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esPace de Ashenere



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Informations

» Auteur : Ashenere - Voir le profil
» Créé le 09/08/2022 à 18:22
» Dernière mise à jour le 14/09/2022 à 21:26

» Mots-clés :   Absence de combats   Kanto   Science fiction

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Chapitre 2
INITIALISATION


MISE EN LIGNE DES SYSTÈMES BASIQUES


ACTIVATION DU SOUS-SYSTÈME VISUEL

ANALYSE PRÉLIMINAIRE…
Détection de multiples formes autour du système.
Analyse anatomique : Formes humanoïdes.
Analyse comportementale : Attitude non agressive.
Analyse supplémentaire : Paroi en verre, isolation physique détectée.

ACTIVATION DU SOUS-SYSTÈME AUDITIF

Sons détectés.
Analyse : respiration des formes humanoïdes, bourdonnement de machines.
Analyse supplémentaire : sons atténués, isolation sonore détectée.

— Prototype P. Est-ce que tu nous entends ?

MISE À JOUR DE L’ANALYSE AUDITIVE
Communication directe détectée.
Langage : dialecte de Kanto.
Analyse spatiale : source de la communication provenant de la forme humanoïde numéro 4.
Sujet : tentative de communication avec le système.

— Prototype P. Bouge la tête de haut en bas.

ACTIVATION DU SOUS-SYSTÈME MOTEUR

Action : Mouvement vertical de la partie supérieure du système enclenché
MISE À JOUR DE L’ANALYSE AUDITIVE
Cris détectés.
Sujet : satisfaction.

Comme le constatait le prototype P, malgré les recommandations de Madrek, des cris de joie avaient fusé lorsque la petite tête rose avait commencé à bouger. Même le chef du projet avait bien du mal à respecter ses propres règles. Il avait réussi. Après presque sept ans passés à la tête de ce projet, un Pokémon virtuel se tenait devant eux. Un rêve fou, qui allait les conduire à une autre folie : l’exploration de l’espace. Mais avant ça…

— Mes chers collègues, s’exclama-t-il après avoir réussi à attirer leur attention. Le prototype P est un succès ! Mais, pas encore un succès complet pour autant. Nous avons maintenant atteint la seconde phase du projet. Dans les prochaines semaines, il va falloir prouver au monde que cette petite créature est capable de survivre dans l’espace, de l’explorer et de revenir vers nous avec tout ce savoir inaccessible. Alors, au travail !

Ada, qui jusque-là avait gardé les yeux fixés sur son écran, leva les yeux vers la cuve en verre pour y observer la créature. Il ressemblait à une sorte de Canarticho. Ou peut-être à un de ces Couaneton d’Unys qu’elle avait vu dans un reportage. Mais, modélisé sur ordinateur, plein d’angles et de lignes droites. La seule partie ronde de ce corps trop droit, c'étaient les pupilles noires. Perdues dans des yeux blancs hexagonaux, elles mirent Ada mal à l’aise. Quelque chose d’autre la dérangeait : l’absence de respiration. Cette chose qu’ils avaient créée… Pouvait-on vraiment affirmer que c’était un Pokémon ?

Les jours suivants furent consacrés à l’exécution de tests élémentaires. On vérifia le bon fonctionnement du système visuel, auditif et moteur. Nadzor, d’excellente humeur après le succès du prototype, se baladait d’équipe en équipe, distribuant félicitations et promesses d’un avenir radieux. Sa bonne humeur culmina lorsqu’il entendit un des techniciens se plaindre que “prototype P, c’est un peu long quand même”.

— C’est un Pokémon ! Il lui faut donc un nom, s'était-il exclamé lorsque Madrek avait eu la malchance de croiser son chemin.

— Un nom ? Eh bien, c'est “P” son nom, avait-il rétorqué.

— Voyons Madrek, soyez sérieux un instant. Le projet est toujours secret à l’heure actuelle, mais pensez au jour où il ne le sera plus. Imaginez-vous le directeur de la Sylphe SARL annoncer au monde : “Voici P, grâce à lui nous allons explorer l’espace !” Allons, il nous faut quelque chose de plus sympathique, qui attire l’intérêt des gens et leur fasse ressentir ce que nous avons fait ici ! Nous avons créé la vie, pas un simple logiciel. C’est d’un nom dont il a besoin, pas d’un numéro de version.

Madrek se laissa convaincre par ce dernier argument. Ainsi, il fut décidé qu’un concours de nom serait organisé et que chacun pourrait proposer son idée. Nadzor, enthousiaste, s’occupa de tout, imaginant déjà les t-shirts et autres mugs “I Love Virtuamon” qu’ils pourraient vendre ensuite. Évidemment Virtuamon était sa participation au concours et il était persuadé qu’il allait obtenir l’approbation de ses pairs.
Ada, malgré l’anonymité du concours, n’eut aucun mal à reconnaître la proposition de Nadzor. Elle ne fut pas non plus surprise lorsque cette proposition arriva dernière avec une seule voix. Canarcub, KwaCode, Cubernaute ou encore Cybermon (celle-là aussi était de Nadzor) étaient parmi les propositions longuement débattues. Contre toute attente, c’est de Madrek que vint le gagnant.

— J’ai montré un dessin du prototype P à ma fille. Ils ont appris les formes en trois dimensions récemment, et elle a essayé de dire qu’il était composé de polygones. Elle s’est un peu mélangée les pinceaux et ça a donné Porygon.

La façon dont il racontait cette histoire, légèrement gêné de la partager, décida de nombreuses personnes à choisir sa proposition.

— Rien que pour le voir dans cet état à chaque fois qu’on lui demandera d’où vient le nom, plaisantaient-ils.

Ada s’était abstenue de participer au concours. Elle avait du mal avec cette idée de nom. Depuis le succès du prototype P, elle se sentait détachée de l’enthousiasme de ses collègues. Coder la vie, c’était la raison qui l’avait incitée à rejoindre le projet. Mais, ce qu’ils avaient créé, c’était une machine. Qui obéissait à un programme, sans jamais le dépasser ni le contourner. Pouvait-on réellement parler de vie ? Méritait-il vraiment un nom ?
Malgré ses doutes, elle ne quitta pas le projet. Au fil des années, elle était devenue un élément important de l’équipe et elle souhaitait voir les résultats de tout son travail. Elle s’occuperait de ses questions philosophiques lorsque le prototype… Enfin, lorsque Porygon, serait de retour avec un rocher lunaire.

Les tests des systèmes élémentaires se terminèrent au bout de plusieurs mois. Il avait fallu faire quelques ajustements, régler des bugs, corriger certains comportements. Mais, Porygon était stable, répondait correctement aux stimuli extérieurs et aux ordres.
Enfin, vint l’épreuve de l’envol. Jusque-là, on avait testé la fonctionnalité de vol de Porygon sur de courtes distances, et surtout pas plus de quelques centimètres en hauteur. On voulait d’abord s’assurer que tout le reste fonctionnait correctement avant de s’attaquer à l’une des fonctionnalités les plus importantes. Porygon allait devoir s’envoler à une hauteur beaucoup plus importante pour pouvoir réaliser son objectif. Bien sûr, il n’était pas question de l’envoyer directement dans la stratosphère. Alors, on commença à augmenter les distances : cinquante centimètres, un mètre, trois mètres, cinq mètres et soixante-cinq centimètres. C’est à ce moment-là que l'on atteignit le plafond de la plus haute salle du Laboratoire.
S’ensuivit alors une discussion animée entre Madrek et Nadzor, l’un insistant qu’il était temps de sortir Porygon du Laboratoire et d’effectuer des tests à l’air libre, l’autre effrayé par la possible perte du prototype.

— Imaginez s’il tombe dans l’eau ! Ou dans le volcan ! Ou dans les mains d’un membre de cette fameuse Team Rocket qui nous avait attaqués, il n’y a pas si longtemps !

— Enfin Nadzor, le projet esPace a pour but d’explorer l’espace ! Comment comptez-vous vous y prendre si Porygon reste enfermé entre quatre murs ? Vous allez lui construire un ascenseur fermé jusqu’à l’exosphère ? Nous avons le code de Porygon, perdre l’exemplaire que nous avons devant les yeux n’a aucune importance, nous n’avons qu’à en compiler un nouveau. Ensuite, pas de rétro-ingénierie possible, il est protégé par nos meilleurs experts en cybersécurité. Personne ne remontera au code original.

Il fallut encore insister un peu, mais Nadzor finit par se laisser convaincre, tout en insistant qu’il ne prendrait en aucun cas la responsabilité d’un quelconque échec. Sans hésiter à recevoir les lauriers d’un succès, pensait Ada derrière un sourire compatissant lorsqu’il venait se plaindre de l’inconscience de Madrek. Il fut décidé que le premier test à l’air libre aurait lieu dans une clairière de la forêt entourant le volcan. Le terrain appartenait à la Sylphe SARL, et Porygon y fut emmené dans sa PokéBall, testée quelques jours plus tôt. La sphère avait été peinte en rose et bleu pour que l'on puisse facilement l'identifier, mais, à part ça, c’était une PokéBall classique. On la déclencha au centre de la clairière et Porygon en sortit. Tandis que sa tête tournait lentement, Ada guettait sur son écran les observations de la créature. Il détecta correctement les différents scientifiques (qu’il était à présent capable d’identifier et de nommer) puis se bloqua. Ada ajouta les mots “arbres”, “herbe” et “ciel” à son dictionnaire et il put terminer sa reconnaissance des lieux. Alors, on procéda aux dernières vérifications, on s’assura que le système de retour automatique était opérationnel et quelques vols furent effectués avec des altitudes croissantes.
Enfin, sous la direction de Madrek, on lança l’expérience. Porygon s’éleva à une vitesse constante, sa tête bien droite. Les capteurs posés sur son corps, ainsi que ses propres capteurs internes, transmettaient son altitude et d’autres données, comme la pression atmosphérique, la température, la force du vent…
Dans la clairière, on pouvait entendre les feuilles bruisser. Nul ne parlait, tous avaient les yeux fixés sur cette petite tache rose qui disparaissait peu à peu. D’autres, comme Ada, ne fixaient que leurs écrans, les nombres qui changeaient, les paramètres vitaux qui restaient dans la norme.

— Sept-cent-cinquante-huit mètres, annonça Madrek après quelques minutes. Il a atteint le sommet du volcan.

Nadzor sautillait de joie. Il n’avait pas osé regarder les écrans et avait passé tout son temps à imaginer l’excuse qu’il allait devoir fournir lorsque le prototype le plus précieux de la Sylphe SARL allait inévitablement être porté disparu. À présent, il prenait Madrek dans ses bras en insistant sur son génie et sa gestion incroyable du projet.

— Faites-le monter plus haut ! Atteignez les mille mètres, ça fera un joli chiffre à annoncer !

— L’expérience était prévue pour 758 m, pas un de plus.

— Allons Madrek, qu’est-ce que trois cents… deux-cents… quelques centaines de mètres pour ce prodige que vous avez créé !

Pour une fois, les autres se rangèrent du côté de Nadzor et se mirent à plaider leur cause comme des enfants. Ils sont trop mignons, se dit Ada que la situation amusait beaucoup. Elle avait réussi à se défaire de son malaise et se laissa emporter par l’enthousiasme de ses collègues lorsque Madrek accepta enfin.
On transmit l’ordre à Porygon de monter. Il monta, monta, monta et…
Il atteignit sans problème les mille mètres.
On était encore bien loin de sortir de la troposphère, cette couche où se déplaçaient les avions et qui culminait à près de 12 km d’altitude. Il faudrait encore des centaines de kilomètres de plus pour sortir de l’atmosphère terrestre. Mais, Porygon volait, il était à mille mètres d’altitude et l’avenir était radieux. La valeur de l’altimètre chuta brusquement. Ada se jeta sur son clavier pour prendre le contrôle, tandis qu’un matelas gonflable était positionné en toute hâte au centre de la clairière. Porygon y tomba sans trop de violence, et y resta : bloqué sur le dos, son regard toujours vague scrutant ce monde inversé.

— Que s’est-il passé ? s’écria Nadzor, paniqué.

— Un choc, répondit Ada, observant le journal de bord. Il a été percuté par quelque chose. Je récupère les dernières analyses visuelles…

Une image se dressa sur l’écran : un Békipan, au regard niais, qui volait lourdement, semblant sortir d’un repas un peu trop ambitieux.

— Donc il est tombé parce qu’il s’est fait pousser par un gros Békipan ? demanda Nadzor incrédule.

Il se mit à rire, tandis que cette image grotesque s’imposait à toute l’équipe et tous, tandis que la peur s’évanouissait, le rejoignirent dans son éclat.
Ada et Madrek ne riaient pas. Ils fixaient la créature échouée sur le matelas gonflable, seuls, pour l’instant, à réaliser que cette expérience amusante venait de révéler un vrai problème.

Porygon n’avait pas réagi.