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Baliyru ou les fantômes de la bibliothèque de FireHana



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Informations

» Auteur : FireHana - Voir le profil
» Créé le 19/10/2022 à 09:09
» Dernière mise à jour le 05/05/2023 à 22:38

» Mots-clés :   Amitié   Fantastique   Galar   Humour   Présence de personnages du jeu vidéo

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Épilogue
— C'est ici...

Ils arrivent tous les trois au pas de la porte, le spectre dissimulé dans l'ombre d'Alistair et celui-ci un peu en retrait de la maison. Les volets sont fermés, mais il est possible d'apercevoir un peu de lumière s'échapper de leurs fentes horizontales.

Diana pivote sur la pointe de ses chaussures, encore toutes crasseuses, pour faire face à Alistair.

— Merci de m'avoir accompagnée, remercie-t-elle avec son plus beau sourire.

Il hoche simplement la tête en guise de réponse. Ils s'échangent un long regard : aucun des deux n'a envie que ça finisse maintenant. Pourtant, il le faut.

— Est-ce que - commencent-ils en chœur.

Les deux enfants s'interrompent en même temps. Alistair détourne la tête en s'écriant :

— T-Toi d'abord !

— B-Bon... accepte-t-elle en prenant une grande inspiration. Est-ce qu'on se reverra...? 

Il se remet face à elle dans un mouvement très lent. 

— Tu... Tu voudrais ? Qu'on se revoie ?

— Bah... Oui ! Au début, je te trouvais un peu bizarre, mais en fait tu es gentil ! Et tu connais plein de choses sur les Pokémon ! Et sur les fantômes ! Je trouve ça hyper supra méga cool ! J'aimerai beaucoup qu'on rejoue ensemble... Je te monterai d'autres tours de magie, et si tu veux, continue-t-elle en se rapprochant d'un pas, je pourrai même rapporter des bonbons et des jeux !

Même la pénombre ne parvient pas à cacher le furieux rougissement de l'enfant masqué, trahit par ses oreilles écarlates.

— Euh- eh bien, euh, je, bredouille-t-il en se reculant d'un pas chancelant.

Tout son corps est pris d'assaut par des tremblements. Ses bras se resserrent contre le livre. Nox se sent obligé de sortir de l'ombre pour lui donner des petites caresses sur le haut de sa tête. Alistair fait dos à Diana le temps de retrouver son calme.

— Est-ce que ça veut dire oui...? ose la petite fille après quelques secondes d'attente.

OUI ! s'écrit-il vivement en faisant volte-face, les yeux brillants. Il y a tellement choses que j'aimerai te montrer...! 

Diana lui sourit, heureuse qu'ils soient sur la même longueur d'onde. Puis, c'est au tour d'Alistair de lui demander d'une voix très basse :

— Est-ce que... ça veut dire... qu'on est amis ?

— Ça me paraît évident, non ?

Pour la première fois, Alistair acquiesce avec un enthousiasme marqué. Il bascule sur la pointe de ses pieds, presque sautillant sur place. Pourtant, c'est avec prudence qu'il reprend :

— Est-ce que... tu pourrais garder ça secret...? Je comprends que tu... tu aies envie d'en parler à tes amis... Mais...

— Mais...?

— Euh... Comment dire... Ça fait très longtemps... que je n'ai pas eu d'amis humains... qui soient encore vivants… alors je préférerai... qu'on soit que tous les deux... pour l'instant.

Diana n'est pas très bien sûre de comprendre. Elle suppose que c'est parce qu'Alistair est très timide et que trop d'un coup monde lui ferait peur. C'est dommage, parce que Georges et Sam sont très gentils (oui, même Sam) mais s'il ne veut vraiment pas... Et puis, avoir un secret rien qu'à elle, c'est aussi terriblement tentant.

— OK ! Promis, j'en parlerai à personne !

Avant qu'il n'ait le temps de la remercier, la porte s'ouvre à la volée. Sam en sort en courant, se jetant dans les bras de Diana.

— Diaaaanaaaaa ! pleure-t-il à chaud de larmes, J'ai cru que le fantôme t'avait tuée ! Bouhouhou !

Georges arrive à son tour, son beau visage défiguré par une expression inquiète.

— Est-ce que tu vas bien ? On était sur le point d'appeler ton pépé... Qu'est-ce qui s'est passé ?

Ouf ! Sauvée !

— Je vais bien, rassure-t-elle en prenant Sam dans ses bras. C'était une sacrée aventure, mais je vais bien !

— Qu'est-ce qui s'est passééé ? arrive à répéter Sam entre deux sanglots.

— Eh bien...

Diana cherche Alistair du regard, mais celui-ci a disparu. Elle reste un moment à regarder dans le vide. Sous l'impulsion du vent, les cheveux ayant réussi à s'échapper de ses couettes lâches lui caressent la joue. Ils n'ont même pas pu se dire au revoir...

— Qu'est-ce qu'il y a ? l'interroge Georges.

Tout en enlevant ses chouchous, Diana murmure qu'il n'y a rien. Puis, avec plus d'énergie, elle explique :

— En fait, y avait pas de fantôme, c'était juste un Ectoplasma.

D'expérience, les meilleurs mensonge sont ceux qui comportent un bout de vérité.

— Un Ectoplasma ! s'écrit Sam d'une voix suraiguë en sautant d'un bond.

— Hm... Ça explique beaucoup de choses...murmure son cousin en remontant ses lunettes rectangulaires. Allons discuter de ça à l'intérieur : il se fait tard et il ne vaut mieux pas déranger les voisins. Est-ce que tu veux un chocolat chaud ?

— Oh oui !

La porte se referme sur eux. La rue redevient déserte et noire. Mais pas silencieuse pour autant. Si vous tendez bien l'oreille, peut-être pourriez-vous entendre quelqu'un fredonner joyeusement dans le lointain…



Le peu de la nuit qu'il leur a resté, Diana leur a raconté un mélange de vérités et de mensonges pour ne pas trahir sa promesse. Dans cette version de l'histoire, il n'y a ni fantôme ni Alistair. Il n'y a qu'un Ectoplasma très farceur qui l'a ramenée saine et sauve jusqu'à chez Georges, expliquant comment ils en sont venus à l'entendre avant leurs retrouvailles.

De leur côté, après avoir réussi à rentrer, les deux garçons ont longuement paniqué lorsqu'ils se sont rendu compte que Diana ne revenait pas. Georges a essayé de contacter son oncle, sans succès. À contrecœur, ils ont appelé la police qui ne les a heureusement (ou malheureusement sur le moment) pas crus. Au lieu de recevoir de l'aide, ils se sont fait copieusement disputé pour leur "farce". Et pire encore : le policier leur a dit que même si c'était vrai, c'était bien fait pour eux !

— Les adultes servent vraiment à rien, a alors marmonné Diana en sirotant son chocolat.

Georges a bien essayé de les défendre, ça n'a pas empêché Sam et elle d'échanger un regard entendu sur ce qu'ils en pensent vraiment.

Le repos a été court, car Diana a promis à pépé de revenir vers midi. C'est donc avec des énormes cernes en plus que Diana se traîne jusqu'à chez elle. Vivement qu'elle retrouve son lit ! Le canapé de Georges est vraiment inconfortable. En plus, il ronfle ! Elle n'est pas prête de revenir de si tôt chez lui.

Tout à coup, en plein milieu du trottoir, Diana se fige.

Le livre ! Alistair a oublié de lui donner le livre !

Comment va-t-il faire pour le lui donner maintenant ? Et comment vont-ils pouvoir se retrouver ? Certes, elle lui a montré où elle habite, mais il va bien falloir que lui, il se montre ! Surtout qu'il y a toujours mémé à la maison... Faut-il qu'elle se rende à la bibliothèque pour le récupérer ? Rien que d'y penser, elle grimace. Elle aimerait ne pas avoir à y retourner pour le moment...

Un peu songeuse et contrariée, Diana se remet à trottiner jusqu'au petit immeuble. Pas d'ascenseur ici : il faut monter tout à pied. Les marches sont vieilles et grincent sous chaque pas de Diana ; certaines s'enfoncent et s'inclinent dangereusement vers le bas. Ayant l'habitude, la petite fille n'hésite pas à utiliser la rambarde en métal jaune pour se hisser. Le souffle un peu court, elle arrive enfin devant chez elle. Elle appuie sur le bouton circulaire ; juste après, pépé lui ouvre.

— Hmpf. Tu es arrivée à l'heure. Tout pile. Entre.

Diana essuie ses chaussures, nettoyées la veille, avant d'obéir. C'est au tour de mémé, en train de mettre la table, de la saluer :

— Bonjour mon Rozbouton ! Tu t'es bien amusée avec tes amis ? Hé là, quelle mine affreuse tu as ! ajoute-t-elle en se penchant vers elle, Vous, vous avez fait les filous toute la nuit !

— ... Peut-être pas toute la nuit... murmure Diana en évitant le regard perçant de sa grand-mère. Juste une... bonne partie ?

— C'est cela oui... On a eu ton âge aussi, ahaha !

— Ahaha... Oui...

Diana a parfois un peu de mal à s'en rendre compte. Il y a bien des photos de ses grand-parents quand ils étaient jeunes, mais comment dire ? Mémé semble détachée du monde, et pépé, lui, est toujours très rigide sur les règles qui n'ont parfois pas beaucoup de sens. Quant à maman...

Ses couverts sont mis, mais Diana a arrêté de se faire des illusions : elle ne rentrera pas avant cet après-midi. Plus le temps passe, et plus maman rentre à la maison tard. Plus le temps passe, moins maman joue avec elle. Plus le temps passe, plus maman se dispute avec mémé et pépé.

Plus le temps passe, et plus Diana se demande si les souvenirs qu'elle a avant que papa ne meurt ne sont pas qu'un rêve qu'elle a un jour cru vrai.

Son regard se décroche de la photo du salon où papa, maman et elle, sourient tous ensemble. Une vieille photo qui date de quand Diana avait 4 ans. Elle a été prise bien, bien avant que papa ne tombe malade...

— Qu'est-ce qu'on mange ? demande-t-elle à pépé.

— Du rôti à la sauce Tomato et aux carottes, déclare-t-il sobrement.

— Ouais !

Son enthousiasme lui arrache un sourire à son vieux visage ridé et austère. Pour autant, il n'hésite pas à lui ordonner d'aller se laver les mains avant de se mettre à table.

Le repas se passe en silence. Maman n'est pas venue. Sa chaise et son assiette restent vides.

Une fois son estomac bien rempli, Diana est allée dans sa chambre pour déposer ses affaires et faire une petite sieste. 
Et c'est là qu'elle le voit. Sur son petit lit à housse de couette à fleurs, le livre est là, l'attendant sagement.

— Mémé ? Y a quelqu'un qui est venu à la maison aujourd'hui ? demande-t-elle au seuil de sa chambre.

— Non, pourquoi ma chérie ?

— ... Pour savoir, répond-elle en s'approchant de son lit.

Elle s'installe dessus et contemple le livre. La couverture a un fond blanc cassé sur lequel repose le titre en lettres d'or "Histoire d'ailleurs et d'autrefois". Aux quatre coins de la première de couverture sont présents les protagonistes des différentes histoires, arborant des visages aux formes multiples. Humains et Pokémon, parfois entre les deux ou créatures complètement imaginaires, tous fixent attentivement le titre, formant une ronde tout autour de lui. Diana remarque alors un genre de marque page. Ni une ni deux, elle ouvre le livre pour découvrir l'intérieur. 

La jeune fille de Voilaroc et le monde de l'Autre Côté
Une jeune femme en tenue de fermière, accompagnée d'un petit Pokémon vert et blanc très mignon, illustrent la première page de l'histoire. Son regard retombe sur le marque page qui s'avère être un joli post-it mauve avec des autocollants Skelénox. Dessus, on peut lire :

Vendredi à minuit
Laisse ta fenêtre ouverte et je viendrai te chercher
— Alistair

PS : N'oublie pas tes chaussures !

Les yeux de Diana se relèvent vers sa fenêtre, encore entrouverte. Elle se glisse hors de son lit et part la fermer. Subitement, l'émotion éclate en elle et elle pousse un cri de joie en se jetant sur son oreiller. C'est comme dans Cendrillon et Peter Pan - sauf que c'est encore mieux car là, c'est vrai ! Et c'est elle l'héroïne ! Elle a tellement hâte de partir à l'aventure !

Et puis... peut-être... juste peut-être... Alistair pourra l'aider à faire revenir son papa. Ça ne doit pas être si terrible de vivre avec un fantôme, pas vrai ? Surtout que c’est papa. Alistair semble bien s'y être accommodé, alors pourquoi ne pourrait-elle pas le faire, elle aussi ? Elle est certaine que si elle parvient à expliquer à papa comment les choses se passent à la maison, il comprendra et il reviendra vivre avec eux. Et tout sera comme avant.

Pas vrai ?

D'ici là, elle commence sa lecture.

Il était une fois, une paysanne qui vivait à Voilaroc…


A... A comme "Affre".
Même maintenant qu'il n'est plus là, Ambre est encore angoissée. Plus tellement de lui... mais elle ne saurait dire de quoi.

D... D comme "Déranger".
Un détail qu'elle n'arrive pas à identifier. La présence d'Alistair. Son attitude singulière. Ses questions étranges. 

"Depuis quand travailles-tu ici ?"
"Où est-ce que tu habites ?"
"Est-ce que tu crois vraiment que tes amis seraient partis sans rien te dire ?"
"Est-ce que ça t'arrive de, parfois, te sentir vraiment très seule ?"
"Est-ce qu'on peut dire que c'était vraiment de l'amour ?"

E... E comme... "Effacée". 
Elle l'a toujours été de nature. Mais... Mais il est vrai que c'est d'autant plus vrai que maintenant. Elle a du mal à s'habituer aux nouvelles technologies, et ses collègues ne prennent même pas la peine de lui expliquer.

Ça lui donne envie de claquer la porte, et s'en aller pour de bon.

P comme "Partir".
Mais où ?

Les livres lui glissent des mains. Tout le monde est parti, sauf elle. Le monde a continué, sans elle. Elle...

F comme...

Elle n'est plus de ce monde depuis longtemps, n'est-ce pas ?

— Tu as compris maintenant.

Ce n'est pas une question. Ambre relève son regard sur le petit garçon, droit comme un i. Un rire brisé peine à s'échapper de sa gorge, retenu par les sanglots qu'elle se refuse de verser.

"Et dire que je pensais que c'était toi, le spectre... Tu l'as toujours su, n'est-ce pas ?"

Bien qu'Alistair se rapproche, il ne répond rien. Il s'agenouille face à elle pour arriver à sa hauteur, et ce n'est qu'à ce moment qu'il lui dit :

— Ça va aller maintenant... Le plus dur est passé. C'est un peu intimidant au début... Mais il n'y a rien à avoir peur. Je reste avec toi jusqu'à ce que tu te sentes prête, promet-il.

Son sourire est tremblant. Elle se sent un peu honteuse que ce soit un si jeune enfant qui la réconforte. Ne devrait-ce pas être son rôle à elle ?

"Merci... Eh... Si je puis me permettre... Pourrais-tu m'accorder une faveur ?"

— Laquelle ?

"Pourrais-tu... enlever ton masque ? Juste pour que je puisse me rappeler de ton visage..."

Alistair hésite. Il inspire profondément avant que sa réponse passe ses lèvres dans un souffle :

D'accord...

Ses mains passent derrière sa tête pour trouver le fermoir. Un petit cliquetis résonne dans l'immense salle vide. Enfin, il dénude son visage de sa main gauche, révélant ses traits ronds et enfantins. Ses cheveux noirs tranchent avec le teint laiteux de sa peau, illuminée tendrement par la lumière de la lune. Une petite moue triste tord ses lèvres pâles, s'accordant avec un regard mauve bien trop grave pour un enfant si jeune. Un petit grain de beauté orne le coin de sa bouche, mettant la touche finale à son portrait.

Ambre lui sourit, le remercie dans un murmure. Elle s'en souviendra de cet étrange petit garçon, se promet-elle. Puis, superposant ses poignets l'un sur l'autre contre son cœur, elle prononce :

"Baliyru, Baliyru… Pourquoi m’avoir promis un amour qui n’aura jamais vu le jour ?"

Et le temps d'un battement de cils, elle disparaît.

Alistair se relève, fixe l'astre passant au travers la fenêtre. Sa mission est accomplie, et la nuit est encore jeune. 

La bibliothèque est vide.

Vendredi arrivera dans deux jours.