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» Auteur : Astrale - Voir le profil
» Créé le 28/07/2020 à 11:53
» Dernière mise à jour le 31/08/2020 à 18:45

» Mots-clés :   Famille   Kalos   Présence de personnages du jeu vidéo   Slice of life

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Chapitre 3 : Essayer
- 1000 POKÉDOLLARS ???

- C’est cela, chère Demoiselle.

Violette était dépitée. Il était 14h30. Elle s’était levée aux aurores – bien avant sa sœur – et avait marché toute la matinée. Quand elle était arrivée à Illumis – bien moins fréquentée – elle n’avait pas pris l’habituel virage à droite et avait continué sa route jusqu’à la ville de Fort-Vanitas. Après avoir à peine avalé un morceau, elle s’était rendue au Palais Chaydeuvre.

Il se trouvait là, scintillant de mille-feux, à seulement une vingtaine de mètres devant elle, derrière un imposant portail ouvert, comme une invitation. Avec ce drôle de bonhomme guindé à l’entrée qui lui bloquait le passage, les clins d’œil bienveillants du château se transformaient en rictus moqueurs.

- Mais enfin, vous ne pouvez pas… !

- J’ai bien peur que si, chère Demoiselle.

Mais au moment où Violette allait répliquer, le majordome eut une étrange réaction. Sans prévenir, il bascula son torse en avant, et Violette dû reculer pour qu’il ne la percute pas. Sidérée, elle se dit que cet homme avait décidément une drôle de façon d’exprimer son désaccord. Avait-il voulu l’attaquer de cette manière ?

- Dame Abigail la Comtesse, et Monsieur Clotaire le Vicomte. Permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue au Palais Chaydeuvre. Monsieur le Duc et moi-même sommes honorés de vous accueillir.

Il avait prononcé ces mots alors qu’il avait presque le nez à terre. Il avait beau être d’un certain âge, il avait gardé une souplesse impressionnante. Violette se pencha un peu en avant, en se demandant si cet homme n’était tout simplement pas un peu fou. Elle lâcha un cri de douleur lorsque celui-ci se releva précipitamment, et lui percuta son propre nez de plein fouet, cette fois-ci. Le choc fut tel que les larmes lui montèrent instantanément aux yeux. Le majordome, lui, se comportait comme si tout était normal, un sourire d’usage accroché sur les lèvres. En plus d’être souple des articulations, il avait la tête dure !!

Il ne calculait plus du tout Violette, qui se frottait douloureusement le nez. Elle s’aperçut alors que cette extravagante courbette était en fait une sorte de révérence. Une femme d’âge mur, vêtue d’un habit de soie bleu myosotis, ses cheveux gris formant de grosses boucles pas naturelles du tout et le visage peut-être un peu trop maquillé, s’avançait d’un pas lent aux bras d’un jeune homme maniéré, les cheveux noués en catogan et habillé d’un élégant costume bleu marine. Violette aurait tout aussi bien pu être invisible. Sans prononcer un mot, sans lui adresser un regard, les deux personnages continuèrent leur chemin. Et ne s’arrêtèrent pas en passant devant le majordome. Et ne lui donnèrent pas, non plus, les 1000 Pokédollars que Violette ne pouvait pas payer. Elle les regarda s’avancer dans la cour qui, à elle, était interdite d’accès. Le majordome avait recentré son attention sur elle, comme s’il ne s’était rien passé.

- Pourquoi ont-ils le droit de rentrer sans payer, eux ?? s’insurgea Violette.

Le majordome paru profondément choqué par cette demande. Il lui répondit poliment néanmoins.

- Dame Abigail la comtesse et Monsieur Clotaire le Vicomte ont le titre permettant l’accès libre à ce château, chère Demoiselle.

- Le titre ? interrogea Violette.

- Titre de Noblesse. Un tel titre s’obtient par hérédité. Une autre option serait de faire ses preuves en combats Pokémon au Château de Combat. Monsieur Clotaire le Vicomte a acquis le sien de cette manière, chère Demoiselle.

- Avez-vous une quelconque information sur un lieu secret, une architecture particulière, un refuge pour les Pokémon insectes ? demanda soudain Violette dans un même souffle.

Le changement de sujet désarçonna le majordome. De toute évidence, il perdait contenance dès que la conversation s’éloignait des habituelles politesses qu’il adressait aux Comtes, Vicomtes et autres trucs dans ce genre-là.

- J-Je… Je n’ai point connaissance d’un tel lieu…

Il s’épongea le front avec un mouchoir de poche.

- … Chère Demoiselle.

- Où puis-je trouver ce Château de Combat ?

Le vieux majordome semblait de plus en plus mal à l’aise

- Vous ?

- Moi ?

Il s’épongea de nouveau le front.

- Je veux dire… Le Château de Combat est habitué à une fréquentation plus… enfin… Monsieur Clotaire le Vi…

- Vous n’avez qu’à me dire où je peux trouver ce château, je me ferais ensuite ma propre idée. Le coupa Violette, sa bouche s’étirant en un sourire qu’elle voulut aimable.

- Sur la Route 7. Vous la trouverez après avoir traversé la Route 6. Chère Demoiselle.

- Je vous remercie. Cher Monsieur !

Elle lui sourit de toutes ses dents, et retourna en direction de Fort-Vanitas.

- Prêt à en découdre Arakdo ?
Le petit patineur bleu qui s’était fait discret jusqu’à lors bondit de son épaule et s’enfuit en avant.

- Ahah, tu penses vraiment pouvoir me distancer à la course ?

Et elle s’élança à la suite de son Pokémon, sous le regard incrédule du vieux majordome resté en retrait près de son portail.

Violette ne savait pas trop ce qui l’attendait au Château de Combat, mais une chose était sûre, elle avait toujours été assez douée en combat Pokémon. Pas autant qu’Alexia, bien-sûr. Mais Arakdo et elle gagnaient toujours face aux autres enfants de Neuvartault, et même contre certains dresseurs qui avaient débuté leur voyage initiatique à Bourg-Croquis comme le voulait la tradition. La rapidité du Arakdo surprenait toujours ses adversaires, et elle pouvait ainsi prendre l’avantage.

Et, surtout, elle ne voyait en quoi ce Clotruc de Vicomte pouvait être plus fort qu’elle. Cela se saurait si se pavaner étriqué dans un costard rendait meilleur en combat Pokémon.

Ce fut donc d’un pas léger qu’elle pris la route du Château de Combat.

Le Route 6, aussi nommée Allée du Château, était un petit sentier bordé d’arbres très agréable à pratiquer. Les rayons de soleil qui réussissaient à passer au travers de l’épais manteau vert retranscrivaient une ambiance proche de celle de la forêt de Neuvartault. Violette se sentie tout d’un coup assommé sous un envahissant sentiment de mélancolie. Au cours de ces deux dernières années, sa sœur avait plusieurs fois essayé de la dissuader d’entreprendre le métier de journaliste. Violette avait beau eu feindre la surdité, elle n’était pas stupide. Alexia lui avait parlé d’autres métiers qui pourraient lui convenir. Photographe d’Art. Photographe Pokémon. Photographe d’Illustration. Même si sa sœur avait eu l’impression de s’adresser à un mur sur le moment, Violette avait attentivement écouté chacune de ses suggestions. Mais tous ces métiers manquaient résolument de saveur aux yeux de Violette. Elle aimait la photographie, mais elle aimait aussi l’aventure, l’adrénaline, le partage. Voilà pourquoi, elle était convaincue de pouvoir s’épanouir en tant que photographe-reporter. Alors pourquoi n’avait-elle pas été capable de déclencher cette foutue gâchette la vieille ? Il lui aurait fallu d’une seule photographie bien cadrée… Elle aurait ensuite pu aider Lem. Et personne ne lui en aurait voulu. Personne n’en aurait rien su.

Elle sourit en apercevant un Fouinette offrir une moitié de sa baie Oran à un petit Mystherbe pleurnichard sur le bas-côté de la route. Malgré son besoin d’aventure, elle ne pouvait s’empêcher d’adorer ces petits moments de grâce, où on lui donnait la divine opportunité de capturer un cliché dans l’intimité de la vie des Pokémon sauvages. Elle dirigea par réflexe ses mains devant elle, et sentit le poids de l’appareil photo qui était à sa bonne place. Ses mains se mirent à trembler. Des tremblements incontrôlables, inexplicables. L’espace d’un clignement de paupière, elle se revit, debout, chancelante, devant cette tour en proie à la destruction et à la douleur. Elle s’affaissa par terre, et prit la tête dans ses mains. Les petits Pokémon, alertés par le bruit de sa chute, disparurent dans les hautes herbes dans un bruissement sonore.

Elle resta longtemps ainsi, assise, la tête entre les genoux. Une légère brise la faisait frissonner par moment. Arakdo s’était lové sur son épaule, sensible à l’émotion qui avait envahi Violette. Elle n’avait plus vraiment la notion du temps qui passe. Elle savait ce que se relever impliquait. Reprendre le chemin de la maison. Passer tout près de l’Edition d’Illumis où elle n’avait plus ses entrées. Et affronter le regard déçu de sa sœur. Rester là était bien plus confortable.

Elle fut néanmoins contrainte de relever la tête lorsqu’un cri plaintif se fit entendre, faisant sursauter le Arakdo à moitié endormi par la même occasion. Aussitôt tournait-t-elle la tête dans la direction du cri, qu’elle plissa les yeux, éblouie par l’agression soudaine de lumière du jour. Elle ne les plissa pas trop longtemps cependant, tant le spectacle qui s’offrait à elle était singulier. Un homme, très grand et filiforme, les cheveux de la couleur du feu, vêtu d’une étrange combinaison blanche qu’on croirait tout droit sortie du téléfilm Ratentif l’Astronaute, courait à en perdre haleine de l’autre côté des hautes herbes. Il levait très haut les genoux, avait les yeux exorbités, le souffle court et le visage déformé par la peur. Et le tableau aurait pu déjà paraître suffisamment extravagant comme ça, s’il n’y avait pas eu les Teddiursa. Une dizaine de petits Pokémon, hauts comme trois baies Oran, pourvus d’une paire d’oreilles et d’un pelage de la couleur du miel, poursuivaient l’homme terrifié d’un air avide.

Violette ne perdit pas une seconde pour se lancer à leur poursuite. Elle ne put néanmoins s’empêcher de penser qu’un photographe-reporter digne de ce nom aurait saisi l’occasion de dégainer son appareil photo pour illustrer un fait divers pour le moins… comique.

En coupant à travers les hautes herbes, elle pouvait à présent percevoir le souffle haletant de l’homme à mesure qu’elle se rapprochait de lui. Elle put ainsi constater qu’il tenait bien fermement dans ces bras une sorte de sceau en bois.

- Vas-y Arakdo, utilise Buée Noire !

Un lourd brouillard noir s’abattit à mi-chemin entre les Teddiursa et le fuyard. Violette bondit en avant, attrapa le bras de l’Homme qui poussa un cri strident, et le tira jusqu’au sous-bois, en contrebas. Un regard en arrière lui indiqua que les Teddiursa, nageant toujours dans l’épais brouillard, avaient perdu leur trace. Elle avait pensé qu’il était mieux d’agir de cette façon plutôt que de les attaquer directement. Surtout si le fuyard se révélait être en fait un voleur.

Pendant que l’homme reprenait son souffle bruyamment, le visage déformé par l’effort, Violette l’observa plus attentivement. Du front jusqu’au menton, sa peau était parsemée de tache de rousseurs. Ses yeux, très arrondis et légèrement tombants, lui donnaient un air mal réveillé. Il avait aussi les oreilles légèrement décollées qui se détachaient de ses cheveux roux presque rouge. Violette, pour qui le physique avait toujours été quelque chose d’assez superficiel, avait néanmoins remarqué ces petits détails qui lui donnaient un peu un air de Flamajou, un Pokémon de type feu assez courant dans la forêt de Neuvartault. Et cette analogie lui attisa spontanément une certaine sympathie pour le jeune homme.

- M-merci ! Haleta-t-il, toujours à bout de souffle.

- Je t’en prie, répondit Violette dans un sourire.

Il se redressa et tous deux se regardèrent, soudain gênés.

- Que faisais-tu pour que ces Teddiursa te poursuivent ainsi ?

- Ahah oui ça… Répondit-il maladroitement en détournant le regard. Je suis apiculteur. Enfin, mon père te dirait que je suis plus éleveur qu’apiculteur, puisque je suis incapable de récolter le miel convenablement…

Et il lui tendit le précieux sceau qu’il avait eu tant de mal à protéger. A l’intérieur, il y avait une substance consistante d’une magnifique couleur dorée, limpide. C’était du miel. Violette pouvait sentir l’arôme sucré se dégager de la douce mixture, lui réveillant l’estomac. Elle comprenait mieux, pour la tenue d’astronaute.

- Tu élèves des Apitrini ? lui demanda-t-elle, la curiosité piquée au vif.

- Oui. Répondit-il timidement.

Il n’était pas très bavard celui-là. Alors qu’un blanc désagréable commençait à s’installer, le garçon parut fournir un effort supplémentaire pour lui demander :

- E-et toi, que fais-tu par ici ?

- Je… Je suis photographe. Répondit-elle malgré elle.

Soudain, elle se rappela ce qu’elle était venue chercher. Cet homme connaissait certainement bien la région. Probablement y avait-il toujours vécu.

- Aurais-tu entendu parler d’un… d’une sorte de refuge pour les Pokémon insectes ? Une structure naturelle immense où ils pourraient peut-être… s’abriter ?

A force de poser la question, elle en venait à douter petit à petit de l’existence d’un tel lieu. Et si Kaï s’était joué d’elle ?

A sa grande surprise, le garçon à l’allure de Flamajou répondit presque du tac au tac :

- Je ne sais pas si c’est de ça dont tu parles… J’ai entendu parler d’un lieu qui pourrait peut-être correspondre… Enfin je n’en suis pas sûr…

- Dis toujours, répondit Violette, légèrement agacée de son hésitation constante.

- Grand-Papi me parlait d’un endroit, à proximité de la Laie de Romant-sous-bois, qu’il aurait découvert alors qu’il cherchait à établir de nouvelles ruches. Il s’agirait d’une ruche naturelle aux proportions extraordinaires. Il m’a raconté que là-bas, l’Apireine et les Apitrini ont développé un fort lien avec les Pokémon environnants. Une sorte d’échange réciproque. Il m’a toujours décrit un lieu merveilleux et enchanteur au cœur d’une forêt sauvage.

Il s’arrêta un instant, comme perdu dans ses pensées. Quand il sembla s’apercevoir que Violette était toujours là, il ajouta précipitamment :

- Mais mon père m’a toujours dit que ce n’étaient que des histoires pour me faire dormir.

Et il haussa les épaules, navré.

- Mais pourtant, toi, tu y crois n’est-ce pas ? Tu penses vraiment qu’un tel lieu existe ?

- Je… Oui. Oui j’imagine que j’ai plutôt envie d’y croire.

- Pourquoi n’as-tu jamais tenté de le retrouver ?

Soudain, une branche craqua. Le garçon tomba alors à la renverse, en poussant un cri suraigu, cherchant l’origine de ce bruit.

- Tout va bien, déclara Violette, ce ne sont que quelques Passerouge qui s’envolent !

Le souffle de l’homme s’était de nouveau fait court et rapide. Il avait toujours les yeux exorbités dans la direction du bruit. Après quelques minutes, lorsqu’il finit par se convaincre complétement qu’il n’avait rien à craindre, il prit une grande inspiration et baissa les yeux.

- Si je n’ai jamais cherché à retrouver la trace de ces ruches perdues, c’est simplement parce que je ne suis qu’un roucool mouillé…

Sans qu’elle ne sache trop pourquoi, Violette se sentit envahir par une vague de compassion envers ce garçon, avachi sur le sol, dont elle ne connaissait toujours pas le nom.

- Comment tu t’appelles ? lui demanda-t-elle avec douceur.

- Anton.

- Viens Anton, je vais t’accompagner jusqu’à chez toi. Comme ça, les Teddiursa ne risqueront pas de revenir ! Sinon, Arakdo sera là, et ce sera leur fête cette fois-ci !

Anton sourit faiblement en signe de remerciement et ils prirent la route. Ils discutèrent gaiement en chemin. Anton semblait rassuré par la présence du petit Arakdo qui lui avait déjà sauvé la mise une fois.

Quelques centaines de mètres plus loin, les yeux de Violette s’arrondirent face au paysage qui s’offrait à elle. Une dizaine de petits chalets végétalisés, d’une taille raisonnable, se succédaient. Le terrain, ombragé par de grands platanes, étaient couverts de fleurs diverses et variées. Un petit ruisseau zigzaguait entre les fleurs. On aurait pu croire que les chalets étaient des habitations pour les Hommes s’il n’y avait pas eu les Apitrini. Des centaines de Pokémon hexagonaux pourvus de trois petites têtes souriantes, parcouraient la plaine et batifolaient entre les chalets. En observant ceux-ci plus attentivement, on se rendait compte qu’ils n’avaient pas la disposition habituelle qu’on retrouvait dans toute construction destinée à l’habitation humaine. Même s’ils en avaient la forme caractéristique avec quatre murs et un toit, il n’y avait pas de fenêtres, et la « porte » se résumait à une large fente horizontale. Violette s’aperçut également que les structures étaient montées sur quatre larges pilotis qui reposaient sur le sol.

- Ce sont nos ruches, expliqua Anton, non sans une certaine fierté dans la voix.

- C’est magnifique, murmura Violette.

Instinctivement, ses mains se portèrent jusqu’à effleurer l’appareil photo. Lorsqu’elle le prit en mains, ses doigts, puis ses mains toutes entières furent parcourues de tremblements incontrôlables. Elle voulut resserrer son emprise, cherchant à reprendre le contrôle d’elle-même. Mais la sensation d’angoisse l’envahit tout à fait.

- Je n’y arrive pas…

Ces mots avaient traversé ses lèvres à l’instant même où ils s’étaient matérialisés dans son esprit.

Une main, un peu gauche, lui effleura l’épaule. Abasourdie, elle tourna la tête. Anton la regardait. Elle pouvait lire dans ses yeux une profonde bienveillance. Il balayait son regard entre Violette et l’appareil qu’elle tenait entre ses mains tremblantes.

- On a tous peur de quelque chose.

Violette redressa la tête et perdit son regard dans le paysage qui s’offrait à elle. La brise légère qui balayait l’herbe et les fleurs. Le ruisseau qui s’écoulait inlassablement, sans se poser de questions. La douce dance des Apitrini. Les couleurs, si nombreuses et pourtant si harmonieuses. Tout ce qu’elle percevait dans ce paysage, c’était la délicatesse, la tendresse, l’alégresse.

- J’ai envie de retranscrire toutes ces sensations en images. Chuchota-elle.

Ses mains tremblaient toujours. Mais sa volonté était plus forte. Elle porta l’appareil jusqu’à son visage. Elle s’efforça de retrouver au plus proche l’ambiance qui l’entourait dans son objectif. De s’en imprégner tout entière. De ne plus penser à rien d’autre.

Clic – Le son résonna dans son être et se rependit dans sa gorge comme un lait chaud parfumé au miel. Ses mains ne tremblaient plus. Elle avait réussi.

En tournant à nouveau la tête en direction d’Anton, le sourire aux lèvres, elle surprit une étrange lueur dans ses yeux qu’elle ne fut pas capable d’interpréter. Elle n’eut pas le temps de s’interroger davantage. L’essaim d’Apitrini s’était aperçu de leur présence et se rapprochait d’eux dangereusement. Elle s’apprêter à demander à Arakdo d’intervenir, mais elle finit par remarquer qu’Anton n’avait pas peur du tout. Au contraire, il courait à leur rencontre, et il finit bientôt encerclé par l’attroupement, si bien qu’elle ne pouvait même plus le distinguer dans toute cette masse grouillante. Elle l’entendit rire et saluer un par un les Apitrini qui possédaient tous leur propre surnom de toute évidence. Elle eut un sourire inconscient en pensant à Alexia, sa sœur qui avait la phobie des Pokémon insectes volants. « On a tous peur de quelque chose. »

Quelques minutes plus tard, Anton, dans son élément, entreprit de lui faire visiter l’une des ruches. C’était une mécanique très complexe. Les ruches étaient pourvues d’une pièce unique, cloisonnée par des rangées et des rangées de hauts murs de bois, jusqu’au plafond. Le sol était composé d’un grillage rigide. On pouvait voir le sol nu à travers, et sentir l’air frais venir chatouiller les chevilles. Sur les murs de bois étaient disposés des centaines de petits hexagones imbriqués, formant un mur alvéolaire. Lorsqu’Anton lui suggéra d’examiner plus en détails la nature des alvéoles, ce fut au tour de Violette de laisser échapper un petit cri et d’avoir un mouvement de recul. L’alvéole était pourvue de deux petits yeux noirs et d’un sourire ingénu. Anton se moqua gentiment d’elle, et elle comprit pourquoi. Dans l’obscurité ambiante, elle n’avait pas remarqué que le mur alvéolaire était en formé de centaines d’Apitrini accolés les uns aux autres. De toute évidence, son cri avait réveillé la ruche, et elle se vit assaillie sous le poids de centaines de pairs de petits yeux noirs et de sourires un peu simplets. Anton, qui n’avait pas arrêter de pouffer de rire à côté, se stoppa net en pensant l’avoir effrayée, ou pire, vexée. Il sourit alors avec soulagement lorsque Violette se mit à rire de bon cœur et entamer un concours de grimace avec les trois petits visages en face d’elle.

Ils passèrent encore un moment à arpenter chaque rangée. Violette et Anton n’avaient plus vraiment conscience de la notion du temps qui passe. Anton s’était totalement transformé depuis leur rencontre. Il ne bégayait presque plus et parlait avec passion de son métier et de son amour pour ses ruches. Il lui expliqua que la seule chose qui le mettait mal à l’aise, c’était le moment où il devait récupérer le miel excédent et l’apporter jusqu’à la grange, à 500 mètres de là. Le plus souvent, c’était son père qui s’en chargeait – trop excédé par la maladresse de son fils – mais celui-ci était absent aujourd’hui pour amener la dernière récolte jusqu’à Illumis, où elle allait pouvoir être expédiée et vendue dans les quatre coins de la région. C’était ainsi que, cet après-midi, à mi-chemin, il s’était fait assaillir par une horde de Teddiursa affamés. Ce sceau était le dernier qu’il avait pu sauver. Violette put percevoir toute la détresse dans ses yeux lorsqu’il pensa à la réaction qu’aurait son père lorsqu’il rentrerait. Dans la description qu’il en fit, Violette comprit que celui-ci était un homme dur et exigeant, qui avait plutôt tendance à critiquer les moindres faits et gestes de son fils.

Anton était en train de montrer et d’expliquer à Violette le rôle de l’unique Apireine dans la ruche lorsqu’elle aperçut un Pokémon volant étranger à la ruche qui lui était pourtant familier. C’était un Sonistrelle. Face à cet élément perturbateur, le murmure tranquille de la ruche se fit plus pressant. Plus grondant.

- Que… ? s’alarma instantanément Anton.

- Je connais ce Pokémon, déclara Violette, le ton anxieux.

Le bourdonnement de la ruche commençait à devenir assourdissant.
Que faisait-elle ici ?

- Il faut sortir d’ici immédiatement !

Elle sentit le souffle d’Anton s’accélérer instantanément. Les sourires des Apitrini s’étaient inversés. Ils étaient maintenant perçus comme une menace pour la ruche.

Ils prirent leurs jambes à leur cou et se dirigèrent en direction de la sortie.

- B-boucher en-entrée !!

La respiration d’Anton s’était faite tellement rapide qu’il n’arrivait plus à articuler convenablement. Sur un signe qu’il fit de la main, Violette se précipita dehors, attendit qu’il soit passé, et tira de toutes ces forces sur la porte coulissante qui se fermait verticalement.

Crac ! La porte claqua contre le sol. On percevait encore l’inquiétant bourdonnement de l’autre côté du mur. Anton, le visage aussi rouge que la teinte de ses cheveux, activa un levier qui eut pour effet de répandre une brume légère et parfumée dans le crépuscule tombant autour d’eux. Violette, habituée à côtoyer les Pokémon insectes, reconnu l’odeur caractéristique de la capacité Doux Parfum. Le bourdonnement se tut presque instantanément. Elle vit alors le Sonistrelle, l’élément perturbateur, passer tout près d’elle et continuer sa course à travers le champ pour rejoindre sa dresseuse. Au loin, se tenait la dernière personne qu’elle s’était attendu à voir ici, à seulement quelques mètres d’une ruche pleines de bêbêtes aériennes au milieu de nulle part.

- Qui-est-ce ? s’inquiéta Anton, encore un peu essoufflé.

- Ma sœur.

Etant donné la répugnance qu’elle avait pour les Pokémon insectes pourvues d’ailes, Alexia ne s’approcha pas davantage. Surement la mine de Violette en disait long, car Anton ne posa pas plus de questions. Ils s’avancèrent à sa rencontre. Au moment où ils arrivèrent suffisamment, Alexia commença ses remontrances.

- Hier tu manques de te faire tuer… Aujourd’hui tu fugues… Dis-moi, qu’ai-je fait pour que tu n’en fasses à ce point qu’à ta tête ?

Sa voix se brisa.
Contrairement à ce que Violette s’était attendue, elle n’hurla pas de colère. Son ton était calme mais elle semblait désabusée. Profondément déçue. C’était encore pire que ce qu’elle avait imaginé.

- Je n’ai pas fugué, je… balbutia Violette.

- Ah oui pardon, tu te lances dans la quête d’un lieu imaginaire dont tu sais très bien qu’il n’existe pas ! Répliqua Alexia d’un ton amer.

- Ça existe ! Commença-t-elle. Anton, il m’a…

Elle esquissa un mouvement vers Anton qui se tenait toujours à côté d’elle, l’air penaud.

- Mais attends… s’interrompit-elle soudain. Comment sais-tu que … ?

La colère commençait à transparaître réellement dans l’attitude d’Alexia qui leva les yeux au ciel.

- A ton avis, comment ai-je pu te retrouver ? Quand je me suis réveillée, j’ai cru que tu étais déjà partie aux bureaux l’Edition d’Illumis pour essayer de te racheter. Ce que n’importe qu’elle personne NORMALE aurait fait ! Qu’elle a donc était ma STUPEUR lorsque je me suis rendue compte que tu n’y étais pas, et que tu n’y avais jamais été !! Après quelques minutes à me ridiculiser à te chercher dans toutes les armoires des bureaux, Kaï a finalement eu l’INCROYABLE bonté de me dire que tu étais partie à la recherche de cet HYPOTHETIQUE refuge !! Le majordome du Palais Chaydeuvre m’a dit avoir croisé, je cite « une demoiselle ECERVELEE » et Sonistrelle a fait le reste !

- Il existe… tenta Violette.

Mais Alexia était en proie à une telle fureur que rien ne semblait pouvoir réussir à l’interrompre.

- Bien sûr, il ne t’est pas venu à l’idée que Kaï s’était tout bonnement foutu de toi, et qu’il avait simplement voulu t’écarter ??

- Kaï ?? Quoi, mais… m’écarter ?

Violette ne comprenait plus.

- M’écarter de quoi ? se défendit-elle. Ça n’a aucun sens !

- T’écarter de la scène médiatique ! Les journaux te cherchent partout pour avoir ton interview ! Ils veulent que tu leur racontes comment tu es venue à bout de la fureur de l’Igualta !

- Mais comment savent-ils que c’est moi ?

Lem.
C’était Lem qui devait avoir révélé que c’était elle qui était à l’origine de la couverture en toile.
Mais alors… Pourquoi ?...

- Kaï m’a menti ?...

Cette pensée lui procura comme un coup de poing dans le ventre.

- Tu es beaucoup trop naïve Violette, confirma sa sœur. La plupart des gens n’agissent pas par passion, ou par grandeur d’âme, comme toi. Ils agissent par intérêt.

Devant la mine déconfite de sa petite sœur, son ton se radoucit.

- Aller, viens, nous allons rentrer. Rachel est impatiente de te voir et de t’interviewer en exclusivité. Je suis sûre qu’elle oubliera ce qu’il s’est passé hier.

Violette prit un instant pour fermer les yeux. Elle n’y voyait plus très clair. Rachel voulait l’interviewer. Elle avait l’opportunité inespérée réparer sa bavure. Mais pourtant…

- Non, je ne rentre pas.

- P-pardon ?

Violette elle-même tituba sous le poids de sa propre témérité.

- Je ne rentre pas… Répéta-t-elle, un peu moins sûre d’elle néanmoins.

Elle se tourna vers Anton en quête de réconfort. Anton, qui était toujours là, raide et inerte, semblait vouloir disparaître sous terre.

- Je te présente Anton. Son grand-père lui a parlé d’un lieu… Une ruche naturelle, perdue à proximité de la Laie de Romant-sous-bois. Et …

Anton ne prononçait toujours pas un mot, angoissé d’être mêlé à une telle conversation. Il ne semblait plus vouloir se fondre dans le sol mais plutôt prendre les jambes à son cou. Lorsque Violette se rendit compte qu’il ne lui serait d’aucune aide, elle déclara :

- Lui et moi, nous allons partir à la recherche des ruches perdues.

- HEIN ??!

Violette fusilla Anton du regard qui venait enfin de s’exprimer, mais pas de la manière qu’elle aurait souhaitée.

- Tu veux retrouver ces ruches, OUI ou NON ?

Anton se déroba sous le regard de braise que lui lançait Violette.

- Euuuh oui enfin je…

La fin de sa phrase fut inaudible, mais Violette eut l’impression de comprendre quelque chose comme « je ne veux pas d’ennuis ».

- Mais enfin, Violette… Commença Alexia.

- Mon choix est fait, tu n’as qu’à partir si tu n’es pas contente !

Et elle croisa les bras, comme pour signaler que sa décision était prise et que la discussion était close. Un gamin en plein caprice n’aurait pas eu une autre réaction.

Alexia soupira.

- Très bien. Puisque tu t’obstines à vouloir foncer dans le mur, allons-y jusqu’au bout ! Je vous accompagne.

- QUOI ??!

Dans la surprise que lui conféra cette déclaration, elle oublia qu’Alexia détestait qu’elle employât ce genre d’interjections jugées malpolies.

- Je veux dire… Tu es sûre ?

- Tu crois vraiment que je te laisserais repartir seule ? Aller, on y va, souffla-t-elle entre ses dents, comme si elle ne voulait pas perdre une seconde de plus. J’ai pris avec moi nos deux sacs de couchage au cas où, on pourra se poser pour la nuit.