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Disparition de Suroh



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» Auteur : Suroh - Voir le profil
» Créé le 10/10/2019 à 22:37
» Dernière mise à jour le 11/10/2019 à 07:38

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Troubles à Galar
Eussiez-vous eu voulu organiser plus solennelle réunion, vous ne l’auriez pu. Les plus puissants de ce monde siégeaient là, graves dans leur attitude, tendus dans leur posture.

Ils s’étaient réunis pour aborder ensemble un problème qui empêchait de dormir la nuit des millions d’habitants de Galar, qui avait fait les grands titres de la presse florissante. Jamais Galar, et jamais région n’avait connu de tels traumatismes. Il s’agissait d’agir vite, d’agir bien. D’agir en groupe, et d’unir les forces de chacun, car c’est bien comme cela que l’on résout le mieux les problèmes, n’est-ce pas ?

Ils étaient donc une vingtaine autour d’une table aux proportions dantesques. Les plus puissants de ce monde, c’est vrai, mais aussi des climatologues et tous les plus éminents Professeurs Pokémon que le monde eut connu. La porte avait été fermée au nez des commerciaux : patrons, économistes, banquiers ; ils n’étaient pas les bienvenus. C’était même peut-être leur faute si on en était arrivés là, alors les politiques avaient décidé pour une fois de réfléchir en paix, en se dégageant de la névrose économique.

Il en allait de même pour les journalistes, même s’ils avaient grogné, juré, insulté, s’étaient révoltés, avaient crié à la technocratie, et avaient critiqué la légitimé d’une telle réunion.

On sous-estime les effets pervers de l’économie et de ces journaux au comportement enfantin.

Tous étaient là, tous discutaient.

« Tout ce que je désire comprendre, ce sont les raisons pour lesquelles ça a eu lieu, s’exclama Tarak, le Maître et Roi de Galar. Vous parlez, vous parlez ! Mais rien n’en ressort, et vous ne faites que nous noyer sous des démonstrations peu claires. Mes sujets sont en danger et j’ai presque honte de parler avec vous dans un tel secret. Pourquoi ne nous dites-vous rien ? Pourquoi êtes-vous si peu clairs ? S’il me faut prendre des mesures, je les prendrai. J’ai seulement besoin de savoir.

— En un mot comme en cent, répondit le Professeur Platane : si trois Pokémon sont morts en essayant de méga-évoluer, c’est probablement dû à la recrudescence du nombre de Pokémon gigamaxés et dynamaxés dans la région de Galar. La méga-évolution, malgré sa démocratisation aujourd’hui, demeure un phénomène d’une violence inouïe ; Léviator subit lors de sa méga-évolution des lésions au cerveau toujours plus importantes, Cizayox voit son corps fondre à cause de l’afflux d’énergie, Carchakrok devient fou de rage et de douleur car il perd, lors de sa méga-évolution, les ailerons dont il est fier…

— Vous ne m’éclairez pas, Professeur, je croyais vous avoir demandé d’exprimer les choses simplement…

— Entendez-moi bien, Tarak, répondit Platane. Si certains Pokémon souffrent de la méga-évolution, c’est que l’afflux d’énergie qu’ils reçoivent est mille fois trop puissant pour eux. Ajoutez à cela que l’atmosphère de Galar semble contenir un étrange gaz qui provoque le dynamax de certains Pokémon ; alors, et je parle sous la surveillance de ma collègue Magnolia, cet afflux de puissance qui peut atteindre n’importe quel Pokémon à Galar les a sûrement tués… »

La Professeure Magnolia hochait la tête. Elle était assise, robuste comme un vieux chêne ; mais ses yeux étaient baissés. Un long silence suivit cette déclaration. Les professeurs Seko, Keteleeria, Sorbier, ainsi que les Maîtres et les quelques climatologues arboraient tous des expressions différentes.

Un vent frais pénétra dans la pièce, rafraîchissant les esprits tendus.

« Les Pokémon tentant d’utiliser la méga-évolution à Galar risquent donc leur vie, très bien, souffla Tarak, un éclair de folie dans les yeux. Comment suis-je censé agir… ? Et est-il possible que ça affecte d’autres types de Pokémon… ?

— Oui, Maître, selon notre propre théorie, c’est très probablement ce qui va se produire », intervint une climatologue venue du Bureau des Saisons d’Unys 

La théorie en soi est bien intéressante, mais tire en longueur, et les climatologues ont du mal à s’exprimer correctement, alors passons rapidement là-dessus. Leur théorie est simple : des changements climatiques provoquent une modification de la composition de l’air, et celle-ci est nocive pour tous les êtres vivants de Galar.

« Mon ami, dit Cynthia. Nous ne vous laisserons pas tomber, et resterons bien évidemment soudés. Mais comment prolonger les échanges avec votre pays dans de telles conditions ? Je comprendrais que les citoyens de Sinnoh ne veuillent pas risquer la vie de leurs compagnons lors de déplacements à Galar. Pour autant, je me chargerai en personne de la création d’hébergements à Joliberges pour les habitants de Galar désirant quitter la région. Le port vous est ouvert, il ne tient qu’à vous d’augmenter les départs à partir de Shrimp. »

Tous ses pairs furent d’accord. Tout le monde hocha la tête. Un joli troupeau de Moumouton.

Pour enrayer un tel phénomène, il faut le comprendre. Pour le comprendre, il faut que tout le monde travaille de concert. Et pour travailler de concert, il faut que la menace s’impose à l’esprit de chacun, mais comment cela peut-il être le cas ici ?

À part Tarak, qui semblait torturé par la situation, chacun représentait un peuple pour lequel tout cela n’était, au pire, qu’une curiosité lointaine et exotique. Les seuls réellement touchés étaient les commerçants, les navigateurs ! Mais, eh, s’ils n’étaient pas là pour grogner des mesures prises, tant pis pour eux !

Les scientifiques, eux, étaient pour certains plus travaillés par l’aventure de la compréhension d’un problème scientifique majeur, que par les enjeux humains de la question. Alors la discussion continua, ils avaient prévu plus de trois heures, celles-ci se remplirent, chacun se confortait dans sa position, chacun déployait sa rhétorique.

Puis il arriva. En sueur. Sorti de l’hôpital il y a une semaine, il venait de prendre l’avion pour être là à la conférence : le Professeur Chen.

« Pardonnez-moi… Je suis désolé d’arriver si en retard… Pfiou… J’ai eu de la peine pour être là à temps ! Je n’ai rien raté ? » dit-il sans reprendre son souffle.

Petit, dans sa grande chemise blanche, il affichait un sourire bienveillant, Des cernes, semblables aux abysses des Îles Écumes, soulignaient la détermination de son regard.

Derrière lui, dans un bruyant vacarme de soupirs, de cris et de portes ouvertes à la volée, deux médecins au visage bouffi se tenaient les côtes, transpirant de tous les pores de leur peau.

« Professeur ! Nous… Nous vous avions demandé de nous attendre ! Asseyez… Asseyez-vous, au moins, s’il vous plaît… S’il vous plaît, Professeur ! »

Tous les regardèrent avec consternation.

« Professeur ! Nous ne vous attendions plus, ne devriez-vous pas vous reposer chez vous ? dit Goyah.

— Non, monsieur. Je dois venir. Je dois participer. Je vais aller à Galar pour comprendre ce qui s’est passé !

— Vous me semblez pourtant affaibli, rétorqua Keteleeria. Vous feriez mieux de vous reposer, les récents événements vous ont affaibli, vous devriez…

— Non. Vous ne comprenez pas », murmura le Professeur Chen en prenant place là où un siège vide l’attendait, en tête de la table. Il trônait là comme un père devant ses enfants. Tous le regardaient ; les Maîtres avec agacement, les Professeurs et les scientifiques avec un profond respect, et les médecins avec un mélange particulier de mécontentement et de douceur.

Le Professeur prit sa tête dans ses mains. Quelques murmures curieux parcoururent les rangs de ceux qui siégeaient autour de la table. Le cliquetis de l’aiguille de l’horloge au fond de la salle marquait la marche inexorable du temps. Les nuages, loin dans le ciel, occultèrent la lumière de la lune.

«  Je retournerai à Galar, quoi que vous en pensiez. Je dois savoir ce qui s’est passé ce soir-là, et je sais que c’est lié à ces morts, ces morts terribles qui ont nous frappent depuis des mois… J’espère que vous avez pris des mesures de prévention communes ? Pour protéger les habitants et les Pokémon, pour les mettre en sécurité, pour éviter qu’un autre drame ne se prépare ?

— La politique est notre affaire, Professeur, répondit Marc. Nous nous occuperons personnellement de cette question, ne vous en faites pas. Vous avez cependant attisé ma curiosité : pourquoi tenez-vous tant que cela à travailler sur la question ? J’ai entendu dire que, depuis votre accident, vous aviez perdu la mémoire des évènements récents. Dans ces conditions, loin de moi l’idée de vous forcer, mais il semblerait judicieux que vous vous reposiez, ne pensez-vous pas ?

— Vous ne comprenez pas, je vous l’ai dit… Je sais que je dois continuer. Vous ne savez pas ce que j’ai vécu, vous ne savez pas ce que j’ai perdu. Et même si vous le savez, vous ne pouvez vous rendre compte de la douleur qui est la mienne. »

Une larme, unique, brillante, chargée de la douleur du pauvre homme, brilla le long de sa joue. Suivie d’une autre, puis d’une rivière silencieuse, transportant avec elle ces sentiments confus, profondément enfouis en chacun, qui révèlent la part d’humanité qui sommeille au sein de tous…

« Vous ne comprenez pas. Je dois la retrouver, je le dois, mais ne vous inquiétez pas, ça servira vos intérêts… Je ne me souviens plus de ce qui s’est passé récemment, oui… Mais je sais où chercher… Faites-moi confiance. Faites vos travaux de votre côté si vous le désirez, je m’occuperai, pour ma part, de combler ce vide en moi, ce vide, ce si douloureux vide… »

Les traits de ceux qui l’écoutaient s’étiraient dans des expressions figées et convenues… Bien que quelques-uns soient réellement compatissants. Seuls ceux qui ont vécu et ressenti une telle douleur, un sentiment si puissant, une émotion qui vous dévaste, peuvent sincèrement compatir face à un homme si déchiré.

L’horloge sonna minuit. Un nouveau Pokémon mourut à Galar. Et une dernière larme fit briller les yeux du Professeur Chen.