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Roc blanc et vagues grises de Ashenere



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Informations

» Auteur : Ashenere - Voir le profil
» Créé le 07/08/2025 à 18:29
» Dernière mise à jour le 07/08/2025 à 18:29

» Mots-clés :   Hoenn   Slice of life

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Chapitre 1
Après de longues minutes plongés dans l’obscurité, les yeux de Moïra commençaient à peine à s’habituer à la pénombre. Accrochée à Manta, qui ondulait avec tant de facilité au milieu des algues et des coraux, elle se concentrait sur sa respiration. “Lente et régulière, c’est comme ça que ça marche le mieux”, lui avait expliqué le vendeur de masques. Ado, lorsque Manta avait évolué, elle avait souvent plongé un peu sur son dos, près des côtes de Skifford, mais sans oser s’aventurer trop profondément, sans équipement adapté. Ici, à Hoenn, la plongée était presque un sport national, et pour certains, une nécessité. Une forme rose sinua sur le sable et Moïra frissonna. Les Rosabyss n’attaquaient pas les humains, lui avait assuré le vendeur de masques. Mais ces paroles rassurantes semblaient venir d’un autre monde, de lumière et de bruit, qui ne partageait sûrement pas les mêmes règles que le monde d’obscurité et de silence qu’elle parcourait en ce moment. Elle décida de se concentrer sur sa respiration, sur les quelques rayons du soleil qui parvenaient parfois à se frayer un chemin jusqu’aux profondeurs, sur la peau glissante de son Démanta, sur les bancs de Magicarpe nageant sans but, sur la lente ondulation des algues, sur son nouveau travail enfin, lorsqu’elle eut épuisé toutes les autres distractions. Un pays différent, une ville atypique, c’était un changement nécessaire pour continuer à progresser, lasse qu’elle était des épaisses murailles grises de Kickenham.

D’un cliquetis familier, Manta attira son attention sur les lampes blanches qui balisaient le sol, enfoncées dans le sable sous eux. Ils étaient presque arrivés. Les lumières se firent de plus en plus rapprochées, jusqu’à atteindre l’entrée d’une grotte sous-marine. Moïra caressa son Pokémon, le félicitant d’un geste muet d’avoir su les guider dans ces eaux sombres. Fier d’avoir atteint sa destination et pressé de retrouver enfin les eaux claires de la surface, Manta fit ce qu’il faisait toujours en de pareilles occasions : il accéléra. Remontant à travers l’eau qui s’éclaircissait de mètre en mètre, qui se réchauffait à mesure qu’ils approchaient du soleil, ignorant sa dresseuse qui peinait à rester accrochée, Manta accéléra encore, prenant son élan pour réaliser un de ces sauts majestueux qui caractérisaient son espèce. Le souffle coupé par la brusque transition entre l’eau et l’air, Moïra put à peine ouvrir les yeux, éblouie par la blancheur du monde qui l’entourait, avant de retomber comme une pierre. Manta était un très bon sauteur. Il n’était pas doué pour les atterrissages par contre.

— Et bien, quelle entrée, ma chère ! s’exclama une voix aux accents paldéens. C’est dommage que l’arrivée soit un peu ratée, car je n’avais jamais vu une telle élégance dans un bond de Démanta !

Moïra se redressa avec peine sur le dos ondulant de Manta, retira son masque et tenta encore une fois d’ouvrir les yeux. Autour d’elle, s’étendait un lac d’eau cristalline, et la voix venait d’un îlot verdoyant en face. Un homme à l’allure excentrique (qui porte encore un jabot de nos jours ?), paré d’un grand manteau bleu royal, la saluait d’un mouvement si sophistiqué qu’il aurait pu en être ridicule, mais qui réussissait l’exploit de ne pas l’être. Un autre homme l’accompagnait et se tenait un peu en retrait, tandis que derrière eux se dressait l’Arène de la ville, tâche orange au milieu du blanc étincelant. Ce blanc qui l’éblouissait et l’enveloppait, qui se reflétait dans le lac d’eau et de poissons, ce blanc sculpté en marches qui serpentaient jusqu’au sommet où un autre lac, d’air et de nuages, se dessinait par l’ouverture de l’immense volcan.

— Bienvenue à Atalanopolis, la ville où l’histoire sommeille !

Sans attendre sa dresseuse perdue dans sa contemplation, Manta s’était rapproché de l’homme qui avait complimenté son saut. Son sourire doux s’était agrandi encore plus que d’ordinaire. Alors qu’elle attrapait la main qu’il lui tendait, Moïra le reconnut enfin.

— Oh, vous devez être Juan, le Champion de la ville ? Désolée pour tout ce tapage, Manta est incontrôlable quand il a une belle occasion. Et moi, c'est Moïra.

— Nous vous attendions justement ! Et ne vous inquiétez pas pour si peu ma chère, ce volcan a vu plus grande éruption que votre arrivée. N’est-ce pas Antonin ?

L’autre homme s’approcha, un Morphéo lévitant près de son épaule. Il était grand et maigre, presque anguleux, sa peau assortie au blanc de la roche, et son visage semblait marqué par une fatigue permanente.

— Bien sûr, répondit-il d’une voix si basse que Moïra dut s'approcher pour l’entendre, mais j’espère que notre invitée ne dérangera pas trop le calme de la ville.

— Il ne faudrait pas réveiller l’histoire, c'est ça ? plaisanta Moïra et Juan rit avec affectation tandis que le visage d’Antonin se refermait un peu.

— Les Champions d’Hoenn sont-ils beaucoup impliqués dans l’administration de la ville, demanda Moïra.

À Galar, malgré leur importance pour le public, les Champions étaient surtout des stars, mais elle savait que cela changeait selon les régions.

— Non, pas vraiment, je ne m’occupe quasiment que de l’arène et j’ai un rôle honorifique dans certaines cérémonies. J’apporte une touche d’élégance ! expliqua Juan en souriant. Aujourd’hui, je ne suis là que pour l’accueil et pour assouvir ma curiosité personnelle. C’est ce cher Antonin ici présent qui est le gestionnaire de la ville et qui sera donc votre responsable.

Juan lui posa encore quelques questions, sur ses études d’urbanisme à Kickenham, sur son stage à Illumis et ses différentes expériences dans les grandes villes de Galar avant que “ce cher Antonin” ne les interrompe.

— Vos expériences passées ne vous seront pas d’une grande utilité ici, Atalanopolis est spéciale.

— Bien sûr, mais des humains et des Pokémon tentent d’habiter ici en harmonie, comme dans toutes les villes du monde, alors je pense que mon expérience ne sera pas complètement perdue, rétorqua Moïra avec le sourire. Elle n’était pas une jeune étudiante, elle avait participé à des projets d’envergure à Kickenham et Motorby, elle n’allait pas se laisser abattre par un patron un peu rabat-joie.

— Nous verrons bien. J’ai des choses à faire et vous devez être fatiguée, je vais vous montrer votre logement de fonction.

Sans se retourner ou même saluer le Champion, Antonin se dirigea un peu plus loin, vers une sorte de planche posée sur la berge. D’une courbette bien trop élaborée, Juan salua Moïra.

— Il est un peu brusque sur les bords, mais c’est le meilleur gestionnaire qu’Atalanopolis a connu, vous apprendrez beaucoup à ses côtés. Et, évidemment, tout le monde attend de voir votre travail !

Le “meilleur gestionnaire” l’attendait sans cacher son impatience, flottant sur l’eau sur sa drôle de planche.

— C’est un floatboard, expliqua-t-il, avant même que Moïra puisse poser la question, ça permet de parcourir de courtes distances sur l’eau. Une invention de chez Devon, tout le monde en a ici. Allons-y.

Elle sauta sur Manta et le suivit tandis qu’il se penchait légèrement en avant pour déclencher le petit moteur de la planche. Il n’allait pas très vite (le Démanta dut ralentir) mais il était silencieux et semblait très maniable. Ils croisèrent d’autres habitants qui traversaient le lac dans un sens ou dans l’autre, certains sur des Pokémon, la plupart sur des floatboards. Ils accostèrent bientôt sur une des rives et Moïra laissa Manta se balader de son côté avant de suivre Antonin au milieu des escaliers et des ruelles creusés dans la roche blanche du volcan. Elle tenta de lancer la conversation plusieurs fois, mais il se contentait de réponses courtes et le nombre de marches à monter l’obligea bientôt à se concentrer sur sa respiration. Elle apprit seulement que son Morphéo s’appelait Zéphyr et qu’il l’aidait dans son travail.

— Dans un lieu aussi particulier, la météo peut avoir des conséquences dramatiques. Il ne faudra pas l’oublier dans votre travail, avait-il lâché avec emphase avant de retourner à son mutisme, comme effrayé par le nombre de mots qu’il avait prononcé.

Ils arrivèrent enfin devant une petite maison blanche au toit gris bleuté et Antonin lui tendit des clés.

— Voilà votre logement. Le bureau de la ville est dans ce grand bâtiment là-bas (il indiqua un bâtiment quelques volées de marche au-dessus). Je vous attends à 9 h lundi.

Il commença à s’éloigner avant de se retourner pour ajouter :

— Je vous conseille de profiter du week-end pour vous familiariser avec la ville, si vous voulez vraiment être utile.

Sympa vraiment. Mais j’ai déjà bossé avec pire. Moïra entra dans la petite maison et posa ses maigres affaires dans un coin : un petit sac à dos avec quelques affaires de rechange. Sa valise ne devait arriver que le lendemain. La plongée l’avait épuisée, sans parler des dizaines de marches. Elle s’appuya sur le rebord de la fenêtre pour admirer son nouveau chez-soi. Tout autour du lac central, des cercles concentriques de bâtiments blancs et gris creusés dans la roche. Plus haut, on voyait des jardins et des fermes, dont la verdure contrastait avec ce lieu en teintes de gris.

Le blanc et le gris bleuté, c’étaient là les deux couleurs d’Atalanopolis, la palette avec laquelle elle allait devoir composer, le volcan venu de temps immémoriaux et l’eau qui avait remplacé ses entrailles.