Disparition de Suroh

Déchiré… dévasté… Pourquoi ? Comment ont-ils pu ? Pourquoi… Pourquoi ! Où est-elle ? Je dois la retrouver… oui… la retrouver… Vite, vite ! Courir, courir, plus vite, allez ! plus vite encore… J’ai mal… Mal au cœur, mal aux bras, aux jambes, partout ! Mal ! Mal ! Plus vite ! Allez… Je dois faire vite… Allez… Cette douleur…

Tout va si lentement… Si vite… Devrait aller plus vite… Douleur… Douleur… Noirceur de la nuit… Vite… Pourquoi ? Pourquoi ? C’est injuste… Vite… Je suis lent… Si lent… Et j’ai mal… Mal au cœur… La tête me lance… Pourquoi ont-ils fait ça… ? Pourquoi ils m’ont fait ça…

La lumière, la lumière au bout de la ruelle… Enfin ! Je vais les trouver. Leur expliquer ! Les étriper ! Leur extirper tout ce qu’ils savent ! Tout ! Je dois la retrouver… Vite, putain ! J’ai MAL ! Je dois faire vite…

Elle a besoin de moi… Ils n’ont pas pu… Non… ? Ils n’ont pas pu ! Monstres ! Les monstres ! Pourquoi ? Pourquoi ils ont fait ça… Ils n’ont pas pu… Le port… Le voilà… L’eau noire… Noire dans la nuit infinie… Enfin.

Et ce bateau. Le retrouver… Je dois le trouver, allez…. Allez quoi, vite… Pourquoi ce putain de port est si grand, allez, allez, allez, allez…

Adrénaline, courir, me dépêcher, faire vite, foncer… allez ! Où est-elle ? Où ! Là-bas ?

Cette ombre.

Elle s’envole ? Vite, que je l’attrape… Je le dois… me dépêcher… la sauver… d’entre leurs griffes… griffes malveillantes… Malfaisantes… Mauvaises ! Voile noire, vois-le… Cet oiseau ne doit pas s’envoler sur l’onde…

Plus vite…

Toujours plus vite…

Ne pas le laisser grandir, ce vide… ce vide terrible, ce vide…

Ils ne peuvent pas… Je dois la sauver… Courir, encore ! Le pavé sous mes pieds… Qui me blesse… Me torture… Mais qu’importe ! Courir… C’est ça l’important… Pour l’attraper, les rattraper… Ils ne peuvent pas !

Si proche, maintenant si proche ! Me rapproche de l’ombre… L’ancre se lève… Ruisseaux d’encres se déversant tendrement… Les retenir… Monter à bord… Vite… Oublier la douleur…

Allez !

Saut, loin, sur le rafiot… Oh ! Mon envol, mon propre envol… Pour la rejoindre… La sauver… Là, elle, pour elle, l’aider, la préserver… La couvrir de mon regard, la couper de leur influence, la couver de mon amour… Elle doit vivre…

Cette douleur doit cesser… Et elle, elle doit revenir… à tout prix… Ne peuvent pas lui faire ça…

Blanc. Illumination puissante, infinie. Douleur sourde, soudaine… Explosion des sens, cent silences soudains… Coupé du monde… Dislocation… Aliénation… Elle disparaît… Mes espoirs…

Elle…

Je te retrouverai…

* * *

Le Professeur Chen a été retrouvé inconscient dans la ville de Shrimp.

Les premiers rayons du soleil réchauffaient la ville, ce géant tout ensommeillé, et révélaient au monde une scène terrible. Dans la rue principale, pavée de bonnes intentions, s’agenouillait une policière au visage grave. Ses yeux, durs, insensibles, voilés de professionnalisme, lui donnaient un aperçu global de la scène.

Devant elle était étendu le plus éminent des Professeurs Pokémon. Frappé à la tête, durement. Elle ne pouvait le quitter du regard, comment cela avait-il pu avoir lieu ? Pourquoi ? Des questions qu’elle allait devoir poser, et auxquelles il lui faudrait répondre. Mais… Elle avait peur. Que lui meure, et ici ? Vu les évènements récents, ce n’était pas bon signe.

Elle se leva pour balayer du regard l’étendue d’eau devant elle, jusqu’à l’horizon lointain. Elle plissa les yeux, et se protégea du soleil de sa main droite. Cette nuit, un bateau avait mouillé, juste là. Elle le savait pour avoir interrogé les marins du port, et ça lui donnait à réfléchir.

Ceux à qui était le bateau… Ils avaient levé l’ancre au milieu de la nuit, et ce vaisseau, pourtant immense ! avait entamé un voyage loin d’ici, sans que personne ne le voie s’en aller.

Et ce Professeur qu’elle retrouvait là, effondré juste à côté du mouillage.

Transperçant chaque bâtiment de la ville, le hurlement de l’ambulance qui avait été dépêchée se rapprocha jusqu’à devenir insupportable. Puis il se tut, et le claquement des pas des hommes de blanc se fit pressant, oppressant.

Le murmure de la ville se levait lui aussi, et alors que les premiers soins étaient prodigués au plus éminent des scientifiques Pokémon du monde, chacun vaquait à ses occupations. Les volets, par-delà la ville de Shrimp, dévoilaient l’intimité des maisons, et les herses qui protégeaient chaque commerce se levaient de concert. Alors, des boulangeries s’échappa une odeur agréable de pain chaud, les poissonneries insufflèrent leur air marin dans la ville, avant que celui-ci ne rejoigne sa source, le sanctuaire de Kyogre.

Dans ce souffle de vie, le corps inconscient du Professeur était relevé, avec pénibilité, par les ambulanciers. Puis, une fois déposé sur une civière, transporté vers l’ambulance.

Le ronronnement du moteur anima le véhicule, dont la course à travers les ruelles de Shrimp était celle d’un Galopa splendide.

Le corps du Professeur, traversant ainsi la ville avant de passer de main en main, de médecin à médecin, de personnalité bienveillante à personnalité bienveillante, trouva le repos dans un lit confortable, réchauffé par les rayons du soleil.

La tête du Professeur était tournée vers cette source de chaleur. Il se crispa cependant : des sueurs froides coulaient le long de son cou.

« Je te retrouverai… »