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Derkomai's Mask de weivern



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» Auteur : weivern - Voir le profil
» Créé le 16/08/2025 à 18:29
» Dernière mise à jour le 16/08/2025 à 22:10

» Mots-clés :   Présence de personnages de l'animé   Présence de shippings   Présence de transformations ou de change   Romance

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Les trèfles ne sont pas toujours synonymes de chance
Quelque chose de fascinant dans la manière dont Luc se contorsionnait, les cloques qui gonflaient d’un amalgame de peau et de tissu, la mosaïque de rouge, blanc et noir qui parsemait désormais son bras et une partie de son torse.

Quelque chose d’étrange dans la façon dont le silence s’était fait, du cri qui l’avait précédé et dont personne, à cet instant, n’aurait cru qu’il puisse s’arrêter. Pourtant, il s’était tût au coin du couloir, au moment où il tournait à l’angle du mur pour attraper Serena et la tirer en arrière jusqu’à en perdre l’équilibre, jusqu’à tomber.

Du mauvais côté. Serena se demandait s’il s’en était rendu compte, si c’était cela qu’il avait compris lorsque ses yeux s’étaient écarquillés après quelques secondes d’absence, lorsque ses bras avaient battu l’air, lorsque sa bouche s’était ouverte.

Elle n’avait pas bougé. Une sensation étrange d’être incapable de penser tout en continuant à entendre, voir et comprendre. L’impossibilité d’imaginer la suite alors qu’elle regardait le présent, qu’elle restait immobile dans le présent.

Le problème était que Courtney avançait. Un problème d’autant plus gros qu’il y avait un Camérupt avec elle et que ce Camérupt avait craché ses flammes sur Luc. Et vous saviez quoi ? Il y avait cette odeur qui était juste… Non pas que ça sentait mauvais, non, mais c’était la même que vous sentiez au grill du coin quand le Gruikui du propriétaire avait trop utilisé Flammèche. Un petit fumé que vous ne trouveriez pas désagréable à midi (c’était Luc), mais qui donnerait la nausée à l’heure du petit déjeuner (c’était Luc). Et là, très clairement (c’était Luc), c’était le mauvais horaire (elle allait vomir), le pire des horaires (C’était Luc !).

- A-Adèle ? couina Serena.

Bon, bon, bon, ça partait bien pour le petit malaise : vue brouillée, l’impression de bouillir à quatre mille degrés, et de tanguer au ralenti. Chose qui n’était cependant pas très conseillée quand le pokémon de votre « amie » se cabrait, l’ombre de ses sabots au-dessus de votre tête, et qu’il serait grand temps de penser à rouler sur le côté. Mais le mantra : « Il va m’écraser – alors il faut se pousser » ne prenait pas vraiment forme dans l’esprit de Serena. Et non, ce n’était pas évident, du moins pas autant que créer une performance ou disserter sur le fait que pour un dracaufeu, il était sacrément mignon, au point même de parfois penser que s’il était humain elle pourrait vraiment…

Être dans ses bras ? Attendez ! Elle était réellement dans ses bras ! Enfin, ce n’était pas la première fois, ils dormaient souvent ensemble et il n’y avait jamais la place dans le lit alors forcément… Mais qu’est-ce qu’elle racontait à la fin ?! Elle secoua la tête, reprenant un peu pied quoique ces derniers ne risquaient pas de toucher terre avant un moment, du moins pas tant que Dracaufeu la tiendrait comme ça.

Il courba la tête, sa respiration lourde et les traits déformés par la douleur de devoir trainer son pied malportant. Serena se perdit à nouveau quand il posa ses yeux sur elle (c’est de la douceur mademoiselle), un nouveau vertige qu’elle était toujours bien incapable de décrire, mais qui la faisait se sentir bien. Elle ne pensait plus vraiment, lui non plus de toute évidence quand il déposa un léger baiser sur son front. Oh… C’était si… C’était juste une manière de se rassurer, un moyen de se rappeler qu’ils étaient encore là l’un pour l’autre, quelque chose dont ils avaient désespérément besoin tous les deux. Les sanglots montèrent, plus que jamais il lui ressemblait, à ce dresseur du Bourg Palette qu’elle avait tant envie de revoir, qu’elle…

- Je t’aime, je t’aime tellement.

Chaque mot avait brisé sa voix, mais elle n’avait pas pu s’arrêter et à présent, le pokémon la dévisageait comme s’il avait entendu chaque battement douloureux du cœur de la jeune fille. Mais son attention fut vite détournée par un cri derrière lui.

Pandarbare devait avoir envie de tester sa nouvelle force, peut-être un peu trop vu comment il se déchainait contre Camérupt. Sauf qu’à la tête de Dracaufeu et la manière dont il regardait tour à tour Luc toujours au sol et le pokémon fraichement évolué, Serena devinait que le plan ne se déroulait pas tout à fait comme prévu.

- D-Dra… DRACAU ! cria-t-il. Dracaucau, caudra, DRA !

Le panda ne tourna même pas la tête vers lui, quoique difficile de lui en vouloir avec son adversaire qui chargeait. Il fait diversion, essaya de se convaincre Sacha, un peu différent de ce que je pensais mais il fait juste… Pourquoi t’y retournes ?!

- Pandarbare ! s’horrifia Serena.

Parce qu’il ne s’était pas fait encastrer dans le mur une, mais deux fois, que son nez saignait abondamment, et qu’une de ses paupières sans oublier sa joue doublait de volume. Alors oui, Sacha et Pandarbare n’avaient pas vraiment eu le temps de se concerter, mais le faux pokémon pensait qu’ils s’étaient entendus sur : tu attrapes Luc, moi Serena et tchao bye !

- Attends ! Attends, Dracaufeu ! Il faut qu’on les aide !

"Oui, je sais, mais non, pas tout de suite, après !"
- Après ? Après quoi ?!
"Je sais pas !"

Ou plutôt, disons qu’il avait fait l’ordre des priorités dans sa tête, et s’il avait bien l’intention de se jeter dans la mêlée pour apporter son aide au pokémon, ce ne serait qu’après avoir mis la dresseuse en sureté. Logique, non ? Et Pandarbare avait l’air de reprendre l’avantage…

Boum !

"Tu as sa pokéball ?" siffla Sacha.
- Hu ?
"Je peux porter Luc en plus, mais Pandarbare ça va être compliqué donc…"

Elle n’en revenait pas que ce soit lui qui propose ça ! Enfin, elle avait déjà l’intention de mettre Pandarbare en sureté, du moins jusqu’à ce que son Dracaufeu lui rappelle qu’ils avaient zéro plan pour la suite. Plus important, c’était lui que les Magma visaient, même s’il n’était pas vraiment au courant et qu’elle n’avait pas l’intention de le lui dire tout de suite. Déjà que c’était elle qui avait insisté pour les embarquer là-dedans, si en plus elle lui disait que c’était un piège (alors que c’était précisément ce que Dracaufeu reniflait depuis le début et il n’avait pas manqué de l’avertir) spécialement destiné pour lui elle ne savait pas comment il réagirait…

- Tu ne peux pas les affronter seul !
"Je vais courir !"
- Tu es déjà en train de courir ! s’agaça-t-elle en contemplant la dizaine de mètres qu’il avait difficilement parcouru.
"Alors voler ?"

Comme s’il était en état ! Elle était désolée de lui apprendre, mais des fois qu’il ait oublié (son cœur se serra), il s’était pris une dizaine d’Extrasenseur et Déflagration il y a à peine une heure et il ne tiendrait pas debout si elle ne lui avait pas donné tout son stock de racinénergies.

- Hé !

Dracaufeu avait glissé une patte dans la poche de son manteau et, dès la pokéball, trouvée, s’était dépêché de ramener le panda. Son mouvement avait été si fluide et assuré que Serena aurait pu croire qu’il avait fait ça toute sa vie. Plus important :

- Ce n’était pas à toi de faire ça !
"Quand tu es complètement perdue : si !"
- Je… Je ne le suis pas ! s’emporta-t-elle. C’est juste que j’essayais de réfléchir à quoi…

Serena cligna des yeux. Elle n’était plus dans les bras de son pokémon et se retrouvait à flotter pas très loin du plafond, avec le désagréable bonus de se retrouver la tête en bas. Clairement pas ce qu’il y avait de mieux pour son vertige, quoiqu’elle se doutât que ce ne serait pas son seul souci en voyant Feunard en contrebas, son pelage luisant de la lueur si caractéristique des pokémons psy.

- Ah ! cria-t-elle de surprise quand elle fut brutalement ramenée au sol.
- Oh… Oh maintenant je comprends, sourit maladroitement Courtney. C’était pour elle à la centrale, c’était tout simplement pour elle.

Les yeux de Dracaufeu se révulsèrent. Serena déglutit, devinant qu’il avait compris ce que la femme voulait dire, et le voir s’agiter encore plus que lorsqu’elle lui préparait ses profiteroles préférées ne la rassurait pas beaucoup sur ce que c’était. Ce serait la raison pour laquelle ils en avaient après lui ? Mais qu’est-ce qu’il avait bien pu leur faire ? Elle le connaissait depuis qu’il était tout jeune, et… Elle l’avait retrouvé seul et paralysé, et elle ne savait toujours pas ce qu’il s’était passé avant.

- Dra !

Elle se rendit soudain compte que ce n’était pas pour lui qu’il était inquiet mais bien pour elle, ce qui n’avait aucun sens parce que c’est lui qui était visé et… De la douceur. Serena ferma les yeux et secoua la tête. Elle l’avait mis en danger, elle les avait tous mis en danger, Dracaufeu devrait l’avoir compris maintenant et il devrait tellement, tellement lui en vouloir mais… Elle se releva péniblement, la pression moins pesante sur ses épaules, la vue floue à cause des larmes et Dracaufeu qui griffait le sol, hurlant à s’en rompre la voix. Ça me rend heureuse, au fond ça me rend heureuse, mince.

- Oh que quoi oui, c’était pour toi. Ça a toujours été pour toi, siffla Courtney.

Serena secoua la tête, se tournant lentement vers la femme, la bouche entrouverte, encore un peu hagarde alors qu’elle effleurait doucement la surface de la raison, sans pourtant comprendre totalement ce que la Magma attendait d’elle.

Sacha, lui, le savait. Incapable de bouger, cloué au sol par Extraseuseur et ses flammes encore réduites par Entrave. Stupide, stupide, stupide, il était stupide d’avoir accepté ! Tout ça parce que quelque part il voulait quand même faire le malin devant elle, lui prouver que ce qu’elle imaginait de lui était vrai alors que…

Sa respiration se coupa, les yeux écarquillés quand Courtney frappa Serena au visage et qu’un filet de sang s’échappa de sa lèvre tandis qu’elle s’effondrait. Qu’est-ce que ça faisait, hein ? De penser que ce serait peut-être la dernière fois qu’il la verrait, que ce serait peut-être la dernière chose qu’il verrait tout court. Ça le sera, quoiqu’il arrive, si elle n’est plus là, ça le sera.

Comprenait-il à présent ? Comprenait-il maintenant pourquoi cette défaite contre Urup l’avait tant fait souffrir ? Se sentir mal par rapport à Liam, se sentir mal par rapport à Amphinobie ou bien… « Je comprends ce que tu ressens ». Et il s’était énervé, il s’était tellement énervé parce que c’était elle, parce que la manière dont elle le regardait, parce qu’il était persuadé de l’avoir déçu. Et aujourd’hui encore, il avait fait la même erreur, exactement la même comme s’il n’avait rien appris de sa précédente erreur.

"Lui fais pas de mal," sanglota-t-il. "Je t’en supplie, ne lui fais pas de mal."
- Alors viens, grinça Courntey.

Elle décocha un coup de pied dans le ventre de la jeune fille à terre, puis un deuxième, un troisième, la poussant sur le dos pour qu’aucun gémissement ne soit étouffé. Le cœur de Sacha se déchira quand elle tourna ses yeux humides vers lui, quand il parvint un bref instant à se relever avant d’être à nouveau plaqué au sol. Que comprenait-elle exactement ? Que comprenait-elle dans le Bois Dédale ou quand elle lui demandait de l’accompagner dans ce fichu Centre Météo ? Que comprenait-elle quand il était terrifié, quand il était impuissant, quand… Je t’aime. Moi aussi je t’aime tellement.

Cette fois, la réalisation ne se contenta pas de s’échapper de son âme éreintée, elle s’imprima, s’ancra comme si on l’avait appliquée au fer rouge dans l’esprit du métamorphosé. Douloureuse à souhait, la souffrance brûlant son cœur à vif, lui faisant bien comprendre que plus jamais il ne pourrait l’ignorer.

Son visage le tortura soudain, sa tête alourdie par les doux sourires de Serena, sa mémoire réclamant ses caresses, les tréfonds de sa raison cherchant son parfum (la farine et la cannelle quand elle cuisinait avec lui, son shampoing – pomme parfois, vanille souvent – après une journée éreintante, le soleil et l’herbe quand elle se reposait contre son épaule dans les prairies, la fraicheur et le silence quand il se réveillait la nuit et qu’elle venait s’assoir à ses côtés).

Le visage de Courtney s’illumina, son regard pétilla et Sacha eut un très mauvais pressentiment : l’impression qu’il venait de lui donner la confirmation qu’elle attendait. Lentement, comme si elle voulait qu’il savoure chaque instant, elle se pencha sur la jeune fille et posa une de ses mains sur sa gorge, l’autre sur son nez et sa bouche.

Elle appuya, sans lâcher du regard le dragon, un sourire de défi sur les lèvres quand Serena se cambra violemment et qu’il sut que ses souvenirs avec elle ne seraient pas suffisant, qu’il ne voulait pas qu’ils deviennent suffisants. Un élan de panique, les palpitations de son cœur, la certitude de ce qu’il allait perdre. Qu’est-ce que son père avait ressenti au moment de partir ? Cette douleur-là, cette douleur d’imaginer tous les lendemains qu’il ne vivrait plus à ses côtés, Sacha ne pouvait plus croire qu’il l’ait surmontée.

Il se releva, tous ses muscles en feus, les gémissements de Serena de plus en plus lointains. C’était pas une erreur, être avec elle, papa, c’était tout sauf une erreur ! Encore quelque pas, tendre la main, presque l’atteindre.

Et finalement tomber. Sur les pavés brûlants, ses pleurs, ses excuses, le sang qui coule de ses plaies, les hématomes qui gonflent comme des bubons sur ses paupières et ses joues, son incisive qui pendouille retenue par un bout de gencive lacéré, sa canine et quelques molaires déjà parties. On les entend crier, on les entend venir, on devine le cliquetis de leurs épées qui vont lacérer, exciser. Pourtant ce n’est pas d’eux qu’il a peur, quand il lève la tête et resserre ses bras autour d’elle, quand encore une fois il s’excuse… Il se trompe. Il n’y a pas de regrets. Bien au contraire.

Et s’il restait ?


Les vitres explosèrent et Serena put à nouveau respirer, les yeux rougis et embués par les larmes alors que l’Admin se reculait en gémissant. Courtney avait mal, son uniforme criblé de verre, un œil fermé suintant de sang tandis qu’elle pestait, ne comprenant pas ce qui avait pu se passer.

C’était l’orage qui avait provoqué ça ? Vous n’alliez pas lui faire croire que ces fichus pseudo-scientifiques n’étaient pas fichus de correctement calibrer leur parabole !? Ah… Bien sûr… Bien sûr qu’elle se faisait lacérer pile au moment où elle commençait à s’habituer à ces nerfs, parce que sinon ce n’était pas drôle. Et vous saviez ce qu’il y avait d’autre de drôle ? Voir cette gamine chouiner au sol alors qu’elle n’avait que quelques coupures aux jambes et peut-être un ou deux éclats de verres fichés dans le mollet. Et grâce à qui, hein ? Grâce à cette charmante et gentille Admin qui avait malgré elle servit de bouclier en se prenant les trois-quarts des éclats dans le dos.

Le souffle court, les dents serrées, elle se sentit soudain venir une nouvelle énergie, l’envie presque jubilatoire d’accomplir scrupuleusement et rigoureusement sa mission. Et quelle meilleure manière pour cela que d’écraser le visage de cette sale petite contre les débris tranchants ?

Cette gosse avait-elle compris ce qu’elle avait en tête ? Peut-être vu la manière dont elle écarquilla les yeux et commença à ramper vers le reptile qui, de toute évidence, avait perdu connaissance... Tant pis, il se réveillerait au milieu du spectacle, mais elle ferait en sorte qu’il en devine facilement le début.

Courtney ne pensait plus à la douleur, ni au grondement de la pluie quand elle saisit les cheveux de la coordinatrice et la tira vers elle. Ce petit gémissement apeuré, ces grands yeux bleus effrayés, cette peau qui allait bientôt devenir translucide si elle continuait à blanchir. Oh oui, ils avaient été beaucoup trop gentils avec elle et ses petits amis, là-bas, à Kalos. Une stupide erreur, encore une erreur, que l’Admin allait dès à présent corriger, lacérer, disséquer, exciser et si ça ne suffit pas alors nous serons là, nous serons toujours là pour tout sauver !

Mais il l’en empêcha, encore. Courtney claqua des mâchoires, un râle rauque lors qu’elle percuta le mur et qu’elle sentit le verre s’enfoncer un peu plus dans sa peau. Les muscles tétanisés, elle entendit Feunard glapir, stupide pokémon qui croyait pouvoir l’aider, et qui, sans surprise, fut rapidement balayé.

Même pas de quoi faire diversion… Mais en avait-elle seulement besoin ? Il voltigeait devant son nez, son regard innocent à peine ennuyé, ses petites pattes étouffant un rire, comme persuadé qu’écraser la femme contre le mur n’était qu’une pichenette, une petite remontrance affectueuse. Très bien, qu’il ne la prenne pas au sérieux, qu’il croit que le monde continuera de l’épargner, qu’il y trouvera sa place et s’y intègrera à jamais, Courtney, elle, avait pu bouger sa main. Certes ce n’était que quelques centimètres, mais elle n’avait pas besoin de plus pour activer l’ouverture de sa manchette et frapper le bouton qu’elle contenait contre le mur.

L’admin retint son souffle, persuadé que Mew allait comme elle entendre, à travers l’averse, les clics et grincements des conteneurs qui s’ouvraient, le léger bourdonnement magnétique des objets qui s’en échappaient et le bouillonnement des gouttes de pluie à leur contact. Mais il continuait ses grotesques cabrioles, et Courtney sentait son corps se détendre malgré la pression, et la joie l’envahir quand dans l’encadrure de la fenêtre apparut l’extrémité du pointeau, sa surface grisâtre s’allumant d’un bleu azuré.

Avait-elle souri ? Peut-être, probablement vu comment Mew la dévisageait, son expression pour la première fois troublée. Comme il fut délectable de le voir se retourner, ses yeux s’écarquiller et ses poils se hérisser quand l’objet vira au rouge, quand son pelage s’illumina dans un ultime réflexe de Téléport.

Un flash trop tard.

***
La pluie s’était arrêtée, les énormes pointeaux qui avaient encerclés le centre météo un instant plus tôt avaient rejoints le sol, écrasant pour certains les camions qui les avaient transportés.

Un rire. Pataud, rauque et laid, une sorte d’expérience ratée qui ne découragea pourtant pas Courtney.

- Je le savais ! jubila-t-elle. Il fallait juste que je les pousse vers ce que tu voulais, quelque chose que tu ne pourrais pas ignorer !

Le sang lui coulait du nez, imbibait les gencives, son seul œil valide rougit par l’explosion des capillaires. Elle se releva, les élancements dans sa tête de plus en plus fort, distinguant un peu plus loin Serena qui vomissait et gémissait. Ça manquait de spécificité, Magnet, se moqua-t-elle, quand je pense à tous les efforts que j’ai fait pour te récupérer, tu aurais quand même pu mieux calculer ton coup. Elle partit dans un autre éclat de rire difforme, préférant ne pas imaginer la puissance de l’onde de choc qu’elle venait de subir si même cette sale petite humaine en ressentait les effets.

Comme il était triste cependant que les choses ne soient pas finies, que Mew rampe encore sur le sol, bel et bien conscient, malgré tout le soin et la confiance qu’ils avaient mis dans ce système. Courtney fit un pas en avant, son menton retombant lourdement sur sa poitrine, les gouttes de sang sur ses bottines.

- Si longtemps… Pendant si longtemps… Mais nous reprenons la bonne voie.

Mew comprenait-il ? Son pelage imbibé de larmes, ses petites griffes cherchant désespérément un point d’accroche, comprenait-il pourquoi en cet instant, il revenait dans ces ruelles étroites, auprès d’Amisos qui suppliait contre le sol et d’Anastis qui le regardait, qui ne voulait pas le perdre, qui ne voulait pas qu’il parte. Parce que ce n’était pas juste, non, ça ne l’était pas.

Il ne resterait plus sans bouger, il n’attendrait plus, elle le lui avait permis … Un cri de douleur derrière lui. Mew tourna péniblement la tête, ses traits s’éclaircissant un bref instant de soulagement quand il remarqua les éclats noirs qui enveloppaient désormais la jambe et une partie du bras de la femme, lui interdisant de plus avancer. Oui, elle lui avait offert une chance et continuait de la faire. Alors comment ne pas répondre, comment ne pas mettre toutes ses forces pour faire vibrer ses pouvoirs psychiques, même s’il ne l’emmènerait pas aussi loin qu’il le voudrait, au moins atteindre le rebord de la fenêtre, sentir l’air chauffé d’humidité.

- Ne fais pas ça ! C’est notre seule chance ! Notre seule chance de tout sauver !

C’était ce qu’ils disaient eux aussi, mais ce n’était pas juste, rien de tout cela n’avait jamais été juste. Il s’échappa, pour sauver ce qu’il aimait tant, ce qui n’était pas une erreur.

Ce qui ne serait plus une erreur.

***

Serena ouvrit péniblement les yeux, l’impression de sortir de l’un de ses sempiternels entrainement de coureuse de rhinocorne, et pas l’un de ceux qui s’était le mieux passé. Elle ne se souvenait pas vraiment de tout, mais il lui revint assez vite en mémoire qu’elle ne s’était malheureusement pas mise dans une situation des plus favorables, que ce soit pour elle ou pour ses pokémons, surtout pour ses pokémons.

Elle regarda autour d’elle, et son ventre se tordit de culpabilité quand elle remarqua Dracaufeu recroquevillé dans un coin, immobile, des éclats de verre fiché dans ses écailles et aussi… des cristaux ? Des petites pierres noires qui semblaient avoir poussé sur la peau du pokémon avant de se briser.

- Dracaufeu ? hoqueta-t-elle.

Pas de réponse et Dracaufeu n’était pas du genre à ne pas lui donner de réponse. Il lui répondait avec entrain, un petit sourire, la flamme au bout de sa queue qui s’intensifiait une demi-seconde. Elle pensait au début qu’elle ne faisait que l’imaginer, avant de finalement accepter qu’il aimait quand elle lui parlait, et que c’était peut-être pour cela qu’il se montrait toujours aussi attentif, même quand elle lui demandait de tout bêtement l’aider à étendre le linge. Dans quel monde un dracaufeu accepte ça… Dans quel monde acceptait-il de suivre son idiote de dresseuse dans la pire des idées qu’elle n’ait jamais eu ? Et si par sa faute… maintenant il… il…

- D-Dracaufeu ? Hé ! Dracaufeu !?

Il ne répondait toujours pas. Serena sentait sa respiration se rompre, ne comprenant pas pourquoi il ne disait rien, pourquoi il ne grognait pas ou ne bougeait pas, au moins lui faire signe qu’il… qu’il…

Qu’il aille bien ? Comment veux-tu qu’il aille bien, idiote !

Mais… mais il devrait au moins y avoir quelque chose. Une vibration des écailles, un mouvement, peu importe lequel, juste quelque chose qu’elle pourrait voir. Sa tête lui faisait mal, sa poitrine se comprimait de douleur, et elle ne savait pas pourquoi ces cristaux remplaçaient écailles, comme si elles étaient nécrosées, comme… mortes ?

Un choc derrière sa tête, un peu de sang sur sa tempe et ses lèvres. Serena leva le nez, abasourdie, tandis qu’Adèle se tenait au-dessus d’elle, une expression qu’elle ne lui avait jamais vu. Courtney leva ses deux mains, le début d’un mouvement pour lui permettre de rattraper quelque chose avant de finalement les laisser retomber de part et d’autre de ses hanches. Elle ouvrit la bouche, les yeux désormais rivés sur la jeune fille, les muscles de sa mâchoire tendus à l’extrême et puis…

Clac.

Les dents avaient frappé l’une contre l’autre, provoquant un petit cri effrayé chez la jeune fille.

- Tu as fait une erreur, marmonna-t-elle.

Clac.

- Une très grosse erreur.

ClacClac.

- Et tu vas m’aider à la corriger. Vous allez m’aider à la corriger.

Clac.

Serena esquissa un mouvement de refus, le coin de ses yeux brillants de larmes.

- Debout.

Perdue, la jeune fille regarda tour à tour son dragon et la femme.

- S’il te plait. S’il te plait je n’en peux plus, je n’en peux plus, je…
- DEBOUT !

Serena obéit dans la seconde malgré ses jambes tremblantes, aidée par Courtney qui lui empoignait violemment le bras lui faisant pousser un gémissement de douleur.

- Toi aussi, siffla l’Admin.

Serena déglutit, entendant bien les menaces dans la voix de la femme. Mais Dracaufeu ne pouvait plus… elle écarquilla les yeux. Il avait bougé, et ça aurait suffi à Serena pour se rassurer, ça lui aurait largement suffi. Sauf que lui, de toute évidence, il s’était mis en tête d’en faire plus, peu importe à quel point il avait souffert, peu importe à quel point ce devait être douloureux avec tous ces bouts de verres, ces hématomes, et ces plaies. Il gronda encore, front contre terre pour se donner un autre appui, et finalement se relever.

Ah ! Pourquoi elle ne pouvait pas avoir un dracaufeu qui s'en fichait et grognait « débrouille toi ! » quand elle se mettait dans les pires pétrins. Qui plus est lorsque, disons-le franchement, elle l’avait jeté aux mains de l'ennemi et en prime en se moquant du fait qu'il était « trop » inquiet.

Mais c'était Dracaufeu. Le Dracaufeu qui lorsqu'elle avait mal (que ce soit les crampes douloureuses lors de ses mauvaises périodes, après une séance de cuisine trop longue, ou quand tout bêtement elle s'était trop appuyée sur sa mauvaise épaule), faisait sa bouille inquiète puis s'empressait d'approcher et de jouer les bouillottes magiques – température idéale garantie. Des fois, il allait même à la pâtisserie du coin (au bout de deux poêles brûlées au nom du « fait-Dracaufeu »), comme si le sucre était la solution à tout. Alors qu’il ignorait que lui-même était déjà la solution à beaucoup de choses.

Le cœur de Serena accéléra. Dracaufeu s’était rattrapé in extremis d'une de ses ailes, plus par reflexe qu'autre chose, mais c’est là qu’elle le vit : le visage étrangement fendu du dragon. Les nombreuses craquelures sur sa joue comme un impact sur du verre, les rayures qui se propageaient à travers les écailles.

- Dra…

Ça suffit Dracaufeu, je t’en supplie, ça suffit maintenant, tu en as déjà assez fait.

- Ne viens pas ! Je t’interdis de venir ! hurla Serena.

Courtney lui tordit le bras et les larmes brûlèrent son visage. Bien sûr qu’elle avait peur, bien sûr qu’elle préfèrerait cent fois que Dracaufeu vienne la tirer de là, qu’elle… qu’elle ne savait pas ce qu’il se passerait une fois seule avec Courtney, avec l’Admin de la Team Magma, après avoir encore fait échouer un de ses plans, mais…

Elle mordit sa lèvre quand il remua la tête en signe de négation, toujours bien décidé à la suivre. Mais si elle le laissait faire, il allait juste le regretter, comme lorsque…

Comme lorsque tu as cru qu’il regrettait d’avoir une coordinatrice en tant que dresseuse.

Et elle s’en voulait d’avoir si mal jugé ce qu’il ressentait, mais là c’était différent. La Team Magma en avait après lui, avec tout ce que ça impliquait, et il ne devait pas prendre ce risque-là, pas pour sa stupide dresseuse qui l’avait entrainé là-dedans ! Parce que dans le fond c’était tout ce qu’elle était : une dresseuse, juste une dresseuse qui était là au bon endroit au bon moment pour remplacer sa famille perdue. Et je suis sûre que tu le comprendras quand Orium les aura retrouvés, quand vous serez à nouveau réunis. Voilà pourquoi je ne veux pas que me suivre devienne la pire erreur de ta vie, voilà pourquoi…

- Je…

Sa voix se serra. Elle n’arrivait pas à le dire, même si ça devait le sauver, elle ne pouvait pas se résoudre à le dire. Ses joues s’échauffaient, son cœur battait toujours rapidement mais d’une tonalité bien plus étrange. Pourquoi c’était si dur de lui mentir, de l’imaginer se détourner d’elle, de devenir moins que sa dresseuse.

- Je…

Il n’était pas si loin de réussir le gâteau au yaourt. Et puis elle aurait voulu faire au moins une performance avec lui, avec la chorégraphie sur laquelle ils s’étaient entrainés depuis le stage de danse d’Atalante. Je suis vraiment tombée sur le plus bizarre des dracaufeus. Ce plus bizarre des dracaufeus qui la faisant tant sourire. Serena prit une grande inspiration, cette fois serait la bonne.

La prise sur son bras se relâcha soudain. Courtney s’était reculée sans raison, du moins ce fut ce que Serena crut avant de remarquer la fine entaille dans la capuche de la femme et les mèches de cheveux tombées à ses pieds. Serena sentit ses jambes l’abandonner à nouveau et elle tomba à genou, toute opportunité de fuite perdue. Heureusement, elle n’en aurait pas besoin.

Un jungko sifflait à côté d’elle, les Lame-Feuille dégainées, tandis que l’Admin continuait de reculer prudemment, claquant de temps en temps des dents comme pour ponctuer sa réflexion, son regard refusant de définitivement lâcher la jeune coordinatrice.

Jungko siffla de nouveau, fouettant le sol de sa queue, un avertissement que la femme sembla comprendre. Elle claqua une dernière fois sa mâchoire, rappela ses pokémons et finalement décida de partir quand il apparut clairement que quelqu’un approchait et que dehors les sirènes retentirent.

- Serena ! Bon sang, qu’est-ce qu’il s’est passé ici ?!

Elle ne pensait pas un jour se sentir aussi heureuse de voir Brice. Et au grand jamais elle n’aurait pensé entendre un soupir de soulagement venir du pokémon feu à l’arrivée du garçon.

- Je voulais juste… hoqueta-t-elle. Mais Adèle… Et Dracaufeu…

Serena sursauta, il y avait eu un gros « boum » qui n’était rien d’autre que le gros dragon s’écroulant d’épuisement.

- Dracaufeu !

Si elle serait plus tard reconnaissante à Brice de l’avoir aidée à se relever et à marcher, sur le moment elle ne pensa qu’à son ami à terre, submergée par la panique et le remord quand elle s’agenouilla à côté de lui, entendant sa respiration sifflante, les plaies plus que jamais visibles.

- Pardon… murmura-t-elle en l’étreignant contre elle. Pardon, pardon, pardon.