Bienvenue à Lavanville de Xabab

Le bouquin revenait dans son esprit à chaque fois qu'il se retrouvait seul et cela l'horripilait au plus haut point, d'autant plus qu'il ne parvenait toujours pas à trouver un bon angle pour aborder ce dernier. Son personnage était fade, ce qu'il vivait n'avait rien d'intéressant et chacune des lignes qu'il étalait sur l'écran de son ordinateur finissait effacé quelques secondes après tant elles n'avaient de sens.

Il était déjà midi lorsque Mike décida de quitter l'hôtel. Le romancier venait de passer deux heures à travailler sans même parvenir à terminer la première page du livre pour lequel son éditeur le harcelait. Il n'allait pas tarder à perdre patience s'il ne prenait pas l'air au plus vite ; sa décision ne se fit pas attendre.
Une fois sur le trottoir, l'écrivain décida de s'éloigner de l'agitation du centre-ville à cette heure de grande activité. Il ne savait pas où aller et décida pour cette raison de marcher tout droit vers la tour qui se trouvait au nord, prenant soin de repérer son chemin.

Les mains dans les poches et le regard au ciel, il sentit la pression retomber soudainement. Son travail mettait ses nerfs à rude épreuve et il ne savait pas s'il pourrait un jour écrire ce roman, ce qui pourtant lui avait paru réalisable la veille alors qu'il se trouvait avec Maëva.

La jeune femme l'avait quitté tôt le matin, le réveillant sur les coups de six heure, prétextant qu'il devait partir car elle avait quelque chose d'important à faire en ville dans la matinée. Mike n'avait pas posé la moindre question et avait obéit. Il préférait ne pas la contrarier et lui avait simplement exprimé son désir de la revoir promptement avant de la laisser seule.
Cela fait il avait regagné sa chambre et s'était recouché. La nuit qu'il venait de passer n'avait pas laissé de place au sommeil, la première partie ayant été consacrée à la danse macabre des ombres sur le mur, la seconde à ses ébats avec la jeune femme.

Ils s'étaient rapidement donné rendez-vous plus tard dans la journée et s'étaient séparés… Voilà comment débutait une étrange situation, se disait l'écrivain depuis le début de la matinée. Le comportement de sa nouvelle petite amie le laissait perplexe mais il lui laissait ses secrets ; lui aussi avait les siens et chacun avait droit à son intimité. Elle pourrait tout lui avouer lorsqu'elle se sentirait prête.

Ses réflexions durèrent plusieurs minutes au point qu'il ne vit pas le temps passer durant sa marche au travers des rues du centre-ville. Mike venait d'ailleurs de quitter ce dernier lorsqu'il sortit de ses pensées et regarda autour de lui.
Les maisons étaient bien moins nombreuses et la tour paraissait beaucoup plus proche de lui. Néanmoins il ne se dirigea pas vers elle comme il le prévoyait pourtant la veille, quelque chose en lui semblait le déconseiller vers cette voie. En vérité l'écrivain n'était pas remis de la danse des spectres de la nuit et il préférait éviter certains lieux et cela même quand il n'était pas certain d'avoir vu ces fantômes.

Ce fut pour cette raison qu'il s'en détourna et se dirigea vers la vallée qui s'élevait derrière elle, parsemée d'arbres et de recoins qu'il pourrait visiter en toute tranquillité. Mike appréciait le fait de se retrouver en pleine nature et celle-ci était souvent un excellent remède contre le manque d'inspiration.
Il aimait s'asseoir sur une souche, un carnet et un stylo à la main, écoutant le chant des oiseaux en attendant que les mots viennent d'eux-mêmes s'étaler sur le papier. Un air pur et l'absence d'agitation ; Mike disait souvent que ces deux éléments étaient amplement suffisant à la création d'un bon roman.

Il s'enfonça dans les bois et reprit contact avec la nature, oubliant durant un instant ce qu'il venait de vivre avec Maëva et sa réaction exagéré avant le lever du soleil ainsi que les spectres sur les murs de sa chambre.
L'écrivain regarda les arbres au-dessus de lui, les feuilles de ces derniers lui cachant le soleil en ne laissant transparaître que de minces rayons de lumière. Il laissa un sourire s'étaler sur son visage de manière un peu naïve. Il se sentait bien comme cela n'avait pas été le cas depuis de longues années.

Poussé par ce soudain bonheur le romancier s'enfonça plus profondément dans les bois jusqu'à ne plus voir la ville dans son dos lorsqu'il se retournait. Il était loin des hommes et de tout ce qui pouvait lui causer du tort, il était bien.
Mike fouilla dans ses poches et sentit le papier du petit carnet qu'il prenait toujours sur lui lors de ses balades tout comme le petit stylo qui y était accroché. Cela fait il chercha un endroit où s'asseoir et trouva une butte non loin de lui qui ferait parfaitement l'affaire.

Enfin il pourrait trouver l'inspiration, il sentait depuis qu'il était sous le couvert des arbres que cela devenait possible.
Une fois le carnet sous les yeux l'écrivain se concentra, s'imprégna du calme qui régnait tout autour de lui et se lança. Comme prévu les mots s'étalaient sans forcer sur le papier, l'histoire qu'il peinait à mettre en œuvre se transformant sous ses yeux en quelque chose d'agréable à lire et qui allait jusqu'à lui plaire. Mike oublia tout et se laissa aller sans voir le temps passer.

Une heure passa durant laquelle il profita de ce calme sans s'arrêter d'écrire, tournant les pages de son carnet désormais parsemées de mots jusqu'à arriver à la dernière. Lorsqu'il fut obligé de s'arrêter, Mike rangea ses outils dans sa poche et se releva. Il regarda sa montre et se rendit soudain compte qu'il avait faim et qu'il était temps de rentrer.
Le sourire aux lèvres il pressa le pas vers la sortie de la forêt et regagna le centre-ville et le hall de l'hôtel dans lequel il retrouva Maëva. Cette dernière était seule et semblait l'attendre.

« Ta matinée s'est bien passée ? lui demanda l'écrivain en s'approchant d'elle.
– Excellente, répondit la jeune femme en toute sincérité, et toi ?
– Pour ma part j'en suis vraiment content. Je suis allé me balader dans les bois et j'ai enfin réussi à écrire pendant au moins… »
Il s'interrompit. Tandis qu'il parlait Mike s'était mis à la recherche de son carnet afin de le montrer à Maëva, fier de ce qu'il avait écrit à l'intérieur.

« Que se passe-t-il ? lui demanda la jeune femme sans comprendre.
– Je ne retrouve plus mon carnet, répondit l'écrivain paniqué, celui dans lequel j'ai écrit toute la matinée. »
Se voulant rassurante Maëva posa une main sur l'épaule de Mike et lui demanda de se calmer et de venir déjeuner avec elle. Cela fait il accepta et elle finit par lui promettre qu'ils iraient le chercher ensemble dans une heure.
Mike se dirigea sceptique vers le restaurant de l'hôtel. Il était persuadé de l'avoir remis dans sa poche.