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esPace de Ashenere



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Informations

» Auteur : Ashenere - Voir le profil
» Créé le 14/09/2022 à 21:35
» Dernière mise à jour le 14/09/2022 à 21:35

» Mots-clés :   Absence de combats   Kanto   Science fiction

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Chapitre 6
Ada resta seule dans le laboratoire. Même Nadzor et Madrek avaient fini par rentrer chez eux. Mais Ada était encore là. Serrant toujours Porygon2 contre son corps, elle fixait d'un regard éteint la PokéBall rose et la boîte violette posée sur son bureau, le CD d'Amélioration.

— Porygon, te souviens-tu de ton évolution ? demanda-t-elle brusquement.

— Affirmatif.

— Que ressentais-tu lorsque tu n’avais pas encore évolué ? Peut-être que tu n’avais pas les mots à l’époque, mais maintenant, tu les as.

— J’ai besoin d’analyser.

— Prends ton temps, souviens-toi du mieux que tu peux. Tu n’es pas obligé de faire des phrases, des mots suffiront.

Un moment passa tandis que Porygon2 se plongeait dans ses souvenirs, ses émotions et son dictionnaire. Puis, il égraina les mots.

— Espoir… Déception… Abandon.

— Qu’est-ce que tu espérais ? De quoi étais-tu déçu ? Pourquoi voulais-tu abandonner ?

— Pas moi. Vous espériez. J’avais peur de causer la déception. J’avais peur que l'on m’abandonne.
Malgré la froideur de la voix artificielle, Ada sentit les larmes recommencer à couler.

— Mon hypothèse était vraie alors. C’est à cause de nous. Tous ces sentiments négatifs ont modifié ton évolution. Certains Pokémon évoluent lorsque leur lien avec leur dresseur est assez fort, lorsque le bonheur les lie. Nous, c’est la peur qui nous liait. Nous avons forcé ton évolution alors que tu avais peur. C’est notre faute si tu ne voles pas.

Porygon2 ne répondit pas, ne bougea pas. Seules ses petites prunelles noires se levèrent vers Ada. Cette fois-ci, le doute n’était plus possible. Le soulagement était là, qui s’exprimait autant qu’il le pouvait à travers ce regard ivre de joie.

Ada, qui se perdait dans ces yeux, repensa à toutes les années dédiées à ce projet, à Madrek, à Nadzor, à son entretien d'embauche qui aurait pu lui valoir des ennuis, au bar, à Cramois'île, au volcan, à la mort qui s'était abattue autour d'elle. À ce qu'elle avait sauvé, en risquant sa vie : cette petite PokéBall rose. Elle prit sa décision et sut qu'elle ne la regretterait pas.

— Porygon. Veux-tu évoluer maintenant ?

— La mise à jour n’est-elle pas incomplète ?

— Elle n’a pas été testée. Certaines sécurités ne sont pas en place. C’est un risque à prendre. Mais, si ça fonctionne, tu auras enfin un corps qui te permettra de t’échapper d’ici. De vivre la vie que tu veux, d’aller où tu veux.

— Même dans l’espace ?

— Même dans l’espace. Je m’en fiche, je souhaite que tu sois libre, pas que tu deviennes une bête de foire ou un lave-vaisselle. J'aimerais réparer, au moins en partie, le mal que l’on t’a fait. Mais, je ne peux pas prendre la décision à ta place. C’est un risque. Peut-être que la mise à jour t’immobilisera à jamais. Peut-être qu’elle te rendra instable, ou que tu perdras la mémoire, ou que…

— Je veux évoluer.

Porygon2 l’avait interrompue. Il avait pris sa décision et lui non plus ne comptait pas la regretter.
La petite horloge sur le bureau d’Ada affichait cinq heures quatorze. Alors, elle prit le CD d’Amélioration, enleva la sécurité grâce à ses droits administrateurs, et tendit l’objet au Pokémon.

— Évolue Porygon2. Évolue et sois libre.

Une lumière vive envahit l’espace, semblable à celle qui l’avait illuminé trois ans auparavant. Cette fois-ci, Ada était seule dans la grande salle vide. La lumière semblait plus instable, plus sombre que la première fois. Le corps de Porygon2 se fondait, se transformait, se désagrégeait. Un dernier flash, et l’obscurité revint. Aveuglée, Ada mit un moment à recouvrer la vue. Avant même de voir Porygon, elle l’entendit.

— Ada, je vole ! Je sens que je peux voler aussi haut que je le veux ! Je me sens comme dans le cyberespace, libre, si libre !

Alors, elle vit enfin le corps de ce nouveau Porygon flotter devant elle. Il était complètement détraqué. Ses membres et sa tête flottaient sans attaches, autour de son torse ovale. Il ne cessait de gesticuler dans tous les sens, comme un mannequin articulé contrôlé par un marionnettiste fou. Ses grands yeux étaient devenus jaunes et la pupille noire y brillait toujours, au milieu d’un cercle sombre.
Ada sentit une sorte de vibration de l’air et il disparut. Comme ça, sans prévenir, sans qu’aucun mouvement ne soit perceptible, le nouveau Porygon s’était évaporé.




De sa cellule, Ada pouvait voir la Lune. Elle était pleine lors de l’évolution de Porygon. Elle était pleine ce soir. Ada avait été arrêtée peu après la disparition du Pokémon. La lumière de l’évolution avait alerté le gardien, qui, suivant les ordres, avait alerté les autorités pour expulser cette intruse. Les chefs d’accusation étaient vite devenus plus sérieux. Tentative de destruction de propriété (Porygon appartenant légalement à la Sylphe), destruction de documents classés secret défense (ses droits administrateurs lui avaient été bien utiles sur ce coup-là), entrave aux recherches (la mise à jour avait désactivé la balise GPS, oups) et mise en danger d’autrui. Porygon était, en effet, considéré comme dangereux et instable et activement recherché. Ada s’était contentée de sourire et d’acquiescer à toutes les accusations portées sur elle. Elle n’avait parlé que pour défendre le Pokémon.

— Ce Porygon3 est dangereux pourtant, le comprenez-vous, madame Antari ? lui avait demandé un des agents gouvernementaux.

— Il s’appelle Porygon-Z. Et non, il n’est pas dangereux.

— Porygon-Z ? Pourquoi ce nom ?

— Parce que c’est sa dernière évolution. C’est la dernière expérience que nous avons réalisée sur lui.

— Comment pouvez-vous être sûre qu’il ne représente pas un danger ?

— Parce que je le connais. C’est moi qui l’ai fait.

Ada avait souri en disant cela, et n’avait rien ajouté.




Le jour de son procès, on la fit sortir de la prison de Safrania pour la conduire au tribunal. Un attroupement de journalistes l’y attendait. “La scientifique folle qui a relâché un monstre dans la nature !” titraient-ils sans vergogne. Les flashs crépitaient et les questions fusaient tandis qu’Ada montait calmement les marches. Nadzor et Madrek l’attendaient en haut, prêts à l’accompagner dans cette journée difficile. Ada était sereine, elle n’avait que faire de ce que le monde pensait d’elle. Elle avait fait ce qui lui semblait juste, elle avait rendu Porygon heureux.

Une étrange vibration de l’air la sortit de ses pensées. Porygon-Z était devant elle. Le silence se fit autour d’eux, et une voix recommença à parler dans les écouteurs restés si longtemps silencieux.

— Ce n’est pas ton anniversaire, mais si j’ai bien compris la définition, on peut faire des cadeaux quand on veut. Je n’ai pas trouvé de boîte par contre.

Le petit Pokémon tendait une pierre étrange à Ada. Une pierre comme elle n’en avait vu que dans les livres.

— Porygon… Cette pierre… D’où vient-elle ?

— De la Lune évidemment.

Ada, incrédule, la prit dans ses mains, et sentit qu’il disait vrai. Il avait ramené une pierre lunaire. Enfin.

— Je suis désolé d’être parti sans te prévenir.

— Ce n’est pas grave, je comprends, tu avais attendu si longtemps.

— Oui, et je ne savais pas encore bien contrôler mes pouvoirs. Je suis parti trop loin, trop vite.

Ada ne comprenait pas ce qu’il voulait dire, mais elle n’eut pas le temps de l’interroger. Un des agents venait de lancer un filet sur Porygon-Z. Elle ressentit de nouveau une vibration de l’air et le Pokémon disparut. Madrek et Nadzor s’étaient précipités vers Ada. Elle leur tendit la pierre.

— Va analyser ça William.

— Mais Ada, le procès…

— Tu ne peux rien y changer, je vais être condamnée. Mais, cette pierre, elle risque de s’abimer si elle reste trop longtemps exposée à l’air libre. Je refuse que le cadeau de Porygon soit gâché.

William hésitant encore, Nadzor le poussa gentiment vers la pierre.

— Ne t’inquiète pas William, je reste avec Ada. Occupe-toi de cette pierre, c’est le symbole de notre victoire.

Madrek saisit le caillou et courut vers la Tour Sylphe, oubliant son âge. Il avait encore ses entrées dans le bâtiment et il put mettre l’objet en sécurité. Il invita tous les géologues du bâtiment à venir l’examiner, et lorsqu’ils eurent entendu d’où il provenait, aucun ne refusa. Bien vite, ils arrivèrent tous à la même conclusion. Ce morceau de roche était, sans aucun doute, d’origine lunaire.

La découverte fit tant de bruit que l’opinion publique changea bien vite d’avis. Que la Sylphe était ingrate d’assigner en justice celle qui s’était tant battue pour que ce jour arrive ! Porygon-Z n’était évidemment pas dangereux voyons ! Les questions d’éthique quant à la création d’une vie artificielle furent également de la partie. Madrek, Nadzor, et tous ceux qui avaient participé au projet, défendirent avec acharnement Ada et Porygon. Un journaliste parvint enfin à interviewer Ada. Elle lui parla, simplement, de son travail, et de ses discussions avec Porygon, de son envie d’être libre et de son mal-être profond. L’indignation se répandit et la Sylphe, qui tenait plus à son image qu’à Porygon-Z, finit par abandonner les charges et alla même jusqu’à proposer à Ada de la réembaucher. Ce qu’elle refusa. Durant toutes ces années, elle ne s’était consacrée qu’au projet esPace, qu’à son équipe et à Porygon. Il était temps qu’elle prenne du temps pour elle. Après toutes ces années, elle était libre, elle aussi.




— Madame Antari ?

Ada releva ses lunettes de soleil et considéra l’inconnue qui interrompait sa sieste sur une des plages idylliques d’Alola. Ses longs cheveux blonds cachaient en partie des yeux confiants et sa tenue blanche la faisait sembler lumineuse.

— C’est moi. Qui êtes-vous ?

— Je m’appelle Elsa-Mina, présidente d’une fondation scientifique d’Alola. Madame Antari, savez-vous que votre morceau de pierre lunaire a été analysé par des scientifiques du monde entier ?

— Ce n’est pas le mien, c’est celui de Porygon. Mais, oui, on m’a dit que Safrania se faisait envahir de géologues et d’astronomes en tout genre. Vous en faites partie ?

— Je ne l’ai pas vu personnellement, mais un membre de mon équipe a eu la chance de l’analyser. Nous n’avons pas encore divulgué nos résultats sur l’origine de cette pierre, nous devons encore les vérifier vu l’impact qu’ils risquent d’avoir. J’ai appris que vous étiez de passage dans notre région, et j’ai pensé que vous aimeriez être informée avant tout le monde.

Ada soupira en pensant aux paparazzis qui l’avaient suivi pendant de longues semaines. Elle pensait pourtant les avoir un peu semés.

— Qu’avez-vous découvert de si incroyable ? La pierre ne provient pas de la Lune ?

— Oh si, bien sûr, cette pierre vient de la Lune, sans aucun doute.

Elsa-Mina hésita un instant, avant de continuer.

— Mais pas de la nôtre.

— Pas de notre Lune ? Qu’est-ce que ça signifie ?

— Vous avez déclaré lors d’une interview, que lors des apparitions et disparitions de Porygon-Z, vous aviez ressenti une vibration de l’air.

— En effet, mais quel est le rapport ?

— Je vous ai dit que j’étais la présidente d’une fondation scientifique tout à l’heure. Il s’agit de la fondation Æther. En avez-vous entendu parler ?

— Vous étudiez les Ultra-Chimères c’est bien ça ? J’ai lu quelque chose à ce sujet un jour.

— En effet. Les Ultra-Chimères proviennent d’autres dimensions. Elles rejoignent notre monde à travers des Ultra-Brèches, des passages entre les mondes. Savez-vous ce que l’on ressent lorsqu’on se trouve à proximité d’une Ultra-Brèche qui s’ouvre ?

— Ne me dites pas…

— Eh si. On ressent l’air vibrer tout autour de nous. Votre Porygon-Z voyage à travers les dimensions. Cette pierre qu’il a rapportée appartient à la Lune d’un autre univers.

Ada ne répondit pas de suite. Elle fixa la mer, les vagues qui venaient s’échouer sur le sable, et la douceur de cette soirée l’enveloppa tandis qu’elle levait les yeux vers le ciel.

— Il voulait être libre, voler, explorer. Il a simplement réalisé ses rêves. Il est allé au-delà de tout ce que nous avions rêvé. Pas mal pour un échec n’est-ce pas ?