Tenkage, école de dressage de Raidemo

Chapitre 3 - De l'entrain ! Première journée !
Partie 1 : Takeshi Hiro et le professeur Atari

- JE SUIS EN RETARD ! hurla-t-il.
- On avait remarqué, répondirent-ils.
Vega accourut jusqu'à l'entrée, son sac bringuebalant derrière lui. Une fois encore il manqua de se prendre les pieds dans son long manteau noir, mais, au soulagement de ses deux amis, se rattrapa au dernier moment.
- Ouf ! Merci beaucoup de m'avoir attendu !
- On ne voulait pas que tu te perdes dès le premier jour, affirma Saeko en haussant les épaules. Et efface-moi tout de suite ce sourire je te prie, tu vas éborgner quelqu'un.
- Au fait, où est Rin ? demanda Risu, son Feurisson serré dans les bras.
Vega se reprit aussitôt et répondit qu'il avait préféré la rappeler pour lui éviter d'avoir à endurer la course. Sa Pokéball s'ouvrit sur l'adorable petit Pokémon qui offrit un sourire éclatant à son maître et ses amis. Rasal haussa un sourcil en observant la nouvelle venue, et s'approcha de son pas lourd pour entamer la conversation avec la Lippouti. Mais leurs dresseurs les coupèrent bien vite.
- Bon, on a un cours d'étude de tactique tout de suite. Il vaudrait mieux ne pas arriver en retard.
- Oh, je n'ai pas eu le temps de jeter un coup d'œil à l'emploi du temps, avoua Vega en s'engageant à la suite des deux autres dans la grande cour qui les séparait des bâtiments.
- Et bien aujourd'hui, l'informa Risu, le nez plongé dans son classeur (déjà bien rempli, à l'effarement de ses compagnons), nous avons Tactique théorique pendant deux heures, puis Science de l'esprit (je ne sais pas ce que c'est) pendant deux autres heures. Et cet après-midi nous avons cinq heures et demi de Pratique A.
- Pratique A ? Euh… ça veut dire quoi ?
- Pratique Attaque, compléta Saeko en mâchant son chewing gum. C'est-à-dire qu'on va mettre en pratique tout ce qu'on sait du combat. C'est appelé Pratique A parce qu'il y a aussi Pratique M, qui est la mise en pratique des cours de Théorie du mouvement.
Vega et Risu en restèrent bouche bée, se jetèrent un coup d'œil silencieux, et ne préférèrent rien ajouter avant d'avoir franchi les portes du bâtiment principal.

- Un peu de silence s'il vous plait !
Le pauvre professeur tentait tant bien que mal d'attirer l'attention de la soixantaine d'étudiants qui s'ébattaient dans la classe (sans compter le même nombre de Pokémon). Malheureusement, du haut de son mètre dix, le petit homme avait beaucoup de mal à imposer le respect, et sa voix fragile et fluette ne parvenait pas à couvrir le vacarme ambiant. Sautillant sur sa petite estrade en essayant d'interpeler les élèves du fond, sur les rangées en hauteur (et qui devaient donc pouvoir le voir malgré le bureau encombrant derrière lequel il était coincé), le professeur finit par baisser les bras en soupirant. Il décrocha la Pokéball de sa ceinture et fit appel à son Pokémon.
Un rugissement effroyable emplit l'amphi, et plusieurs cris terrorisés lui répondirent. Tout le monde baissa les yeux vers l'énorme Rhinoféros qui venait d'apparaître sur la scène.
- Bien ! s'époumona le petit enseignant en ajustant le col de sa chemise. Nous allons donc pouvoir commencer le cours ! Je vais tout d'abord vous expliquer brièvement en quoi vont consister les heures que vous passerez avec moi !
Pendant que le petit homme notait (difficilement) son nom sur le large tableau, les étudiants partirent s'assoir dans une rumeur de chuchotements.
- Tu avais vu que le prof était arrivé ?
- Le Rhinoféros ?
- Tu le vois ?
- Là, je crois.
- La main qui dépasse de derrière le bureau.
Saeko installa confortablement ses pieds sur la longue table qui faisait toute la rangée, et Rasal vint s'installer sur son ventre. A sa gauche, aussi tendu que d'habitude, Risu sortait son classeur, son agenda, son bloc note, sa trousse, sa règle, son compas, sa bouteille d'eau, ses lunettes de rechange, et son stylo porte bonheur. A sa droite, Vega observait avec intérêt la petit chose qui sautait en essayant d'atteindre une partie infiniment trop haute du tableau.
- Saeko, ils ont laissé entrer un Mélofée, chuchota-t-il.
- C'est le prof, corrigea nonchalamment la jeune fille.
- Ah d'accord.
« Takeshi Hiro » purent enfin lire les étudiants lorsque Rhinoféros, ayant pitié de son dresseur, accepta de le porter pour qu'il puisse finir d'inscrire son nom. Puis la petite voix de l'enseignant reprit son travail, et tous tendirent l'oreille afin de perdre le minimum de ce qu'il semblait prononcer.

- C'était un cours très intéressant ! s'enthousiasma Risu qui classait les vingt feuilles de notes qu'il avait prises.
- … Je t'emprunterai tes cours… , marmonna Saeko qui, malgré sa bonne volonté n'avait pu capter que la moitié du quart de ce que le professeur prononçait.
- Il faudra s'assoir plus bas la prochaine fois, fit remarquer Vega qui avait passé les deux heures à tendre sa Lippouti à bout de bras au dessus de sa tête, afin qu'elle puisse entendre et lui répéter le cours.
Ses deux amis hochèrent la tête. Bettlegeuse s'était installé autour du cou de son dresseur, ressemblant ainsi à un confortable boa, et Saeko ne put s'empêcher de proposer à nouveau un prix pour la fourrure du Pokémon.
La pause entre les deux cours de la matinée n'étant que de dix minutes, les trois jeunes gens et leurs Pokémon s'empressèrent de chercher un plan de l'établissement afin de repérer la salle dans laquelle ils devaient se rendre. Elle se trouvait dans l'annexe, et ils durent courir pour arriver à l'heure.
La pièce dans laquelle ils pénétrèrent ressemblait à une grande salle destinée aux sports de combat. Des tatamis avaient été disposés sur toute la surface du sol, et les élèves, impressionnés et ne sachant pas vraiment en quoi consistait ce cours de « science de l'esprit » s'assirent docilement en tailleur, et un murmure discret envahit bientôt les murs.
Saeko survola la pièce du regard. Elle reconnut déjà quelques visages qu'elle avait eu le temps de marquer dans sa mémoire pendant les deux heures de Tactique théorique : la jeune fille intimidée aux cheveux roses et bouclés qui était aussi devant elle lors du discours du directeur, et qui avait fait une remarque sur l'ardeur du vieil homme. Un Toudoudou exécutait des pas de danse enjoués autour d'elle.
Un peu plus loin, une autre fille qui n'avait pas échappée à l'attention de Saeko : un visage fier, des cheveux noirs longs jusqu'à mi-dos, un sourire orgueilleux et des vêtements impeccables, dévoilant une naissance importante. Autour d'elle paradaient une demi-douzaine de garçons visiblement soumis et parlant à voix basse, affichant des sourires figés qui devaient faire partie de leur rôle de larbins. A côté de la princesse se tenait un Insecateur aux yeux hostiles. Les garçons baissaient la tête lorsqu'ils croisaient son regard.
Au fond de la pièce enfin, assis contre un mur dans un angle ombragé, se tenait un jeune homme aux cheveux vert sombre. Ses yeux étaient fermés dans une concentration visiblement parfaite. A côté de lui, dans une posture droite, le regard également dissimulé sous ses paupières, un Noctali immobile.
Saeko soupira, constant que peut-être Vega n'était pas destiné à être le plus bizarre de cette classe.
La porte s'ouvrit soudain. Tout le monde retint son souffle. Un homme massif, au visage dur et à la mâchoire puissante entra. Son regard gris clair était glacial et perçant. Un bouc noir comme ses cheveux courts et repoussés vers l'arrière entourait sa bouche fine, ornée d'une légère cicatrice, qui semblait uniquement destinée à prononcer des ordres. Il portait un long kimono gris, et un sabre de bois pendait à sa ceinture. Un Brasegali qui semblait avoir été taillé dans le même roc marchait derrière lui.
Le silence était total dans la salle de combat. L'homme s'arrêta juste devant les premiers tatamis, et salua. Tous les élèves (à l'exception du garçon du fond qui garda sa pose cool et n'ouvrit même pas les yeux) s'inclinèrent hâtivement. Alors, la voix lourde de l'homme s'éleva :
- Bonjour… à… tous.
Un frémissement parcouru l'assemblée. Le bruit mat d'un corps victime d'un évanouissement retentit mollement. L'homme plaça un instant de silence, puis, d'un ton grave et profond, reprit :
- Le professeur Atari,… qui vous prodiguera… les cours de Science de l'esprit… a eu un léger contretemps… Il ne va… plus tarder.
Il parlait exagérément lentement, comme s'il craignait que les élèves aient quelque difficulté à comprendre ce qu'il disait. Une vague de soulagement déferla néanmoins sur le groupe d'étudiants qui poussèrent des soupirs discrets en apprenant que l'homme au sabre n'était pas leur professeur.
Après qu'il fut parti, les conversations reprirent bon train, sur un ton un peu plus détendu. Cinq minutes plus tard, la porte s'ouvrit à nouveau, sur leur vrai professeur.
Un silence sceptique s'installa dans la pièce alors que le vieux Kadabra s'avançait, lentement, jusqu'au centre du pseudo-cercle formé par ses élèves. Le Pokémon s'assit avec la difficulté d'un vieillard, ayant visiblement quelques problèmes de reins, et un élève voulut se lever pour l'aider mais l'enseignant le rassura d'une main levée, et d'un sourire agréable. Ses yeux disparaissaient sous d'épais sourcils blancs, et ses bras minces tremblaient un peu.
- Bienvenue, chers élèves, les accueilli chaleureusement le Kadabra par télépathie. Je suis le professeur Atari. Mais vous pouvez simplement m'appeler Atari.
Il salua. Les élèves firent de même.
- Et bien quoi de mieux pour expliquer ce cours, que de commencer maintenant ?
Cela dit, le Pokémon s'assit lui-même en tailleur. Son sourire disparut. Ses mains se levèrent légèrement de chaque côté de son corps comme s'il invoquait une prière silencieuse aux cieux. Les étudiants, déroutés, prirent lentement la même position, sans cesser d'observer leur professeur qui était à présent aussi immobile qu'une statue.
Dix minutes.
Vingt minutes.
Une heure passa ainsi.
Un léger ronflement flottait autour du Kadabra.