Pikachu
Pokébip Pokédex Espace Membre
Inscription

Les Chroniques des Univers: [Tome 3] Le Cristal du destin de imhotep43



Retour à la liste des chapitres

Informations

» Auteur : imhotep43 - Voir le profil
» Créé le 09/04/2009 à 17:10
» Dernière mise à jour le 09/04/2009 à 17:10

» Mots-clés :   Science fiction   Sinnoh

Si vous trouvez un contenu choquant cliquez ici :


Largeur      
Chapitre 16: Nouveaux mondes
Cyrus heurta le sol de manière violente alors que le flash aveuglant diminuait d'intensité. Il était sûr que quand il repasserait de l'autre côté, il aurait une belle bosse sur la tête. Pour le moment, il n'avait que la douleur car son corps n'était de nouveau plus lié à son esprit.

"Professeur, vous ne pourriez pas me prévenir avant de m'amener ici ? gémit-il en se tenant l'arrière du crâne.
-Je te signale que c'est toi qui provoque ce changement de plan, je ne fais que te suivre pour être là au moment où ton esprit aura fait tout le travail.
-Vous... me suivez ? depuis le début ? Passons sur le fait que je n'ai aucune intimité à cause de cela. Mais comment avez-vous traversé l'océan ?
-Je suis mort, je n'ai plus de consistance physique. Je n'ai aucune raison d'avoir à endurer des lois telles que la gravité ou la poussée d'Archimède, et encore moins le principe d'action-réaction de ce cher Newton. Quand tu t'élances contre un mur, tu rebondis, quand je m'élances, je passe à travers. Ce monde n'est pas soumis aux lois classiques, tu comprends ?
-Je croyais que vous n'aviez le droit de rien dire ?"

Sorbier fit une espèce de mimique de gêne. Il semblait que ce soit dur à expliquer. Mais Cyrus avait tout son temps.

"Je me suis renseigné auprès des âmes que j'ai croisé. Le règlement est très strict, un mort ne peut rien apprendre à un vivant que ce qu'il ne connaîtrait déjà. Cependant, j'ai le droit de mettre des mots sur ces choses que tu connais déjà. Lors de notre premier contact, j'ai traversé un mur tu te souviens ? En réalité, c'était la vitre du bus qui t'emmenait à Littorella, mais à l'époque, tu avais déjà du mal à me voir, alors ne parlons pas de ce qui t'entourait. Tu as bien vu par toi-même que c'était possible. Tout ce que je fais c'est t'expliquer comment c'est possible.
-Je vois, fit Cyrus sans y croire. Enfin, les règles de ce monde ont l'air compliquées.
-C'est le prix à payer pour être abrogé des lois communes de la physique. Il faut suivre les règles... Et être mort bien sûr...
-Et vous m'avez appelé... enfin, vous avez profité de mon "ouverture d'esprit" pour me dire ça ?
-Non, tu as raison. Allons à l'essentiel. On va avoir du travail."

-------------------

Cyrus resta un moment sans comprendre alors que Sorbier cherchait ses mots. Finalement, il réussit à prononcer quelque chose de compréhensible après quelques essais.

"Ici... dans ce monde, les choses se passent différemment.
-Je sais, vous me l'avez déjà dit. Je croyais qu'on avait peu de temps pour les discours métaphysiques ?
-Dans un autre langage, on aurait appelé ce plan le purgatoire. Et c'est bien loin d'être métaphysique.
-Ce... plan ? hésita Cyrus, bien peu sûr de tout comprendre au jargon de Sorbier.
-L'endroit où nous sommes n'est pas une autre dimension comme je croyais au début, ou une autre planète, vu que si c'était le cas, nous n'aurions aucun contact avec le monde des vivants. J'avais déjà eu affaire à ce genre de problèmes par le passé. Un ami à moi s'était dégagé in extremis d'une situation fâcheuse en se téléportant dans un tel plan. Mais comme ce n'était pas tellement son domaine, il est resté coincé et il a fallu une grande puissance pour l'en déloger.
-Grande puissance du genre ?
-Du genre qui a un nom, que je ne peux te dire sans passer outre les règles qui assurent ma survie ici. Mais toi, tu sembles pouvoir passer de ce plan à l'autre sans aucun problème. Et je suis même sûr que ça ne se limite pas à ces deux plans."

Les deux hommes se regadèrent dans le blanc des yeux pendant un moment. Aucun des deux n'osait dire à l'autre ce qu'il pensait. Cyrus avait l'impression que tout ce qu'on lui disait était inutile, et Sorbier savait qu'il ne pouvait délivrer que des fragments de vérité.

"Je passerai sur le problème des "règles", fit Cyrus d'un moulinet de la main, mais j'ai besoin de savoir certaines choses. Nous sommes donc dans un purgatoire ?
-Je suis même sûr que c'est LE purgatoire des religions. Un plan différent où les âmes mortes trop tôt attendent leur heure pour pouvoir "s'élever" vers un paradis éventuel. Bébés mort-nés, suicides réussis, meurtres, crimes en tout genre ayant entraîné des morts violentes et non-naturelles, il n'y a que de ça ici, et c'est pas joli à voir. Autant te dire qu'il n'y a pas que des enfants de choeur ici. Mais rassure-toi, c'est comme si à un certain degré de méchanceté ou au contraire de bonté et de paix de l'âme, l'âme changeait elle-même de plan. De nombreuses personnes ont pu entrevoir ce purgatoire par des années de méditation, et toi tu vois tout ça clairement au bout de quelques journées de contact avec moi.
-Ce qui m'amène à la question suivante, continua Cyrus. Je suis quoi dans tout ça ?"

-------------------

Sorbier hésita à nouveau. Cyrus voyait bien qu'il cherchait ses mots, mais ne comprenait pas pourquoi.

"Vous voulez m'en dire le plus possible, mais vous ne devez pas trop m'en dire c'est ça ?
-Oui, exactement, sourit Sorbier en relevant la tête. Crois-moi, je ne fais pas de la rétention d'information par plaisir.
-Je vois. Mais j'ai encore l'impression qu'on reste dans le vague.
-Et tu n'as que trop raison. On reparlera de ton statut particulier plus tard. Deux choses pressent.
-Commencez par la première, au moins si je suis coupé de ce plan par mon esprit, je saurais le plus urgent.
-Très bien. Le premier problème, et à mon sens le plus grave, c'est justement celui-là. A chaque fois tes incursions dans ce monde sont plus brèves et plus difficiles à provoquer. Ton esprit rejette ce monde et si tu ne l'apprivoises pas, ceci pourrait bien être notre dernière rencontre.
-Mais pourquoi ? Je n'ai pas conscience de faire des efforts pour quitter cet endroit. C'est même le contraire, je fais de mon mieux pour rester le plus longtemps.
-C'est ton corps le problème. Dans le plan des vivants, tu es cliniquement mort. Forcément, tu es dans le plan des morts justement. Et ton corps cherche à compenser ce problème de manière de plus en plus efficace à chaque fois. Et quelle que soit ta volonté, ton esprit tout entier ne peut lutter face à l'instinct de survie."

Cyrus dut se rendre à l'évidence. Ce qu'il faisait serait bientôt impossible à faire. Son don allait s'éteindre.

"Je vois, c'est donc la dernière fois qu'on se voit ?
-Pas forcément. Il suffit que tu provoques cet état.
-Que je provoque ma mort ? Vous n'êtes pas bien ? Et puis de toute façon vous venez de le dire, l'instinct de survie...
-Je ne te parle pas de ça. Je te parle de méditation. D'ouverture à ce monde. Ton esprit vient dans ce plan, mais reste connecté à ton corps. De cette manière, tu peux changer de plan quand tu le souhaites en une demi-seconde car ton corps est toujours vivant. De plus, imagine-toi sous le feu de l'ennemi, ce qui arrivera tôt ou tard, crois-moi. Si ton corps est sans défense, on peut te kidnapper, ou t'achever d'une balle dans le torse selon la volonté de ton adversaire.
-Et pourquoi je me changerai de plan au moment où on me tire dessus ?
-Pour pouvoir tuer ton adversaire de ce côté pardi !"

-------------------

Un grondement sourd interrompit les paroles de Sorbier. Comme si ce bruit était précurseur d'un malheur, ce dernier fit une moue de désespoir.

"Ca y'est, j'ai commis une erreur. Ca va accélérer le processus de réintégration de ton corps, je pense.
-Vous n'auriez pas du me dire ça ?
-Non, apparemment, tu ne le savais pas, mais emporté par mon élan, je n'ai pas pu m'arrêter à temps.
-Je suppose que vous n'allez pas me dire comment les tuer ?
-Tu es déjà en train de repartir, comprit Sorbier alors que le lien de vie de Cyrus se tendait pour le tirer en arrière. Tout ce que je peux te dire, c'est que Nina peut t'aider comme elle l'a fait avec Jess. Grâce à elle tu pourras certainement retrouver le chemin vers ce plan. Quand tu y arriveras, je serai là. Tout ce qu'elle a appris, elle le tient de moi, et ce don pourra bien l'aider.
-Vous parlez de cette méthode de visualisation ?
-Peut-être bien... peut-être pas, fit-il en hochant les épaules. Désolé, je ne peux pas faire plus..."

A nouveau un flash de lumière, et Cyrus reprit conscience sur un brancard partant à toute vitesse, certainement en direction de l'infirmerie. Autour de lui, Nina décomposée, Jess plus pragmatique avec Morph sur ses talons et une demi-douzaine de docteurs (ou peut-être étaient-ce des infirmiers) alors qu'une voix de femme inconnue hurlait des ordres.

"Je n'ai pas de pouls docteur.
-Je n'arrive pas à le ramener, allez vite me chercher un chariot de défibrillation.
-Comment ça, tu n'y arrives pas ? Je croyais que... demanda une voix plus familière
-Je ne peux pas ressusciter les morts, tu le sais bien."

Nina étouffe un cri de stupeur... Mort ?

"Mais s'il est mort, ça ne sert à rien de...
-Ca peut donner l'étincelle nécessaire à son coeur pour repartir une demi-seconde, et derrière je me débrouille avec ça.
-Si vous pouviez éviter... Ca ne sera pas nécessaire, expliqua Cyrus avant d'ouvrir les yeux."

-------------------

Tout le personnel autour du chariot s'arrêta brusquement alors que les personnes derrière s'entravaient dans le cadre de métal. La voix féminine explosa de surprise alors que Nina respirait enfin.

"Quoi ? Je croyais qu'il était mort ?
-C'était le cas, docteur, il n'avait plus aucun pouls.
-C'était le cas, doc, répéta Cyrus en enlevant le masque à oxygène qu'on allait lui mettre sur le nez. Mais ce serait long à expliquer et de toute façon, vous ne me croiriez pas.
-Cyrus ! jubila Nina en le serrant dans ses bras et coupant à tout forme de discussion. Qu'est ce qui s'est passé ? -Mais laissez-le respirer, bon sang ! s'excita un des infirmiers
-Vous ne me croiriez pas, répéta-t-il. Aucun de vous ne me croirait. Et pas la peine de vous faire du souci pour moi, ca va très bien. Ce n'est pas la première fois que ça m'arrive en ce moment.
-Vous allez me faire croire que vous êtes morts souvent ces dernières quarante-huit heures ? demanda avec agacement la doctoresse.
-Trois fois, pour être précis, expliqua Cyrus le plus sérieusement du monde. Encore une fois, je sais que de toute façon, vous ne me croirez pas. Demandez à Jess, il était là la dernière... Ah oui, j'oubliais, mon seul témoin est un muet. Et encore une fois, je veux vous dire que tout va bien.
-Je le savais robuste, le gamin, mais pas à ce point, reprit la voix connue derrière lui. Saloperie de brancard.
-Tu t'es fait mal ? demanda poliment le docteur."

Non, elle ne demandait pas ça poliment... on aurait plutôt dit affectueusement, avec tendresse et inquiétude.

"Ca ira. Je trouve ça juste complètement injuste que le gamin s'en sorte sans rien alors qu'il est mort tandis que moi, j'aurai un bleu qui va m'élancer toute la semaine.
-J'ai aussi une belle bosse derrière le crâne, Antoine, fit Cyrus en relevant la tête pour voir la personne derrière lui. Si ça peut vous consoler.
-Moui, ça pourra compenser. Tu nous as fait une belle frayeur, tu sais ? Tu n'aurais pas quelque chose à nous avouer ?"

-------------------

Cyrus songea un moment que quelqu'un ait pu comprendre ce qui était en train de lui arriver. Mais il se ravisa vite quand Antoine termina sa phrase.

"... allergies violentes, exposition à des produits pas très nets, consommation de drogues...
-Hey, je ne suis pas sûr d'apprécier ces allusions.
-Je cherche des réponses, c'est tout.
-Et vous orientez un peu la question, non ?
-Tout ça peut aussi avoir un autre sens, reprit la doctoresse en retirant son gant. Donne-moi ton poignet, Cyrus.
-Mon pouls est excellent, déclina l'intéressé. Pas besoin de...
-Ce n'est pas ton pouls que je veux vérifier, donne-moi ta main et ne fais pas le gamin.
-Bien, m'dame, s'inclina Cyrus."

Lui donnant la main, il remarqua un petit tatouage à la base du fin tendon entre le pouce et l'index. Il représentait une ovale d'un noir ébène, sans doute un signe bizarre parmi tant d'autres qu'on trouvait tatoués sur les corps. Au moins celui-ci était-il discret.
Elle resta de longues secondes à contempler le poignet sans rien faire alors qu'Antoine semblait comprendre quelque chose qui restait totalement obscur aux yeux de Cyrus. Manifestement, elle ne sembla pas trouver ce qu'elle cherchait.

"Tu croyais que... ça pouvait venir de là ? demanda Antoine de manière sibylline. Effectivement, j'avais négligé cette piste, mais apparemment, j'ai eu raison. Regarde, aucune réaction.
-On devrait peut-être en parler à la présidence, fit-elle perdue dans ses pensées, c'est quand même bizarre.
-Aurore, ce qui est bizarre c'est que tu sois encore là dans ton état, insista Antoine. Va te reposer.
-Votre état ? demanda Nina. Vous souffrez de quelque chose ?
-Maladie incurable, fit Antoine avec un sourire qui semblait déplacé au premier abord, sexuellement transmissible. Neuf mois d'incubation avant les premiers symptômes. Ca commence par demander des biberons, puis des consoles, un scooter avant de partir répandre le virus à son tour. On appelle ça "la vie".
-Antoine, dois-je te rappeler qui est le père de cette "maladie" ?
-Non merci, j'étais là quand tu l'as attrapé, il me semble. Va te reposer, je te dis, tu vas avoir besoin de toutes tes forces quand il viendra commencer à réclamer autrement qu'en donnant des coups de pied de l'intérieur."

-------------------

Cyrus eut un sourire en comprenant l'allusion, Nina dut attendre que la doctoresse arrête de lui montrer son dos pour voir un ventre qui avait des proportions tout à fait normales pour une femme dans son état.

"Huit mois, deux jours et dix-sept heures, fit Antoine en regardant sa montre. Ce qui te laisse encore environ vingt-sept jours et cinq heures avant d'avoir à pouponner. Je te prie donc d'aller te reposer et de ne pas me contredire, femme."

La dénommée Aurore eut un regard faussement méchant envers Antoine avant de finalement céder.

"En cas de problèmes, vous êtes toujours disponibles à l'infirmerie, fit-elle en montrant deux médecins du doigt. Je transmettrais le message à Garrand pour que vous ayez libre accès à la pharmacie. Les autres sont sous vos ordres jusqu'à ce que je revienne.
-C'est à dire plusieurs mois si cette charmante jeune femme veut bien profiter des quelques semaines de repos que les êtres humains normaux appellent congés maternité, expliqua Antoine. Dans la pratique, elle reviendra vraisemblablement prendre des nouvelles des patients d'ici quelques heures dès que j'aurai le dos tourné, et tout ce cycle recommencera jusqu'à ce qu'elle ne puisse plus bouger.
-Je crois qu'on est au moins d'accord sur ce point, répondit Aurore. Bon, je vais me reposer."

Antoine attendit qu'Aurore se fut éloignée pour s'appuyer contre le mur et lâcher:
"Bon Dieu, déjà qu'elle était obstinée quand elle était toute seule, si en plus la fille à le même caractère.
-Une fille ? Vous le savez comment ? demanda Cyrus.
-A vrai dire, j'en sais rien, mais Aurore est dans un état de fatigue permanent à cause de cette grossesse. Il n'y a qu'une fille pour être aussi chiante aussi longtemps. Un garçon aurait passé neuf mois peinard sans rien demander d'autre que bouffer, boire et ces autres petits besoins vitaux qu'ont les mioches dans le ventre de leur mère. Crois-moi, Cyrus, ça augure dix-huit années de pur bonheur... Bref, on va rendre le brancard à l'équipe médicale et les laisser rejoindre l'infirmerie. A la base, je venais chercher Nina pour qu'elle aille voir ses parents."

-------------------

La conversation prit tout de suite un autre ton. Cyrus aurait-il été dans l'autre plan qu'il aurait certainement vu des éclairs entourer l'âme de Nina. Ca pouvait devenir franchement explosif, ce qui s'annonçait.

"Ils sont là ? Vous ne pouviez pas le dire plus tôt, demanda Cyrus.
-J'ai pensé que tu préférais plutôt qu'elle soit là, au cas où ce petit voyage vers l'au-delà aurait été définitif. Mais maintenant que tout va mieux, je pense qu'il est temps pour elle de tout savoir.
-Très bien, où allons-nous ? demanda Cyrus.
-Toi et ton ami Jess, où tu veux. Je ne peux pas t'emmener avec moi là où je vais. Consignes de sécurité.
-Bon, et bien on vous suivra jusqu'à l'endroit où on ne doit pas rentrer, et puis on attendra son retour devant la porte qu'on ne peut pas franchir. Salue la présidence pour moi, Nina.
-Tu ne vas pas...
-Je sais qu'on ne peut pas tout à fait faire confiance à quelqu'un dont on ne connaît pas les intentions, mais toi tu vas avoir la chance de les connaître. Je suis sûr qu'ils ne te feront pas de mal. Sinon, ils ne s'en seraient pas donnés autant pour m'aider lors de ce petit problème médical, et surtout, ils n'auraient jamais invité tes parents dans la discussion. Je te promets qu'on t'attendra devant la porte. Ca te va ?"

Nina acquiesça timidement alors qu'Antoine les guidait vers l'endroit dans lequel aucune personne non habilitée ne devait rentrer. En chemin, Cyrus demanda si on pouvait trouver un bloc-notes et un stylo pour Jess pour qu'il puisse s'exprimer. Antoine attrapa le matériel nécessaire sur un petit comptoir qui ressemblait aux bureaux d'infirmières sur lesquels étaient habituellement entassés des dizaines de dossiers médicaux dans un hôpital. Le préposé sembla s'offusquer un moment de ce comportement digne d'un voleur de grands chemins mais un "cas de force majeure" le fit taire.

"De force majeure ? répéta Cyrus. Ce n'est que quelques problèmes de communication.
-Je sais, mais de toute façon, le résultat est là. Tant qu'on n'en saura pas plus sur ton ami, on ne pourra pas lui enlever ce bracelet. Je ne peux pas trop t'en dire mais tant qu'on ne peut pas enlever ce bracelet, on ne pourra pas faire de thérapie pour lui faire recouvrir la parole ou la mémoire. C'est le moins que je puisse faire pour atténuer ce petit inconfort qu'on a du provoquer."

-------------------

Quelques derniers mètres, quelques dernières paroles...

"On ne plaisante pas avec la sécurité ici, remarqua Nina.
-Si tu avais connu Jess vingt ans plus tôt, tu comprendrais que le bracelet est la seule chose qui l'empêche de détruire des milliers de vies d'une seule pensée.
-Jess n'est pas celui que vous pensez. Il y'a vingt ans, il n'était même pas né.
-Ce que je trouve bizarre dans ta réaction, répondit Antoine, c'est que tu reviens sur le fait qu'il était trop jeune, et pas sur celui qu'il ne peut en aucun cas avoir un pouvoir aussi puissant que celui que je viens de décrire.
-Ce que j'ai à dire n'a aucune importance vu que je ne suis pas un de ceux que vous cherchez.
-Un de ceux... que quoi ? s'étonna Antoine.
-Tout à l'heure, le docteur a cherché quelque chose en me triturant le poignet, quelque chose qu'elle n'a visiblement pas trouvé. Comme si elle avait l'habitude de ce genre d'opération, comme si quelque chose aurait du se produire, quelque chose qui lui aurait fait comprendre à coup sûr que j'étais une de ces "personnes" parmi tant d'autres.
-Tes propos sont assez flous, je dois avouer."

Sans un mot, Jess attrapa le bloc et le stylo des mains de Cyrus et y inscrivit quatre lettres avant de rendre la feuille.

"Très bien, maintenant essayons la version de Jess. Je crois qu'Aurore cherchait un signe distinctif de ces personnes que vous appelez les "Elus"."

Ils étaient arrivés. Antoine évita la question, visiblement gêné, pour se concentrer sur sa tâche première.

"C'est ici qu'on se sépare, fit-il en passant un badge dans un lecteur, ce qui ouvrit une porte. Allez où vous voulez tant que c'est ouvert. C'est à dire, vu l'heure... Cantine, toilettes, et peut-être les labos si vous avez de la chance. Le bonjour à Arno de ma part si vous le croisez."

La porte d'accès à la zone sécurisée se referma derrière Antoine. Cyrus ne remarqua qu'une unique chose.

"Il a évité ma question. A nous deux, je crois qu'on est sacrément efficaces pour remuer la merde."

Jess demanda le bloc, et écrivit en réponse:
"Et je crois qu'on a pas fini de déterrer des cadavres si on reste ici."

-------------------

Le couloir redevint soudainement silencieux et vide. Cyrus ne savait pas combien de mètres il avait parcouru depuis qu'il était descendu, mais ça se chiffrait certainement en centaines... Il était perdu dans l'immensité de ce complexe sous-marin tout en se demandant comment une telle installation avait pu être construite sous l'eau à plusieurs dizaines de mètres de profondeur.

"Ca fait du bien ce silence, tu ne trouves pas ? écrivit Jess.
-Ca m'angoisse un peu, sans vouloir jouer les poules mouillées. On est seuls dans un truc immense situé sous l'eau et les couloirs s'obstinent à rester vides de monde. Sans compter qu'il n'y a aucun panneau d'indication pour nous repérer."

Pour ce qui était de ce dernier détail, Jess le corrigea. Plus loin dans le couloir, il remarqua un panneau des issues de secours à rejoindre en cas d'évacuation. Ce fut là qu'ils comprirent qu'ils n'avaient encore vu qu'une infime partie du complexe.

"Comment voulez-vous vous enfuir quand vous êtes à des dizaines de mètres de la surface ? demanda Cyrus pour lui-même. Et à quoi peut bien servir une installation sous-marine de cette taille ? On dirait une ville..."

Jess tendit la main gauche, dans un mouvement désormais récurrent pour dire "Passe-moi le bloc"... Il griffonna quelques mots sur le papier avant de le tendre à nouveau.

"Pour ce qui est de la première question, il doit y'avoir des bathyscaphes prévus pour évacuer en cas d'urgence, pour la seconde, j'en sais rien, mais quitte à construire un truc au fond de la mer, autant être sûr d'avoir de la place."

Regardant à nouveau le plan, Cyrus remarqua que Jess, Morph et lui étaient situés depuis le début dans un anneau circulaire qui faisait le tour de la base et desservait tout un tas de locaux scientifiques, tels que des laboratoires ou des salles d'expérimentations à l'intérieur de l'anneau, ainsi qu'un vaste complexe de bâtiments à l'extérieur, lui-même entouré par un autre anneau, sans doute destiné à un système de transport rapide pour passer d'un endroit à l'autre de la base sous-marine. Il revit la serre au dessus de laquelle Nina avait tiré Jess des griffes de la migraine violente à laquelle il était sujet, l'infirmerie... Entre les deux anneaux, les nombreux bâtiments existaient et étaient certainement utilisables, mais leur fonction n'était pas précisée.

"Bon, cantine, toilettes... ou labos ? se remémora Cyrus."

Ils n'eurent qu'à se regarder pour savoir que la réponse était évidente. Pour être sûr d'être clair, Cyrus explicita tout de même.

"Labo, on est d'accord."

-------------------

"Au vu de la distance qu'on a déjà parcouru, j'estime le diamètre total de l'anneau central à cinq cent mètres. L'anneau périphérique, lui a un diamètre de près de deux kilomètres. Une surface habitable de plus de... calcula t'il... deux kilomètres carré entre les deux. De quoi contenir des milliers de gens. Tu imagines ? Des milliers de gens qui travaillent ici ?"

Jesse griffonnait sans cesse. Nul doute qu'il comptait bien se faire offrir le stylo vu l'usage fréquent qu'il en avait.

"Si c'est mathématiquement possible de loger autant de gens, ce complexe a une importance capitale. Il a du falloir engager des travaux énormes pour créer un truc de cette taille.
-Oui, lut Cyrus, et j'ai la vague impression qu'on est un grain de sable dans le rouage bien huilé de cette cité. Les labos sont là, termina t'il. On a le choix entre... laboratoires biologique et informatique, sachant que seul l'un des deux est ouvert... Oui, donc on n'a pas le choix, inutile de gâcher une feuille pour me faire remarquer ça. Allons rencontrer ce mystérieux Arno."

La salle était remplie de matériel informatique de dernière génération. Au centre trônait un cube massif d'un mètre de haut sur presque le double de large. Cyrus crut rêver en reconnaissant la technologie qu'il utilisait.

"Un générateur d'hologrammes tridimensionnel ! Le nec plus ultra de la simulation dans le cadre des mathématiques appliquées. Tu lui rentre un amas de données et il te représente des trucs aussi divers que les forces s'exerçant sur un pont à haubans, la trajectoire potentielle de tempêtes, le mouvement des plaques en temps réel. Ca coûte les yeux de la tête !"

Jess ne partageait pas cet élan d'admiration pour quelque chose qui, étant éteint, ne ressemblait qu'à un cube lourd et impossible à porter. Mais c'était avant qu'il ne s'allume.

"Monsieur est connaisseur, fit une voix d'homme dont le visage apparut au centre de l'appareil. Je dois admettre que les ordinateurs qui gèrent tout le système sont déjà très impressionnants, mais le système Holograph... C'est le nec plus ultra, comme tu dis."

Se rappelant ses bonnes manières, il ajouta :
"Je peux te demander ton nom ?
-Moi c'est Cyrus, et eux, c'est Jess et Morph rajouta t'il en montrant les intéressés. Ils ne sont pas plus loquaces l'un que l'autre, alors ne leur en voulez pas. Et vous, monsieur l'hologramme ?
-Je m'appelle Arno, je suis le responsable du secteur informatique de l'Arche."

-------------------

Cyrus restait bouche bée. C'était lui Arno ? Ou plutôt, c'était ça ?

"Je suis sensé vous transmettre le bonjour d'Antoine, mais là, je dois avouer que faire face à une machine me déconcerte un peu.
-Une... machine ? Oh on s'est mal compris. Voyez l'Holograph comme une webcam perfectionnée. Je suis bien humain, mais je suis dans "l'arrière-boutique", approchez-vous de la porte au fond de la pièce. Je vais vous ouvrir."

Dans un bruit de joint hermétique, la porte s'ouvrit, laissant apparaître le propriétaire du visage holographique. Arno, Responsable-Informatique-et-Fournitures-Technologiques-à-votre-service-monsieur était en réalité un homme de taille tout à fait moyenne, aux cheveux en bataille et au regard perçant, surmonté d'une paire de lunettes très discrètes, pour compenser sa vue un peu réduite par le nombre d'heures passées à lorgner un écran lumineux.

"Désolé du bazar, mais je travaille sur un nouveau prototype et j'ai quelques problèmes calculatoires qui m'empêchent de finaliser le produit.
-Vous travaillez sur quoi ? demanda poliment Cyrus.
-Des concepts auxquelles tu ne comprendrais sans doute pas grand chose.
-J'ai certaines compétences en informatique, expliqua le garçon. J'ai analysé et décortiqué le virus BlackMaiden l'an dernier. Ca a intéressé certaines banques, car j'ai trouvé la boucle de programme qui permettait de mettre ce virus hors d'état de nuire."

Arno éclata de rire. Ce gamin se moquait de lui.

"Tu plaisantes j'espère ? Le virus était une forteresse imprenable.
-Il suffisait de regarder les lignes de code. La ligne 17345 normalement désactivée, contenait une faute de frappe. Il suffisait de rediriger toutes les actions du virus sur cette ligne de code plantée pour que le virus n'arrive plus à faire quoi que ce soit. Mais je n'aurais jamais eu cette idée si le concepteur avait retiré les lignes de code inutiles ou buguées.
-Je savais bien que j'aurai du les supprimer, jura Arno. Mais il y'en avait tellement que j'ai eu la flemme de me relire.
-Vous voulez dire que...
-Oui, BlackMaiden, c'était moi. Un virus capable de relever toute irrégularité dans un compte et de bloquer instantanément les actions bancaires en faisant planter toute la chaîne de transfert d'argent. Sa propagation à grande échelle aurait du faire effet domino et forcer les policiers à s'intéresser aux comptes piratés, et à découvrir les irrégularités dessus. Je suis son concepteur. Quand je pense que je me suis fait doubler par un gamin.
-Désolé de ne pas avoir su que vous contribuiez à un monde meilleur. Moi qui pensais juste à avoir une bonne note en travaux pratiques d'informatique..."

-------------------

Malgré cette petite anicroche, le courant passa tout de suite mieux entre Cyrus et Arno. Le RIFT venait de trouver un esprit assez affûté pour comprendre son baragouinage informatique.

"Je travaille sur un nouveau système de téléportation à distance, expliqua t'il. Actuellement, quand on n'a pas de Pokémon, il est impossible de se téléporter. J'avais réussi à créer une alternative assez sympa, en permettant un téléport d'extraction, un téléport qui sert à revenir à un point de départ donné en cas d'urgence. Un peu comme un point de sauvegarde.
-Extraction ? Comme ce qu'a utilisé Antoine quand il a quitté le laboratoire de Sorbier sous nos yeux ?
-Exactement, le seul problème est que, comme je l'ai dit, le téléporteur n'a qu'une seule arrivée possible, ici, dans la passerelle d'embarquement de l'Arche.
-L'Arche ?
-Oui, l'Arche de la Nouvelle Alliance. C'est le nom du complexe sous-marin dans lequel vous vous trouvez.
-Désolé, on nous a un peu débarqués comme ça sans trop nous en dire. On n'était pas vraiment prévus dans le plan. Surtout Jess, si j'ai bien compris."

Arno hocha la tête et remonta un peu ses lunettes sur son nez. Il reconnut tout de suite Jess.

"Oh, je crois que je n'aurais peut-être pas du vous en dire autant.
-Il n'a aucun souvenir de l'époque où vous l'avez rencontré, à supposer que ce soit lui. Car comme je l'ai fait remarquer, il n'a pas vingt ans...
-Disons que tu ne sais pas tout. C'est peut-être tant mieux d'ailleurs.
-Ce culte du secret devient désagréable. On nous ordonne de faire tout un tas de choses et en retour on n'a rien que du vent et des portes fermées."

Arno sembla réfléchir un instant au sous-entendus de la phrase. Il avait peut-être été un brin désagréable, à vrai dire.

"Je suis désolé si l'ambiance générale est un peu oppressante, mais depuis...
-depuis la mort de Sorbier, bla bla bla, je connais le discours. Et s'il y'avait une ambiance un peu plus sujette à la confiance réciproque, je pourrais moi aussi vous apprendre certains trucs à son sujet.
-Bon, passons, tu as l'air doué, ça te dit de m'aider à travailler sur un projet secret d'une organisation qui n'existe pas. Histoire de me faire pardonner."

L'oeil de Cyrus pétilla, celui de Jess resta plus pragmatique, comme à son habitude. Ca devenait intéressant.

-------------------

Arno retourna au fond de la pièce, et sortit deux tableaux d'une petite réserve au fond.

"J'ai attaqué de travailler sur le successeur de l'Extracteur il y'a déjà plusieurs mois. Le problème de ce dernier étant qu'il revient toujours au même point. Le but de son successeur, l'Extracteur v2, si j'ose dire, est de permettre un téléport n'importe où à la surface de la Terre. On entre les coordonnées dans l'appareil, on les utilise de suite ou on les garde en mémoire pour pouvoir s'enfuir où on veut au moment où il le faut. Le problème, fit-il en retournant les tableaux, c'est que le système est instable. Et on aimerait éviter des choses du genre téléport au milieu d'un lac de lave, ou téléport d'une moitié du bonhomme. C'est là que vous intervenez."

Il posa les deux tableaux sous le nez de Cyrus et Jess. L'un des deux était recouvert de formules mathématiques, et lignes de code, l'autre était un schéma électronique.

"Un volontaire ? demanda Arno en tendant le stylo aux deux garçons."

Jess n'avait qu'une envie, quitter ce lieu où tout le monde se méfiait de lui. Pourtant, ces équations lui étaient familières. Un projet similaire lui revenait en mémoire. Un des nombreux dossiers qui peuplaient sa mémoire. Cela devait servir au téléport de masse dans le cas d'une attaque éclair sur une zone. L'adapter à un téléporteur individuel ne serait pas un problème. Il attrapa le stylo-feutre des mains d'Arno et corrigea un ou deux chiffres sur le tableau blanc.

"J'y ai pensé, et je sais d'où tu tiens ces calculs. Je les ai moi-même trouvé dans les bases de données de Sento il y'a quelques années, mais l'instabilité ne fait qu'augmenter lorsqu'on augmente la puissance d'entrée, c'est à cause des fluctuations d'énergie.
-Sauf si on la stabilise à l'entrée, reprit Cyrus en s'attaquant au schéma électronique. C'est pour quel type d'alimentation ?
-Pile plate de quelques volts. C'est pour le PokéDevice.
-Dans ce cas, un tout petit condensateur va te..."

-------------------

Plusieurs minutes de plus tard, après un baragouinage incompréhensible, Arno avait pris un tableau supplémentaire pour recopier les nouvelles données et les adapter à son problème. Il entra la simulation dans l'ordinateur, et de nombreuses données incompréhensibles s'affichèrent sur l'écran. Mais vue la tête d'Arno, il y'avait de quoi être content.

"J'y crois pas. En cinq minutes, vous venez de terminer ce que j'ai mis plus de trois mois à comprendre. Si le patron ne vous embauche pas dans son équipe, c'est moi qui vous prend. Il ne reste plus qu'à trouver comment débloquer le PokéDevice. C'est une autre paire de manches.
-Quand je vous disais que je sais certaines choses sur Sorbier, ça vous dit d'en profiter un peu ?
-Tu ne vas pas me dire que...
-Mot de passe: Dévolution."

Dans la pièce, des dizaines de PokéDevice entassées sur un présentoir s'allumèrent et répétèrent en même temps "Code accepté, mode Intégral: Activé." devant un Arno médusé. Quand il reprit la parole, ce fut pour dire une seule chose.

"On va voir la présidence. On ne peut pas te laisser partir comme ça."

Sans leur laisser le temps de reprendre leur souffle, il attrapa le bras de Cyrus et le tira vers le couloir en forme d'anneau. Il allait peut-être accéder plus vite qu'il ne le croyait aux secrets de cette base qu'Arno nommait l'Arche.

"Jess, on y va ?"

Mais Jess restait immobile, trop attiré par le comportement d'Evoli, devenu assez étrange.

"Jess ? Quelque chose ne va pas ?"

Sans comprendre, l'intéressé restait là à essayer de trouver une explication au comportement bizarre du Pokémon. On aurait dit qu'il avait senti quelque chose de mauvais. Le genre de choses qui pouvait faire du mal à son maître. Le genre de choses que seul l'instinct d'un Pokémon pouvait déceler...

-------------------

Le genre de choses qui faisait que Jess venait de s'effondrer par terre, sans aucune raison apparente.