Les Chroniques des Univers: [Tome 3] Le Cristal du destin de imhotep43

La porte pneumatique se referma derrière Nina. Elle venait de laisser les garçons derrière... Et elle avait de plus en plus l'impression qu'elle avait eu l'idée la plus stupide de sa vie. Non pas qu'elle ne soit pas capable de se défendre par elle-même, détrompez-vous, mais elle avait eu sa dose pour aujourd'hui. Il devait être aux alentours de vingt-et-une heures selon son horloge interne, et en l'espace d'un peu plus d'une demi-journée, elle avait vécu plus de choses que n'en vivrait jamais les personnes de son âge dans toute la vie qu'il leur restait à vivre.

Nina était ce qu'on aurait pu considérer comme une personne épanouie. Loin de l'idée de faiblesse que son corps fin et élancé pouvait laisser supposer, elle avait ce qu'il fallait là où il fallait, autant physiquement qu'intellectuellement. En cas de problèmes, elle avait déjà trouvé trois moyens différents de fausser compagnie à son hôte, une faisant intervenir un extincteur, l'autre le système anti-incendie, et une troisième le long manche à balai qui ferait une parfaite arme pour se défendre... Non, c'était juste qu'elle en avait marre de se faire enlever par tout le monde aujourd'hui. En plus elle n'avait pas dormi cette nuit. Comme si elle avait senti venir le danger.

Ils s'arrêtèrent devant un poste de contrôle plus sophistiqué que le précédent. Antoine présenta successivement badge, main, et rétine devant les dispositifs appropriés avant de finalement avoir l'autorisation de rentrer avec son invitée. Nul doute que ce qu'il y'avait là dedans était important. La lourde porte coulissa cette fois-ci, ouvrant la voie vers un petit cylindre de métal à peine assez gros pour contenir quelques personnes.

Et Nina de se répéter malgré tout qu'elle avait une chance de s'enfuir... Alors qu'ils venaient de passer un poste imprenable, qu'ils étaient désormais entourés par au moins un mètre de blindage et que par conséquent, pour quitter la pièce, elle aurait du passer au travers de ces murs bien trop épais pour les érafler même avec un diamant. A vrai dire, c'était plutôt pour ça qu'elle se demandait si elle n'avait pas fait une erreur en laissant Jess et Cyrus.

"Arrête de paniquer, fit posément Antoine, les bras croisés derrière la tête, laissant transparaître une sérénité totale. Ici, personne ne te veut aucun mal. Si tu veux tout savoir, on veille sur toi depuis ta naissance.
-Et pourquoi je ne suis au courant de tout ça que quand je me fais enlever ?
-C'est pas moi le patron ici, répondit Antoine en haussant les épaules. Même si je pense que ta question va réveiller certaines personnes et leur rappeler certaines bases de la relation à autrui."

La porte finit de coulisser, révélant l'autre sortie du sas circulaire. Là où tout allait se dérouler...

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En temps normal, un être humain qui en veut à un autre être humain ne fait que ruminer sa rancoeur dès qu'ils se rencontrent. On aurait pu penser que Nina aurait fait pareil avec ses parents... Mais justement, même s'ils lui avaient menti sur leur identité, ils restaient quand même l'homme et la femme qui lui avaient donné la vie et l'avaient élevée. Ils restaient ses parents. Et quand on a passé plusieurs heures dans une grotte humide en craignant pour sa vie, juste avant qu'un homme tue de sang-froid un autre homme, tout cela en se remémorant sans cesse l'image de son parrain étendu sur le sol de son labo dans une mare de sang, on a tendance à aimer les retrouvailles avec le cocon familial, si paisible et si calme.

Elle sauta dans leurs bras, oubliant un instant toute la peine que ces mensonges avaient pu causer, et allaient causer, alors que Mars et Hélio pouvaient à nouveau revoir la chair de leur chair, leur fille unique et adorée, vivante après tous ces évènements.

"C'est notre faute, pleura la mère de Nina. Tu aurais du tout savoir, depuis le début."

Hélio resta plus stoïque, mais un noeud inextricable se dénouait enfin en lui, alors qu'il demandait à Antoine:
"Pourquoi les gamins qui ont fait votre boulot ne sont pas ici ? J'ai une dette d'honneur envers deux gosses qui ont l'âge de ma fille alors que vous n'avez fait que du baby-sitting depuis que vous l'avez retrouvée.
-On ne rentre pas ici comme dans un moulin, Hélio, répondit Antoine. Et l'un des gamins, comme tu dis, réveille un passé assez dangereux. Il a tout de même tué quelqu'un... Profite de ta fille, tu auras tout le loisir de m'engueuler plus tard. "

Hélio remerciait Antoine d'un signe de tête poli, alors que Nina parsemait désormais ses larmes de joies de mots plus audibles.

"Jess... Jess n'a tué personne. Il s'est protégé derrière l'un des kidnappeurs. Et c'est un autre qui a tiré sur lui, pas Jess.
-Le fait est que cette personne est morte, fit une voix sortie de nulle part. Et qu'elle n'est ni la première, ni la dernière à ce rythme..."

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Nina contempla la pièce, et chercha l'origine du bruit. Personne n'était rentré dans la pièce, en tout cas, pas par les portes hermétiques. La salle de réunion était totalement vide si on exceptait la famille Sorbier et Antoine... Et pourtant...

"Salut patron, lança ce dernier."

Et pourtant, dans la pièce à l'ambiance feutrée, un fauteuil se distinguait du lot. Non pas par une décoration quelconque, mais par le fait que quelqu'un se tenait à l'intérieur alors que, et Nina en était sûre, il n'y avait personne quelques dixièmes de secondes auparavant. Les deux coudes appuyés sur les accoudoirs, et les mains jointes sur lesquelles reposait sa tête à l'air soucieux.

"Bonjour Nina, ravi de te revoir en chair et en os.
-Se REvoir ? Je n'ai pas l'impression qu'on ait des souvenirs commun.
-La dernière fois qu'on s'est trouvés dans la même pièce, tu devais avoir trois ans au maximum.
-Deux, corrigea Mars, on était venus chercher Hélio ce jour là."

Les cheveux de l'homme, qui autrefois avaient dus être châtains, voire blonds tiraient désormais plutôt sur le brun, et son regard plein d'expérience semblait se perdre dans l'infinité de l'univers toutes les microsecondes environ.

"On se connaît ?" demanda Nina, cherchant un lien de parenté ou d'amitié avec cet homme qui était trop vieux pour être un ami fréquentable, et trop jeune pour être un oncle caché... A la rigueur, il pouvait être son grand frère...

L'inconnu leva ses yeux perçants vers la jeune fille, la contemplant de bas en haut.

"Quand je vois la femme que tu es devenue, je crois que j'ai attendu trop longtemps avant de tout te dire."

Nina sembla offusquée qu'un inconnu se permette un jugement de valeur sur son corps, mais ses parents, eux, restaient stoïques.

"Que quelqu'un que je ne connais ni d'Êve ni d'Adam veuille me rencontrer, je veux bien, mais, aussi puissant soit-il, ça ne lui donne pas le droit de me reluquer comme une conquête à ajouter à son tableau de chasse..."

L'inconnu s'extirpa de sa transe intersidérale et se releva subitement de sa chaise. Quelque chose en lui venait de changer. Comme une aura qui illuminait les lieux. Bizarrement, il souriait.

"Tu te méprends sur mes intentions, je crois. Il faut dire que j'ai un tas de choses à expliquer, mais commençons par les banalités d'usage... Je m'appelle Lilian, et je suis absolument ravi de te revoir."

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Le jeune homme se leva. Il semblait avoir quelques années de plus que Nina, presque du même âge qu'Antoine.

"Si on est sensés se connaître, vous m'excuserez de ne pas vous remettre. Je ne sais même pas comment mes parents vous connaissent, et pourquoi ils pensent que vous êtes Dieu tout puissant.
-Il y'a vingt-cinq ans, ton père dirigeait une organisation secrète dont le but avoué était de créer un univers nouveau. Durant sa quête, il découvrit que créer cet univers allait détruire celui dans lequel nous vivons, mais ça ne l'a pas empêché de continuer son oeuvre. C'est là que nous nous sommes croisés la première fois, et que je l'ai empêché de mettre son plan à exécution.
-Lilian, tu n'oublies pas un détail ? demanda Antoine.
-On s'y est en effet mis à plusieurs, Aurore, notre chef du service médical, Antoine et ton parrain m'accompagnaient.
-Vous êtes en train de me dire que mon père est un sociopathe et que vous l'avez stoppé dans ses délires destructeurs alors que vous n'aviez qu'un ou deux ans ?
-C'est toi qui voulait des explication. En effet, c'est à peu près ça. Sauf qu'à l'époque, j'avais douze ans. J'en ai trente-sept aujourd'hui. Mais je t'expliquerai ce petit détail plus tard dans mon récit si tu veux bien."

Nina avait de plus en plus de mal à croire cet homme. Trente-sept ans ? Elle pouvait à la rigueur lui en donner trente, mais trente-sept, non, décidément...

"Ta mère était alors une des trois lieutenants d'Hélio. Quand le plan échoua, Hélio se rendit compte de tout ce qu'il aurait pu perdre. Mais pas ses lieutenants. Mars, ta mère, en faisait partie.
-C'est ainsi que quatre ans plus tard, termina Antoine, on s'est retrouvés à nouveau au Mont Couronné, pour mettre une tatane à pas mal de monde pour les mêmes raisons, avec Hélio de notre côté cette fois-ci. Des trois lieutenants, ta mère est la seule à avoir eu l'intelligence de ne pas nous provoquer. Elle est par conséquent la seule des trois encore vivante."

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Nina écoutait désormais avec attention. Son père, passe encore, mais sa mère ? Et ces hommes qui se vantaient d'avoir tué ses anciens associés ?

"Comment je suis sensé vous faire confiance après ça ? Je dois vous croire sur parole ? Qui me dit que maman ne tenait pas à ces personnes là ?
-Jupiter était une garce sans nom, se remémora Mars, et Saturne le pire des manipulateurs que j'ai vu. Je me suis laissé embobiner, et c'est ton père qui m'a fait comprendre. Il a risqué sa vie pour ça.
-Et il l'a perdue, termina Lilian. Il l'a perdue pour ça. Ton père a disparu dans un univers parallèle avorté pour sauver celui dans lequel nous nous trouvons. Un aller sans retour possible."

Nina commençait vraiment à perdre la boule. Son père ? Mort ? Mais non, si cet Hélio était mort, ça ne pouvait pas être son père...

"Et c'est précisément la raison pour laquelle nous nous entendons si bien. Avec l'aide d'un artefact aux pouvoirs dépassant l'imagination, nous avons réussi à créer un passage, le passage qui permettrait à ton père de revenir de ce côté-ci. Il a fallu presque un an pour qu'on y arrive, et c'est absolument par hasard si on l'a trouvé, même si ta mère était persuadée qu'un tel objet existait."

Ca y'est, elle en était sûre, ces hommes étaient fous. Complètement fous. Elle avait atterri au beau milieu d'une secte de tarés dont celui qui se faisait appeler Lilian était le gourou.

"Ah, j'oubliais un léger détail. Si j'ai l'air d'avoir dix ans de moins que mon âge réel... C'est parce que je suis immortel. Comme Antoine, comme Aurore, et comme plein de gens ici, ton parrain y compris."

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Elle savait désormais tout. Lilian n'avait plus rien à lui dire. Elle ne croyait pas un traître mot de ce qu'il venait de lui dire.

"Je sais que c'est dur à croire, ma chérie, mais...
-Tais-toi, Maman. Tu t'appelles Amanda Sorbier, nom de jeune fille Magor, fille unique de...
-Je m'appelle effectivement Amanda, mais mon nom de jeune fille n'est pas Magor, et tu as une tante qui s'appelle Sophie, et qui travaille ici parfois. Mars a été mon nom de code dans la Team Galaxie pendant plus de dix ans.
-Mon vrai nom est Hélio, continua son père, et si Sorbier était ton parrain, c'était aussi l'homme qui nous a pris sous son aile après mon retour dans ce monde, et qui nous a aidé à nous installer sous une nouvelle identité qui faisait de lui mon oncle. Je n'ai aucun lien de parenté avec lui hormis celui qu'on a inventé. Je ne viens pas de Hoenn. Je suis né à Rivamar et si je refuse obstinément de passer nos vacances d'été là-bas, c'est parce que tout le monde me reconnaîtrait.
-Mais... sanglota Nina... Ca veut dire que tout était faux ? Depuis le début ?
-Non, il y'a quelque chose qui ne changera jamais, tu es notre fille, et...
-Et vous n'êtes pas mes parents ! éclata Nina. Vous n'êtes qu'un fou despotique et une femme faible qui s'est laissée embobiner. Vous êtes deux lâches qui avez voulu détruire cet univers ici alors que vous m'avez toujours élevé en me disant qu'avec de la volonté, on pouvait changer ce monde. J'y ai jamais cru, mais je comprends pourquoi maintenant. Difficile de refourguer sa merde quand on n'y croit pas soi-même, hein ?"

Hélio était atterré. Mars n'en menait pas guère plus. Si encore leur fille leur avait reproché des choses fausses, il aurait pu corriger ses mots, où même la gifler violemment en hurlant "Tu te rends compte de ce que tu dis ?" pour lui faire reprendre ses esprits, mais elle avait raison. Du début à la fin. Tout cela avait été une énorme mascarade, et tout cela avait commencé à cause d'eux.

"La vérité fait mal, mais je crois que tu ne sais pas tout, Nina. Si nous sommes ici, c'est grâce à ton père. Il a sauvé l'univers de la destruction.
-Il a réparé ses conneries, c'est tout, et ne comptez pas sur moi pour le vénérer. Ces gens ne sont plus mes parents. Et vous n'êtes pas mes amis. Les seules personnes sur qui je peux compter sont à l'extérieur de cette pièce parce que vous n'avez pas confiance en eux !"

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Un silence poignant emplit la pièce. Rien ne pouvait faire plus mal à Hélio. Ce passé obscur ressurgissait. Il croyait qu'il pouvait avoir droit au bonheur après avoir expié sa faute, après cette réflexion forcée sur lui-même, au milieu d'un univers microscopique pendant si longtemps. Mais les secrets les plus enfouis venaient de ressurgir. Et ça faisait tâche, une énorme tâche sur son uniforme immaculé de père modèle.

"Quelque chose à rajouter, Lilian ? demanda Hélio. Je crois que nous allons avoir un tas de choses à régler en famille.
-Oui, j'ai des choses à rajouter. Je ne t'ai pas mis dans la merde jusqu'au cou par plaisir. Et j'ai bien d'autres choses à dire à Nina pour la convaincre que tu n'es pas le dernier des salauds. Je me rappelle ce jour où c'est toi qui nous a convaincus de te faire confiance."

Nina s'était refermée sur elle-même. Tout autour d'elle s'écroulait... On s'était littéralement foutu d'elle depuis sa naissance. Alors elle n'allait pas lâcher le morceau.

"Quoi que vous direz, cela ne changera rien, rumina t'elle.
-Pas sûr. A vrai dire, ton père a fait ressurgir un livre évoquant une série de prophéties dont l'épilogue s'est fait lorsqu'on a tué Jupiter et Saturne au sommet du Mont Couronné. Mais il s'avère qu'il a été le premier maillon d'une chaîne bien plus vaste. Il nous a permis de découvrir l'existence d'un ennemi bien plus puissant, et bien plus psychopathe que le commun des mortels ne peut l'imaginer. Un fou, mégalomane et despotique qui se faisait appeler le tyran, et qui avait mis à feu et à sang Hoenn, Kanto, et Johto. Si on n'avait pas été mis au courant, Sinnoh subirait aujourd'hui le joug de cet ennemi implacable.
-Et je suppose que vous avez tué cet ennemi depuis le temps.
-En effet, enfin, ce n'est pas nous qui l'avons tué, mais un certain Raphaël, son fils. Cet homme s'était servi de son propre fils comme d'un cobaye pour des modifications génétiques entraînant un développement de pouvoirs hors du commun. Il a ensuite effacé toute trace de sa personnalité d'antan pour le "reprogrammer" à la manière d'un ordinateur, en un super-soldat bête et discipliné qui n'obéissait qu'à lui. Une nouvelle personnalité dont le joli acronyme était ICARE. Une abréviation dont j'ai oublié le sens.
-Intelligence Créée pour machin chose contre les Elus, tenta Antoine. Je ne me rappelle plus du A ni du R et on s'en fiche."

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La phrase détendit un peu l'atmosphère. Une demi-seconde seulement.

"Et en quoi ça me concerne ? demanda Nina.
-Ces dons sont issus de gènes spécifiques à certaines personnes qu'on appelle les Elus. Ils ont acquis des pouvoirs liés à un type de Pokémon particulier. Dix-sept types, dix-huit élus, les deux derniers étant liés à l'espace et au temps. Sur les dix-huit, seize sont encore vivants. L'un d'eux était le Tyran, mort il y'a vingt ans. L'autre a été retrouvé mort hier.
-Vous voulez dire que... commença Nina.
-Oui, le professeur était l'élu du temps. Il contrôlait ce dernier de toutes les manières possibles. Il le ralentissait, l'accélérait, le stoppait ou le renversait à sa guise. On pense que c'est pour cela qu'il a été tué. Et que tu as été enlevée."

Même si elle avait envi d'en vouloir à ces gens, Nina se rendait compte que cette nouvelle vision des choses expliquait de plus en plus d'évènements récents.

"Les Elus, songea Nina. Ce n'est pas ce dont parlait Jess tout à l'heure ? demanda t'elle à l'attention d'Antoine.
-En effet, répondit-il simplement. Jess est très perspicace.
-Et ces Elus, c'est nous, termina Lilian. Beaucoup ne peuvent pas être là car ils ont des responsabilités, mais sur cette base, il y'a en permanence au moins un élu, bien souvent moi. Antoine en fait partie lui aussi, Aurore, la chef du service médical aussi, et je te passe tous les détails concernant certains d'entre eux. Tu as déjà du croiser Marc et Ed. Voire même avoir pu voir Marc en action.
-Le tourbillon, c'était lui, expliqua Antoine.
-Ca ne me dit toujours pas ce que vous voulez de moi.
-Te protéger.
-Mais contre qui ?
-Jusqu'à encore quelques jours, on croyait que le fils du tyran était mort en tuant son père. Mais il a refait surface il y'a quelque jour. Il ne se fait plus appeler Icare ou Raphaël. Tout comme nous, il semble immortel, mais lui a conservé l'aspect physique qu'il avait à cette époque. Celui d'un adolescent de presque 17 ans.
-Soit environ la moitié des jeunes que je fréquentais il y'a encore quelque jours.
-Je vais t'aider encore un peu. Il est amnésique et se fait appeler Jess."

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Nina retint sa respiration. Elle était prête à gober n'importe quoi désormais. Que ces parents fussent d'anciens activistes terroristes, passe encore, ça ne changeait rien à leur vie d'aujourd'hui, mais que Jess soit une menace, là, elle en aurait pleuré de rire.

"Il... Il m'a sauvé la vie. Il a manqué de se faire tuer pour moi. Si c'est lui la menace, alors il faudra le mettre au courant.
-On sait tout ça, Nina, répondit Lilian. Mais ce n'est pas le seul ennemi qu'on ait à affronter. Quand Sorbier a été tué, Icare était à Vestigion, des témoins nous l'ont confirmé. Le problème est que son ancienne personnalité est sans doute en sommeil.
-Justement, réveillons-là, et il vous sera éternellement redevable de lui avoir rendu ses souvenirs, s'enthousiasma Nina. Ensemble on pourra ainsi lutter contre cet ennemi commun.
-Sauf si c'est Icare qui se réveille, et pas Raphaël. Dans ce cas, on aura deux ennemis différents à affronter. Crois-moi, j'ai déjà assez de soucis avec celui qui a tué Sorbier. Le bracelet qu'il porte bloque actuellement ses pouvoirs. C'est notre seule assurance. Le problème, c'est que ce bracelet émet des particules très spéciales qui bloquent aussi les pouvoirs de l'Elu psychique. Ca l'empêche de fouiller dans ses souvenirs."

Nina résuma à sa manière la dernière phrase de Lilian.

"Donc vous lui refilez un appareil qui lui bousille le crâne avec des migraines affreuses et qui l'empêche de communiquer ? Vous saviez qu'il était muet et que la télépathie était son seul moyen de communiquer avec Jess et Morph ?
-De la télépathie ? s'étonna Antoine. Ca veut dire qu'il a déjà commencé à récupérer ses pouvoirs. On est arrivés juste à temps. Il aurait pu devenir incontrôlable. Icare n'est plus dans la nature et il est sous bonne garde, enfin un souci de moins.
-Cet homme n'est pas Icare ! trembla Nina. C'est Jess. C'est le garçon qui a risqué sa vie deux fois aujourd'hui pour me sauver, et qu'on a remercié en l'enfermant deux fois et en le coupant du monde qui l'entoure. Cyrus s'est servi des relations de son père pour le faire sortir de prison la première fois, tout ça pour quoi ? Il n'a qu'un bloc-notes pour communiquer avec nous, et laissez-moi vous dire que son Pokémon ne sait pas lire. Ces deux là ont peut-être une vie à vivre eux aussi !"

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La colère de Nina s'était détournée de ses parents pour se reporter sur Lilian. Mais il avait prévu cela. C'était même pour ça qu'il avait raconté la suite de son histoire. Cynthia était encore à la ligue, Silver et Iris en planque, et Megan ne tarderait plus à rejoindre l'Arche pour voir Raphaël. Tous les autres étaient en sécurité, même si le chagrin de Kim devenait vraiment inquiétant. Et voilà que face à lui se présentait cet impondérable, cette fille qui semblait à la fois le problème et la solution. Dire qu'il se laissait remettre à sa place par une gamine, alors qu'à son âge, c'était lui (et peut-être un peu Antoine aussi) qui pulvérisait des dictateurs fous dans des joutes verbales au sommet. Cette gamine avait la fougue de sa mère et l'intelligence et la culture de son père. Parmi les membres sans pouvoirs qui travaillaient ici, elle allait être une alliée de taille.

"Je t'ai dit tout ça pour te préparer à ce qui peut arriver, termina Lilian. Comme le professeur, nous sommes en danger. Quelqu'un nous veut du mal, et il a déjà essayé de se servir de toi pour nous faire sortir de la base. Si tu le veux vraiment, nous pouvons arrêter cette conversation maintenant, et on vous fera de fausses identités à toi et tes parents, on mettra en scène votre mort tragique pour que tu disparaisses de la surface de la Terre. Tu vivras peinarde dans un appartement semblable à celui que vous avez occupé toutes ces années, et peut-être même que tu trouveras un homme charmant qui te fera de beaux enfants. Mais jamais tu ne reverras Sinnoh, pour ta sécurité. Et je crois que tu as eu assez de mensonges sans avoir à en inventer de nouveaux pour ton futur."

C'était la première proposition. Lilian eut un plaisir non dissimulé en annonçant la seconde.

"Maintenant, même si tu ne m'aimes pas, on partage tous les deux un désir inassouvi de vérité. Tu veux tout savoir de ton passé, je veux tout savoir de notre futur. Dans les deux cas, deux dénominateurs communs. Le professeur Sorbier et ceux qui l'ont assassiné froidement. Si on collabore ensemble, on trouve qui est derrière tout ça et on en finit de manière simple. Tu ne seras pas un appât, tu deviendras un membre de l'équipe à part entière. Tu auras accès à tous les dossiers de la Nouvelle Alliance, notre organisation, et tu seras affectée sous mon autorité à des missions aussi souvent que les autres membres si tu le souhaites. Il va de soi que tes parents ont aussi leur place ici, et que si tu préfères rester à l'abri de l'Arche et ne pas te mettre en avant, tu es aussi la bienvenue. Mais je tiens à te prévenir, je n'aime pas les flemmards. A toi de voir."

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Des contradictions, il y'en avait beaucoup dans ce discours, et dans l'attitude de cet homme. Il semblait tour à tour sûr de lui et l'instant d'après perdu dans ses pensées. Il parlait de choses tellement improbables mais y croyait dur comme fer. Et surtout, surtout, ce qui était déstabilisant, c'était que malgré tous les mensonges qu'il venait de mettre à jour, Nina avait envie de faire confiance à cet homme et à son organisation. Ce n'était pas tant pour elle, mais pour son parrain. Ils juraient qu'ils le connaissaient bien, et elle les croyait au moins sur ce point. Et elle avait envie de connaître ses origines, de remplacer un passé de mensonge par un autre de vérité. Même si elle avait des souvenirs, il manquait bien des informations qu'elle aurait voulu connaître.

"Je n'aime pas avoir à dire ça, mais je crois que ce que vous proposez m'intéresse.
-Très bien, il va de soi que si tu trouves qu'à un moment ou à un autre, notre arrangement ne te plaît plus, tu es libre de partir où tu veux. Antoine te montrera tes appartements. Je suppose que tes parents ne voient pas d'objection à ce que tu aies ton propre logement.
-J'en ai, fit remarquer Hélio, comme tout père qui voit sa fille partir un jour, mais je vais peut-être laisser ma fierté de père au placard. Je crois qu'elle a le droit de rester seule pour réfléchir à ce qu'elle veut faire, maintenant qu'elle sait tout. En tout cas, c'est ce dont j'aurai besoin après autant de... "révélations".
-C'est aussi ce que je pensais. Et puis après le départ de Cyrus, elle aura toute la latitude de s'organiser comme elle le souhaite.
-Après le départ de Cyrus ? tiqua Nina. Qu'est ce que ça veut dire ? Je ne comprends pas.
-Ton ami est porté disparu depuis hier soir, expliqua Antoine. Il a fugué du domicile familial et il est recherché par les services de police de Sinnoh. Ca passe à toutes les télés et…
-Son père n'est qu'un richard qui ne se soucie que de ses intérêts personnels et...
-Je sais tout ça, termina Lilian en accentuant clairement chaque mot. Le nom d'Andrea Versili est connu sur la moitié de la planète. Mais Cyrus reste mineur selon les lois de ce pays. Il est sous la responsabilité de son tuteur légal, c'est à dire son père. Et je n'ai pas envie que toute notre organisation soit compromise parce qu'on s'aperçoit que Cyrus était resté parmi nous pendant tout ce temps. Je suis désolé mais cet ultime point n'est pas négociable."

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Nina en aurait pleuré. Elle qui croyait que tout allait s'arranger. En fait, tout était de pire en pire. D'abord sa famille, maintenant ses amis...

"Et Jess ? Vous comptez en faire quoi ?
-Tant qu'il portera ce bracelet, il sera libre d'agir comme il le souhaite à l'intérieur de la base. Si on est sûrs qu'Icare ne reviendra jamais, on le lui enlèvera et il pourra même quitter l'Arche quand il le voudra. Mais vu ses pouvoirs latents, je pense qu'il restera de toute façon.
-Et sinon ? Si Icare est...
-Je ne te cache pas qu'Icare est un problème majeur pour nous tous. Mais je suis sûr qu'avec ton aide, Jess pourra lutter contre cette personnalité secondaire. Il pourra même retrouver les souvenirs de sa vie passée. On sait que Raphaël avait naturellement l'ascendant sur son double meurtrier. Soit il ne se souvient de rien, soit ses souvenirs et ses amis devraient l'aider à s'en sortir.
-D'où l'intérêt de garder Cyrus avec nous, supplia Nina.
-Quand il aura atteint sa majorité, nous le recontacterons si tout va bien. Là il pourra choisir de nous rejoindre s'il le veut. Son père est bien assez puissant pour le protéger d'ici là, à supposer qu'il puisse un jour avoir un problème."

Nina faisait ses calculs. Cyrus était du mois de Janvier. On était à la fin Juin. Ca faisait plus de six mois sans le voir.

"Mais...
-Nina, ce n'est pas négociable, fit calmement Lilian. Que tu quittes Sinnoh ou que tu nous rejoignes, tu perdras forcément le contact avec Cyrus. Si tu choisis de rester ici, ce ne sera que temporaire et tu pourras continuer à voir Jess, voire Cyrus quand tu auras à faire sur l'île. Le TSA passe à quelques kilomètres d'ici, il est très facile de t'y téléporter incognito et de faire croire que tu es venue à Sinnoh en train. Et je ne vous demande que quelques mois. Les choses vont se tasser pendant ce temps. Je vais en parler à Cyrus, je suis sûr qu'il comprendra. Ce n'est pas un club de vacances ici. J'ai des dizaines de collaborateurs sous ma responsabilité, et l'Arche n'est pas qu'un laboratoire sous-marin. Je ne peux hélas pas t'en dire plus avant d'avoir ton accord définitif."

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Pile ou face, quitte ou double... Ou plutôt peste ou choléra. Il n'y avait même pas l'alternative sympa que vous proposent toujours même les terroristes les plus sadiques sur Terre. Ce genre d'alternatives immorales mais qui vous laissaient toutefois entrevoir une issue positive pour vous sur le court terme... Du genre "Arme cette bombe et on relâche ta copine", "Tue cet homme que tu ne connais pas et qui de toute façon est un salaud et je te laisse la vie sauve."

Mais Nina avait le choix entre peste et choléra. Si elle refusait de rejoindre la Nouvelle Alliance, elle pouvait toujours revenir à Sinnoh par ses propres moyens, mais c'était prendre le risque de se refaire capturer. Et puis après tout ça, Cyrus n'allait certainement pas rester avec son père. Il allait partir faire son voyage initiatique. Elle ne le retrouverait qu'en prenant des risques, en le pistant dans les nombreuses zones, ô combien sauvages, que recelait Sinnoh. Et là, elle serait seule. Seule avec elle-même, face à des ennemis qui connaissaient tout d'elle et dont elle ne savait rien.

"Je... je veux être là quand Cyrus partira. Je veux pouvoir lui parler en tête à tête.
-C'est évident, acquiesça Lilian. Si tu as d'autres exigences personnelles, n'hésite pas à en faire part à Antoine ou à ton instructeur. Il me transmettra tout et je te promets que je répondrai au plus vite.
-Mon instructeur ?
-Tu te doutes bien que tu n'es pas encore ce qu'il faut pour pouvoir faire face à tout ce qui peut nous tomber dessus. Mais il ne sera ni là pour te materner, ni pour t'engueuler à la première erreur, hormis si tu risques sa vie ou la tienne, bien sûr. Je ne sais pas encore qui s'en occupera, mais ne te fais pas de souci. On fait comme ça ?"

Nina inspira un grand coup… Peste ou choléra. Enfin peut-être pas quand même… grosse grippe ou choléra à la rigueur…

"On fait comme ça."

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Lilian eut un sourire. Enfin une bonne nouvelle aujourd'hui.

"Très bien, je suis ravi de voir qu'on a trouvé un terrain d'entente. Tu devrais très vite t'habituer à tout ce qu'il y'a ici. D'ici demain, tu devrais avoir tout ce qu'il faut pour accéder à toutes les zones autorisées. Et plus souvent ton instructeur me louera tes efforts et tes progrès, plus vite tu auras accès à toute la base.
-Dans quelques jours, tu commenceras les entraînements, expliqua Antoine. Je suppose que Sorbier ne t'a pas donné un Pokémon comme les autres, mais il va falloir l'entraîner pour révéler sa puissance. On fera fréquemment des escapades sur les terres, et tu auras très vite une équipe digne de ce nom. De quoi faire pâlir Cyrus quand il reviendra.
-Je ne crois pas non. Cyrus n'est pas ce qu'on pourrait appeler un débutant. Il est imbattable sur la théorie, et côté pratique, il a déjà ajouté un autre Pokémon à sa collection. Je ne sais même pas si j'aurai le niveau pour notre prochaine rencontre.
-Je parie que tu me vantes ses exploits pour être sûre que je le prenne dans mon équipe, mais ce n'est pas nécessaire, quand son heure viendra, il aura sa chance comme tout le monde.
-Je pense surtout à ce qui pourrait se passer si le camp ennemi l'embauchait entre temps. Il a des pertes de conscience de plus en plus fréquentes d'après ce qu'il dit. Qui sait ce qu'on pourrait lui faire pendant ce temps ? Cyrus pourrait bien se retrouver mercenaire malgré lui si on lui faisait du chantage. Et là, Lilian, quelle que soit ma puissance à ce moment là, je n'arriverai pas à lutter contre lui.
-J'ai songé à ce détail. Je lui parlerai de tout ce qui l'attend pendant ce temps. Je ne te cache pas que j'ai un peu d'appréhension, mais je dois le laisser partir. Si son père s'en mêle, il a les moyens de fouiner dans nos affaires sans même chercher à comprendre dans quoi il met les pieds. Et étaler la vérité au grand jour, c'est prendre un risque assez inconsidéré pour tout le monde.
-Je comprends…"

Ainsi, il avait réussi à la convaincre. A contrecoeur, il le savait, mais pour le moment, il ne ferait certainement pas mieux. Dans quelques semaines, elle commencerait à se sentir chez elle, et puis il ne la condamnait pas à l'exil forcé après tout. Elle reverrait Cyrus s'il était aussi doué qu'elle le disait, et quelque soit le type de relation qu'ils entretenaient, ils pourraient la vivre comme bon leur semblerait. Mais tout cela semblait trop beau, bien trop beau. La quiétude et la paix s'installèrent pendant un huitième de seconde avant de repartir aussi vite. La lourde porte coulissante du sas s'ouvrit. Arno était à l'intérieur. Seul, et décomposé. Ca sentait bien plus mauvais d'un seul coup.

"On a un problème ! Jess vient de s'effondrer devant nous. Il convulse et Cyrus est parti chercher les médecins. Je crois qu'il est en train de mourir !"