque invisible, dans un geste d'incompréhension qu'Aurore reconnut pour avoir longtemps travaillé avec elle.

"Alors, à ton avis ? demanda Aurore alors qu'elle contemplait les scanners avec elle.
-Il n'y a aucun doute, la chair est morte à plusieurs endroits. Je n'y comprends plus rien. J'ai vérifié moi-même les dosages. Je les ai même revus à la baisse après le petit incident dont m'a parlé Dante.
-Ecoute Agathe, je ne pense pas que ça vienne des dosages. J'ai vérifié la plaie dont t'as parlé Dante, justement. L'endroit où est entrée la seringue d'Ombre qu'a tiré Ed. Les alentours sont tout aussi morts qu'au niveau du bracelet. Peut-être qu'on pourrait envisager une allergie à l'Ombre. Une allergie violente même.
-Tu l'as vu comme moi la manipuler il y'a vingt ans. S'il devait y être allergique, on l'aurait su.
-Pas forcément. D'après Cyrus, ça a mis quelques minutes à se manifester. Et je ne sais pas comment, mais Nina a réussi à faire disparaître tous les symptômes. La douleur n'est qu'un signal d'alarme. On peut supposer que le corps a continué de se dégrader après, sans que Jess ne le sente. Ca expliquerait cette soudaine perte de contrôle. Comme un moteur qui fuit de partout sans qu'on le sache, on continue à le pousser, et un jour il claque sans crier gare. Et puis on parle de quelqu'un qui a disparu pendant vingt ans aussi."

Agathe tira toute seule les conclusions du discours d'Aurore.

"Ca veut dire qu'on doit arrêter le traitement et espérer qu'Icare n'en profite pas pour reprendre le dessus ? Mais c'est bien trop dangereux, fit-elle remarquer.
-J'en informerai Lilian, mais je crois qu'entre temps, on n'a pas le choix. Megan nous tuerait s'il arrivait quelque chose à Raphaël. Déjà qu'elle va être en rogne quand elle va savoir. Mon diagnostic engage le pronostic vital. On n'a pas le choix, je te le répète.
-Je comprends. Je vais travailler sur un contrepoison pour éliminer les restes d'Ombre. J'avais déjà un projet en cours à ce sujet, mais je ne lui voyait aucune utilité. Maintenant, il a une priorité maximale.
-Merci Agathe.
-De rien, c'est mon boulot...
-Non, je parle de ton coup de main. Icare est une menace potentielle, mais je ne peux vraiment pas laisser Jess dans un tel état."

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Nina attendait depuis plusieurs minutes à l'entrée du service médical de l'Arche. Quand la porte s'ouvrit, elle laissait paraître un Cyrus décomposé.

"Cyrus, qu'est ce qui s'est passé ?
-Je crois que... tenta t'il. C'est Jess, il va très mal. Je ne sais pas s'il va s'en sortir."

Elle retint un sanglot en se mordant la lèvre. Elle avait peur, très peur. On venait de lui dire que Cyrus allait devoir partir, et maintenant que Jess allait de mal en pis. Elle n'allait sans doute pas supporter grand chose de plus.

"Je ne m'en remettrai pas s'il meurt par ma faute.
-Oh, Cyrus, fit Nina, se voulant réconfortante. Mon parrain disait dans ses lettres que dans le feu de l'action, on fait instinctivement ce qu'il faut pour parvenir à notre but. On choisit toujours la meilleure décision à court terme mais on ne peut pas prévoir ce qui se passe après. Tu comprends ? Ce n'est pas...
-C'EST ma faute. C'est moi qui lui ai demandé de m'aider pour te retrouver. Il aurait pu refuser, mais il t'a aidé, avant de finir ici comme prisonnier. Il a un passé apparemment très sombre, mais je ne comprends pas comment c'est possible. Il ne devait même pas être né.
-Cyrus, ces personnes qui travaillent ici. Elles sont... enfin c'est insensé, tu ne vas jamais me croire, j'ai déjà du mal...
-Crois-moi, bien peu de choses pourraient me surprendre maintenant.
-Elles sont immortelles. Sorbier l'était aussi et peut-être que Jess aussi. Le temps n'a pas de prise sur eux. Tu comprends ?
-Je crois que vous ne devriez pas vous aventurer plus loin dans les explications tous les deux, les interrompit une voix."

Nina se retourna. Antoine sortait à son tour de l'infirmerie.

"Ecoutez, Antoine, Cyrus a besoin de savoir certaines choses. Au moins pour comprendre...
-On lui dira tout ce dont il aura besoin. Je comprends que tu veuilles l'aider, mais tu nous mets tous en danger comme ça.
-Vous savez, si vous ne voulez pas de moi, vous pouvez me le dire en face, s'énerva Cyrus, au lieu de tout faire dans mon dos et d'engueuler les rares personnes qui ont confiance en moi."

Antoine perdit patience. Plus rien ici n'avait de sens. Ce gamin était d'une suffisance extraordinaire. Aurore l'avait prouvé, ce n'était pas un élu, et pourtant il se croyait leur égal. Il avait l'air sympa au début, mais peut-être était il aussi pourri que son père...

"On ne veut pas de toi, voilà, c'est clair ? Par rapport à certaines personnes ici, tu n'es rien. Tu es content ? Tu seras reparti de la base avant demain matin !"

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"J'ai l'impression que tout cela n'est pas clair. Tu veux dire qu'il est hyper-sensible à l'Ombre ?"

Dans le bureau d'Aurore, Lilian restait l'une des rares personnes à pouvoir embrasser toute cette vérité avec le recul nécessaire. Il était le seul à bord de l'Arche qui ait vécu le cauchemar de la Bulle, avec Agathe, bien sûr.

"Il y'a une théorie qui me semble plausible, expliqua justement Agathe, appuyée sur un meuble de la pièce. On a vu les dossiers sur le projet Icare. Il semble que les modifications que son corps a subi aient entraîné que chacune de ces cellules puisse produire le Flash.
-Le Flash ? demanda Aurore.
-C'est le nom que Sento avait donné à la Poussière, la substance qui est à l'origine de nos pouvoirs. Le problème, d'après les récentes analyses de Jess, c'est qu'elles ont muté... Elles ne font pas que produire le Flash, ou la Poussière, comme tu veux. Elles s'en sont servies pour renouveler les cellules de son corps. Il intervient désormais dans leur processus de duplication. Ca explique pourquoi il a mis vingt ans à refaire surface. Il a du frôler la mort comme on le sait et son corps s'est soigné petit à petit. Aujourd'hui, son corps tout entier est composé de cellules bourrées de Flash. C'est une des raisons pour lesquelles les clones Icare avaient une espérance de vie de 7 ans. Mais Raphaël, lui, a hérité de l'immortalité des Elus quand on a réveillé son gêne latent. Il est capable de réparer les dégâts dus à l'Ombre à chaque régénération cellulaire. Et ses capacités de soin ont justement été boostées par les manipulations du Tyran.
-Il peut s'en sortir ?"

Agathe hésita. Elle était trop impliquée émotionnellement dans cette histoire, mais elle devait lui présenter les choses en toute rigueur.

"Pas tout seul en tout cas. Les techniciens du labo sont en train de finaliser la synthèse d'un contrepoison. Les dosages sont normalement bons, mais il n'a par contre jamais été testé avant, vu que ce projet était mineur.
-Quels sont les risques ? demanda Lilian.
-Soit le contrepoison agit comme on le pense, et quelques minutes après qu'on l'ait injecté, Aurore pourra le soigner avec ses pouvoirs. Mais s'il n'agit pas comme il faut... je te le dis de but en blanc... il y'a de grandes chances pour que Jess meure.
-J'ai peut-être fait une erreur en vous demandant de tout détruire, à l'époque. C'est ma faute si on ne peut pas le soigner.
-Ce n'est la faute de personne, corrigea Agathe. A l'époque, on ne savait même pas que Raphaël était toujours vivant, et on avait des centaines de clones prêts à nous tomber dessus... Il fallait les détruire, et tu le sais bien. Dans le feu de l'action, tu as fait le bon choix, comme souvent. Tu ne pouvais pas prédire ce qui arriverait vingt ans plus tard.
-Quel est le pourcentage de réussite ?
-Cinquante cinquante. Mais si on ne fait rien, l'Ombre l'aura tué à coup sûr avant qu'elle n'ait eu le temps de disparaître de son organisme.
-Je crois qu'on n'a pas le choix, résuma Aurore.
-Comment je vais expliquer ça à Megan, moi ?"

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Cyrus avait assez mal pris la remarque d'Antoine. Arno restait éhonté de tant de méchanceté gratuite de la part de ce dernier. Il venait rejoindre l'infirmerie pour prendre des nouvelles de Jess et de son petit as de l'informatique, mais ce qu'il venait de voir dépassait l'entendement. Il resta dans le couloir, totalement immobile, comme frappé par cette suffisance.

"Antoine, on doit parler, réussit-il à dire.
-Plus tard, la sécurité de l'Arche est en jeu si elle lui divulgue des détails sur nous...
-Maintenant. Le gamin a finalisé le projet Extracteur 2 presque à lui tout seul. Laisse-moi te dire que je ne vais pas te laisser le rabaisser sans que je n'intervienne."
Antoine hésita un instant, avant de demander aux deux jeunes de les laisser seuls.
"Ce gamin est quoi ? Un génie ? Dante et Nero ont un QI de 180 je te rappelle, alors tu ne vas pas me dire qu'il est plus important qu'eux.
-Ca n'a rien à voir. C'est lui qui a mis en échec BlackMaiden. J'ai conçu moi-même ce programme avec l'aide d'une amie experte en piratage. Crois-moi, il a un potentiel énorme, et si vous le laissez partir, on va très vite le retrouver dans le camp adverse. Et crois-moi, je craindrai ce gamin s'il n'est pas de mon côté.
-Je croyais que ton programme était inviolable ? Que seul un génie de l'informatique avait pu le désamorcer.
-Le génie de l'informatique est sous nos yeux, merde ! s'emporta Arno. Je ne te demandes pas de le porter dans ton coeur, mais laisse-lui une chance.
-Il en aura une, Lilian la lui laisse, mais uniquement quand il sera majeur. Et crois-moi, il n'aura qu'un intérêt très limité, vu qu'on sait désormais que ce n'est pas un élu."

Arno retint un cri d'incompréhension. Pourquoi ? Pourquoi on lui racontait des casques à lui ?

"Tu veux ma démission, c'est ça ? Vu que seuls les Elus comptent pour toi, je suppose que tout le personnel qui ne possède pas de pouvoirs ne sert à rien. Ce gamin est un cadeau tombé du ciel. J'ai des dizaines de projets issus des archives de Sento, et presque autant de mon cru. Jess pourra peut-être m'aider à reprendre les calculs des scientifiques qui travaillaient pour son père, mais Cyrus a une connaissance des systèmes que je n'ai jamais vu que deux fois. Et laisse-moi te dire qu'aucun des deux n'était Dante ou Nero, mais bien des quidams sans pouvoirs. Pour tout te dire, je suis l'un des deux.
-Il n'y a pas de place pour lui maintenant, c'est clair ?
-Et mon cul ! Sorbier est mort, tu as oublié ce détail ?
-Sa filleule a été intégrée au projets de l'Arche. Je répète, il n'y a pas de place pour lui. Pas maintenant."

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La porte de l'infirmerie s'ouvrait pour laisser rentrer Cyrus et Nina. A l'intérieur, Jess était allongé sur un lit d'hôpital. Un bout de tuyau rentrait dans sa bouche, alors qu'un lourd appareillage trônait à l'autre bout. Pour avoir vu des séries hospitalières par dizaines les jours où son père le laissait seul à la maison avec Stanislas, Cyrus savait que son rythme cardiaque était anormalement élevé, et surtout trop irrégulier pour rester ainsi longtemps. Si on ne faisait rien, il n'avait que quelques heures à vivre.

"Liiii ?"

Le Pokémon sortit timidement du dessous du lit, reconnaissant l'odeur familière des adolescents. Il sauta dans les bras de Nina, alors que Cyrus restait prisonnier de ses pensées. Il n'était plus le bienvenu ici. C'était surtout ça qui le choquait. Qu'on ait pu lui tenir rigueur de l'état de Jess, passe encore, mais qu'on lui reproche sa présence... Il avait amené la Nouvelle Alliance à la jeune fille et à un de leurs plus puissants ennemis. Il aurait aimé un peu plus d'enthousiasme. Antoine avait semblé le trouver plutôt trop sûr de lui et l'avait enfoncé d'un seul coup. Ce n'était ni gratuitement méchant, ni mesquin. Non, c'était juste que, d'après lui, Cyrus n'avait pas le potentiel pour rester parmi toutes ces personnes si particulières. Il s'était trouvé là par hasard et il n'allait pas tarder de repartir plus vite qu'il n'était arrivé.

"Je suis désolé... pour tout, fit-il à l'attention de Jess qui ne lui répondrait pas.
-Ce n'est pas ta faute, répéta Nina.
-C'est facile à dire quand on est dans une position comme la tienne, fit Cyrus sans animosité aucune, juste par souci de remettre les choses dans leur contexte. Tout le monde veut te garder ici. J'ai l'impression que Sorbier n'était que la partie émergée de l'iceberg. Ici, tout le monde veut ton bonheur et ta sécurité. Moi, je ne suis là que par accident, par concours de circonstances."

Nina mit la tête de Cyrus dans sa main, et la tourna vers elle pour qu'il la regarde.

"Hey, si on ne veut pas de toi ici, alors on ne veut pas mon bonheur, compris ? reprit Nina en le regardant droit dans les yeux. Jess va peut-être mourir. Même si ce n'est que temporaire, je n'aurai personne à qui je pourrai faire confiance. Morph sera mon seul réconfort jusqu'à ce que tu sois majeur, à supposer que tu veuilles revenir ici avec moi.
-Tu plaisantes ? Il y'a ici des secrets que l'humanité rêve de découvrir. Et puis il y'a les deux seules personnes en qui j'ai confiance, moi aussi. Bien sûr que je voudrai intégrer cette équipe. Mais c'est cette équipe qui ne me veut pas."

Une porte pneumatique qui s'ouvre... Une voix... différente des autres.

"On ne veut pas de toi ? Qui t'a raconté de telles stupidités ?"

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La porte pneumatique du bureau d'Aurore se referma, laissant les deux filles entre elles.

"Tu ne devrais pas travailler sur le contrepoison ? demanda la doctoresse.
-Je ne sers plus à rien. Je suis trop stressée pour faire mon travail correctement. Je préfère laisser travailler mes assistants. Je ne leur ai pas dit que le traitement avait des chances de tuer Raphaël. Ils pourront faire leur boulot en toute objectivité.
-Je comprends, mais tu leur es de loin supérieure en la matière.
-Je sais qu'il mérite le meilleur, après tout ce qu'il a fait pour nous. Mais ce qu'il reste à faire, c'est de la chimie de base. Et puis je ne pourrais pas me concentrer en sachant que je joue sa vie à pile ou face."

Les deux femmes s'interrompirent. Dans l'intercom situé sur le bureau d'Aurore, une voix annonça:

"Ici Joris. Megan vient d'arriver en salle d'embarquement. Nous la conduisons à l'infirmerie.
-Bien reçu, Joris, répondit Aurore. On est prêts à la recevoir."

Un long silence succéda à la fin de la communication. Ce fut Agathe qui le brisa.

"Surtout quand je sais que sa soeur peut m'en vouloir à mort après cela... J'ai peur, je dois t'avouer. Pour tuer insidieusement quelqu'un, c'est moi la reine, mais pour les sauver, je dois avouer que c'est la première fois qu'il y'a autant de risques..."

Aurore se leva de son fauteuil et alla rejoindre Agathe près de la commode dans laquelle elle entreposait tout ce qui avait un rapport avec les dossiers médicaux qu'elle traitait actuellement.

"Tu as travaillé avec moi bien plus souvent que tu ne veux l'admettre. Le jour où cette fièvre mystérieuse a frappé tous les Elus il y'a quatre ans, tu as trouvé un vaccin bien plus rapidement que quiconque sur Terre ne l'aurait fait. Tu n'es pas une tueuse. Comme chacun de nous, tu es capable de tout et de son contraire. Regarde-moi. Tu m'as souvent vu sauver des vies avec mes dons. Mais j'ai aussi tué avec. A l'époque de la guerre, j'ai tué plusieurs soldats en leur ravissant leurs forces vitales le jour où on a lancé les missiles sur les satellites de Sento. Je ne me sers jamais de ce pouvoir, mais si un jour j'en ai besoin, je serai bien content de l'avoir."

Agathe se leva, et soupira en ouvrant la porte.

"Je retourne au labo pour revérifier mes calculs. J'ai peur pour Raphaël... S'il meurt..., frémit-elle.
-Moi aussi j'ai peur, fit Aurore... Moi aussi..."

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Cyrus jaugeait celui qui était en face de lui. Il émanait de lui une impression de puissance, mais aussi de grandeur d'âme. Il savait que son interlocuteur faisait la même chose avec lui, mais il ne se doutait pas qu'il fouillait bien plus en profondeur que lui.

"Vous êtes ? demanda t'il poliment, sachant pertinemment que quelqu'un de ce calibre était vraisemblablement un des piliers de cette organisation, voire le chef suprême.
-Je suis... ravi de faire ta connaissance, commença l'inconnu. Je m'appelle Lilian. Tu dois être Cyrus... Avec tout ce que j'ai entendu à ton sujet, il me semble qu'on a à parler tous les deux.
-Je croyais que je n'étais qu'un accident de parcours ? Que je n'étais qu'un humain lambda, certainement pas de niveau devant votre puissance incommensurable ?
-Je n'aime pas le terme "accident". Disons que tu ne faisais pas partie de nos plans, c'est un fait. Mais le fait est que cette rencontre fortuite nous a fait beaucoup de bien. Arno n'a fait que me louer le travail que tu as accompli sur le PokéDevice. Je crois que tu as des ressources qu'on ne soupçonnait pas.
-C'est une offre ? Ou encore un autre miroir aux alouettes ?
-Ni l'un ni l'autre, expliqua clairement Lilian. Je ne peux pas t'intégrer à mon équipe maintenant. Tu es porté disparu à Sinnoh. Comme tu le sais, ton père est très puissant, et s'il se met à ta recherche, il risque de nous trouver.
-Je suis majeur d'ici un peu plus de six mois...
-Et on en reparlera ce jour là. Ton père ne te collera plus aux basques... Ou tout du moins, s'il le fait, il sera nettement moins influent quand tu auras ton autonomie. D'ici là, on ne se reverra pas."

La porte par laquelle Lilian était rentré dans la pièce s'ouvrit à nouveau, laissant passer une jeune femme aux cheveux bruns noués en un chignon. Derrière ses lunettes fines, on voyait une angoisse certaine qui ne fit qu'amplifier lorsqu'elle regarda Jess mourant sur le lit. Elle quitta presque aussitôt la pièce en passant par l'autre porte non sans adresser un mot à Lilian.

"Elle est ici. Elle nous rejoint à l'infirmerie."

Lilian acquiesça avant de terminer sa conversation avec Cyrus.

"Désolé de l'interruption. On reparlera de tout ça plus tard. Excuse encore Antoine, on est tous sur les nerfs..."

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La femme était assise sur une espèce de voiturette, comme ceux qu'on trouvait dans les aéroports pour porter les bagages. Elle n'avait pas envie d'être conduite, elle préférait se débrouiller elle-même, mais Joris avait insisté. Une telle altesse, bla bla, ce serait une honte pour moi, bla bla. Au final, elle appréciait de ne pas avoir à faire plusieurs centaines de mètres de couloir à pied, mais elle aurait pu conduire elle-même. Du coup elle ressortit le papier imprimé qu'elle avait dans sa poche et le relut mot à mot.

"Message de l'Arche: Reçu à 15h35. Accroche toi à ton fauteuil, on a retrouvé Raphaël. Il est amnésique, mais les analyses ADN ne mentent pas. On t'attend dans la soirée, on a quelques problèmes à régler d'ici là."

Elle avait pris son mal en patience et avait attendu jusqu'à 22h. Elle espérait qu'elle arriverait ni trop tôt ni trop tard pour ne pas les déranger. Ce n'était pas dans son habitude d'attendre. D'habitude, c'était elle qui faisait attendre. Ses nombreux amants au même titre que les chefs d'états... Quand ce n'étaient pas des personnes qui cumulaient les deux statuts.
En effet, elle était très belle au demeurant. Dans sa jeunesse, elle avait l'habitude de porter des vêtements serrés, et de se couper les cheveux blonds très court, et on l'avait souvent confondue avec un garçon, ce qui l'avait aidée à rester toujours introuvable... jusqu'au jour où elle se fit prendre malgré toutes ces précautions. Depuis, l'eau avait coulé sous les ponts. Elle portait désormais une chevelure longue et soyeuse, et des vêtements amples et sophistiqués qui mettaient en valeur son charme et sa position sociale. Car mine de rien, depuis les cellules de la Bulle elle en avait fait du chemin... Dirigeante de la nation Sentonienne, ce n'était pas rien. Surtout quand on connaissait son prédécesseur, elle avait du mérite rien que pour être toujours en vie aujourd'hui.

"Comment vont les affaires d'état ? demanda Joris, un brin angoissée.
-Vous voulez faire la conversation ou vous ne pouvez pas rester silencieuse parce que vous me cachez quelque chose ? Joris, je lis en vous comme dans un livre.
-Euh... c'est à dire... en fait...
-Dites-moi tout, Joris. Oubliez quelques secondes que je suis à la tête de Sento. Vous êtes plus âgée que moi, c'est à moi de vous respecter...
-Ce n'est pas le problème... Enfin je ne devrais pas trop en dire, je n'y connais rien... Et puis je ne voudrais pas vous faire angoisser pour rien."

Megan commençait tout doucement à pâlir. Angoisser ? Joris venait de les arrêter devant l'infirmerie, où Antoine avait un discours animé avec Arno. Infirmerie ?

"Raph' !" hurla t'elle en sautant presque de la voiturette et fonçant vers la porte du service médical.

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L'infirmerie commençait tout doucement à être plutôt peuplée. Jess, Lilian, Nina, Cyrus, Aurore en devenait presque claustrophobe ces derniers jours. Sans doute était-ce du à cet instinct maternel... Elle souriait en se disant qu'elle ne faisait que garder un peu d'air frais pour son enfant, mais au fond d'elle, elle savait que ce n'était qu'une peur irrationnelle de plus qui la quitterait quand elle aurait accouché... Pour être remplacée par d'autres encore plus irrationnelles, bien sûr.

Et voilà que la porte s'ouvrait à nouveau. Une seule voix, puissante, mais féminine à la fois.

"Raph' !"

La voix de Megan sonnait comme une menace à ses oreilles. Elle allait débouler, et ca allait crier...

"Megan !"

Sauf si Lilian s'en chargeait. Il l'avait calmée plus d'une fois, il le referait encore une fois s'il le fallait.

"Lilian, que... qu'est-il arrivé à Raphaël ?"

Elle venait de passer de pâle à blanche, et elle virait presque au translucide. Elle n'avait jamais été très colorée, mais là c'était de l'inédit.

"On l'a retrouvé dans l'après-midi, comme je te l'ai dit, il ne se souvient de rien.
-Tu m'as parlé d'amnésie dans ton message, pas de maladie mortelle.
-Ce n'est pas une maladie. On a craint qu'Icare soit encore présent en lui, alors on a bloqué ses pouvoirs avec un bracelet d'Ombre, et c'est là que ça a commencé.
-Je vois très bien, mais je ne comprends pas... Que vient faire l'Ombre là dedans. Elle n'a jamais causé de maladies à ma connaissance.
-C'est compliqué... Notre théorie est qu'il est passé tout près de la mort il y'a vingt ans. Pendant tout ce temps, le Flash qui coulait en lui a servi à le soigner. Aujourd'hui, il fait partie intégrante de ses cellules, et l'Ombre fait bien plus que brider ses pouvoirs. Elle le tue de l'intérieur."

Megan mit ses deux mains devant sa bouche, et inspira un grand coup avant de commencer à sangloter.

"Je suis désolé, c'est de ma faute. J'ai voulu le protéger d'Icare, et c'est en train de le tuer."

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Megan retint sa colère. Elle était très, très exaspérante parfois à ne rien ressentir. Tout juste avait-elle lâché un soupir lors de la mort de son père. C'était le dernier des salauds sur cette Terre, mais quand même,... Même Nina avait voulu profiter de ses parents avant de songer à leur faire des reproches.

A la tête de Sento, cette insensibilité chronique en avait fait une chef d'état de premier choix. Elle ne pensait jamais à ses intérêts propres, et elle vouait au mot "corruption" un dégoût inégalé. Elle n'arrivait pas à comprendre qu'on puisse laisser ses intérêts personnels entrer dans la politique commune pour ça, pour la bonne et simple raison qu'elle n'avait plus d'intérêts personnels.

Cela avait un autre avantage. Elle n'avait jamais crié contre quelqu'un qui n'avait rien fait. Elle analysait tout avec cette froideur maladive avant d'éclater de colère. Mais quand elle le faisait, la terre tremblait,... au sens propre du terme. Là elle n'avait trouvé aucune raison d'en vouloir à Lilian. Il ne pouvait pas savoir. Il avait fait ce qu'il croyait bon pour la majorité, et il n'avait jamais pensé que ça pourrait les mener à une telle extrémité. Sur le moment, c'était le meilleur choix. Tout en elle respirait la peur et la tristesse, mais rien ne ressemblait de près ou de loin à de la haine ou de la colère. Elle aurait pris la même décision.

"Combien de temps lui reste-t-il ?
-Une heure ou deux si on ne fait rien. Agathe a apparemment un traitement qui pourrait éliminer les résidus d'Ombre et permettre à Aurore de le soigner, mais on a une chance sur deux.
-Qu'est ce qui se passe avec son corps ? demanda t'elle à l'attention d'Aurore.
-Ca détruit ces cellules. Dante m'avait signalé que lorsqu'on l'avait touché avec un pistolet à Ombre, il avait eu une réaction violente, mais Agathe et moi avons seulement pensé à un surdosage. On l'a mis sous Ombre, ca a été la plus belle erreur de ma vie. Son poignet n'est franchement pas beau à voir. C'est nécrosé de partout, et tous ses organes suivent le même chemin."

Agathe entra à ce moment là dans la pièce avec un flacon d'un produit de couleur rouge-orangée. Elle posa sa main sur l'épaule de Megan mais ne trouva rien à dire. Elle allait peut-être tuer Raphaël avec ce qu'elle avait dans la main. Elle n'avait pas le droit de lui donner de faux espoirs.

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"Salut Princesse. J'ai fait tous les tests de vérification imaginables. On a 57 % de chance selon les simulations. Je ne peux rien vous promettre de plus."

Megan se tourna vers Agathe. Son regard pénétra jusqu'au plus profond d'elle.

"Si on ne fait rien, il meurt de toute façon ? demanda t'elle, juste pour se redonner du courage que vraiment de l'espoir.
-J'ai fait tous les calculs moi-même. J'ai imaginé la molécule dans les moindres recoins. Mais je n'ai pas osé faire le côté pratique moi-même, j'avais trop peur de faire une erreur de manipulation qui serait fatale pour Raphaël. Pardon Megan, mais je ne pouvais pas.
-Tu as fait ce que tu pouvais. 57 %, c'est mieux que rien non ? fit-elle dans un sourire faussement rassurant. J'ai totalement confiance en toi.
-On y va ? demanda Aurore pour mettre fin à l'attente au plus vite."

Megan acquiesça. La doctoresse prépara une seringue et la remplit du produit donné par la chimiste avant de l'injecter dans l'un des robinets de la perfusion. Pendant ce temps, elle remarqua la présence des jeunes personnes à côté d'elle. Elle eut un sourire à nouveau rassurant, mais qui semblait toujours aussi faux.

"Vous êtes des amis de Raphaël ?
-On le connaît sous le nom de Jess. Vous êtes sa soeur, c'est ça ?"

Megan acquiesça. Jess ? Pourquoi pas ? Elle n'avait connu que trop peu Raphaël. S'il avait un autre nom aujourd'hui, elle s'y ferait.

"Madame, c'est ma faute, c'est moi qui l'ai mêlé à ça, commença Cyrus.
-C'est la faute à personne, corrigea Megan. Ou plutôt à tout le monde. Crois-moi, si toutefois Raph... enfin, Jess mourrait, tu n'aurais joué qu'un rôle totalement négligeable par rapport à certaines personnes que je ne nommerai pas...
-Mais je...
-C'est grâce à lui qu'on a retrouvé Raphaël, expliqua Lilian. Il a aussi sauvé Nina des griffes de ses ravisseurs."

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Megan sembla avoir une illumination.

-Oh, bien sûr ! Nina ! fit Megan en reconnaissant le visage de la jeune fille. Tu es radieuse, ma chérie. Tu te portes comme un charme. J'ai appris dans la matinée que tu avais été enlevée. Si Cyrus n'avait pas contribué à ta libération, j'aurai été une des premières à me porter volontaire. Ton parrain a toujours été d'une aide éclairée quand j'avais des soucis avec des décisions épineuses.
-Merci, madame...
-Cyrus ne devrait pas s'en faire pour des détails aussi futiles. Il nous a aidé du mieux qu'il pouvait. Et puis Jess a plus de chances de s'en sortir que de mourir, non ?"

Il est certaines choses qu'il ne vaut mieux pas dire. A ce moment précis, le rythme cardiaque de Jess s'emballa avant de s'arrêter. Aurore qui attendait une réaction, fut cependant surprise de sa violence.

"Chariot d'urgence ! Défibrillateur, vite !
-NON ! hurla Agathe. Le contrepoison est instable, si on lui fournit l'énergie électrique, il va se transformer en une autre molécule totalement inutile, il faut attendre que Jess reprenne le dessus.
-Jess va mourir ! hurla Aurore comme une malédiction. On fait quoi ?"

Cette phrase là resta marquée dans les esprits... Surtout dans celui de Cyrus. Jess, mort ? Dans une attente trop longue, Aurore et Agathe se battirent en duel pour savoir quand il serait possible de le réanimer. Cette dernière enchaînait les prises de sang et les analyses au microscope en un temps record. Elle en fit près d'une vingtaine en trois minutes, et à chaque fois qu'Aurore lui demandait si elle pouvait le réanimer, elle lui répondait par la négative. Jusqu'à ce moment précis...

"C'est bon ! cria t'elle en regardant le microscope, il n'y a plus d'Ombre."

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Aurore ne se fit pas prier pour décharger plusieurs fois d'affilée son défibrillateur sur Jess, mais rien n'y faisait. Elle refusait de renoncer, croyant dur comme fer qu'elle s'en sortirait par un de ces passe-passe magiques dont elle avait l'habitude désormais. Plusieurs fois, un médecin tenta de l'interrompre pour la raisonner, mais il n'en était pas question. Elle n'allait pas laisser la mort gagner cette fois-ci. Pas quelques jours à peine avant qu'elle ne donne la vie. C'était un match avec enjeu... Une finale entre la vie et la mort... Et une finale ne se jouait pas... Elle se gagnait.

"Aurore... fit la voix de Lilian.
-Oui, chargez à 450 !
-Aurore, insista à nouveau Lilian.
-Ca attendra, je lui sauve la vie.
-Ca attendra longtemps alors, parce qu'il est mort !"

La nouvelle lui fit l'effet d'un choc. Elle regarda l'horloge. Près de quatre minutes qu'elle avait attaqué de le réanimer. Près de sept depuis que son coeur avait cessé de battre. Elle savait ce que ça voulait dire, elle n'avait juste pas pris conscience de tout ce temps écoulé... Le médecin à côté d'elle la regarda d'un air angoissé, comme si elle allait tenter quelque chose de fou, mais elle abdiqua, non sans d'immenses remords.

"Heure... heure du décès: 22h 34."

Elle quitta la pièce en un temps record, s'enfermant dans son bureau alors qu'Agathe perdait définitivement toute couleur autre qu'un blanc grisâtre. Megan n'avait pas encore saisi la portée de ce que venait de dire Aurore et restait là, immobile. Lilian avait des reproches à se faire, mais il avait surtout des regrets pour Jess, Raphaël ou qui que ce fut. Il aurait eu tellement de choses à savoir. Dans le couloir, Arno et Antoine cessèrent de se chamailler un instant quand ils entendirent ce silence religieux. Comprenant ce qui s'était passé, le premier ne put faire un seul geste tandis que le second tentait, sans succès, de rentrer dans le bureau d'Aurore pour la consoler. Morph, lui, regardait Cyrus.

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Cyrus réfléchissait. Dans le feu de l'action, on savait toujours comment réagir. Dans l'urgence, on avait cette intuition qui nous permettait de nous dépasser. Tels étaient les paroles de feu Sorbier...

"Si on arrivait à le ranimer, Aurore pourrait le soigner ?
-Il est mort Cyrus, expliqua Lilian avec tristesse. On ne peut pas le ranimer.
-Je reformule ma question. Si on pouvait le ressusciter, Aurore pourrait le soigner ?
-Tu te fais du mal, reprit Megan, et ca m'en fait tout autant...
-Agathe, insista Cyrus le plus sérieusement du monde. L'Ombre a totalement disparu ? Aurore pourrait le soigner ?
-Cyrus... commença Agathe..."

Devant son regard insistant, elle ne comprit pas tout de suite son obstination. Il avait une idée, mais laquelle ? En temps normal, elle aurait appelé Sorbier à l'aide pour qu'il remonte le cours du temps, mais Sorbier était mort, et Jess l'était tout autant.

"Agathe, on perd du temps, s'il vous plaît, répondez-moi.
-... oui, on pourrait.
-Dans ce cas, c'est bon...
-... Mais aucun de nous n'a les dons pour ça, termina Lilian.
-Il n'est pas mort... seulement dans ce monde.
-Pardon ?
-Laissez-moi vous prouver qu'Antoine avait tort."

A l'écoute de son nom, ce dernier tiqua. Il avait rabaissé Cyrus plus bas que terre. Il était donc capable de faire des folies.

"Cyrus, je regrette ce que j'ai dit, fit-il.
-Pas de regrets, Antoine, pas tant qu'on n'a pas tout fait... Professeur, j'aurai besoin de votre sagesse..."

Après cette phrase sibylline pour tous, sauf peut-être pour Nina qui de toute façon se méprenait sur le sens à donner à cette assertion, il se rapprocha de la tête de lit et toucha le front de Jess avant de se concentrer sur la sensation informelle qu'il ressentait lorsqu'il changeait de monde. Quand il la sentit s'approcher, il sut qu'il allait y'arriver.

"Qu'est ce que tu fais ? demanda Lilian vraiment inquiet.
-Je vais le chercher."

La lumière froide des néons se clignota, scintillant comme à cause d'une légère surtension. Lorsqu'elle revint, Cyrus avait disparu corps et âme. Il avait basculé de l'autre côté.