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Le royaume secret de Lubusia de Pokenono2



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» Auteur : Pokenono2 - Voir le profil
» Créé le 10/08/2025 à 02:19
» Dernière mise à jour le 10/08/2025 à 09:55

» Mots-clés :   Action   Amitié   Famille   Présence de personnages du jeu vidéo   Unys

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Chapitre 1 - Nathan Haas
Trois ans étaient passés depuis la disparition de mon père et la dissolution définitive de la Néo Team Plasma. Trois ans que j’avais laissé Reshiram, mon ami légendaire, aux mains d’un nouveau dresseur qui m’avait épaté à bien des égards. Trois ans que j’avais quitté Unys, région qui m’avait vu naître et que j’avais dû fuir, poursuivi par les fantômes d’un passé regrettable et regretté. Aujourd’hui, je contemplais avec une appréhension mêlée d’enthousiasme les gratte-ciel de Volucité se dessiner sur l’horizon. Le paquebot sur lequel j’avais embarqué rejetait des panaches de fumée noire montant haut dans les airs. Mon cœur, saisi d’une anxiété profonde, n’avait de cesse de battre avec véhémence. Pourtant, je sentais au plus profond de mon être qu’il était temps de rentrer, mes précédents voyages n’ayant jamais abouti à quoi que ce soit de concret.

Suite au démantèlement des dernières forces de la Team Plasma par la Police Internationale, j’avais essuyé le profond rejet de la population unysienne. Peut-être l’avais-je mérité, quelque part. Après tout, j’avais été la figure de proue d’une organisation terroriste quelques années auparavant. Sans doute mon image publique avait-elle été ternie à tel point que m’intégrer dans la région m’était devenu tout bonnement impossible, à cette époque. Je ne pouvais donc décemment envisager de vivre à Unys tant que l’ombre de l’équipe de criminels planait encore sur la région, même si j’étais venu en aide au nouveau Héros et que l’information avait été relayée dans les journaux. C’est pourquoi, suite à ma séparation avec Reshiram, j’avais décidé de partir. Ce voyage devait me permettre de répondre à certaines questions sur ma nature, ce que je souhaitais faire de ma vie et sur la personne que j’étais réellement. Mais trois ans plus tard, j’étais toujours incapable d’avoir une réponse concrète. Naturellement, peut-être même un peu trop, je m’étais donc décidé à revenir à Unys.

Le paquebot accosta sur le quai central avant de déployer sa coupée dans un grincement strident. Ce jour-là, un fort vent marin balayait la ville et s’infiltrait dans mes cheveux, que j’avais teints en blanc et raccourcis. Dans un élan de coquetterie qui ne me ressemblait guère, j’avais même accroché une chaînette sertie de perles en bois à une mèche un peu rebelle. J’avais depuis longtemps délaissé ma vieille casquette, découvrant ainsi une tignasse pleine d’épis. Cette envie de changement s’expliquait aussi par une volonté de me cacher, de ne pas montrer ma véritable identité par crainte du rejet. Il était impossible qu’en seulement trois ans, la population ait oublié le visage d’un ancien chef terroriste, qui avait fait le tour des journaux.

Grâce aux progrès de la technologie, j’avais néanmoins réussi à trouver un appartement bon marché dans un quartier malfamé, ainsi qu’un poste de caissier dans une supérette. J’avais réalisé cet exploit à distance, par ordinateur. Je n’en aurais jamais été capable, quelques années avant… Le directeur du magasin était le seul ayant vu mon visage, lors d’une visioconférence. Le propriétaire de mon nouvel appartement, je ne l’avais pas encore rencontré. Il n’avait reçu que mon dossier.

La boule au ventre, une valisette miteuse en mains, je traversai les rues bondées, les yeux rivés sur mon GPS. Volucité n’avait pas changé. Partout, les passants allaient et venaient dans un capharnaüm incessant. Moi qui avais détesté l’être humain des années durant, il était surprenant que je choisisse une cité si grande. Cela ne venait nullement d’une réelle envie d’y vivre, mais plutôt d'un souci financier. Ayant grandi à l’écart du monde, j’ignorais bien des choses quant à la manière dont fonctionnait la société. Je savais certes qu’il fallait argent et travail pour vivre, mais cela ne m’apparaissait que comme un concept lointain. J’étais également un incompétent notable en matière de relations sociales. Je n’avais jamais fait d’études et malgré ma remise en question, les combats Pokémon me mettaient toujours mal à l’aise. C’est pourquoi, je me voyais mal gagner ma vie en tant que dresseur et ne possédais pas la moindre de ces créatures. Ainsi, me trouvant dans une situation pécuniaire embarrassante, je pensais à cet instant que m’installer à Volucité, où le travail était facilement accessible et certains quartiers abordables, était finalement la solution la plus raisonnable.

Perdu dans mes pensées, je ne réalisai que tardivement être arrivé au lieu donné. Face à moi se trouvait une vieille porte en bois dotée d’un interphone auquel il manquait plusieurs boutons. Nerveux, j’appuyai sur la sonnette et attendis bien trois minutes avant que l’on me réponde :

« Oui ? », fit une voix maussade depuis l’interphone.
« Bonjour, je suis venu chercher les clefs de mon nouvel appartement », répondis-je sur ce ton rapide qui m’était caractéristique. « Je m’appelle Nathan Haas. »

Lorsque j’étais à Johto, dernière région dans laquelle je me trouvais avant de revenir, j’avais pris soin de falsifier mes documents d’identité et de trouver un faux nom. Ce n’était qu’une question de prudence. De toute manière, je n’arrêtais pas de penser que mon nom complet, « Natural Harmonia Gropius », était étrange, trop long et n’attirait pas la sympathie. Le surnom par lequel on m’appelait autrefois, « N », était pour sa part bien trop célèbre. C’est pourquoi, cette nouvelle identité me convenait parfaitement.

« Ah oui, vous », résonna la voix. « Attendez une seconde… »

On vint m’ouvrir plusieurs minutes plus tard. Je n’étais pas d’un naturel impatient, mais faire le pied de grue si longtemps alors que mon arrivée était prévue à cette heure précise depuis des jours m’agaçait légèrement. La porte s’ouvrit dans un grincement sinistre sur un homme à la barbe mal rasée et au crâne luisant, ainsi que sur son Malosse à l’air agressif. Tous deux paraissaient mécontents de me voir et l’on me fit entrer en grognant. Celui que je devinai être le concierge ne me salua pas. Il se contenta de me demander de le suivre et je lui emboitai le pas non sans une légère hésitation. Nous montâmes cinq étages dont le plancher moisi craquait horriblement sous nos pas. Le Pokémon, lui, nous devança facilement, filant à vive allure. J’observai sa silhouette se perdre sur les marches du dessus, légèrement amusé par sa démarche inélégante et son air renfrogné. J’usai alors de mon don me permettant d’écouter les Pokémon et entendit : « Toujours les mêmes, ces locataires… Ça vient déranger et ça empêche de finir les repas. La prochaine fois, c’est lui que je mangerai ! ». J’ignorais de qui il parlait quand il disait vouloir dévorer quelqu’un, mais espérais secrètement que ce n’était pas moi…

Finalement, l’homme m’invita dans un appartement poussiéreux, comme s’il n’avait pas été nettoyé depuis des semaines. Visiblement, le ménage n’avait pas été fait avant mon arrivée. Il était même possible que l’ancien locataire soit parti en le laissant tel quel. Pourtant, je me refusai à tout commentaire, ne souhaitant pas prendre le risque de me faire chasser avant mon installation.

« Vous avez la kitchenette juste là. La plaque du fond marche plus. Essayez pas de la réparer vous-même, je voudrais pas que vous déclenchiez un incendie. »

La remarque me fit tiquer. Je restai silencieux malgré tout, dans l’attente de la suite. Le reste de la visite ne se déroula guère mieux. L’appartement était un modeste 20m² et bien qu’il y ait assez d’espace, je remarquai des cadavres de cafards dans un coin de la pièce. Je retins un haut-le-cœur. Il y aurait du travail, une fois mes valises posées…

Cependant, la situation s’envenima réellement lorsque le concierge ressortit mon dossier. Il fixa longuement la photo que j’avais fournie, fronçant les sourcils. Puis, il me lorgna éhontément. Il souffla alors quelque chose dans l’oreille du Malosse, qui sortit d’un pas nonchalant.

« Un problème ? », demandai-je, inquiet.

Je n’obtins jamais de réponse. L’homme avait des yeux de merlan frit, comme s’il venait de commettre une énorme erreur. Mon cœur battait la chamade sous l’appréhension. À cet instant précis, je compris que mon retour à Unys avait peut-être été un peu précipité. Je me dis alors qu’il aurait mieux valu que je reste à Johto, même si je n’y avais pas trouvé ma place.

Le Malosse revint quelques minutes plus tard, un vieux journal en bouche dont s’empara son dresseur. Le concierge ouvrit une page précise. De loin, je reconnus mon visage, à l’époque où je faisais encore partie de la Team Plasma… C’était fini. L’homme grogna :

« Ah. J’avais oublié… Cet appartement a déjà été loué par quelqu’un d’autre, en fait. »
« …hein ? »
« Je peux pas vous prendre », me dit-il, droit dans les yeux.
« Comment ça ? »

L’homme haussa mollement les épaules.

« Je répèterai pas cinquante fois. Maintenant, débarrassez-moi le plancher, fissa. »
« Vous n’avez pas le droit de faire ça », me défendis-je.

Il pouffa un peu.

« C’est peut-être vrai. Vous pouvez intenter une action en justice, si ça vous chante. Enfin, si vous trouvez un avocat qui veut bien de vous… »

Je serrai les dents et baissai la tête. C’était frustrant, mais il avait raison sur un point : ici, personne ne voudrait me défendre.

« Bien, maintenant, si sa Majesté veut bien me suivre… »

Empoignant fermement ma mallette, la main tremblante, je quittai l’appartement sans un mot. Quelque chose en moi me hurlait de répliquer, de ne pas laisser cet homme prendre le dessus, mais ma bouche restait close malgré moi. Quelques instants plus tard, la porte branlante claqua derrière mon dos. Je me retrouvai seul et sans appartement pour la nuit. Je soupirai, exaspération et nervosité se mariant dans un tumultueux mélange de pensées négatives.

Il fallait que je trouve une solution rapidement. Naturellement, je pensai au job dont je devais encore signer le contrat. Peut-être pouvais-je expliquer ma situation à mon employeur et lui demander de l’aide pour mes premières nuits, le temps de prendre un nouvel appartement. Je me dis qu’avec un peu de chance, il accepterait de me sortir de cette passe. Je pris mon téléphone en main et tapai la nouvelle adresse se trouvant à une vingtaine de minutes à pied. Peu friand des dépenses inutiles, je préférai marcher plutôt que de m’encombrer avec les transports en commun, que j’exécrais tout particulièrement. Rallonger le temps du trajet devait également me permettre d’organiser mes pensées proprement, de sorte que je trouve les meilleurs arguments possibles pour qu’on accepte de me sortir de là.

Durant le trajet, je me cognai à plusieurs personnes par accident, celles-ci se déplaçant à un rythme effréné. Trop de gens vivaient ici. Je voyais mal comment je pouvais m’y installer durablement. Les gratte-ciel montaient si haut qu’ils cachaient même la lumière du soleil, assombrissant la ville sans chercher à le faire. Si elle était si peu lumineuse même les jours de grand soleil, je n’osais l’imaginer lorsque la pluie s’abattait sur son sol. Peut-être faudrait-il des lampes-torche pour se déplacer comme on le voulait… Marchant à vive allure, je me rendis soudain compte que mes pensées étaient dénuées de sens, simplement alimentées par la colère sourde qui m’habitait. Me présenter dans un tel état à mon employeur n’était-il pas, finalement, quelque peu dangereux ? Je ne pouvais arriver avec un air aussi acariâtre sans provoquer de sentiment hostile. Il me fallait être a minima présentable, si je souhaitais avoir une chance.

Dans l’attente du passage de mon humeur, je m’assis sur un banc dans un parc, seul réel carré d’herbe se trouvant aux alentours. Ici, un léger vent passait entre mes cheveux, me rafraîchissant comme il fallait. Je ne m’en étais pas rendu compte, mais je suais à grosses gouttes depuis mon arrivée en ville. Le calme ambiant me fit un peu de bien. À côté de moi se trouvait un distributeur de boissons que j’avais à peine remarqué. Je réalisai mourir de soif et, la gorge sèche, je mis ma dernière pièce dans la petite ouverture pour acheter une bouteille d’eau. Quand la machine de malheur avala ma monnaie sans me distribuer la boisson, je crus que j’allais me mettre à pleurer. D’un geste rageur, je tapai du pied sur l’engin sans que cela ne change quoi que ce soit. Je poussai un profond soupir d’exaspération non contenu. Bien entendu, je pouvais parfaitement aller prendre un peu de liquide dans une banque, je n’étais pas non plus à sec. Cependant, l’idée de faire le déplacement jusqu’à un changeur de monnaie m’irritait plus que nécessaire.

Confus et nerveux, je me dis qu’il était inutile de rester ici et que j’avais perdu suffisamment de temps. Je repris ma mallette avant de me diriger vers mon futur lieu de travail, sûrement plus énervé encore. Je quittai le parc sans avoir profité de la vue des arbres, la mine renfrognée. Une dizaine de minutes après, j’étais devant la supérette. J’entrai d’un pas incertain et me dirigeai vers la caissière, une charmante jeune femme aux cheveux violets ramenés dans un chignon tressé. Son visage m’était vaguement familier… Je la laissai encaisser un client puis m’adressai à elle :

« Bonjour », fis-je, la voix plus rauque que je ne l’aurais voulu.
« Oui ? Est-ce que je peux vous aider ? »
« Je cherche le gérant, je suis supposé signer un contrat de travail demain matin… »
« Votre nom ? »
« Nathan Haas. »
« Attendez une petite minute que je revienne », sourit-elle avant de se rendre dans l’entrepôt.

Elle réapparut peu de temps après, le gérant se tenant à ses côtés. Je le reconnus aussitôt, ce qui me rassura légèrement. L’homme me tendit la main que je serrai avec appréhension.

« Je croyais que vous ne viendriez que demain », avança-t-il.
« À ce propos, j’ai à vous parler… »
« Je suis pris jusqu’à 18h, vous pouvez attendre d’ici là ? »
« Je pense que oui ? »
« Bien. »

Il me salua d’un signe de tête avant de repartir. La gorge nouée, je pus enfin m’acheter une bouteille d’eau et quelques snacks. Je m’installai à une table devant la baie vitrée, plongeant ma tête dans mes bras. Mon employeur avait l’air plus aimable que le concierge, me dis-je avec espoir. Avec un peu de chance, je ne me retrouverais pas à la rue cette nuit. J’ignorai une pensée intrusive me disant que la chance n’était pas de mon côté. N’ayant aucun proche, il ne me restait que cette option. Enfin, disons que j’avais des connaissances à Unys. L’ancien Sage Carmine, par exemple, avait ouvert un refuge à Port Yoneuve pour les membres de la Team Plasma n’ayant pas réussi à s’intégrer à la société. C’était peut-être mon cas. Pourtant, par un sentiment de honte sûrement mêlé à une fierté mal placée, je me refusai à lui passer un appel à l’aide. Il en avait suffisamment fait comme cela, je ne pouvais en rajouter un couche. Mais peut-être était-il pire encore de me tourner vers mon employeur pour trouver une solution ? Je poussai un long soupir, la boule au ventre.

« Est-ce que tout va bien ? », fit une voix féminine.

Je relevai la tête pour apercevoir la caissière, qui s’était approchée et m’observait avec inquiétude.

« Si on veut… », répondis-je dans un souffle.

Une bouilloire avait été mise à disposition des clients. La jeune femme prit une boîte de nouilles instantanées et fit bouillir de l’eau. Une fois que le clic caractéristique de l’appareil retentit, elle versa le liquide dans la petite boîte et s’installa à côté de moi.

« Je suis en pause », m’expliqua-t-elle.
En effet, quand je tournai la tête vers la caisse, je constatais qu’un collègue l’avait remplacée.
« Alors comme ça, tu t’appelles Nathan ? », continua-t-elle. « Je me permets de te tutoyer, hein. Si on travaille ensemble plus tard... »
« Pas de problème. Et oui, c’est mon nom. »
« Moi, c’est Julie », fit la caissière en avalant une grosse portion de nouilles.
« C’est vraiment bon, ces trucs ? »

Julie lorgna son repas.

« Ça remplit l’estomac. J’aime bien. »

Je hochai la tête et nous restâmes silencieux un moment.

« Tu viens d’où, au fait ? », demanda soudain Julie.
« D’Oliville, à Johto. »
« Wah, le trou paumé ! »

Son éclat de voix soudain décrocha un sourire sur mon visage. Le premier de la journée.

« C’est bien, là-bas ? »
« Oui, j’aime bien la mer. Mais j’avais besoin de changement… »
« Et donc, tu es venu ici ? »
« Oui, mais… »
« Mais quoi ? »

Je baissai le regard, hésitant à lui parler de mes problèmes. Je soupirai. De toute manière, ce n’était pas comme si elle ne finirait pas par être au courant. Autant l’annoncer le plus tôt possible.

« Le propriétaire de l’appartement que je devais louer m’a refusé au moment de me donner les clefs. Sans respect du contrat qu’on avait signé et alors que j’avais déjà fait mon dépôt de garantie. J’étais censé emménager aujourd’hui mais je me retrouve à la rue… »
« Sérieux ? »
« Oui. »

Julie ouvrit des yeux ronds.

« Je ne connais personne, dans la région », continuai-je. « Le seul endroit où je suis susceptible de recevoir de l’aide, c’est ici. »
« T’es au courant que c’est illégal, au moins ? »
« Oui… »
« Va porter plainte. »

Son conseil me fit doucement rire. Il suffisait que je porte plainte pour que la police se rende compte de mon faux nom. Bien que Belladonis m’ait certifié que je ne serais jamais arrêté grâce à l’aide que j’avais apportée, il n’y avait aucune chance que quiconque accepte de me défendre.

« Tu penses que je pourrais recevoir de l’aide de l’employeur ? Trouver quelque chose ou… »

Julie pinça les lèvres, comme pour indiquer qu’elle en doutait. Elle n’eut pas le temps de répondre qu’une voix retentit :

« Nathan Haas ? »

Je relevai la tête. L’employeur venait de m’appeler.

« À tout à l’heure », dis-je à Julie.
« Bon courage. »

Je pénétrai dans la pièce que l’homme m’indiquait de la main et partit m’installer sur l’une des chaises en face du bureau. Le gérant de la supérette s’installa et prit mon dossier en main.

« Bien, vous êtes venu signer le contrat, je suppose ? Vous avez pu avoir votre justificatif de domicile ? »

Ma gorge se noua. Il s’agissait de l’unique document manquant avant de pouvoir signer quoi que ce soit.

« À ce propos… »

Je lui expliquai alors ma situation. Que ce soit le rejet du propriétaire au fait que je n’avais actuellement aucun toit. Quand j’eus terminé, l’homme appuya son dos contre le dossier de sa chaise et s’amusa à jeter et rattraper une boule de papier. Enfin, après une attente qui me parut interminable, il posa son regard dans le mien :

« Je comprends votre inconfort et vous soutiens de tout cœur, monsieur Haas, croyez-moi. Cependant, vous comprendrez bien que votre problème actuel pourrait être préjudiciable pour mon enseigne. »
« Comment ça ? »
« J’ai besoin d’employés sérieux dans cette supérette. Pas de quelqu’un ne respectant pas les conditions d’emploi ou les horaires… »
« Hein ? Mais ça n’a rien à voir ! Ce n’est pas parce que je n’ai pas de toit au-dessus de la tête que je manque de sérieux ! »
« Bonne journée, monsieur Haas. »
« Donc, je ne signe pas le contrat non plus, j’imagine ? »

L’homme m’adressa un faux sourire :

« Bonne journée, monsieur Haas », répéta-t-il.

Les larmes aux yeux, je renversai ma chaise en me levant et partis sans un mot de plus. Je m’en voulais énormément d’avoir pensé trouver de l’aide ici. Bien sûr qu’ils allaient refuser. En plus, je venais de perdre ce qui aurait dû être ma source de revenu…

Je sortis de la supérette et inspirai un grand bol d’air, essayant désespérément de me calmer. Mes poumons furent alors attaqués par une fumée irritante et nauséabonde que je ne connaissais que trop bien. Je toussai un peu avant de jeter un regard de mort à la personne fumant non loin. Je tombai sur Julie, une cigarette en bouche, qui m’observait avec étonnement. Elle s’approcha. Honteux, je détournai et frottai mes yeux embués.

« Ça s’est mal passé, hein ? », comprit-elle. « J’ai pas eu le temps de te le dire, tout à l’heure, mais Horgas est un abruti. Et puis, quelle idée de venir demander de l’aide à ton futur patron, toi aussi… »

Je haussai les épaules.

« Je suis fixé au moins. », fis-je en reniflant.

Julie soupira. Pourtant, elle avança :

« Attends-moi ici. J’ai encore du travail et je termine dans deux heures, mais je t’aiderai une fois que j’aurai terminé. »
« Pourquoi ? »
« Tu disais pas que t’avais besoin d’aide ? »
« On vient de se rencontrer… »
« T’auras une dette envers moi, comme ça. Et puis tu me fais de la peine, avec ton regard de Ponchien battu, là. »

Je voulus répliquer ne pas avoir besoin de sa pitié avant de réaliser que c’était le cas. J’étais désespéré au point d’accepter l’aide venant d’une parfaite inconnue… Cette fois-ci, l’idée de contacter Carmine se clarifia davantage dans mon esprit.

« Je dois aller travailler. », annonça Julie.

Là, elle saisit une Poké Ball dans sa poche avant d’en faire sortir un Funécire. Ce dernier semblait un peu confus d’être ainsi tiré de son sommeil pour se retrouver face à un inconnu.

« C’est mon Pokémon. Il te tiendra compagnie en attendant. Il s’appelle Jean-Pierre. À plus ! »

Puis, elle disparut. Jean-Pierre, lui, me fixait avec méfiance.

« Elle est toujours comme ça, ta dresseuse ? », demandai-je.
« D’habitude, c’est pire », répondit le Pokémon.
« Eh ben, bon courage… »
« Attends, tu comprends ce que je dis ? »
« C’est bien la seule chose que je sois capable de faire… »

La compagnie du Funécire m’apporta du baume au cœur. Ce fut l’instant de la journée qui me fit le plus de bien. Quand elle revint après le travail, Julie s’assit à côté de moi. J’étais, jusque-là, en pleine conversation avec son Pokémon. Elle me tendit une canette de bière.

« Tiens, ça va te faire du bien. »
« Non merci, je ne bois pas d’alcool. »

Elle haussa les épaules avant d’ouvrir la canette et de prendre une grosse lampée du breuvage. Ensuite, elle sortit un paquet de tabac de sa poche afin de se rouler une cigarette.

« Ton Pokémon t’aime beaucoup », dis-je soudain.

Elle me jeta un regard étrange.

« Bien sûr qu’il m’aime. Je l’ai depuis qu’il est sorti de l’œuf. Et puis, il m’accompagne partout. Au fait, tu fumes, toi ? »
« Pas du tout… », répondis-je, un peu étonné de passer ainsi du coq à l’âne.
« Ah. »

Nous restâmes silencieux un moment. Julie alluma sa cigarette et tira une taffe.

« Bon, j’ai une proposition à te faire. »
« Ah ? »
« Si tu veux, tu peux passer la nuit chez moi. Comme ça, demain, tu pourras chercher un endroit où dormir. Je crois qu’il y a des refuges pour sans-abris à Volucité, mais il faut t’inscrire à l’avance et payer ta nuit. »
« Merci… »
« T’en fais pas. En fait, j’ai déjà connu ce genre de galère, donc je te comprends. Bon, c’était il y a un moment, maintenant, mais ça laisse des traces. »
« Ah bon ? »
« Ouais… J’ai fugué étant gamine. Je faisais partie d’une famille aisée et j’avais besoin de prouver que j’étais capable de quelque chose. J’ai dû revenir une semaine plus tard parce que j’avais nulle part où aller. Au final, je suis devenue le mouton noir du troupeau. Celle qui fait des soirées, sort beaucoup et préfère travailler en tant que caissière que de devenir cadre. Ça fait longtemps que je parle plus à mes parents, ou à ma sœur, d’ailleurs. »
« Tu as une sœur ? »
« Jumelle, oui. Elle s’appelle Anis. T’as dû en entendre parler, elle fait partie du Conseil des Quatre. Elle est écrivaine. »

J’ouvris des yeux ronds, ne m’attendant pas à cela. Je comprenais mieux pourquoi il me semblait connaître Julie. Elle possédait des traits en tous points similaires à ceux d’Anis, que j’avais affrontée plusieurs années auparavant.

« Ça te dit qu’on bouge d’ici ? On discutera sur la route. »
« Euh… Si tu veux, oui. »

Nous nous levâmes et marchâmes de longues minutes.

« J’habite assez loin, près du Centre Pokémon. Si ça te va, on rentrera à pied. Je te ferai visiter Volucité, comme ça. »
« Je veux bien. »
« T’étais censé emménager dans quel quartier ? »
« Aux Barons. »
« Ah ouais, t’es suicidaire, en fait. Tu t’es pas renseigné avant de chercher un appartement là-bas ? »
« Pourquoi tu dis ça ? »
« C’est un quartier vraiment dangereux, même moi j’évite d’aller y traîner. C’est bourré de narco-trafiquants et il y a plein de règlements de compte. Des réseaux de prostitution forcée, aussi. »

Un frisson de dégoût me traversa l’échine.

« Enfin, tu me diras, il y en a partout, de ce genre de truc. Mais là-bas, c’est excessif, même pour toi. »
« Même pour moi ? »

Julie s’arrêta et me fixa longuement.

« T’es N Harmonia, pas vrai ? »
« Comment tu… ? »
« T’en fais pas, je le dirai à personne. Je l’ai compris dès que je t’ai vu. En même temps, tu t’es juste coupé les cheveux et tu les as teints en blanc. Tu pensais vraiment que ça passerait ? À moins que tu souhaites intégrer la Team Rocket. »

Je restai bouche close, vexé.

« Quoi qu’il en soit, j’en ai rien à faire. Tu es qui tu es, et puis, tu as aidé la police il y a trois ans, non ? Si on t’a pas arrêté, c’est qu’il y a une bonne raison. »
« Tu n’es pas très prudente. »

La jeune femme haussa les épaules.

« J’ai du flair, je sens quand quelqu’un est mauvais. »
« Mais je suis un ancien criminel. »
« T’es surtout mollasson et pleurnichard. »
« C’est faux. »

Là, elle m’adressa un regard plein de défi.

« C’est absolument vrai », répliqua-t-elle en sortant son paquet de tabac.
« Tu vas fumer le paquet ce soir ? »
« Laisse-moi tranquille. »

Le reste du trajet se déroula dans cette ambiance bonne enfant. Julie me montra de nombreux bâtiments typiques de la ville. Nous commençâmes par la « Baston SARL », que je ne connaissais que de nom. C’était un lieu emblématique des combats Pokémon dans lequel s’affrontaient employés de bureaux et dresseurs des routes venus les défier. Mal à l’aise, je demandai rapidement à quitter les lieux. Elle m’emmena également voir l’exposition d’Artie, le Champion d’Arène de la ville. Cette fois-ci, l’intérêt me gagna plus profondément et j’admirai avec émerveillement chacune des œuvres.

Finalement, nous nous posâmes face à la mer, sur l’un des quais. Il faisait nuit, à présent. Au loin, j’aperçus un bâtiment briller.

« C’est la Tour Union ? », demandai-je alors.
« Oui, exactement. »

Il n’y avait personne d’autre sur le quai. Le vent marin entrant dans nos cheveux me fit le plus grand bien après cette journée éprouvante. Soudain, nous entendîmes la voix d’un homme annonçant vendre des beignets, à l’autre bout du quai. Julie se retourna.

« Tu n’as pas faim ? »
« Un peu. »
« Un beignet, ça te dit ? »
« Oui, pourquoi pas. »

Là, elle prit un peu de monnaie, me laissant son sac à main, avant de partir vers le stand. Personne ne se trouvant aux alentours, j’avais relâché ma vigilance. Aussi, je ne m’attendis pas à voir un Chacripan débarquer sans prévenir, bondir sur le banc, s’emparer du sac de la jeune femme et s’enfuir en courant. Paniqué, je me levai avant de partir à la poursuite du petit voleur. Par la même occasion, je m’éloignai de Julie, qui dut bientôt se dire que je m’étais enfui avec ses affaires. Je me devais de lui expliquer une fois tout récupéré. Malgré tout, je parvins à suivre le Pokémon.

Quelques instants plus tard, je me trouvai devant une entrée inquiétante, sur la zone basse du quai. Je compris, à l’odeur, qu’il s’agissait des égouts. Au loin, j’aperçus le Chacripan, le sac à main en bouche. J’entrai sans hésiter. Les lieux étaient humides et nauséabonds, aussi il me fallut me pincer le nez pour pouvoir avancer correctement. Plus je progressai, plus la lumière venait à manquer. Bientôt, je me retrouvai dans le noir complet. Des ombres gigantesques, fantomatiques, commencèrent alors à danser autour de moi. Je ne voyais rien, n’entendais rien. Pourtant, je sentais ces présences hostiles derrière mon dos. Effrayé, je tentai alors de rebrousser chemin. Seulement, je glissai sur une flaque et tombai à la renverse.

Puis ce fut le noir.