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Je deviendrai de Astrale



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» Auteur : Astrale - Voir le profil
» Créé le 21/07/2020 à 10:55
» Dernière mise à jour le 31/08/2020 à 18:43

» Mots-clés :   Famille   Kalos   Présence de personnages du jeu vidéo   Slice of life

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Chapitre 1 : Identité
Je deviendrai maître de la Ligue !

Je deviendrai exploratrice !

Je deviendrai coiffeuse !

Je deviendrai écrivaine !

Je deviendrai professeure !

Je deviendrai chanteuse !

Je deviendrai chercheure !

Je deviendrai infirmière !

Ainsi était Violette. Enfant toujours curieux et très enthousiaste, il lui arrivait de clamer à toute heure de la journée et sans préambule sa phrase fétiche « je deviendrai [insérer ici n’importe quel métier] ». Cette manie avait particulièrement le don d’agacer sa sœur ainée de quatre ans, Alexia. A l’exacte opposé de sa sœur, Alexia, très réfléchie et scolaire, avait toujours su ce qu’elle voulait devenir, et ce, sans avoir besoin de le hurler tous les quatre matins à la manière de sa frivole de sœur. Alexia voulait devenir journaliste. Et c’est ce qu’elle devint.

Vous imaginez donc sans nul doute l’agacement extrême dont fut saisie Alexia, lorsque le lendemain de son premier jour en tant que journaliste-reporter pour l’Edition d’Illumis, Violette s’écria à pleins poumons :

- Je deviendrai journaliste !

Refusant d’entendre le soupir exaspéré que poussait Alexia, Violette planta sa mine réjouie à seulement quelques centimètres du nez de sa sœur.

- On pourra travailler ensemble comme ça ! Ajouta-t-elle.

Les yeux verts de Violette se plantèrent dans ceux d’Alexia qui étaient presque semblables quoique d’une teinte un peu moins vive. Les deux sœurs, malgré leurs différences de caractère se ressemblaient beaucoup physiquement. Elles faisaient approximativement la même taille, et leurs traits du visage se confondaient presque tout à fait. Elles avaient la même texture de cheveux, épais et bouffants, à la différence que Violette était blonde et Alexia brune. Pourtant, tout dans leur attitude différait. Violette, décontractée et toujours au naturel portait habituellement de petits débardeurs laissant totale liberté de mouvement, et des pantalons remplis de poches, elles-mêmes débordant de toutes les bricoles qui lui tombaient sous la main. Toujours accompagnée d’un appareil photo, il n’était pas rare de la retrouver dans des positions burlesques, se contorsionnant pour réussir à capturer le cliché voulu dont elle seule pouvait trouver un quelconque intérêt. Au contraire, l’attitude d’Alexia reflétait sérieux et professionnalisme. Toujours droite, la tête haute, elle souriait sans montrer ses dents, et sa chemise était toujours impeccablement repassée.

Alexia la considéra d’un regard dur. De toute évidence, elle ne la prenait pas au sérieux.

- Journaliste. C’est ça, ta dernière lubie ?

- Non, je suis sérieuse ! répliqua sa sœur, sans se départir de son sourire qui lui donnait un air pas sérieux du tout.

- Non, justement tu ne l’es pas ! intervint Alexia. Tu ne sais même pas en quoi ça consiste !

Violette prit une expression rêveuse. Alexia qui ne parlait pas beaucoup habituellement avait fait tout le récit de sa première journée à table la veille. Elle avait expliqué qu’on allait lui confier des missions dangereuses, où elle allait devoir se rendre sur le terrain au cœur des conflits, accompagnée de Pokémon garde du corps très puissants au cas où on essaierait de s’en prendre aux journalistes. Pendant toute la nuit, Violette s’était imaginé le regard fier et lointain au cœur des combats les plus redoutables, entourée de deux énormes Mackogneur à l’aspect féroce

- Ça a l’air super quand tu en parles ! répliqua-t-elle soudain.

Alexia eu un nouveau soupir. D’un ton las elle répondit :

- C’est toujours pareil avec toi, tu fonces tête baissée dans tes nouvelles idées, sans jamais prendre le temps de les explorer, sans jamais essayer de développer les choses.

- J’aime bien prendre des photos, la coupa Violette, je pourrais devenir photographe-reporter !

L’excitation que lui procurait cette idée la faisait sautiller sur place.

- On en reparle dans quelques jours, s’agaça Alexia devant le comportement puéril de sa petite sœur. Je parie que tu auras changé d’idée dans même pas une heure !

Et elle mit fin à la conversation.

Pourtant, quelques jours plus tard, Violette n’avait pas changé d’avis. D’ailleurs, un mois plus tard non plus, pas même que 2 ans après cette conversation. Les habituels « Je deviendrai … » avaient cessé.

Au contraire, Violette était tellement déterminée qu’on ne la voyait presque plus à la maison pendant la journée. Accompagnée de son meilleur ami, un petit Arakdo vif et joueur, elle passait ses journées à parcourir la forêt de Neuvartault armée de son fidèle appareil photo. Cette forêt, aux abords de la ville de Neuvartault où se trouvait la maison de Violette, était très appréciée des Pokémon insectes. La lumière du soleil, filtrée par les arbres caducs, donnait une atmosphère très particulière aux lieux, comme chaleureuse. Chaque soir, Violette s’enfermait plusieurs heures dans sa chambre plongée dans le noir et transformée en studio de tirage, où elle développait les photographies prises le jour même. Sans se départir de son habituel enthousiasme, elle passait ensuite des heures à afficher ses meilleurs clichés sous le nez de qui avait le malheur de se trouver dans la maison. Et cela tombait souvent sur Alexia, étant la personne que Violette avait le plus à cœur d’impressionner. Même si son comportement était toujours aussi agaçant aux yeux d’Alexia, elle était quand même obligée d’admettre que sa petite sœur s’améliorait de jour en jour et que certaines photos se révélaient vraiment qualitatives et inspirées. Il y avait encore un certain progrès à accomplir évidement, ce que ne manquait pas de faire remarquer Alexia. Beaucoup de ses photos ne conviendraient pas au milieu du journalisme, elles restaient bien trop abstraites (Violette préférait le terme « artistique ») pour informer les gens, qui préféreront des images concrètes, réelles, figuratives, informatives. Alexia formulait ce conseil à chaque fois que Violette lui présentait son travail si bien qu’elle se mit à sélectionner les photographies qui étaient suffisamment « journalistiques » quand elle les montrait à sa sœur, et gardait les autres pour elle.

Ainsi, un beau jour, Alexia proposa à contre-cœur à sa petite sœur de l’accompagner jusqu’à Illumis où étaient situés les bureaux de l’Edition d’Illumis, l’endroit où elle-même travaillait en tant que journaliste-reporter. Jusqu’à maintenant, elle avait fourni un travail irréprochable, et espérait bientôt pouvoir être promue. Elle avait peur que le comportement insupportable de sa petite sœur ne lui fasse de l’ombre. Mais Violette ne semblait pas remarquer la mine renfrognée de sa sœur ainée. Son appareil photo en bandoulière reposant fièrement autour de son cou, les poches de son pantalon pleines à craquer, elle semblait plus enthousiaste et guillerette que jamais. Elle parcourait la Route 4 en s’émerveillant de tout ce qu’il y avait autour d’elle, chaque fleur, chaque petit Apitrini occupé à les butiner, chaque bruissement dans l’herbe, comme si c’était la première fois qu’elle venait. Pourtant, les deux sœurs avaient passé énormément de temps avec les autres enfants du village à jouer à cache-cache dans les labyrinthes de haies qui s’y étendaient. L’espace environnant semblait fait pour qu’Alexia se sente à l’aise. Tout était ordonné, calme et structuré. Les labyrinthes de haies étaient taillés avec soin, et la symétrie de part et d’autre du chemin était parfaite. A mi-chemin, une magnifique fontaine couleur perle semblait les appeler à se rafraichir. Deux petits Passerouge se désaltéraient sur le bord.

L’appareil photo de Violette émit un petit bruit. Clic – elle venait d’immortaliser le moment de détente des deux Pokémon sous le soleil déjà brulant du petit matin. Passé la fontaine, le décor changea du tout au tout. On commençait à apercevoir les imposants bâtiments de la ville. Au-dessus de cette masse de ferraille et de béton, des volutes de fumés s’élevaient, se fondant dans un ciel qui n’était plus tout à fait bleu et commençait déjà à tirer sur le gris. A mesures qu’elles avançaient, on pouvait apercevoir le sommet de la tour prismatique qui contrastait par son éclat blanc, reflétant la lumière du soleil. Violette fixa le haut de la tour avec envie. Sans la quitter des yeux elle demanda :

- Qu’est-ce qu’il y a tout là-haut à ton avis ?

- Une arène Pokémon, répondit sa sœur d’un ton neutre, désintéressé.

- Whaaa c’est cool ! s’enthousiasma Violette.

Mais Alexia ne répondit pas.

Elles atteignirent bientôt la Porte 4 qui permettait d’accéder à la ville. En passant de l’autre côté, elles se retrouvèrent sur la grande rue Méridionale qui partait en arc de cercle de chaque côté. La ville était conçue en cercle concentrique autour de la tour prismatique qui servait de symbole. Les passants, pressés de rejoindre leurs bureaux, allaient et venaient de toute part sur les trottoirs, et les plus hardis s’aventuraient même sur la route où se croisaient les taxis, les Navettes Cabriolaine et les personnes à rollers. Sans s’arrêter une seconde devant ce brusque changement d’ambiance, Alexia entraîna sa petite sœur sur la gauche. Elles passèrent devant de nombreux bureaux, cafés et coiffeurs. Violette aurait voulu s’arrêter quelques minutes au laboratoire Pokémon dont la façade se distinguait du reste des bâtiments par son style ancien, ses pierres apparentes et l’encadrement vert des fenêtres, mais sa sœur continuait inlassablement de jouer des coudes pour se faufiler dans la foule grouillante. Violette connaissait bien le Professeur Platane qui y travaillait. Elle lui avait fourni plusieurs photos d’évolution qu’elle avait réussi à capturer dans la forêt de Neuvartault. Il lui avait expliqué que les Pokémon insectes avait un cycle d’évolution très rapide, et lui avait prêté plusieurs livres sur le sujet. Elle qui n’avait jamais beaucoup aimé lire avait dévoré ceux-ci.

Sans crier gare, Alexia prit un virage à droite et Violette dut se mettre à courir pour rester à sa hauteur. La rue était beaucoup moins fréquentée, et on distinguait au fond la tour prismatique qui s’élevait gracieusement de toute sa hauteur. Violette eu juste le temps d’apercevoir le panneau qui indiquait « Rue Thermidor ».

Sa sœur lui montra du doigt une devanture vitrée. Sur un panneau on pouvait lire : « Edition d’Illumis ». Sur la porte d’entrée était scotchée une feuille de papier où était écrit d’une écriture rapide et penchée : « recherche photographe-reporter ».

Pour la première fois depuis qu’elles étaient parties ce matin, Violette ressentit une pointe d’appréhension. Et si elle n’était pas assez douée pour ce poste ? Semblant percevoir le soudain mouvement de recul de sa petite sœur, Alexia se détendit et sourit.

- Allez viens, lui dit-elle en lui tapotant le bras avec douceur.

Violette inspira bruyamment et poussa la porte.

Lorsqu’elle fut entrée, les sentiments de doute qui l’avaient envahie quelques secondes plus tôt laissèrent place à l’émerveillement. La pièce était lumineuse avec son haut plafond, ses murs blancs et ses luminaires. Plusieurs bureaux chargés de papiers, de livres et d’ordinateurs cloisonnaient la pièce. En la parcourant des yeux, on pouvait également remarquer deux ouvertures sur les côtés qui donnaient sur deux autres pièces semblables à celle-ci. Contrairement à ce qu’on aurait pu imaginer d’une maison d’édition, personne ne s’affairait en silence sur les chaises des bureaux, et on ne percevait pas l’iconique petit bruit que produisent des mains sur les touches d’un clavier. Toute l’équipe semblait s’être regroupée autour d’une mince table au fond à gauche de la pièce, certains assis, d’autres debout, une tasse de café fumante à la main. La plupart leur tournaient le dos, occupés à observer un tableau blanc recouvert de notes et de prospectus. Ceux qui ne s’y intéressaient pas étaient plongés dans des conversations animées avec leurs pairs, et le bruit qui en résultait était presque assourdissant, se répercutant sur chaque mur. Violette, qui était pourtant d’habitude très à l’aise avec les gens, resta en retrait, comme intimidée. Alexia en revanche, s’avança, et serra quelques mains au passage. Violette fut saisie par l’attitude des gens que sa sœur croisait. Les visages exprimaient sympathie et égard, mais affichaient surtout un profond respect.

Enfin, Violette la vit échanger quelques mots avec une femme qui devait avoir la quarantaine. Alexia fit un signe dans sa direction. Elle ne put cependant pas en voir plus puisqu’au moment où la femme posait son regard sur elle, un énorme Excavarenne qui la dépassait aisément en taille se planta devant elle en penchant sa grosse tête. Ses énormes oreilles l’encerclèrent et la vision de Violette se résuma à deux petits yeux en forme de fente et deux grosses dents prédominante devant un large sourire. Une voix féminine amusée s’éleva alors au-dessus du brouhaha ambiant :

- Marcus, dis à ton Pokémon de laisser cette jeune fille tranquille, enfin !

Un silence.

- Excavarenne, s’exclama alors une voix scandalisée, viens ici !!

Et Violette put de nouveau respirer et voir le monde. Le dénommé Marcus, un jeune homme blond aux traits tirés s’était avancé vers elle, la mine anxieuse. Il avait passé une main derrière son crâne et se répandait en excuses :

- Veuillez excuser mon Pokémon, il a une façon très particulière d’accueillir les visiteurs… D’habitude il n’est pas aussi envahissant, vous devez bien vous entendre avec les Pokémon…

Violette aurait voulu lui répondre que ce n’était pas grave, mais la même voix qui avait interpelé Marcus s’éleva à nouveau et elle vit la femme à qui s’était adressée Alexia quelques minutes plus tôt. Alexia, elle, n’était plus là et elle n’eut pas le temps de la chercher.

- Bonjour Violette, je suis l’éditeur en cheffe de l’Edition d’Illumis, je m’appelle Rachel. Alexia m’a dit que tu souhaitais postuler comme photographe-reporter.

Rachel était une femme très intimidante. Elle était largement plus grande que Violette et elle semblait passer au rayon X tout ce qu’elle regardait avec ses petits yeux gris perçants. Ses épais cheveux auburn étaient noués dans une queue de cheval basse, et une longue frange lui recouvrait la partie haute du visage. Elle avait l’attitude d’une femme ambitieuse dont la carrière représentait toute sa vie. Violette rougit légèrement mais sa voix ne faiblit pas.

- Oui, c’est pour ça que je suis ici, répondit-elle.

Le regard de Rachel se fit plus perçant encore.

- Il se trouve que nous avons quelqu’un d’autre qui s’est présenté ce matin pour obtenir le poste.

Violette déglutit difficilement. Elle se demandait maintenant comment elle avait pu avoir la prétention d’espérer travailler ici. Devant l’absence de réaction de Violette, Rachel poursuivit :

- Je voudrais vous laisser à tous les deux le temps de faire vos preuves. Contrairement à lui, tu n’as pas d’expérience dans le métier, mais je sais que ta sœur ne t’aurait pas recommandée si tu n’avais aucun talent.

- Alexia m’a recommandée ?? répondit-elle bêtement.

Devant le regard interrogateur que lui lançait Rachel, elle se reprit :

- Merci beaucoup de me laisser ma chance. Je ferais de mon mieux pour ne pas vous décevoir.

Rachel parut satisfaite.

- Bon très bien, reprit-elle, maintenant que tu es arrivée, je te laisse m’attendre à mon bureau.

Elle jeta un coup d’œil aux mains vides de Violette.

- Tu n’as pas amené de portfolio pour me montrer tes photographies ? sourcilla-t-elle.

Le débit de paroles de Violette s’accéléra :

- Non euuuh si, j’ai mes photos sur moi !

Et elle effectua un drôle de battement de ses bras nus comme pour expliquer que ses photographies étaient dans ses poches. C’était le cas à en juger par l’épaisseur des bosses que formaient les poches de son pantalon. Rachel ne fit aucun commentaire, et Violette se dépêcha de rejoindre l’imposant bureau d’angle qu’elle lui avait indiqué au fond de la pièce.

Deux petites chaises étaient placées en face de l’imposant fauteuil en cuir qui avait l’allure de celui qu’on réservait à l’éditeur en chef. Sur l’une des deux chaises, un garçon un peu plus vieux qu’elle au cheveu noir et à la peau cuivrée était nonchalamment assis, le regard dans le vide, l’air rêveur. Un peu désorientée, Violette s’assit maladroitement sur la chaise à côté de lui. Voyant qu’il ne réagissait pas, elle lui adressa un « Bonjour » poli.

Toujours sans la regarder, le garçon déclara sur un ton de supériorité non dissimulé :

- C’est donc toi la deuxième prétendante au poste ? Vu comment l’Excavarenne t’a sauté dessus, j’ai cru que tu étais sa nounou. Tu devrais peut-être penser à te réorienter, si tu veux mon avis.

Violette resta stupéfaite. Il ne daignait toujours pas lui adresser un regard, comme si elle n’était pas digne d’intérêt. Elle vit rouge. Peut-être s’était-elle effacée depuis son entrée dans les bureaux, mais sa véritable nature reprit le dessus. Hors de question de se faire rabaisser par un garçon qui était à peine plus âgé qu’elle.

- Je me passerais de ton avis, lui répondit-elle d’un ton féroce.

Avec un sourire moqueur, légèrement surpris, le garçon consentit à tourner le visage dans sa direction. Elle s’était trompée sur son âge, il était son ainé d’une dizaine d’année. Son fort bronzage et la musculature apparente sous le fin débardeur qui l’habillait laissait presque croire à un adolescent. Mais maintenant qu’elle pouvait le regarder en face, les traits de son visage lui donnaient plutôt la trentaine. Il l’observait franchement cette fois-ci, ne semblant éprouver aucune gêne, avec toujours ce sourire désagréable fixé sur son visage. Violette l’aurait certainement trouvé beau s’il n’avait pas lancé les hostilités. Refusant de baisser les yeux, elle lui renvoya son regard de braise.
Ils s’observèrent ainsi un moment avant que Rachel ne vienne s’affaler dans son fauteuil en face d’eux. Dans le brouhaha persistant, Violette ne l’avait pas entendu arriver. Maintenant qu’elle y prêtait attention, elle se rendit compte que les rumeurs de conversation s’étaient presque évanouies, et qu’on percevait même quelques tapotements des touches sur les claviers. Anxieuse d’avoir été surprise à foudroyer du regard celui qui était devenu son rival, elle jeta un regard inquiet à Rachel. Celle-ci ne semblait avoir rien remarqué, et le garçon à côté d’elle était devenu méconnaissable. Comme s’il avait toujours eu cette posture, il se tenait maintenant bien droit, avait ravalé son sourire, le regard concentré et sérieux, et tenait avec détermination un épais carnet entre ces avant-bras quasiment imberbes. Rachel prit alors la parole :

- Maintenant que la réunion quotidienne est terminée, je vais pouvoir m’occuper de vous, déclara Rachel, plus pour elle que pour eux.

Elle mit un peu d’ordre dans ses papiers et se pencha légèrement sur la table, concentrant son attention sur les deux personnes assises en face d’elle.

- Dans un premier temps, je voudrais que vous vous présentiez pour que je vous connaisse un peu mieux. Expliquez-moi votre rapport à la photographie et au journalisme, et aussi ce qui vous intéresse dans le poste de photographe-reporter. Après ça, vous pourrez me montrer un petit aperçu de ce que vous savez faire.

Violette eut un moment d’hésitation. Se présenter ? Elle n’avait rien préparé à dire ! Le garçon dont elle ignorait toujours le nom en profita pour prendre la parole. Il adopta un ton mielleux et concerné, qui n’avait rien à voir avec la façon hautaine dont il s’était adressé à Violette toute à l’heure.

- Je peux commencer si tu veux bien ? dit-il d’un ton aimable en se tournant vers Violette.
Violette répondit par un hochement de tête, tendue par ce revirement de situation. Toute l’attention de son rival se porta sur Rachel, qui parut charmée par sa courtoisie. Violette se renfrogna davantage.

- Je m’appelle Kaï, je suis originaire de la région d’Alola. Je suis arrivée ici il y six mois, et je suis tombé amoureux de cette région, j’ai décidé de m’y installer.

Violette remarqua qu’il avait pris un accent exotique qu’il n’avait pas lorsqu’il s’était adressé à elle la première fois.

- Je passionné de photographie depuis mon plus jeune âge. En arrivant ici, j’ai donc cherché un métier dans ce domaine et je suis tombé sur votre annonce. Ce serait un immense honneur que de mettre mes capacités au service d’une si grande institution. L’Edition d’Illumis est connue jusque dans ma région !

- Vraiment ? s’exclama Rachel, semblant d’un seul coup oublier l’attitude professionnelle qu’elle s’efforçait d’adopter depuis le début de l’entretien.

- Oui, le journal local fait régulièrement mention de vos recherches concernant Volcanion, le Pokémon fabuleux.

Et il posa sur le bureau deux extraits proprement découpés dans un journal. L’un des gros titres affichait « Formation du Parc Volcanique d’Akala, l’œuvre de Volcanion, le Pokémon fabuleux ? L’Edition d’Illumis (Kalos) nous en parle ! » Sans doute Rachel eut été flattée, mais elle n’en laissa rien paraître. Son regard impénétrable avait retrouvé tout son professionnalisme. Elle mit néanmoins de côté les extraits de périodique, certainement pour pouvoir les lire plus tard.

- Très bien, dit-elle. J’ai cru comprendre que tu avais une certaine expérience dans le monde professionnel du journalisme ?

- Oui, répondit Kaï. Mon père est le développeur du PokéScope. C’est un logiciel complémentaire de notre Pokédex régional. J’ai donc entrepris de faire le tour des îles pour voir et prendre en photo le maximum de Pokémon et de paysages possibles. Plus tard, j’ai fait mes preuves dans tout ce qui concerne la presse quotidienne. Avec le développement des Poké-Montures à Alola, il était très facile de me rendre rapidement sur les lieux pour capturer l’actualité. Beaucoup de mes photos sont parues dans le journal local.

- Pouvons-nous avoir un aperçu de tes clichés ?

Mais Kaï avait déjà posé son épais carnet sur le bureau. Il ouvrit la première page. Violette se pencha un peu en avant malgré elle pour mieux voir. Elle sentit son estomac se tordre à mesure que Rachel faisait défiler les pages. Des photos de lieux et paysages, mais aussi de Pokémon se succédaient. Violette ne connaissait pas la moitié des Pokémon présents sur les clichés, mais elle avait presque l’impression d’apprendre à les connaître tant Kaï avait réussi à les prendre sur le vif dans leurs environnements. De temps en temps, un extrait de journal était placé en face de la photographie qui avait servi d’illustrations. Une nouvelle vague de doutes la submergea. Ses propres photos lui parurent bien pâles à côté. Rachel referma le portefolio.

- Merci, déclara-t-elle.

Et alors qu’elle commençait à se tourner vers Violette, Kaï reprit :

- Puis-je avoir votre avis sur mon travail ? demanda-t-il.

Face au haussement de sourcil qui échappa à Rachel, il se justifia :

- Vous comprenez, j’aimerais savoir si les standards auxquels j’ai été soumis à Alola sont les mêmes dans votre belle région. Cela me permettra de mieux correspondre à vos attentes, et ce, plus rapidement.

On aurait dit qu’il croyait déjà avoir gagné le poste celui-là, pensa furieusement Violette. Et elle fut parcourue d’une détermination nouvelle. Même si Rachel le choisissait lui, elle ne le laisserait pas se débarrasser d’elle aussi facilement.

- Tes photos m’ont l’air tout à fait correctes, répondit Rachel.

Il sembla à Violette que Kaï s’était légèrement raidi sur sa chaise. « Correct » n’était peut-être pas assez satisfaisant à son goût ?

- Tu as de l’expérience dans le domaine du journalisme, c’est un plus. J’émets seulement une petite réserve sur un point. Tu es dans la région depuis seulement six mois, ce qui est assez léger quand on s’apprête à partir sur le terrain.

Avant lui laisser le temps de répondre, Rachel se tourna tout à fait vers Violette. Celle-ci souffla doucement et focalisa son attention sur Rachel. Elle voulait ce poste. Elle adorait la photographie. Elle s’entrainait depuis des années. Quand elle parla, elle redevint la jeune fille enthousiaste et déterminée qui agaçait tant sa sœur. Autant montrer la vraie version d’elle-même.

- Je m’appelle Violette, je viens de Neuvartault juste au sud d’ici. J’ai grandi là-bas, même si j’ai beaucoup voyagé dans la région. Ce que je préférais, c’était de me perdre dans les forêts environnantes et observer les Pokémon qui y habitaient. Heureusement, j’ai un bon sens de l’orientation et je suis toujours accompagnée d’Arakdo, mon Pokémon, donc j’ai toujours réussi à rentrer chez moi avant la nuit. Mais ensuite, je pouvais raconter mille fois et pendant des heures toutes les aventures que j’y avais vécu. J’avais besoin que mon entourage sache à quel point le monde est beau ! C’était souvent ma sœur qui devait subir mon bavardage. J’ai dû finir par sacrément l’agacer parce qu’un jour, elle m’a offert un appareil photo. Selon elle, j’allais pouvoir prendre en photo mes découvertes pour les garder en souvenir. Sans doute pensait-elle pouvoir me faire taire de cette manière. Autant vous dire que ça n’a pas très bien marché. J’emmenais l’appareil partout avec moi et je ramenais à la maison des tonnes de pellicules. Je n’avais jamais pensé en faire mon métier tant la photographie était devenu quelque chose de naturel pour moi. Mais il y a deux ans, l’idée a germé dans mon esprit, et je suis rentrée pour la première fois dans une bibliothèque pour apprendre diverses techniques de photographies. Ce que j’apprenais, je pouvais l’appliquer lors de mes voyages. Certaines de mes photos de Chrysacier en pleine évolution ont servi aux recherches du professeur Platane. Ça a été très gratifiant comme expérience. J’ai compris l’idée que mes photos pouvaient être vues par d’autres personnes et surtout qu’elles pouvaient permettre de les informer. C’est pour ça que je suis ici. Je veux que ma passion de la photographie soit utile. Je n’ai pas d’expérience dans le milieu professionnel, mais je voudrais pouvoir la construire à vos côtés.

Elle s’interrompit, presque à bout de souffle. Les mots étaient sortis de sa bouche sans qu’elle n’ait pu avoir un quelconque contrôle dessus. Elle s’aperçut que Rachel la regardait fixement. Plus timidement, elle proposa :

- J’ai ramené quelques-unes de mes photographies, peut-être voudriez-vous les voir ?

Elle sortit maladroitement un petit tas de photos écornées d’une de ses nombreuses poches, qu’elle étala sur la table. Rachel en pris quelques-unes dans les mains pour les voir de plus près. Lorsqu’elle prit la photo de l’évolution du Chrysacier, Violette expliqua :

- Le professeur Platane est un ami de mes parents. Il vient souvent diner à la maison. Quand il s’est aperçu que je faisais de la photographie dans la forêt de Neuvartault, il m’a expliqué qu’il s’intéressait aux conséquences d’une évolution en milieu naturel, c’est à dire pas celle issue de l’entraînement d’un Pokémon par son dresseur. Il voulait savoir si les deux modes d’évolution étaient les mêmes, et si cela pouvait avoir une incidence sur le processus de Méga-Evolution. J’ai réussi à prendre cette photo d’un Chrysacier en pleine évolution. Bien-sûr, il n’y a pas de Méga-évolution connue pour Papilusion. Je ne suis pas sûre que ce cliché lui ait été très utile…

Elle rougit légèrement lorsque Rachel retourna la photographie et passa le doigt d’un air songeur sur l’inscription au crayon de papier que Violette y avait inscrit. « (R)évolution ».

Rachel observa pendant encore quelques minutes les photos. Il était impossible de savoir ce qu’elle en pensait, et Violette avait peur de demander, peur d’être déçue de la réponse négative. Aussi, elle ne le demanda pas, et refit tant bien que mal un petit paquet homogène avec les photos pour les remettre dans sa poche. Elle se promit d’aller acheter dès ce soir un album pour les ranger plus soigneusement.

- Aujourd’hui, commença Rachel, pour votre premier jour, je vous demande simplement de vous familiariser avec nos locaux. Faîtes connaissance avec l’équipe et posez toutes les questions qui vous viennent. Je vous montrerai la chambre de tirage ce soir. Vous commencerez votre période d’essai demain.