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Smirnoff de Domino



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» Auteur : Domino - Voir le profil
» Créé le 05/09/2008 à 17:45
» Dernière mise à jour le 11/06/2009 à 06:18

» Mots-clés :   Humour   Johto   Romance

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046 - Mon Charlie Brown
« Mais qui est l'autre ? Quel étrange messager…
Mais qui est l'autre, ton visage est familier…
Mais qui est l'autre, en toi ma vie s'est réfugiée
C'est un ami, c'est lui… »

A la radio tonnait une joyeuse musique plutôt optimiste d'un groupe de rock en vogue. Les Beatles, Yesterday. Un petit garçon empilait des cartons, des chaises, des cageots devant un buffet et surtout, en haut, un placard. Le placard de toutes les convoitises, avec les gâteaux et les bonbons, les friandises…
Le gamin empilait avec application, sachant ses parents occupés à autre chose.
Il arriva à la hauteur souhaitée et se lécha les babines. Il arpenta sa création, son édifice. Et là, il ouvrit le placard et tout s'effondra.
-LINDBERGH JAMES WINCHESTER !!!
Sa mère le prit par le bras.
-Non, mère ! Non…
-Tu connais la règle !
-Mère non !! Noooon !!
Elle alluma la gazinière, coupa le feu et aplatit la main de son fils sur les plaques métalliques brûlantes. Lequel hurla évidemment tout son saoul. Elle le lâcha au bout d'une trentaine de secondes.
-Pour la centième fois, tu n'as pas le droit aux gâteaux avant l'heure du repas !!!
Le gamin se contentait de se rouler par terre, cuvant sa douleur.


La main bougeait normalement, attrapant avec ardeur les dossiers. Les deux mains posèrent le dossier sur le bureau. L'homme s'assit et commença à arpenter les pages. Un Chaglam regardait avec lui.
-Bon sang de bon soir… Rien, rien, rien !! Vous m'avez tout donné ?
Kenneth regarda Linus et soupira.
-Tout, Mr Winchester. C'est tout ce que j'ai sur Ramon Gonzalez. Euh, n'importe quel proviseur aurait plutôt cherché à sanctionner Norbert…
-Je sais. J'expérimente le bénéfice du doute.
-Vous ne voulez pas le sanctionner ?
Linus soupira.
-Il est incapable d'avoir fait ça.
-Il a avoué…
-Il y a quelque chose derrière tout ça et je saurais quoi.
Une voix trop connue se fit entendre.
-WINCHESTER !!
-Smirnoff… Soupira Linus.
-Je m'en charge !
Kenneth sortit et intercepta Etienne.
-Pourquoi PERSONNE ne m'a prévenu ?!
-Etienne aux dernières nouvelles tu n'es pas la nounou de Norbert, ça se saurait…
-C'est mon pote, je dois savoir si il lui arrive des emmerdes !
-Etienne, en l'occurrence c'est assez brûlant…
-Winchester n'a pas intérêt à le foutre à la porte pour sauver son petit cul de londonien coincé…
Kenneth soupira.
-Il se démène pour le sauver ! Je te demanderais de rester clairement en dehors de tout ça !
-… Alors c'est tout le temps comme ça hein ? Etienne, lui il peut jamais filer un coup de main, toujours relégué au rang de spectateur ?
Kenneth soupira de nouveau.
-Disons que tu as une manière de te mêler des choses qui n'arrange pas vraiment tes protégés.
-Hmph…
-Je comprends ce que tu ressens, tu te sens inutile et rejeté, mais… On fait tout ce qu'on peut !
Etienne hocha la tête.
-Etienne…
-Ca va aller… Mais… Chaque fois que j'ai un ami et qu'il est dans la merde…
-Pleure pas !!
-Mais espèce de crétin c'est toujours pareil !! Je sers à rien !! J'en ai marre de… D'être une grosse merde !
Kenneth soupira.
-Tu peux absolument rien faire…
-Si ! Si, tu vas voir, je vais faire quelque chose !!
-Ne déconne pas Etienne ! Les parents du gamin viennent cet après-midi !
-Raison de plus !
-Rhaaaaan…
Kenneth retourna dans son bureau.
-Ca va ?!
-Il n'y a rien d'anormal… Il a 19 ans, il est fils d'immigrés argentins, il travaille à mi-temps dans un fast-food…
-Si ça se trouve, Norbert a bel et bien abusé de lui… supposa Kenneth
-Non, non, non, ça c'est impossible.
-Linus…
-C'est pas possible ! Casier judiciaire vierge ! Parents vivants mais il est sans nouvelles ! Il est irréprochable, il n'a aucun intérêt à…
-Vous avez fouillé dans la vie de toute l'équipe ?
-Evidemment… Je sais par exemple que vous venez d'une famille bourgeoise et que vous avez expérimenté diverses drogues…
Kenneth soupira.
-…Et que Mademoiselle Brooks a passé sa jeunesse en pension.
Le blond s'arrêta en plein mouvement.
-Pardon ?
-J'ai été avocat, je connais des gens qui travaillent aux archives. Je leur ai demandé des détails sur l'équipe administrative.
-Et le respect de nos vies privées ?!
-Pff ! Vous travaillez dans l'administration, stupide… Ma femme doit me rendre visite aujourd'hui…
Kenneth s'étonna.
-Ah oui ?
-Oui… Elle m'a dit : « Je veux voir ou tu bosses… » On s'est disputés ce matin et… Elle va venir.
-Dur… Juste ce jour là en plus…
-Ca tombe bien, n'est-ce pas… Il faut que j'interroge ce pauvre Norbert.
-Oula… Vous avez émis de la compassion ?!
Linus soupira.
-Heine, la ferme !
Le proviseur repartit vers son bureau, fulminant comme une forge.

Il courrait pour rentrer chez lui. Heureux et avec la meilleure note. Sa joie était tout bonnement indubitable. Rien ne pourrait l'en décharger. Il savait que ce serait une bonne journée, que la soirée serait délicieuse, calme, apaisée.
Il ouvrit la porte de chez lui.
-Mère, père, c'est un jour merveilleux…
Il vit sa mère, tenant un de ses pantalons, déchiré par une après-midi de jeux avec les autres garçons de l'école. Son père, assis sur le canapé, tenait une ceinture. Il la fit taper dans sa main.
La joie de Lindbergh se mua en frissons dans sa colonne vertébrale.


Un frisson parcourut la colonne vertébrale de Linus au moment ou Norbert entra.
-Asseyez-vous.
Norbert s'assit, dévasté.
-Vous allez bien ?
-Je vais perdre mon travail… Mes années de cours par correspondance n'auront servi à rien… Mes parents s'en foutent de moi… Je suis un trentenaire homosexuel en train d'être accusé d'avoir abusé sexuellement d'un étudiant… Rien ne va…
Le Chaglam de Linus se lécha tranquillement. Le proviseur se posa tranquillement aussi.
-Depuis quand ?
-De quoi ?
-Depuis quand vous menez une relation avec ce jeune homme ? C'est récent ?
-Au… Au début il venait quelque fois devant chez moi. Je repoussais ses avances comme n'importe qui l'aurait fait. En fait j'ai refusé ses avances parce qu'à l'époque j'étais amoureux.
-A l'époque ?! Nous sommes le… 12 mars !
-Oui. Et le 1er de ce même mois... J'ai eu un diner avec la personne que je visais, un collègue… Vous ne voulez pas savoir qui c'est ?
-Si ça peut vous sauver, oui.
-Alors non.
-D'accord.
-Il s'est avéré que ladite personne… N'était pas homosexuelle, et résultat, mes espoirs se sont effondrés. Le pire en fait c'est qu'il l'a tout à fait bien pris, sans aucune gêne par rapport au fait que je l'aie pris pour un homosexuel, ni aucune honte à paraître avec moi alors que je l'avais invité uniquement pour ça… Mais il a brisé mon cœur… Quand vous rencontrez quelqu'un qui ressemble tant que ça à votre premier amour, c'est dur de s'en défaire.
Linus hocha la tête, l'air visiblement embarrassé.
-Et en quoi… Ce rendez-vous avec Smirnoff vous a-t-il fait basculer de l'autre côté ?
Norbert s'étonna.
-Comment avez-vous…
-Norbert, personne ici ne l'aurait bien pris, à part Eddy de l'intendance. Kenneth vous aurait ri au nez et se serait enfui. Jonathan, vous seriez déjà enterré dans le Parc Naturel, au nord d'ici… Les profs, n'en parlons pas. Il n'y a qu'un barge comme Smirnoff pour prendre un rencard donné par un homme comme une bonne chose.
Norbert hocha la tête.
-Vous avez une excellente déduction…
-Master de droit. Quinze ans en tant qu'avocat. Ca vous forge un homme sur de lui et qui ne juge rien à la légère. Je vous ai recruté parce que vous êtes un homme honnête, droit…
-Honnête ? Je ne vous ai pas dit que j'étais gay !
-Je l'ai deviné dès le premier jour ! Vous avez croisé les jambes pour vous asseoir. Soit vous étiez transsexuel soit gay.
-Vous êtes étrange… Ca ne vous embête même pas…
-J'ai déjà eu à défendre des pédophiles qui ne se sont dévoilés qu'à l'audience.
Norbert resta estomaqué.
-Alors un homosexuel qui ne se déclare pas… Rien d'étonnant. Alors que défendre un type qui aurait pu s'en prendre à un de vos enfants, ça… Ca vous glace les sangs. Illico.
Norbert hocha la tête.
-Mais vous avez accepté que j'emmène une de vos filles en voiture…
-Je vous l'ai dit ! Honnête et droit. Vous respirez la bonne action, la simplicité d'esprit. J'avais 48 candidats. Vous êtes le 5ème à être passé. J'ai tout de suite su que vous étiez celui qu'il me fallait. Vous seriez incapable de faire du mal à une mouche !
Norbert acquiesça.
-Donc après la déception Smirnoff, vous avez cessé de repousser les avances du jeune Gonzalez.
-Le premier soir, non. Le deuxième soir, non plus. Et le troisième soir… Cuba Libre.
Linus hocha la tête.
-Hier matin…
Norbert baissa la tête. Linus semblait gêné.
-Floper est venu me voir parce que…
-On l'a fait dans les toilettes aussi…
Norbert se mit à pleurer.
-Je suis désolé…
-Ce n'est rien…
-Ce n'est pas RIEN ! Je me sens tellement sale… Dans les locaux en plus !! C'est immonde ! J'ai dû passer trente minutes à tout récurer tellement j'avais honte !!!
-Oui, je conçois… mais ce n'est pas non plus la mort. Ecoutez, j'ai besoin de savoir… Est-ce qu'il vous voulait quelque chose de particulier ? Est-ce qu'il fouillait dans vos affaires ?
-Non, j'ai toujours veillé à ce qu'il parte après ses… « Méfaits ». Je ne supporte pas trop que mes… aventures d'un soir restent chez moi.
-Bien… Donc ce serait une bête histoire de sexe ?
-A mon sens, oui.
-D'accord… Une dernière question… Vous me faites confiance ?
Norbert s'étonna.
-Me faites-vous confiance, Norbert ?
-Avant… Avant hier matin je pensais que vous me refusiez votre amitié… Mais ce que vous m'avez dit derrière la porte m'a… Enormément touché.
-Je ne vous lâcherais pas. Dus-je y laisser mon poste, je ne vous lâcherais pas. Retournez dans votre bureau, restez-y et… Ayez confiance.
-Vous n'avez aucune piste, hein ?
Linus baissa la tête.
-Pas vraiment, non. Mais gardez l'espoir. Tout peut s'arranger, tout peut toujours s'arranger, croyez-moi. J'en ai sorti de la fange des bien pires que vous.
Norbert hocha la tête.
-Je vous poserais ma lettre de démission demain.
Il repartit vers la porte du bureau et regarda Mistigri III.
-Pourquoi votre Chaglam s'appelle t-il Mistigri III ? Ils sont où les deux autres ?
Linus soupira.
-Je vous le dirais demain, au diner. Parce que vous serez là.
Norbert soupira, et Linus se leva pour le raccompagner à la porte.
-Courage, Norbert.
Il ouvrit la porte et vit une ribambelle de profs, Smirnoff en tête.
-Yo !
-Smirnoff nom d'un Caninos en furie… Jura Linus.
-On voulait juste que Norbert sache qu'il y avait des gens qui le soutenaient.
Linda arriva et lui prit les mains.
-Ca va aller, Mr Finsbury. Vous êtes un chic type, il ne va rien vous arriver.
-Merci, Mademoiselle Traut…
Sally arriva et serra Norbert dans ses bras.
-Ne nous quittez pas…
-S… Sally…
-Ne nous quittez pas, j'vous en supplie !
Norbert sentit les larmes monter.
-M… Merci à vous tous, c'est… Très gentil… Excusez-moi, je… Je retourne à mon bureau.
Les profs regardèrent leur chef administratif repartir vers son fief. Linus soupira et regarda Smirnoff.
-De toutes les idées débiles que vous n'ayez jamais eues…
Smirnoff leva les yeux au ciel.
-…C'est la plus constructive. Merci bien.
Smirnoff et Linda semblèrent surpris.
-Il m'a remercié ?!
-Oui… je crois…
Linus ferma la porte. Il appuya sur son interphone.
-Marielle ! Appelez Ludges dans mon bureau, j'ai besoin de bras.

-Mais qu'il est mignon !
Lindbergh ne supportait pas trop cette dame, mais apparemment c'était une amie de sa mère. Qui était à côté de lui.
-Madame Siviter, je pense que nous allons devoir y aller, je suis désolée…
La mère de Jools, pas une éventuelle épouse. Elle était notable dans le quartier.
-Attendez, Gillian ! Votre petit garçon ne résistera pas à une douceur !
Elle lui donna une sucette directement dans sa main.
-Voilà pour le petit bonhomme ! Madame Winchester, au plaisir !
-N'est-ce pas !
Ils s'éloignèrent. Lindbergh s'immobilisa et sa mère lui frappa la main pour qu'il lâche la sucette, puis elle le gifla.
-Combien de fois je te l'ai répété ? Quand on te donne quelque chose, tu dis Non Merci !! Si les gens te donnent quelque chose c'est que tu leur fait pitié et qu'ils te font la charité ! Tu penses faire pitié ?
-N… Non…
-Alors tu n'acceptes plus de cadeau de la part de qui que ce soit !!
-Mais mère, elle me l'a mise directement dans la main…
La mère lança un regard noir à son fils.
-Lindbergh James Winchester, serais-tu en train de me REPONDRE ?
-Non mère…
-Tu vas recevoir une correction en rentrant, quand ton père apprendra ça !!
-Oui, mère…


-Une correction…
-Pardon ?!
-Non rien… Je pensais à cette fichue liste du budget que je dois corriger. Je préfèrerais faire les sales besognes… Bon sang cette poussière !!
Il était plongé dans le placard, tête la première, les dossiers en tas autour de lui. Mistigri III s'étonna.
-Vous cherchez quoi ?!
-Avant d'aller fureter avec Kenneth, j'essayais de chercher le dossier de Norbert…
Linus était à quatre pattes dans ses placards. Jonathan semblait intrigué.
-Je ne le trouvais pas…
-Et alors ?
-Tu sais comment on force un casier ?
-Rien de plus couillon… Ah je vois, t'appeles le taulard pour faire la sale besogne !
-Exactement, Jonathan ! J'appelle le taulard !
-Mouais… Pourquoi ?
-Je pense que notre jeune étudiant a cherché quelque chose concernant Norbert…
-Tu cherchais le dossier, pourquoi ?
Linus soupira.
-J'ai douté, un tout petit peu, de Norbert. Au début.
-C'est pas ton… Pote ?
-Je n'ai pas de… « Potes », Jonathan, je ne sais même pas ce que c'est un « Pote ».
-Bah moi j'ai des potes prisonniers, des gars avec qui j'ai passé du bon temps, j'ai joué aux cartes avec eux, j'ai essayé de m'évader avec eux…
-On n'est pas en prison, on est dans un établissement scolaire !
Jonathan sembla dubitatif.
-Tu m'expliques la différence ?
-Plus tard, je n'ai pas le temps de mettre en place un argumentaire… Bon sang je suis censé avoir les dossiers de tout le monde ! Tu n'as rien, toi ?!
-Je te rappelle que dans mon contrat à Hadley, envers l'établissement, j'ai rejeté la garde de la copie des dossiers.
-Ce qui nous arrange !
-T'énerves pas ou j'te casse la tête !
-Essaye un peu pour voir…
-Tu continues à fouiller parce que tu doutes toujours de Norbert ?
-Non, pour être sur… Y'a rien… Son dossier n'est plus là, mais COMMENT… Je suis là tous les jours ! La seule personne qui y a eu accès c'est… Norbert lui-même ?!
-Comment ça ?
-Les fonctionnaires qui travaillent ici sont autorisés à prendre leur dossier occasionnellement… Et je ne crois pas me souvenir que Norbert me l'ait rendu…
-C'est pas dans tes habitudes de laisser passer ça… Ca fait assez longtemps que je te connais pour savoir ça !
Linus soupira et se passa les mains sur le visage.
-Je sais, je sais…
-T'es devenu trop gentil, Linus…
-Je ne suis pas GENTIL !!
-Je te connais depuis longtemps et t'es pas du genre à laisser un dossier de fonctionnaire dans la nature !
-Ca va…
-T'as juste pensé…
Linus se leva et se tourna vers l'impressionnant ex-taulard.
-J'ai pensé que ce brave Norbert me le repasserait plus tard ! Chaque matin je lui laissais un nouveau délai, d'accord ?! C'est quelqu'un que j'apprécie, tu m'entends ? J'apprécie… Sa compagnie, sa conversation, son humour… C'est… C'est…
Jonathan sourit.
-C'est ton ami…
-Oui… Oui voilà !
-T'as fait comment pour te marier, toi, sérieux ? Si le simple fait d'avoir un pote ça te fait ça…
-Jonathan, abstiens-toi de questions aussi personnelles auxquelles tu connais la réponse… Nous avons le casier d'un chicano à aller forcer. Que je vais forcer avec ton aide ! Et je vais faire le guet… Si je puis dire…
-Faut arrêter la moquette…
-Arrêter quoi ?

-Arrêtez ! Non !
Les trois types tentaient de prendre le sac de l'étudiante. Ils tiraient sur l'objet, incessamment.
-S'il vous plait !!
-T'as qu'à lâcher ! On te laissera !
-EH !
L'assemblée improbable se tourna vers l'adolescent énervé qui s'avançait, l'air strict.
-Vous la laissez tranquille, j'ai mis le bureau des surveillants sur votre dos.
Les trois laissèrent la jeune fille, fous de rage.
-Win-Chien-Chien s'est mis sur notre dos hein ?
-Bah, ils viendront pas pour rien…
Ils approchèrent de Lindbergh qui soutint leur regard.
-Allez-y. Vous pouvez me tabasser.

La fille s'occupait de soigner les bleus de son preux défenseur.
-Tu pousses la définition de l'étudiant en droit un peu loin…
-Nous vivons dans un monde sans morale ni justice, s'il y avait plus de gens comme moi, il y aurait moins de gens lésés. Moins de gens comme toi si ces voyous t'avaient pris ton sac.
La fille sembla intriguée.
-C'est quoi ton nom ?
-Lindbergh. Lindbergh Winchester.
-Comme les fabricants d'armes ?
-Bien deviné.
-Moi c'est Lucy Meyer. Moins impressionnant.
-Lucy… Ca me rappelle quand j'étais petit. Ma grand-mère me lisait souvent les aventures des Peanuts.
Lucy sourit.
-Le chien Snoopy ?
-Voilà. Et… J'adorais le frère de Lucy. Linus Van Pelt.
-C'est pas le gamin bizarre avec sa couverture ?!
-Si… C'est celui qui porte sa « couverture de sécurité ». Avec elle, il ne peut rien lui arriver. On a toujours bien besoin d'une bonne vieille couverture, qu'il disait. Mais ce qui me fascinait chez lui, c'est qu'il était… Le meilleur ami de Charlie Brown.
-Ca te fascinait ?
-Oui parce que… Je n'ai pas de Charlie Brown.
Lucy regarda Linus.
-Je n'ai personne à qui dire « Tu es mon meilleur ami », ou qui me le dise… Pour certains c'est une bête formalité, mais moi j'ai pas ça. Alors j'ai décidé de faire du droit parce que… Comme je n'ai pas de meilleur ami… Je défends n'importe qui.
Lucy s'assit à côté de Linus dans le bloc infirmier de la faculté de droit.
-Et moi… Toute ma vie on m'a dit que je finirais seule. Comme ma mère a divorcé, elle croit que je vais suivre le même chemin qu'elle.
Lindbergh hocha la tête.
-Il n'y a pas qu'un chemin. Il y en a des centaines.
Lucy regarda Lindbergh et lui prit la main.
-Si tu as besoin de parler, de manger avec quelqu'un ou même d'avoir de la compagnie, je suis là.
Il sembla circonspect.
-Tu es sure que tu veux t'acoquiner avec le type que tout le monde tabasse ?
Lucy hocha la tête.
-Oui. Je le veux.


-Je le veux… Je le veux ce dossier à la con… Nnnng !
-Calme-toi… Pas la peine de t'exciter dessus, non plus, c'est un casier qui appartient à l'Etat… Bon sang, ce pied de biche n'est déjà absolument pas discret !!
Jonathan soupira.
-Tu m'as demandé de l'ouvrir, pas d'être une ballerine ! Ca vient…
CLAC !
-Voilà monsieur ! Tout frais ouvert !
-Que la Reine Mère me pardonne… Bon, affaires de sport, livres…. Cahiers, cahiers… Feuilles doubles… Dossier de Norbert !!
Jonathan hocha la tête. Linus prit l'objet du délit.
-Donc ce sagouin cherchait des informations sur Norbert…
Linus releva la tête et vit des photos du doyen dans diverses situations collées dans le fond du casier.
-Ca m'a d'ailleurs tout l'air obsessionnel…
Jonathan regarda de plus près.
-Ooooh ça me rappelle mon compagnon de cellule ! Il avait des tas de photos d'une fille canon, et quand je lui ai demandé qui c'était il a répondu « C'est la fille que j'ai étranglé »…
Linus regarda Jonathan, surpris.
-Tu tiens à votre travail ?
-Si je le perds je n'ai plus rien.
-Ne parle plus de tes années prison !
-Okay… Bon, il manque quelque chose au dossier ?
Linus vérifia rapidement.
-Etat civil… Formulaire, contrat… Fiche d'identité… Tout est là.
-Ca veut dire qu'il tenait à le conserver intact. Son intention n'est pas de nuire à Norbert. Il veut le garder clean.
Linus hocha la tête.
-Ca n'est pas personnel…
-Ca me rappelle ce type en prison qui avait menacé une banquière pour qu'elle l'aide à son vol. Le gars avait tellement pas de complices qu'il les a pris sur le terrain. Et il disait… « Les gens ont tellement peur de mourir qu'ils feraient n'importe quoi pour y échapper même aider des braqueurs »
-Mais Ramon Gonzalez ne va pas mourir… On le saurait d'après son dossier !
-Lui non mais un de ses parents peut-être, et il veut récupérer de l'argent pour le sauver.
-Norbert n'est pas riche, si Ramon avait voulu de l'argent, Mr Heine aurait fait l'affaire…
-Mais Mr Heine n'est pas gay…
-Je ne pense pas que ça ait quelque chose à voir là dedans…
-Ca a peut-être un rapport avec son métier…
-Doyen des professeurs, pour aider un élève ? Non… Si ça se trouve c'est vraiment un abus et je protège un pervers…
-C'est pas le genre… Marmonna le proviseur adjoint.
-Explique-toi…
-Les pervers sexuels ont un schéma précis : Ils vont veiller à ce que la victime de leurs actes se sente coupable.
-Et alors ?
-Dans ce cas précis, Norbert a avoué directement et n'a rien nié. C'est lui le coupable, Ramon est bien la victime. Donc Norbert n'est pas un pervers, il ne se cache pas et n'a pas honte. La plupart des pervers ont des difficultés à avouer leur perversion.
Linus hocha de nouveau la tête.
-Oui… Donc il s'intéressait à quelque chose d'inhérent à Norbert… Qui le chassait de chez lui après chaque rendez-vous… Ramon ne pouvait pas chercher ce qu'il voulait alors… Il a fini par se lasser et le dénoncer.
-Je sens que tu y es presque. Ca me rappelle ma première tentative d'évasion…
Le regard de Linus s'illumina.
-Evasion… Première… Première tentative d'évasion…
Linus sembla tout comprendre d'un seul coup.
-PAR LES COLLANTS DE LA PRINCESSE DIANA, J'AI TROUVE !!!
Jonathan regarda Linus, surpris.
-T'aimes pas Lady Di ?!
-Je suis anglais royaliste, évidemment que je la déteste ! Je sais TOUT !
-Dis moi ! J'ai envie de savoir !
-Non, je dois préparer l'arrivée des parents de ce petit crétin !
Jonathan sembla surpris.
-Bah moi j'veux savoir quand même !

14h30, les parents de Ramon Gonzalez arrivèrent accompagnés de leur fils. Linus les attendait.
-Monsieur le proviseur…
-Madame, monsieur… Jeune homme…
-Monsieur…
-Entrez, je vous en prie.
Les parents entrèrent mais trouvèrent le bureau vide.
-Ou est… Ou est l'homme ?! Demanda la mère.
-Qui ça ? demanda Linus.
-L'homme qui a abusé de notre fils ! Rouspéta le père.
-Ah… Vous vouliez une confrontation ?
Les parents hochèrent la tête.
-Evidemment…
-C'est notre enfant qui a été abusé !
-C'est non. Asseyez-vous, lança calmement Linus.

Les profs, Norbert, Jonathan, Kenneth et Miranda étaient dans le bureau de Jonathan, et observaient tout à l'aide d'une webcam.
-C'est pas un peu illégal ?! Demanda un prof.
Jonathan soupira.
-Qu'est-ce qu'on en a à foutre…

Linus se retrouva face aux parents, le fils au milieu.
-Bien… Monsieur et Madame Gonzalez… Nous sommes réunis ici… Parce que votre fils a accusé Mr Norbert Finsbury, doyen des professeurs, d'avoir abusé de sa personne. Exact, mon grand ?
-Oui, monsieur.
-Voilà… Comment as-tu connu Mr Finsbury ?
Ramon hocha la tête.
-Il m'a convoqué dans son bureau, et m'a demandé de l'aider à ranger des dossiers, et à ce moment là, il a commencé à me caresser.
Linus hocha la tête.
-Sauf que… Mr Finsbury n'a en aucun cas la possibilité de convoquer un élève. Quand bien même il essaierait, il doit passer par le CPE, demander une ordonnance à la directrice et mon autorisation préalable. Car il est responsable uniquement de la vie professorale. J'ai moi-même été doyen, je sais de quoi je parle. En sept ans de doyenneté, je n'ai jamais eu à convoquer un élève. La procédure citée précédemment n'est que dans le cas ou un problème se rapportant à un professeur est dû à un élève. Ca arrive très rarement… Il y a un registre spécial pour référencer ces rendez-vous….
Il souffla sur le livre et souleva des tonnes de poussière.
-Touss… qui comme vous pouvez le constater n'est jamais utilisé.
Les parents semblèrent intrigués.
-Je n'insinue pas que votre fils ment, évidemment. Ce serait grossier de ma part. Et la grossièreté, c'est laid. Vous êtes arrivés d'Argentine il y a combien de temps ?
-Quatre mois, répondit le père.
-Quatre mois… Vous avez forcément un passeport, un visa, une carte d'identité Poképolite ?
Les parents se regardèrent.
-En quoi… En quoi ça vous intéresse ?
-Je suis immigré, moi aussi. Je suis parti d'Angleterre avec ma petite amie pour devenir avocat au grand tribunal d'Ebenelle. J'ai travaillé dur pendant six ans pour qu'on ait les papiers. Six ans… Et ils ne les donnent pas facilement… Vous faites quoi dans la vie, Mr Gonzalez ?
-… Ca ne vous regarde pas ! Ecoutez, on a abusé de notre fils et nous voudrions que son agresseur soit présent !
Linus claqua des doigts.
-Agresseur… Vous changez de version. D'abord c'est un abus et après une agression.
-Et alors ? C'est pareil !! Asséna la mère.
-Non, madame, non ! NON !
Linus était ferme. Les parents semblèrent effrayés.
-Un abus, c'est forcer quelqu'un en lui faisant penser qu'il agit de manière tacite ! Agresser quelqu'un c'est se passer volontiers de son consentement. Or votre fils passait du temps devant chez Mr Finsbury. N'est-ce pas, jeune homme ?
Ramon semblait gêné.
-Je suis en état de choc…
-Bien sur… C'est la tremblante du mouton.
Le père fronça les sourcils.
-Venez-en au fait !
-Quel âge a Mr Finsbury, Ramon ?
-Trente cinq…
Linus s'étonna.
-Mais dis-moi… Tu le connais drôlement bien, ton violeur…
-C'est lui qui me l'a dit !
-Quand ça ? Avant ou après que tu sortes de chez lui ?
-Je… J'ai dit au hasard !
-Quel est le métier de son père ?
-… Je sais pas.
-Comment vous voulez qu'il le sache ? Cria la mère.
-Je vous propose de nous lever et d'aller voir le casier de votre fils pour procéder à une fouille en règle.
Linus et les parents se levèrent. Ramon soupira.
-D'accord ! D'accord je lui ai volé son dossier… Il était sur son bureau…
Linus se rassit.
-D'après des témoins tu allais souvent à son bureau, parfois même quand il n'était pas là. De plus, tu as… Uriné sur la plante verte devant ma porte, crevé un des pneus de ma voiture et mis des somnifères dans la nourriture de mon Chaglam. J'en conclus donc…
-Oh mon Dieu, cet homme t'a demandé de faire ça ?! S'écria la mère en se tournant vers son fils.
-On se retourne, Conchita !
La mère se retourna, éberluée, vers Linus dont le regard était dur comme une pièce faite-main de Rodin.
-Ce n'est pas Norbert qui avait quelque chose à obtenir du gamin. La rancœur de Mr Finsbury à mon égard se traduisait par des piques d'ironie, voyez-vous c'est le genre de Norbert, il aime bien les gens cyniques. Non, si Ramon a fait ça, c'est parce qu'il croyait qu'en me faisant des crasses il s'attirerait les faveurs de Mr le doyen.
Le père secoua la tête.
-Ce que vous dites est insensé…
-Pas si on sait que vous n'avez pas de papiers, et si on sait que le père de Norbert Finsbury est diplomate international. En tant que militaire, il pourrait vous délivrer très aisément des passeports et des papiers en règle pour rester ici et acquérir la nationalité. C'est un plan murement réfléchi…
-C'est absurde !! S'offusqua la mère.
-Vous croyez qu'il aurait couché avec le doyen juste pour avoir des papiers ? S'étonna le père.
-J'en ai vu des choses dans ma carrière d'avocat. Un jour une femme a accusé sa propre fille… d'avoir séduit son mari… pour qu'il abuse d'elle et la fasse émanciper par chantage... Personne n'a cru la mère, et il s'est avéré qu'elle avait raison. La fille était une garce et la mère voulait protéger son mari. Ce que je crois moi est beaucoup plus subtil…
Linus s'assit et fixa les parents.
-Vous avez demandé à votre fils de trouver quelqu'un dans l'administration qui saurait vous obtenir des papiers d'une manière ou d'une autre. Or Norbert n'a aucune vergogne à exposer ses origines militaristes, il éprouve certainement une fierté profonde à l'égard de son père. Vous êtes intelligents, vous savez que les militaires ont des facilités dans l'administration. Surtout les diplomates, sur le plan international. Ce que j'insinue, monsieur, madame, c'est que vous avez demandé à votre fils de se prostituer pour vous obtenir ces papiers.

Smirnoff et les autres écarquillèrent les yeux.
-Putain… J'aurais jamais été aussi loin… S'étonna le prof.
-Putain, t'aurais jamais été aussi loin… marmonna Kenneth.
-L'est balaise, hein ! ricana Jonathan. Je le connais depuis plus de 20 ans, il a toujours été comme ça !

-C'est ridicule !
-Comment osez-vous ?!
-Comment j'ose… Ca s'appelle du chantage. Votre fils couche avec le doyen, vous vous ramenez dégoûtés et vous pensez que je vais vous donner raison, ensuite vous portez plainte et Bing, vous demandez au doyen de contacter son père et de vous faire des papiers dans le cadre d'un arrangement à l'amiable, tenu évidemment secret. J'ai tort ?
Les parents semblaient désemparés.
-Vous ne savez pas ce que c'est…
-Eh, Pablo ! Conchita ! Qu'est-ce que je vous ai dit ? J'ai travaillé six ans pour avoir mes papiers, MOI, MONSIEUR ! Vous êtes là depuis 4 mois et vous en venez déjà à ce genre de bassesses !! Le gouvernement n'est pas stupide. Il ne donne des papiers qu'aux familles méritantes.
-On n'avait pas le choix ! On est des latinos, on ne nous donnera rien !
-Forcément. Pourquoi se casser le cul alors qu'il y a des solutions de facilité… Mais utiliser votre fils c'est d'un immonde…
-Vous croyez vraiment qu'on l'a fait de gaité de cœur ? Vous croyez que ça a été simple ? Grommela le père.
Linus soupira.
-Bien plus simple que de travailler dur.
Les parents semblaient consternés.
-J'ai fait transférer votre fils à la faculté de Ville Griotte. C'est loin de chez vous mais il y sera bien.
-Nous pouvons porter plainte ! Il y a bien eu contact sexuel !! Argua la mère.
-Génial, hein ! Heureusement que le rejeton a été se livrer aux caresses du vieux, ça vous en fait une bonne excuse !
Les parents soupirèrent.
-Vous êtes des minables. Si jamais vous portez plainte, j'appelle la police de l'immigration, les services de police, les services sociaux, les services de protection à l'enfance, l'ATF… Vous êtes coincés. Croyez-bien, si ça vous fait plaisir, que je n'éprouve aucune compassion à votre égard. Faire ça à votre fils c'est… Ignoble. Je ne prétends pas être le meilleur père du monde, mais… demander à un de ses enfants de se livrer à de telles choses, c'est indigne de bons parents. Et vous voulez savoir une bonne chose ?
Les parents hésitèrent à bouger la tête.
-Norbert n'a plus aucun contact avec son père depuis 14 ans. Vous avez fait tout ça pour rien.
Les parents se regardèrent, abasourdis.
-Disparaissez et ne revenez plus jamais dans cet établissement.
Les parents étaient atterrés.
-OUSTE ! HORS DE MA VUE !!!
Les parents s'éclipsent rapidement avec leur fils. Linus les regarda sans compassion. Une fois partis, il poussa un long soupir. C'est alors qu'une foule de profs et d'administratifs entra dans son bureau pour l'applaudir.

Ils se promenaient sur les docks, aux environs de Glasgow. Ils avaient quelques 20 ans
-Pourquoi tu m'as amenée ici pour fêter nos quatre ans ?
Lindbergh regarda Lucy. Ils s'arrêtèrent devant l'entrée de l'embarcadère, et le jeune homme sortit une bague. Lucy écarquilla les yeux.
-L… Lindbergh…
-Veux tu m'épouser ?
-M… C'est tellement… Soudain…
-Depuis que tu es entrée dans ma vie, elle n'a cessé de s'améliorer… Et je m'étais dit que…
Lucy regarda le bateau et le montra du pouce.
-Tu es fou…
-On part. Ca te dit ?
-Tu es complètement… Je dis quoi aux gens que j'aime…
Lucy hocha la tête.
-En effet, oui ça… ça peut se faire très vite et très facilement…
-J'ai pris une valise pour deux.
-Tu fais toujours preuve d'une de ces audaces !
Linus hocha la tête.
-Toujours tout pour te surprendre. Au fait, le billet n'est qu'en 3ème classe…
Lucy éclata de rire.
-Enfin un truc qui ne me surprend pas !
Ils rirent ensemble.
-Mais… Après ça je ne serais plus seulement… ta meilleure amie qui t'aime très fort, je deviendrais ta femme, je vais devenir une salope chiante et haineuse…
-Et moi je vais prendre 60 kilos !
Lucy ricana.
-D'accord. Tu l'as dit à tes parents ?
-Pas un mot !
-Je t'ADORE !!
Ils coururent comme des fous sur le ponton menant au bateau. Ils bousculèrent un trentenaire.
-Oups !! Excusez-nous !
-Hmm… Jeunes mariés ?
-Fiancés seulement ! sourit Lucy.
-Oh… J'ai l'impression de vous connaître…
-Moi ? Je suis Lindbergh Winchester…
-Winchester… Je suis Jools Siviter. Je rentre d'une visite à mes chers parents, qui connaissent les vôtres !
Linus et Lucy se regardèrent.
-Bon voyage pour le continent Poképolite !
-Merci. Vous aussi !
Ils grimpèrent sur le bateau comme s'ils étaient les premiers visiteurs du Titanic.


Lucy Winchester croisa un couple d'hispaniques avec leur fils. Ils s'engueulaient à propos d'elle ne savait quoi, l'espagnol n'ayant jamais été son fort. Elle suivit les instructions que son mari lui avait données. Elle s'avança dans le couloir et vit une foule improbable se diriger vers elle.
-Faut fêter ça.
-Y'a du champagne dans la salle des profs…
-On devrait l'inviter quand même…
Lucy s'avéra assez apeurée.
-Euh… Bonjour…
Les profs s'arrêtèrent.
-Excusez-moi… Je suis Lucy Winchester, vous connaissez peut-être mon mari…
Tout le monde s'écarta, laissant une voie royale à la presque quarantenaire. Elle s'avança, surprise.
-Dernière porte à gauche avant la Coupe-feu, informa Kenneth.
-M... Merci… Vous fêtez quelque chose ? s'étonna la femme.
-Votre mari est un super chic type, il a sauvé notre doyen d'un chantage !
-Ouais, il a assuré sur ce coup !
Lucy s'étonna et se dirigea vers le bureau. Elle frappa à la porte et entra.
-Lindbergh ?
-Oh… Lucy, tu es là…
Il se tenait debout au milieu de son bureau, devant son diplôme de droit.
-Les autres profs avaient l'air content… Tu as fait quelque chose de spécial ?
Linus balbutia.
-Oh, un… Un collègue allait être victime d'un chantage… la journée a été assez longue.
Lucy sourit.
-Je retrouve le garçon qui m'a tant charmé dans l'infirmerie de l'université. C'est moins lugubre que je l'imaginais, ton travail.
-Oh, là c'était exceptionnel…
Lucy embrassa son mari, un long baiser tendre dont il tenta d'apprécier toute la valeur. Ce genre de baiser qui parait si maladroit quand la femme prend toute l'initiative, au nez et à la barbe de l'homme qui la prend d'habitude.
-Tu devrais bien plus nous en parler. Ca intéresserait les filles de savoir ou tu travailles, comment, dans quelles conditions…
-Je ne suis pas sur que… Ca les intéresserait. Je ne fais rien de si spécial…
-Toujours aussi modeste, hein ? Tu aimes ton travail, c'est pour ça que tu ne veux pas en parler. Tu as peur d'ennuyer tes enfants.
Linus commença à pleurer.
-J'aime mon travail… Mais au fond je n'ai pas le sentiment d'avoir… Réussi dans la plus grande entreprise de ma vie.
-Lindbergh… Les filles t'adorent…
-C'est à peine si je sais ce qu'elles font dans leur vie de tous les jours…
-Marine va avoir un concert jeudi soir. Elle compte sur toi. Et Christine a un petit ami mais elle est morte de trouille à l'idée de te le présenter, je lui ai proposé de l'amener à la maison samedi…
Le proviseur baissa la tête, en larmes.
-Tu vois, je… je sais même pas ces choses là, si importantes dans la vie de mes filles… Et si je reproduisais les mêmes erreurs avec Charlie…
Lucy secoua la tête.
-Tu te débrouilles comme un chef avec Charlie. Il adore son papa. Et puis tu as été super quand il a fait ses dents, non ?
Linus hocha la tête. Lucy l'embrassa.
-Je suis fière de toi. Ce soir en rentrant, tu n'auras qu'à régler tous ces petits riens. Et n'oublie pas : tes filles t'adorent ! A ce soir, chéri !
-A ce soir, mon cœur…
Linus alla s'asseoir à son bureau. Smirnoff venait le chercher pour qu'il vienne fêter sa victoire avec les autres, mais en voyant le proviseur effondré en larmes sur son bureau, il préféra fermer religieusement la porte.

Le lendemain, mercredi, Norbert se servait au self. Linus arriva.
-Tracy, bonjour ! Mr Frank…
-Linus, vous êtes là ?
-En chair et en os, Norbert, tout comme vous.
-Je voulais vous remercier, mais votre femme m'a conseillé un cadeau plus adéquat.
Il lui tendit un ouvrage cartonné « The Complete Peanuts »
-Il comprend les premiers strips depuis les années 40 jusqu'en 60. J'ai pensé que ça vous intéresserait.
-Et en version originale en plus… Vous êtes adorable, Norbert, merci beaucoup…
-Ce que vous avez fait pour moi… C'est bien plus grand et plus noble que n'importe quel album des Peanuts.
-Oh, ne dites pas ça trop fort, Charlie Brown, Mister Schulz ne l'apprécierait pas.
-Comment vous m'avez appelé ?!
-Norbert, évidemment… C'est votre prénom, non ?
Norbert regarda Linus.
-Vous m'avez appelé Charlie Brown… Le meilleur ami de Linus Van Pelt… C'est pour ça, votre surnom de Linus !
-Voilà, si vous voulez…
-Et je suis votre Charlie Brown ?
-C'est ça…
-C'est un peu méchant de me comparer à un looser pareil…
Ils ricanèrent.
-Mais Charlie Brown a toujours l'espoir de réaliser ses rêves, reprit Linus, et c'est en ça qu'il est attachant !
Norbert sourit.
-Vous mangez avec moi ?
-Il me semble que je vous ai promis une histoire sur mes deux précédents Mistigri…
-Oh oui, racontez-moi ça, j'ai hâte !