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The meaning of his tears de FireHana



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Informations

» Auteur : FireHana - Voir le profil
» Créé le 11/04/2023 à 22:54
» Dernière mise à jour le 12/04/2023 à 22:13

» Mots-clés :   Amitié   Drame   Famille   Fantastique   Présence de personnages du jeu vidéo

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Judith et les fantômes
De temps à autre, les Lonecrafts allaient rendre visite à la mère de Sebastian. Elle habitait seule dans une très grande et très vieille maison qui appartenait à sa famille depuis quatre générations. Bien qu'elle prenait de l'âge et que Sebastian s'inquiétait de plus en plus de la laisser là entre les vieux escaliers, les Grimalin qui squattaient le garage et les divers Pokémon Insecte au grenier, la grand-mère n'en démordait pas. Au contraire : plus les années passaient et plus elle répétait qu'elle mourait dans son foyer, comme tous les autres membres de leur famille.

Alistair appréciait beaucoup sa grand-mère, et sa maison tout autant. Même si ça sentait le vieux, les parfums périmés et la poussière, cette maison était tellement vaste qu'il avait l'impression de découvrir quelque chose de nouveau à chaque visite.

— Bonjour, bonjour ! les accueillit la vieille dame voutée, Qu'est-ce que je suis contente de vous voir ! Et surtout toi Alistair !

Il ne put échapper au pincement de joues réglementaire. Elle ne pinçait pas très fort, mais il avait tout de même horreur de ça, et il eut le geste malheureux de taper les mains de sa grand-mère.

— Alistair ! Ça ne se fait pas, excuse-toi tout de suite ! ordonna aussitôt Edwina.

— Oh, laisse Eddie... Il m'avait dit la dernière fois qu'il n'aimait pas ça, j'aurai dû me retenir.

— Il n'aurait pas dû te frapper non plus, rétorqua-t-elle avant de se retourner vers son fils : Il faut par-ler Alistair. 

Sebastian restait en retrait le long de l'échange. Peut-être qu'Edwina réagissait avec trop d'emphase mais elle n'avait pas tort dans le fond.

— ... Je suis désolé, finit par s'excuser l'enfant.

— Bon, n'en parlons plus, conclut Judith. Entrez plutôt ! J'ai préparé du thé et des gâteaux.

L'intérieur était vieillot : les murs étaient recouverts de papiers peints jaunis ornés de fleurs d'un rose délavé. De nombreuses vitrines avec des petites figurines en porcelaine aussi jolies qu'inutiles prenaient une place considérable dans le couloir menant à salle de jour. Le parquet, en planches de bois taillé de façon irrégulière, les accompagnait jusqu’à la porte de la cuisine où il était remplacé par du carrelage à carreaux. 

Dans la cuisine, il y avait encore une hôte de cheminée où étaient suspendues des casseroles et autres ustensiles dans un bon état surprenant pour leur âge. Les tables et les chaises dataient du mariage de Judith et feu son mari. Les seules choses récentes étaient les fenêtres qui avaient acquis un double vitrage et les radiateurs — dont l'aspect moderne jurait dans cette maison d'époque. 

Comme promis, un goûter les attendait. Les gâteaux, bien qu'industriels, avaient soigneusement été préparés dans une ravissante assiette en porcelaine. Une théière trônait au milieu de la table avec quatre charmantes tasses, peintes avec de délicats motifs de Pokémon oiseaux. Elles reposaient dans des petites sous-tasses blanches. Mais la famille de Judith n'était pas la seule invitée. Un Polthélgeist et quelques Théffroi avaient également élu domicile sur la nappe, et attendaient de pieds fermes les arrivants.

Judith et les spectres s'étaient longtemps faits la guerre. Les Théffroi affectionnaient s'incarner dans ses belles tasses dont elle tirait autant d'attachement que d'orgueil, créant un inévitable conflit d'intérêt. La bataille avait fait rage durant de longs mois, puis, Judith avait capitulé. Les chasser fut un temps amusant et distrayant dans son quotidien plan-plan, mais aussi usant et vain. Ils firent la paix. Judith les soudoya en leur donnant des gâteaux et des tasses, certes jolies mais de pacotille, afin qu'elle puisse sauver les siennes. De leur côté, les Pokémon égayaient ses journées et l'aidaient pour le ménage en échange du couvert et du gîte. Dans quelques rares occasions, selon ses envies, le Polthégeist lui servait aussi du thé bien chaud.

La famille se mit à table. Les Théffroi vinrent aussitôt autour de chaque membre, désireux que l'un d'entre eux se laisse tenter à boire leur boisson. Hélas, tous les adultes les ignorèrent, continuant de discuter de choses et d'autres. Les rhumatismes de Judith qui ne s'arrangeaient pas ; le cabinet qui se portait correctement ; le mariage de Blake et Amy - bien, bien, il était temps que la chose se fasse !

Judith était au courant de la « mésaventure » d'Alistair, et bien que la remarque qu'ils auraient dû faire plus attention hantait ses lèvres (laisser un enfant en si bas âge tout seul, enfin ! Quel manque de bon sens !), elle se tut. Cela ne servirait à rien. On n'évoqua même pas le sujet : ne pas en parler, c'était faire comme si l'incident n'avait jamais existé. Les parents eux-mêmes n'en discutaient pas entre eux - et encore moins avec l'intéressé. Quant à Alistair, il ne l’avait jamais abordé, ce qui accommodait tout le monde.

Dans ce brouhaha heureux pour les adultes, soporifique pour Alistair et inintéressant pour les Pokémon, ces derniers commencèrent à baisser leur anse suite leur manque de succès. Seul celui qui s'était tourné vers l'enfant insistait, menaçant presque de lui grimper dessus pour lui glisser son produit dans la bouche. Toujours depuis le centre de la table, le Polthégeist observait la scène avec un air régal, tel un roi régnant sur ses sujets. Ses yeux jaunes se levaient et se fermaient lentement dans un mouvement paresseux. 

Personne ne prêtait attention à Alistair : en bon fils, Sebastian était en train de servir tout le monde de thé et de proposer les gâteaux. Judith et Edwina papotaient cuisine : Judith venait de trouver une très bonne recette de pommes de terre au four dans un magazine, elle lui en fera une photocopie... Si elle voulait bien marcher. Cette maudite machine, elle était toujours en panne !

— Tu n'as pas oublié de la brancher ? lui demanda Sebastian en reposant la théière.

— Mais non voyons ! Il faut la changer, cette bon sang de machine ! Elle ne fonctionne plus, je te dis !

Alors son fils essayait de lui prouver que non, qu'elle avait forcément oublié quelque chose, ou que c'était l'un des Pokémon qui l'avait abimée. Judith avait pour sa part lâcher l'affaire : elle écrirait la recette à la main, c'était plus sûr et moins embêtant. Pendant ce temps, Alistair n'arrivait pas à se débarrasser du Théffroi, décidément bien insistant aujourd'hui. À bout, il finit par lui dire :

— Si je prends une gorgée, tu me laisseras tranquille ?

Oh oui ! sembla clamer la tasse hantée dans des petits cris, Promis, promis !

L'accord fut conclu. Le temps qu'Edwina lève les yeux sur Alistair, celui-ci recrachait déjà le peu de liquide qu'il avait mis dans sa bouche. Le Pokémon s'enfuit en ricanant dans un cliquetis de vaisselle.

— Alistair ! Mais qu'est-ce que tu fais ? s'écria cette dernière alors que son fils blêmissait à vue d'œil.

— Il m'a dit de le boire ! voulut-il se défendre.

Edwina n'apprécia pas la plaisanterie. Sa voix devint très sèche :

— Et s'il t'avait dit de te jeter du quatrième étage, tu l'aurais fait ?

— Allons, ce n'est rien de grave, temporisa Judith. Il faut juste lui donner un peu de sucre...

Le Polthégeist entra alors en scène. Il mit une cuillère de miel dans la tasse d'Alistair avant de verser son propre thé. Il ne fallait pas en vouloir aux Théffroi : c'était dans leur nature de se comporter de la sorte. Mais que cela lui servit de leçon. Les êtres qui n'arrivaient pas à s'affirmer finissaient toujours par en pâtir, même si ce n'était techniquement pas de leur faute...

Une fois que le Pokémon eut fini, Alistair n'osa pas toucher à sa tasse.

— Tu en as de la chance ! D'habitude, il ne sert jamais les invités, commenta sa grand-mère. Il fait un très bon thé ! Tu peux le boire si tu le veux.

Il attendit tout de même d'avoir l'assentiment de ses parents, histoire d'être bien sûr. Boire le Théffroi lui avait fait avoir le tournis, il n'avait pas envie de tomber sur les Pohm. Avec précaution, il mit la tasse à ses lèvres, souffla un peu pour ne pas se brûler et bût. Les Théffroi regardèrent la pièce de porcelaine avec une envie dévorante : ô, comme ils auraient aimé être à sa place et obtenir un peu de l'essence de l'humain ! Avec celle-ci, il était certain qu'ils n'auraient plus faim pendant au moins une semaine ! Mais leur aîné les dissuada du regard. Une personne pour un Théffroi : c'était la règle. Alors ils se contentèrent de soupirer à l'unisson : le repas du jour sera encore composé de petits gâteaux et de miel de sapin.

Du côté d'Alistair, il fut agréablement étonné par la saveur de la boisson. C'était un thé noir aux fleurs qu'il n'arrivait pas à identifier, juste suffisamment sucré et bien parfumé comme il fallait. 

— Tu sais pourtant qu'il ne faut pas boire les Théffroi, reprit alors Sebastian, pourquoi tu as fait ça ?

Alistair fit la moue en reposant sa tasse.

— Il a vraiment insisté, il me grimpait même dessus !

— Ah, soupira Edwina ayant retrouvé son calme, les Pokémon Spectre peuvent être très persuasifs. Puisque tu as un Ectoplasma maintenant, il va falloir que tu apprennes à être ferme.

— Un Ectoplasma ? À son âge ? s'étonna la vieille dame dont le chignon rebondit avec son sursaut de surprise.

— Nous ne les laissons jamais tout seul Alistair avec lui. Tu n'as pas à t'inquiéter : nous les accompagnerons jusqu'à ce qu'Alistair soit en âge d'avoir sa propre carte dresseur.

Edwina avala une gorgée de son thé sur ces paroles. Elle appréciait vraiment sa belle-mère, mais elle lui reconnaissait hélas des forts préjugés sur les Pokémon Spectre - bien qu'ils se soient bien dilués avec le temps. D'ailleurs, si la grand-mère ne rétorquait rien, elle fit une moue peu convaincue.

— Vous êtes ses parents, après tout, finit-elle par dire. Sebbie, mon petit chéri, pourras-tu me commander une nouvelle imprimante ?

— Maman ! On va d'abord regarder ce qu'elle a, je suis sûr que c'est trois fois rien…

Et effectivement, il suffit de jouer sur les prises pour que la machine reprenne du poil de la bête. 

Après avoir embrassés Alistair, les deux parents s’en allèrent au moment où le soleil commençait à se coucher. Nox était également avec eux, pour éviter tout litige avec la grand-mère. Alistair n’en avait pas été très content, surtout ce que ne fut pas la version qu’ils lui donnèrent (« Nox sera mieux à la maison » avait été le vague prétexte pour le garder). Mais comme toujours, ce sont les adultes qui décident de tout.

Donc, Alistair resta seul avec Judith. 

Comme il était tard, l’enfant regarda des documentaires pokémonesques en attendant le repas plutôt que d’aller fouiner dans le grenier. Tout se passa le plus normalement du monde. Alistair ne parlait pas beaucoup - ce qui était dans son habitude - mais il avait le regard un peu ailleurs - ce qui ne l’était pas.

— Quelque chose ne va pas Alistair ? lui demanda alors Judith. Tu n’as pas touché à tes nuggets. Tu aimes ça, non ?

L’enfant releva alors ses yeux mauves vers elle d’un air grave.

— Je ne veux plus manger de viande.

— Ah ? Et pourquoi ça ?

— Je trouve ça horrible que des Pokémon soient élevés juste pour être manger, expliqua-t-il.

— Tu serais même prêt à manger des carottes ? sourit malicieusement sa grand-mère.

— Beurk ! Non, mais j’ai promis de manger tous les autres légumes pour ne pas à manger de viande. 

Judith était perplexe. Elle trouvait son comportement assez extrême et chipoteur sur les bords. Les humains mangeaient des Pokémon depuis la nuit des temps, tout comme les Pokémon mangeaient d’autres Pokémon - voire mangeaient eux-mêmes des humains. C’était ainsi qu’était fait la nature.

— Papa et maman ne te l’ont pas dit ?

— Ils sont d’accord ? Pour que tu ne manges plus de viande ?

Alistair acquiesça vivement.

— … Finis le reste de ton assiette alors.

Elle restait quelque peu suspicieuse, mais elle s’assurera de ses dires au moment des retrouvailles avec ses parents.

Le reste de la soirée se passa relativement bien. Alistair joua dans le séjour avec ses voitures et ses figurines préférées pendant une bonne heure. Pris d’un peu de nostalgie, Judith lui proposa de lui montrer des photos de famille, ce qu’il accepta avec joie. Il s’installa dans le vieux canapé tout mou auprès d’elle.

Les photos de Sebastian défilèrent, de la plus vieille à la plus récente qui ne l’était déjà plus beaucoup. Elles s’arrêtaient au moment où Sebastian s’apprêtait à partir en voyage initiatique.

— J’ai du mal à me dire que papa ait pu un jour être un bébé, admit Alistair.

— Tout le monde a un jour été un bébé.

— Même toi, mamie ?

— Même moi ! rit-elle.

Alistair fronça les sourcils en essayant de mettre le visage ridé de sa grand-mère sur sur celui d’un bébé. 

— Est-ce que tu aimerais en voir d’autres ?

— Oh oui !

Alors Judith partit chercher un autre album. Cette fois, le thème était surtout sur les jeunes années de Judith et son mari.

— Allie était commissaire quand nous nous sommes rencontrés. Il faisait souvent sa patrouille à vélo devant la pension où j’exerçai, expliqua-t-elle en lui montrant une photo où elle et Allie se faisait face.

Allie était grand et mince, l’air nerveux malgré sa posture bien droite. Judith était dans son uniforme de l’époque, un grand tablier blanc qui dissimulait sa jupe à rayures verticales tandis que ses cheveux étaient retenues par une coiffe blanche et avec un motif de croix. Les photos étaient toutes en noir et blanc ou en sépia.

— Pourquoi certaines photos sont en noir et blanc et d’autres non ?

— Je n’en suis pas certaine, mais je crois que c’est à cause de la technique utilisée pour prendre les photos qui est différente.

— Oh, d’accord.

Alistair regardait attentivement son grand-père. Judith soupira doucement, mélancolique. Un des Théffroi apparut derrière elle, contemplant avec curiosité les images dans le livre.

— C’est dommage que tu n’aies jamais connu ton grand-père. Il était remarquable. 

La vieille dame était trop concentrée sur les souvenirs qui passaient devant ses yeux pour remarquer que la posture d’Alistair avait changé. Son air était redevenu grave… et ses yeux mauves fixaient le fauteuil à côté de la cheminée.

Judith eut un frisson.

— Tu n’as pas trop froid Alistair ?

— Un peu, admit son petit fils en se retournant vers elle.

— Je vais augmenter le chauffage…

Le Théffroi cliqueta avant de disparaitre derrière le canapé.

Cette nuit-là, Judith rêva d’Allie. Il était en train de faire du café dans la cuisine, un beau matin de printemps. Les rayons ocres entraient par la fenêtre à carreaux ; l’une d’entre elles était légèrement entrouverte et laissait entrer une douce brise parfumée de fleurs et d’œuf au plat.

— Tu devrais aller te recoucher, lui dit-il sans se retourner. Je viendrai te donner le petit-déjeuner au lit.

Mais Judith resta là sur le pas de l’entrée de la cuisine. Bien qu’elle ignorait le comment du pourquoi, elle se sentait incroyablement émue. D’un pas chancelant, elle l’enlaça de dos. Son corps était chaud, elle pouvait même sentir son odeur : tout ses sens lui disaient qu’il était là, juste dans ses bras.

Allie rit doucement.

— Que d’émotions dès le matin ! La nuit a été si longue ?

— I-Il faut croire…

Une larme roula sur sa joue jusqu’à la chemise blanche de son mari ; elle fut aussitôt absorbée par le tissu.

Il rit encore tout en maniant la spatule pour glisser les œufs dans deux assiettes.

— Tu sais, je ne suis jamais loin de toi. Je ne suis jamais vraiment parti, reprit-il d’une voix enjouée.

— Tu es bête, rit Judith en pensant qu’il faisait référence au fait qu’il était juste parti du lit.

Même sans voir son visage, elle savait qu’il souriait. Mais il dit alors :

— Tu devrais aller réveiller notre petit-fils. Il sera sûrement un peu grognon comme il a veillé tard, hier.

— Qui ça ?

— Alistair.

Et ce fut à ce moment-là qu’elle se réveilla. Son oreiller était humide, et l’emplacement du lit en face d’elle était aussi vide que froid.

Judith s’assit sur le bord du lit, la gorge nouée. Elle s’en voulait d’avoir cru que cela puisse être autre chose qu’un rêve. Il lui fallut un peu de temps pour chasser son chagrin sans se laisser aller aux pleurs. 

La chambre était encore dans le noir, les volets étaient clos. Judith s’avança vers l’interrupteur pour les relever, révélant aussitôt les puissants rayons du soleil, déjà bien haut. La vieille pendule au-dessus de la porte indiquait 9h30 passé.

— Ça va que c’est dimanche, grommela-t-elle pour elle-même.

Elle se traina jusqu’à la chambre d’Alistair. Le petit garçon dormait à poings fermés, tout à fait en boule comme un petit Pokémon épuisé.

Il fut tout de suite moins mignon lorsqu’elle lui annonça qu’il était l’heure de se lever : il grogna et s’enfuit sous les couvertures sans autre forme de procès. Judith soupira, puis alla relever les volets de la chambre. Sous sa couverture, Alistair grogna d’autant plus.

— Oh ! Dis donc mon garçon, es-tu un Pokémon ou un petit homme ?

Je suis un Skélénox, rétorqua le petit garçon en faisant bouger la couverture dans tous les sens. Bouuuuuuh !

— C’est ça oui, sourit la veille dame, en attendant les Skélénox ne grognent pas comme ça. Je vais aller préparer le petit déjeuner, je t’appellerai.

Hmm, eut-elle pour toute réponse.

Judith secoua la tête non sans un rictus, avant de se mettre en route.

Mais en descendant, elle se sentit étrangement mal à l’aise. Il y avait une odeur qui flottait dans l’air. 

Une odeur de café.

Et il faisait froid.

Perplexe, Judith accéléra un peu le pas ; à chaque marche, l’angoisse grandissait un peu plus dans son esprit qui imaginait tous les scénario possibles. 

Une main sur le radiateur lui confirma qu’il fonctionnait correctement. L’odeur de café semblait venir de la cuisine. Avec appréhension, Judith attrapa son téléphone et s’en approcha.

Il n’y avait personne. La fenêtre était légèrement entrouverte — juste comme dans son rêve. 

Et il y avait deux assiettes avec des œufs au plat, mais l’une d’entre elle avait un morceau de bacon en plus. La poêle avait été lavée et reposait sur l’égouttoir, encore humide d’eau de vaisselle. Deux verres de jus d’Oran avait été également remplis.

Cependant, il n’y avait pas la moindre trace de café. En s’approchant de l’égouttoir, Judith remarqua cependant qu’il y avait une tasse en plus par rapport à la veille.

Stupéfaite, Judith resta un moment figée sur place, incapable de décider de quoi faire ensuite. Heureusement que le Polthégeist fit glisser une chaise pour la réceptionner, sans quoi la vieille dame aurait chuté en arrière. Inquiète face à cette attitude inhabituelle, la théière vivante s’approcha et flotta en face d’elle. Judith haletait, l’angoisse exultait de tout ses pores.

— Est-ce… Est-ce que c’est vous qui avez fait ça ?

Le Polthégeist la fixa de ses petits yeux jaunes qui clignaient lentement.

— Ça ne peut être que vous… pas vrai ?

Mais le Pokémon ne répondit rien. Ce fut une petite voix ensommeillée qui le fit pour lui :

— Ça ne va pas, mamie ?

Le bruit de ses chaussons traînants sur le carrelage se fit entendre, mais Judith ne se retourna pas.

— Oh, ça à l’air bon ! reprit alors l’enfant en arrivant à sa hauteur.

— N’y touche pas.

Alistair s’arrêta net dans son élan. L’interdiction et la peur qui s’émanait de sa grand-mère le cloua sur place.

— Il y a un intrus dans la maison, finit par dire Judith. Tu restes avec moi, je vais jeter tout ça et appeler la police.

— Mais… ! voulut protester le petit garçon.

Mais la nourriture finit dans la poubelle et les jus de baie dans l’évier plus vite que les mots sortirent de sa gorge. 

Ses lèvres se scellèrent. Il se fit tout petit sur sa chaise tandis que sa grand-mère discutait avec les policiers. Le Polthégeist restait en retrait alors que les Théffroi venaient aux nouvelles, chamboulés eux aussi par ce qui se passait à leur manière.

Les policiers ne trouvèrent rien. Pas de trace d’effraction, pas de vol, pas d’inconnu caché dans le placard.

On ne demanda pas aux Pokémon ce qui avait pu se passer. Les Pokémon ne parlaient pas, bien entendu.

On n’interrogea pas Alistair. La grand-mère avait dit qu’il dormait au moment des faits : si elle le disait, c’était sans aucun doute vrai.

L’enfant gardait le silence. Il se tordait les mains. Les Théffroi, assemblés autour de lui, cliquetaient leur vaisselle, et Alistair les écoutait, sans toute fois leur répondre.